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littérature, traduction - Page 13

  • Revue Incognita, Bruno Doucey

    incognita.jpgParaît ce mois le troisième numéro de la revue Incognita (avec, à sa tête, Luc Vidal, directeur de la publication et Pierrick Hamelin, rédacteur en chef), publiée par les éditions du Petit Véhicule, un numéro consacré, entre autres choses, au travail et à l'oeuvre de Bruno Doucey, poète, écrivain, éditeur. Le dossier approfondi débute sur un entretien, dans lequel le poète retrace son parcours, parle de son rapport à l'écriture et à la poésie, de résistance, liée à la lutte de Victor Jara (à propos duquel il a signé cette année un roman dans la collection "Ceux qui ont dit Non" - Actes Sud Junior), et aborde son activité d'éditeur chez Seghers, en continuité avec l'écriture poétique telle qu'il la conçoit : "Ecrire, publier de la poésie : un même acte de résistance, une même réponde apportée à la détresse humaine (...) Changer le monde ou changer le regard que nous portons sur le monde : dans les deux cas, j'assigne à la littérature le rôle de faire bouger les choses."

    A propos de l'écriture elle-même, plus précisément du processus qui mène à la création, il répond : "Avant de prendre la plume, une même attitude s'impose : il faut donner du temps à l'impression d'arriver et d'entrer, ouvrir son esprit aux effets qu'elle produit et s'en laisser pénétrer." Les textes qui suivent rendent hommage à l'oeuvre, par le biais de témoignages, de poèmes et d'analyses fouillées qui dévoilent les différentes facettes (et il y en a !) du créateur.

    D'autres richesses composent ce numéro, que l'on recommande vivement (est-il besoin de le préciser ?), dont un entretien avec Jean-Pierre Engelbach, directeur des éditions Théâtrales depuis leur création en 1981, un texte d'Alain Kewes, responsable des éditions Rhubarbe, dans la rubrique "Un éditeur à son auteur" ou encore un article portant sur le travail de Pascal Bouchet, collagiste.

    Incognita n° 3, juin 2008
    ISBN : 9782842736620
    nombre de pages : 152

    La Revue
    www.petit-vehicule.asso.fr/revues_02.php?id_revue_titre=58

    La maison d'édition
    http://www.petit-vehicule.asso.fr/
    que l'on peut aussi retrouver ici
    myspace.com/editionsdupetitvehicule  

    Les éditions du Petit Véhicule publient aussi les Cahiers d'Etudes Léo Ferré, dont Jocelyne Sauvard parle ici www.sitartmag.com/leoferrevidal.htm

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  • De l'éphémère - Land art / Andy Goldsworthy

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    Beech leaves collected only the deepest orange from within the undergrowth protected from sunlight unfaded each leaf threaded to the next by its own stalk - Hampstead Heath, London - 26 December 1985

     

     

     

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    Frozen patch of snow each section carved with a stick carried about 150 paces, several broken along the way began to thaw as day warmed up - Brough, Cumbria - March 1984 

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    Sycamore leaves stitched together with stalks hung from a tree
    Glasgow, Lanarkshire - 1 November 1986

     

    source
    http://www.goldsworthy.cc.gla.ac.uk/

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  • Chroniques des temps obscurs

    1552422501.jpgÀ paraître en juin 2008

    Chroniques des temps obscurs - Tome 4 : Le banni
    de Michelle Paver, traduit de l'anglais par B. Longre
    Hachette roman jeunesse.

    Il y a 6000 ans... quelque part dans le nord de l'Europe. Torak est banni du clan des Corbeaux à cause du tatouage dessiné sur sa poitrine, celui d'un Mangeur d'Âme. Condamné à porter ce fardeau en fuyant toujours plus loin dans la Forêt, Torak est seul au monde et tente de survivre. Mais son amie Renn n'a pas l'intention de l'abandonner à son sort...

    Michelle Paver, de mère belge et de père sud africain, est née en Afrique centrale où elle a vécu toute son enfance. De ses voyages dans les montagnes des Carpathes, en Norvège, en Finlande, en pays lapon, elle a rapporté une étonnante expérience de la nature sauvage.

    http://www.michellepaver.com/

    http://www.torak.info/

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  • Tentatives & projets...

    1881847722.jpg

    Je redécouvre Thibault de Vivies par le biais d'un de ses textes publié sur Publie.net : Tentative de pourquoi j'ai toujours si mal à la tête, un monologue percutant composé de tirades plus ou moins longues, une ponctuation économe, des phrases saccadées qui se déroulent et se percutent dans l'esprit d'un narrateur déboussolé, pour rebondir dans l'esprit du lecteur. L'auteur crée une voix déstabilisante, celle d'un individu dont il est difficile de cerner la personnalité et la nature, et qui tâche de mettre de l'ordre dans sa vie et ses pensées, d'appréhender le monde qui l'entoure et d'y survivre - des tentatives au prime abord déstructurées et tâtonnantes et qui font pourtant peu à peu sens et s'inscrivent dans une démarche introspective cohérente, que chaque lecteur reconstruira comme il l’entend. On se laisse porter par la succession et l'enchevêtrement de mots, à la découverte d'un univers intérieur atypique et d'un parcours bouleversant. Un texte étonnant que je recommande vivement.

     

    Présentation, extrait et achat en ligne http://www.publie.net/tnc/spip.php?article84

     

    Le site de l'auteur http://www.tentatives-lesite.net/ 

    Son premier roman, Me suis fait tout seul, publié en 2002 par les éditions Pétrelle, est réédité par les éditions Jets d’encre. Je l'avais lu lors de la première édition.

    931843450.jpgMe suis fait tout seul est là encore un monologue, ou plutôt un dialogue entre un homme brisé, "une sale gueule", et un monde sourd à ses appels, le dialogue entre le désespoir et l'indifférence. Cet homme que la société a mis en marge se raconte avec lucidité, en sachant qu'au fond, il ne s'en sortira pas, que ses tares psychologiques et ses déviances ne lui laisseront pas de repos. Il commet un crime sexuel et se retrouve pour quelques années en prison, sans que ses troubles psychiques soient un instant pris en compte, ou tout du moins, qu'une tentative de traitement se mette en place. Il en ressort tout aussi désaxé, convaincu que sa réintégration sociale est impossible. Ainsi, il traîne sa liberté toute neuve comme un boulet, et, désemparé, il la reçoit comme une autre forme d'enfermement.
    Son errance l'entraîne à devenir l'homme à tout faire dans un sinistre bordel, où il se sent bien un temps, mais qu'il quitte un jour, "vers de nouvelles aventures". En réalité, son existence sans but est motivée par un déphasage psychologique constant, routinier, et les pérégrinations qu'il nous conte là sont poignantes d'ironie dramatique : l'on y ressent une pointe de sarcasme, qui vise surtout les autres hommes et leur "monde terrible" et une bonne dose de dégoût, que le narrateur retourne le plus souvent contre lui-même.
    Thibault De Vivies a d'abord écrit pour le théâtre et publiait là son premier roman, mais on y ressent à chaque instant les influences de l'écriture dramatique : chaque chapitre semble fonctionner comme un tableau et le style spontané, où une certaine poésie perce par endroits, est totalement oralisé, sans tabous ni pudeur ; un texte brut qui paraît destiné à être lu à haute voix, voire joué sur scène, même si là n'était pas l'intention de l'auteur, qui disait : "J''essaie de mettre de côté, pour un temps du moins, le théâtre, et de me recentrer sur ce que j'ai à exprimer en utilisant l'écriture romanesque où je me sens pour le moment plus libre".
    (B. Longre)

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  • Un article de Madeline Roth

    A lire dans Citrouille, revue des libraires jeunesse, un article de Madeline Roth.

    Pas Raccord de Stephen Chbosky, Traduction B. Longre, Exprim', Sarbacane - 10,50 €

    4234775.jpg« Tout ce que j'aimerais, c'est que Dieu ou mes parents ou Sam ou ma sœur ou n'importe qui d'autre me disent simplement pourquoi je suis pas « raccord ». Qu'ils m'expliquent ce qui tourne pas rond chez moi. Qu'on me dise juste comment être différent d'une façon qui soit logique. Comment faire partir tout ça. Le faire disparaître. Je sais que c'est pas une bonne idée : c'est mon problème à moi et je sais qu'avant d'aller mieux, les choses sont toujours pires (comme dit mon psy), mais là c'est trop de pire à supporter ».
    Je m'étais pourtant dit que je ne rédigerais plus de critiques à la première personne. Mais impossible. Pas raccord traîne depuis des semaines sur la table, tout corné, et j'ai beau chercher les mots, je pense qu'il n'y en a sans doute pas de plus forts que ceux-là : j'ai fini le livre en larmes, en vraies larmes.
    Charlie vient d'entrer au lycée. Le texte s'ouvre sur une lettre qu'il écrit à quelqu'un qu'il ne connaît pas. Prétexte à un journal intime, mais adressé. La première page, déjà, je l'ai cornée : « Il faut d'abord que tu saches que je suis à la fois triste et heureux, et que j'ai toujours pas compris comment ça se fait ». On suit Charlie pendant un an. Au début, je ne comprenais pas vraiment. Et puis – je ne sais pas où – un déclic se fait et le livre devient impossible à quitter. Pas raccord est un « roman d'apprentissage » : en vrai ça veut dire que Charlie grandit. Il apprend l'amitié, l'amour – et la différence entre les deux – , il découvre la sexualité, les fêtes, la drogue, la musique, les livres et… la violence. La violence inouïe qu'il y a à se retrouver seul avec soi.
    1444236797.jpgL'épilogue dénoue beaucoup de choses. Je pensais – évidemment – à L'Attrape-cœurs, de Salinger, mais aussi au Bizarre incident du chien pendant la nuit, de Haddon, pour cette écriture verbale, heurtée. Cette naïveté propre à l'adolescence, cette innocence qui « ouvre » Charlie à la vie en même temps qu'elle l'enferme dans des choses inavouables. Pas raccord est le premier roman de Stephen Chbosky, écrivain, éditeur, scénariste et réalisateur new-yorkais qui milite activement pour la défense des droits des homosexuels. Livre culte aux Etats-Unis, il est l'un de ces textes rares qui donnent – je l'espère – la vie comme elle est : la morsure du vent à la sortie du tunnel. « J'ai décidé d'être la personne que je suis vraiment. Et je vais essayer de trouver cette personne ».

    Madeline Roth, L'Eau Vive

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  • Genèse du personnage, entre histoire et fiction.

    Tu signais Ernst K. de Françoise Houdart
    Ed. Luce Wilquin

    Que sont véritablement Juliette, Laura, Emma et (surtout) Ernst, quelques-uns des protagonistes de cet admirable récit romanesque ? Quel rôle ont-ils réellement joués dans les drames que dépeint, en les réinventant souvent, l’écriture riche et sonore, aux nombreuses embellies métaphoriques, de Françoise Houdart ? Des personnages de papier, c’est une certitude, mais leur statut n’en reste pas moins indéfini, car rarement on aura vu des créations littéraires prendre corps et se faire chair à ce point ; tout particulièrement Ernst K., jeune recrue de l’armée allemande qui logea chez l’habitant (en l’occurrence dans la maison de Juliette et de sa fille Laura) durant près de dix-huit mois, entre 1917 et 1918, comme tous ces soldats pour lesquels l’armée réquisitionnait des logements en Belgique occupée.

    1871238979.jpgLa romancière avoue ses incertitudes dès le début, s’adressant au personnage éponyme, qui fut aussi un homme dont il ne reste que peu de traces : « A ce stade de ma recherche, j’ignore encore pourquoi je te poursuis ; pourquoi j’instruis ton procès d’existence en te supposant tel qu’il faudra que tu sois en mes hypothèses d’auteur et mes propres conviction. (…) Tu as laissé derrière toi un message crypté dont j’ai entrepris de pénétrer le mystère. » La fascination que la romancière éprouve, et réitère tout au long du roman, pour Ernst K., rappelle en partie une autre vaste entreprise littéraire entre imagination, réinvention et réalité historique – celle que Bernado Carvalho relate dans Neuf nuits. Les deux récits, de même que les deux hommes qui les ont inspirés (Ernst K. et Buell Quain, anthropologue américain), n'ont que très peu de choses en commun, hormis l’obsession qui s’est emparée de deux écrivains (l’une belge, l’autre argentin) et qui les a incités à composer des romans fiévreux, tenant autant de la fiction que de la quête personnelle. Tandis que Bernado Carvalho avait en main quelques photos, des lettres, des archives et des témoignages (incertains), Françoise Houdart, pour creuser le cas « Ernst K.» a dû se contenter d’un petit carnet de dessins et des souvenirs éparpillés d’une vielle dame – Laura, la petite qui avait huit ans en 1917, quand le jeune Allemand pénétra pour la première fois dans la maison de Juliette.

    Indices ou mirages ? Peu d’éléments en tout cas pour mener l’enquête, à la fois dans la réalité historique de la première guerre mondiale (des événements à grande échelle) et dans une reconstruction semi imaginaire qui s’intéresse de tout près à l’humain et aux souffrances endurées individuellement en ces temps de tourmente – les pénuries, les arrestations, la tyrannie et l’arbitraire qu’un commandant fait régner dans le village (comme c’était la règle), la peur et le froid qui s’insinuent au plus profond des êtres. Il y a aussi Eduard, l’ami d’Ernst, qui écrit à sa femme Emma : « La guerre, elle pourrit l’âme en dedans. » ; Emma, la femme ennemie, que l’on apprend à connaître lors d’une permission accordée à Ernst, et qui subit des épreuves similaires à celles de Juliette, la logeuse belge d’Ernst – des destinées étrangères l’une à l’autre et pourtant parallèles, qui se rejoignent implicitement quand toutes deux perdent leur mari et qu’Ernst prend soin des deux femmes, avec discrétion et compassion.

    On retient l’ardeur avec laquelle la romancière construit son enquête, retraçant les déplacements d’Ernst (probablement chauffeur du commandant) en s’appuyant sur les dessins du carnet – qui représentent des châteaux, des demeures anciennes ou des paysages des alentours – un travail topographique de taille, qui va de pair avec la documentation historique. Cette ardeur, on la retrouve dans la précision stylistique, qui ne souffre aucun défaut, et dans la volonté de la romancière de mettre en mots ses doutes – pour ensuite les chasser afin de poursuivre son œuvre de reconstruction fictive.

    Il reste au lecteur de démêler les fils d’un récit hybride et palpitant, génériquement inclassable, entre Histoire, mémoire et imaginaire - l’histoire, principalement, de la micro guerre de Juliette et de son époux barbier, de l’« occupant » qui leur a été imposé jusque dans l'intimité de leur propre maison – ce jeune homme qui refuse pourtant d’être assimilé à l’armée allemande et à ses exactions. Tu signais Ernst K. est une œuvre imposante qui s’attache, paradoxalement, au quotidien d’un petit nombre de gens ordinaires – une vieille femme qui meurt d’épuisement, un vicaire résistant, agent secret, un barbier maladroit, des enfants qui travaillent sans relâche pour faciliter le quotidien de leurs parents, une cuisinière généreuse, quelques notables pris au piège de l’occupation ennemie, des délateurs (encouragés par les occupants) et des foyers détruits par les déportations de travailleurs vers les mines ; et aussi un soldat « à la périphérie de l’horreur », que ses supérieurs n’ont pas encore envoyé au front, et une romancière fascinée, qui crée ce personnage pivot et fuyant tout à la fois, qu’elle utilise pour explorer le processus créatif tout en prenant conscience de l’emprise qu’il a sur elle, et de ses difficultés à le maintenir dans un cadre fixe et programmé : « Ainsi es-tu devenu un être doué d’existence. J’écris ces mots (…) et ceci me paraît pléonastique. Existeraient-ils des êtres qui ne possèdent pas le don d’exister ? Mais à la réflexion, es-tu un « être », toi ? (…) De toi, Ernst, j’ai la profonde certitude que cette potentialité d’exister hors de ton contexte romanesque émane de ta seule volonté. (…) Tu n’étais qu’un nom écrit au crayon sur la première page d’un carnet de dessins (…) Je l’ai lu, je l’ai dit, et tu es devenu quelqu’un. »
    (B. Longre)

    http://www.wilquin.com/

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  • Du nouveau sur Jibrile

    1587524871.jpgJibrile, revue de critique littéraire et politique, est dirigée par Frédéric DUFOING (philosophe et politologue) et Frédéric SAENEN (Agrégé en langues et littératures romanes, auteur et critique - entre autres pour Sitartmag... quelle chance !), depuis mai 2003, à Liège. Au sommaire, "analyses de fond et parole pamphlétaire, argumentation cohérente et implication personnelle".

    http://www.revuejibrile.com/

    On pourra lire deux ajouts récents : une rencontre avec Célia Izoard, à propos de l'ouvrage collectif "La Tyrannie technologique" (Éditions L’Échappée) et une série de "kinochroniques" signées Frédéric Dufoing.

    Pour découvrir plus avant la revue, on se reportera à cet article.

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  • Ange ou démon...

    1775849530.jpgLes ogres pupuces
    de Guillaume Le Touze, illustrations Julien Rancoule
    Actes Sud-Papiers, collection Hekoya jeunesse, 2008

    Les ogres pupuces, petites boules de poils imprévisibles découvertes par le Professeur Sebastianovitch, vont enfin quitter leur incubateur afin d’être adoptés par des enfants (les jeunes spectateurs en personne). Mais leur nature véritable (angélique ou diabolique – d’où l’oxymore que l’on décèle dans leur appellation) reste incertaine… On sait seulement qu’ils ont besoin d’un bon dosage d’amour et de rire pour ne pas se transformer en créatures sanguinaires ! Les personnages pittoresques (une interprète amoureuse, une chercheuse vouée corps et âme à la science, un nain capable d’apprivoiser les ogres pupuces, sans parler de Sebastianovitch, quelque peu paranoïaque) présentent tour à tour les créatures aux futurs adoptants, quand une erreur de manipulation provoque la fuite des petites peluches.
    L’interaction entre le public potentiel et les protagonistes fonctionne parfaitement, même sur la page, et on appréciera l’inventivité débordante du texte, aventure scientifico-fantaisiste décalée qui rejoint d’autres quêtes imaginaires, les illustrations (crayonnés, esquisses en couleur, parfois destinés à accompagner les délires scientifiques de Sebastianovitch) jouant un rôle essentiel dans la mise en place de cet univers. Comme les autres ouvrages de la collection Hekoya jeunesse, un soin particulier a été apporté à la mise en page, une façon d’inciter les jeunes lecteurs à lire la pièce seuls, comme ils iraient ouvrir un roman. (B. Longre)

    Cet article a paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 240 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, avril 2008).

    http://www.actes-sud.fr/

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  • Quand tombent les masques

    1502748721.jpgMascarade de Sacha et Nancy Huston 
    Actes Sud Junior, collection poche théâtre, 2008

    Un loup, une chèvre… jusqu’ici, on se trouve en terrain connu. Mais quand s’engage le dialogue (véritable quiproquo dû à des confusions lexicales et phonétiques), que tombent les masques et qu’apparaissent successivement d’autres protagonistes (dont un rappeur et un psychanalyste…), on comprend qu’aux mains des auteurs (mère et fils), la base du conte risque de subir quelques détournements. La scène initiale devient scène de ménage puis scène de séduction, et ainsi de suite. Ludique (autant au niveau langagier que scéniquement), Mascarade propose des dialogues vifs, des altercations rythmées, au fil des transformations parfois surprenantes. Par le biais de références que seuls les adultes reconnaîtront, sans pour autant devenir des obstacles de lecture pour les plus jeunes (pas avant le collège, semble-t-il, contrairement à ce qui est proposé par l’éditeur), le texte présente plusieurs niveaux de lecture qui enrichissent le propos, évoquant en filigrane l’idée d’une quête identitaire sans fin – en écho avec les mots du loup (« où vais-je ? D’où viens-je ? Qui sois-je ? »…) – et la notion que les masques métaphoriques que nous revêtons et les méprises qui s’ensuivent sont le lot commun. (B. Longre)

    Cet article a paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 240 de  La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, avril 2008).

    http://www.actes-sud-junior.fr/

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  • Les auteurs s'expriment...

    Deux nouveaux blogs d'auteurs découverts ces temps...

    D'abord, celui d'Anca Visdei, dont le dernier roman, L’exil d’Alexandra, vient de paraître chez Actes Sud (un article en ligne ici). Anca est écrivain, dramaturge et metteur (metteuse ?) en scène - une trentaine de pièces à son actif, publiées et jouées en France et à l’étranger.

    http://ancavisdei.blogspot.com/

    Vient ensuite Fabrice Vigne (que l'on ne présente plus - du moins sur ce blog...!) qui a ouvert Le Fond du Tiroir : autre ton, autres livres, autres projets mais toujours une finesse d'esprit appréciable. On ira lire entre autres la page intitulée "Ecrire d’une main, allaiter de l’autre" (deux actes nullement incompatibles selon lui) et on découvrira quels livres "déforment ses poches".

    http://www.fonddutiroir.com/blog/

    D'autre blogs, d'autres univers...

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  • Rester soi

    311272372.jpgAlice pour le moment de Sylvain Levey
    Ed. Théâtrales jeunesse, 2008

    Toute jeune fille fantasque, discrète et rêveuse, Alice, « observatrice du monde », sait glaner un peu de bonheur dans d’infimes détails – malgré sa solitude, son sentiment d’exclusion, les « garçons » anonymes (et interchangeables) qui la raillent ou sa difficulté à accepter le nomadisme de ses parents immigrés. Elle affirme être « une solitaire heureuse et volontaire » et se plie, sans aigreur, aux changements de décor successifs, dans un monde où l’important est de « rester soi ». À peine s’est-elle fait une amie que la famille part s’installer plus loin, au gré des petits boulots du père saisonnier. Et quand elle rencontre Gabin et commence à s’habituer à ses baisers, il faut repartir, encore. Le transitoire, le provisoire et l’instabilité sont ici source d’inspiration et les premiers émois adolescents s’inscrivent dans une poésie limpide, dont la simplicité de surface est à l’image de la jeune Alice, narratrice, récitante et fil conducteur du récit rétrospectif : «transparente » pour les autres mais riche et dense vue de l’intérieur. (B. Longre)

    http://www.editionstheatrales.fr

    Cet article a paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 240 de  La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, avril 2008).

    1785777249.2.jpg
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  • Titre à rallonge...

    Faire l'amour est une maladie mentale qui gaspille du temps et de l'énergie... Ce n'est pas moi qui le dis, mais Fabrice Melquiot - c'est ainsi que s'intitule l'une de ses dernières pièces, publiée par L'Arche Editeur, et dont je parlerai (après Tasmanie ou Je peindrai des étoiles filantes et mon tableau n’aura pas le temps - autre titre volontairement long).

    D'autres titres à a rallonge ? Me vient à l'esprit Le garçon qui ne pouvait pas voir les livres en peinture, d'Ellen Willer (L'école des loisirs), que je recommande vivement. D'autres idées... ?

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  • Publie.net, comment ça marche ?

    731420051.jpgSe passer du livre papier ? Inconcevable... (ce qui n'engage que moi) pour diverses raisons déjà évoquées ; en revanche, il m’arrive de lire des pdf sur écran (de plus en plus souvent), dont certains ouvrages diffusés sur publie.net.

    Publie-net ? Une nouvelle façon de publier qui se met peu à peu en place, rassemblant édition, diffusion, distribution dans un seul et même espace… Une initiative éditoriale née sur une idée de François Bon, qui orchestre le tout (avec l’aide de quelques bonnes volontés) et qu’il nomme « une coopérative d’auteurs pour le texte numérique contemporain ». Ces derniers se regroupent afin de proposer certains de leurs textes (des inédits, des épuisés, des parutions parfois éparpillées dans différentes revues, etc.) à télécharger pour des sommes modiques (de 1,30 à 5,5 €), dont 50% leur est reversée – une « juste rémunération » (une fois n’est pas coutume). Un projet dont on se réjouit et qui mérite le soutien du monde littéraire... en tout cas de la "communauté virtuelle ".

    849361591.jpgFrançois Bon précise qu'il n'est pas question de s'opposer à l'édition classique, mais de proposer une démarche complémentaire qui permette "d'investir directement, en tant qu’auteurs, un nouveau champ de partage. D’installer dans l’univers numérique non seulement l’instance critique qu’est dès à présent, via quelques sites et blogs d’exigence, la communauté virtuelle, mais notre travail de création lui-même. S’approprier la mutation actuelle des outils et supports pour que la littérature contemporaine – simplement – y conserve sa place de laboratoire, de repère."

    1589950451.jpgDans ce laboratoire en pleine éclosion et en constante évolution, on trouvera des récits, des fictions et de la poésie, des essais critiques et de recherches texte-images, aux côtés de quelques textes fétiches de la bibliothèque numérique, choisis et mis en page par publie.net. Une belle variété, donc. Dans l'atelier des écrivains, on lira des textes signés Eric Chevillard, Régine Detambel, ou encore Jacques Roubaud, tandis qu'une autre rubrique, Voix critiques, offre des essais (dont Violence et traduction de Claro, ou bien Seul, comme on ne peut pas le dire d'Arnaud Maïsetti, une monographie consacrée à une pièce de Koltès).
    La zone risque, de son côté, accueille des "auteurs inédits, des démarches d'exploration, des tentatives d'écriture surprenantes, qui ne sauraient rentrer dans le cadre de l'édition graphique". La coopérative propose en outre quelques collections destinées à s’enrichir au fil du temps, dont la collection Grèce - une série de traductions inédites ou épuisées du domaine grec contemporain proposées par Michel Volkovitch et la rubrique formes brèves, qui regroupe des textes contemporains, choisis par François Bon.

     

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  • Revue internationale des livres et des idées

    666200305.jpgLe n°5 (mai-juin 2008) de La Revue internationale des livres et des idées est en kiosque. Pour découvrir le numéro précédent, on pourra lire cet article en ligne et pour tout savoir de ce dernier numéro, on peut se rendre sur le site ou le blog de la revue, une initiative des Editions Amsterdam (directeurs de publication : Jérôme Vidal et Yann Laporte).
    Un aperçu du sommaire :
    Yves Citton : Il faut défendre la société littéraire
    Marc Escola :Voir de loin. Extension du domaine de l'histoire littéraire
    Christophe Fiat : La jeune fille à la bombe 
    Xavier Vigna : Clio contre Carvalho. L'historiographie de 68
    Thierry Labica : La culture n'est pas une marchandise : c'est un gouvernement
    François Cusset : Le champ postcolonial et l'épouvantail postmoderne...

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  • On parle de Pas Raccord ici et là...

    Un article en ligne

    welcome.to.the-place-to-be.fr/?p=1034

    et quelques points de vue chez Gawou

     

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  • Lisez le garçon...

    cgutman.jpgJournal d’un garçon de Colas Gutman, Médium de l’école des loisirs, 2008

    Un garçon qui tient un journal intime ? C’est soit « une fille, soit un pédé, soit une fille-pédé »… du moins de l’avis du père et du demi-frère du narrateur. Ce qui n’empêche heureusement pas celui-ci de tenir son journal (et de s’y tenir, de septembre à juin) pour notre plus grand plaisir. Car tout y passe et rien n’est simple : sa famille recomposée, sa sœur qui joue à la rebelle, ses amis qui n’en sont pas (surtout le sosie de Julien Lepers, un « gentil » garçon qui s’est pris d’affection pour lui…), ses tristes amours (d’avance vouées à l’échec avec une « fille de terminale ») ou encore la très collante Nathalie Sicard, qui le poursuit de ses assiduités. Le désenchantement ambiant est cependant compensé par la finesse d’esprit de ce narrateur qui tente de rester « distant et classe » en toutes circonstances… Un jeune lycéen qui n’a pas sa plume dans sa poche, adepte d’une autodérision âpre et laconique qui lui permet peut-être de moins souffrir que d’autres, en dépit de situations humiliantes qui laissent le lecteur proche de l’hilarité. A lire absolument et à faire circuler.
    B. Longre (mai 2008)

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  • Middlesex...

    Mes souvenirs - Histoire d’Alexina / Abel B.
    Herculine Barbin
    La cause des livres, 2008

    Middlesex…

    1578386622.jpgEn 1874, le Docteur Ambroise Tardieu publiait un ouvrage scientifique intitulé "Question médico-légale de l'identité dans ses rapports avec les vices de conformation des organes sexuels", qui comprenait un manuscrit découvert en 1868, dans "une des plus pauvres mansardes du Quartier Latin". Auprès de ce manuscrit, un corps : celui d'Abel Barbin, âgé de vingt-huit ans, qui venait de se suicider. Abel, certes, pourtant né(e) Adélaïde Herculine Barbin (surnommée Alexina par ses proches) et rebaptisé(e) à vingt et un ans, après qu'un tribunal la/le déclare de sexe masculin. Une décision administrative qui tient compte de la « prédominance évidente du sexe masculin » d’Abel d’un point de vue physiologique, néanmoins insuffisante à résoudre les états d’âme de cet hermaphrodite et d’offrir de réponse à ses incessants questionnements identitaires.

     

    Abel fait le récit de sa courte existence sans aucune prétention littéraire ("Ma plume ne peut se mesurer à celle de ces géants du drame", écrit-il en mentionnant Alexandre Dumas et Paul Féval) ; il se raconte avec pudeur et dignité – une tournure d’esprit engendrée selon toute vraisemblance par la honte qui l’habite, mais aussi par une éducation religieuse « parfaite », tout au long des années durant lesquelles il fut « fille » puis « femme». En effet, jusqu'à quinze ans, Herculine est confiée au "calme délicieux des maisons religieuses". Les "études sérieuses" comblent la jeune fille, ainsi que diverses amitiés avec certaines de ses camarades, à qui elle voue parfois des passions démesurées ; des comportements qui ne sont pas sans inquiéter les religieuses. Ces dernières ne lui inspirent qu'un profond amour, respectueux, et le soutien moral qu'elles lui apportent sera essentiel. Aussi, de retour chez sa mère, Herculine se voit proposer une carrière dans l'enseignement ; elle accepte, malgré "une antipathie non raisonnée mais profonde pour le métier". Deux ans d'école normale, où elle vit de nouveau entourée de jeunes filles, lui font prendre conscience de sa nature trouble ; ses sens en éveil ne cessent de la harceler dans un lieu qu’elle décrit pourtant comme un "sanctuaire de la virginité", et seule l'étude semble la protéger temporairement des pulsions qui la tiraillent mais qu’elle ne comprend pas. Ses études terminées, elle est affectée à l'école privée d'une petite ville et tombe amoureuse de Sara, une autre institutrice qui deviendra sa maîtresse, avec toutes les complications que ce statut provoque.

    Rien de rocambolesque, ni de grivois, car l'humour n'a pas sa place ici ; à défaut, l’auteur exprime une lucidité désespérée et morbide. Si érotisme il y a, il n'est nullement prémédité ou gratuit, mais uniquement dicté par un profond désir d'authenticité de la part d'Abel Barbin ; un désir pourtant étouffé par la douleur qui nourrit ce récit : une souffrance infinie se dégage de ce témoignage, une souffrance morale, surtout, qu'il/elle ne cesse de clamer et de renvoyer à la face d'une société en marge de laquelle il se situe ; car sa nature hybride fait naître des réactions cruelles chez certains avides de scandale (en particulier la presse, qui multiplie les « insinuations perfides » quand il est déclaré « homme » par l’état civil) et même si d'autres le soutiennent (sa mère, les médecins, son amie Sara, ou encore l'évêque qui tranchera pour lui), il sait que les voies vers un bonheur simple lui sont fermées, comme à jamais voué à la marginalité ; pour preuve, devenu officiellement un homme, il admet que sa "connaissance intime, profonde de toutes les aptitudes, de tous les secrets du caractère de la femme" ferait de lui "un détestable mari". Une souffrance née d’une ambivalence inscrite au cœur du texte (oscillant sans cesse entre le masculin et le féminin pour parler de lui), que lui/elle-même est incapable d’apaiser et qui le mènera au suicide.

     

     Tout comme leur auteur, ces mémoires très particuliers, écrits d'une plume élégante, ont une histoire : nous devons à Michel Foucault d'avoir retrouvé le texte dans les archives du Département de l'Hygiène publique, de l'avoir publié en 1978, accompagné de documents d'époque et d'avoir ainsi fait connaître Abel/Herculine Barbin, mi-homme, mi-femme, incapable de définir sa véritable identité sexuelle, qu'elle soit biologique ou psychique. Tragédie identitaire, récit d'éducation, témoignage de l'histoire privée, ce récit frappant et sincère est aussi un appel à la compassion et au respect. « Il est difficile de lire une histoire plus navrante, racontée avec un accent plus vrai », disait Ambroise Tardieu en introduction de ces Souvenirs.

    Blandine Longre

    1001800714.jpg

    En annexe de cette publication soignée et fort agréable à parcourir, on trouvera divers éléments de documentation – dont un texte d’Antoinette Weill (qui retrace les lois scolaires qui se sont succédées au cours du XIXe), des données chronologiques et biographiques, le rapport précis de l’examen médical d’Herculine, à l’âge de 21 ans, ainsi que quelques photos d’un hermaphrodite inconnu, signées Nadar.

    Le titre de cet article fait référence au roman de Jeffrey Eugenides, Middlesex - critique en ligne.

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  • Non !

    981735859.jpgCeux qui ont dit NON, nouvelle collection aux éditions Actes Sud Junior, aurait tout aussi bien pu s'intituler "Non !" (sur le mode de J'accuse ! des éditions Syros), puisqu'on est là dans le registre de la révolte et de l'indignation. Une révolte toutefois pensée, structurée, qui sait ce qu'elle veut et s'engage avec intelligence dans des luttes pour des causes justes. Les quatre ouvrages qui inaugurent la collection, dirigée par Murielle Szac, mettent en scène des figures historiques dont l'engagement résonne encore aujourd'hui et peut servir d'exemple : Victor Hugo, Rosa Parks, Victor Jara et Lucie Aubrac. Quatre individus dont les actes et/ou les propos ont contribué à l'avancement de l'humanité.

    1118190198.jpgIci, plutôt que de proposer un documentaire, la directrice de collection a opté pour la forme romanesque ; chaque ouvrage comprend donc une fiction historique, complétée par un dossier qui permet d'établir de vrais liens entre les luttes du passé et celles du présent. Ainsi, le roman de Bruno Doucey (poète, romancier, essayiste et éditeur aux éditions Seghers), Victor Jara : non à la dictature, est suivi d'un texte qui relate le combat d'Aung San Suu Kyi, qui s'oppose à la junte militaire de son pays, la Birmanie, tout comme Jara (1932-1973) dénonçait la répression militaire au Chili. De même, le dossier qui suit Victor Hugo : non à la peine de mort, signé Murielle Szac, permet de découvrir d'autres opposants à la peine de mort, dont Cesare Beccaria, l'un des premiers à dénoncer l'assassinat "légal" pratiqué par le pouvoir en 1776, mais aussi Camus, Jaurès, Koestler, et Badinter. L'auteure explique aussi (pour ceux qui le sauraient pas...) qu'en Chine aujourd'hui, les stades servent aussi de lieux d'exécution ("de macabres mises en scène publiques").

    Rosa Parks : "Non à la discrimination raciale" de Numrod.
    Victor Hugo : "Non à la peine de mort" de Murielle Szac
    Lucie Aubrac : "Non au nazisme" de Maria Poblete
    Victor Jara : "Non à la dictature" de Bruno Doucey

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  • Condamnés au Paradis

    Au plus loin du tropique de Jean-Marie Dallet - Editions du Sonneur

    Condamnés au Paradis

    « Quand vous serez tous morts petits Blancs qui sentez le cadavre de vos possessions, l'île entière m'appartiendront, et le dernier d’entre vous je l’envelopperai dans le drap cloué au-dessus de mon comptoir, ce drap sur lequel j’ai peint "Rôtissez tous au fond de l’enfer" avec mes caractères hakka bien plus beaux que vos lettres en chiures de mouche, puis j’irai brûler le tout au fond de mon jardin – à cette pensée Ah You éclate d’un rire qui découvre trois chicots, multiplie les rides de son visage gris jaune alors que la lumière de l’aube filtre à travers les auvents entrouverts, il est là debout au milieu de son échoppe… »

     

    677775199.jpgParataito, « Paradis » en maori, un atoll perdu (« plat, petit et tout en rond (…) à peine un point noir entre Tuamotu et Gambier »), colonie pénitentiaire oubliée de tous, abrite encore une drôle de troupe qui tient à peine sur pied : cinq vieillards condamnés à l’exil, aussi disparates les uns des autres que leurs crimes respectifs – Ma Pouta, la vieille maquerelle, Trinité, le métis unijambiste, Pétino, le vieux militaire pétainiste, Corentin, le prêtre concupiscent, et Ah You, le Chinois qui tient boutique et qui n’attend que la disparition des quatre autres pour devenir le souverain des lieux… Il faut dire qu’au fil des années, ils ont déjà vu nombre des leurs s’éteindre et, survivants d’une longue liste de bagnards ayant échappés à la guillotine, ils s’accrochent tant bien que mal à ce qui leur reste de vie, au quotidien qui s’étire sans fin et aux quelques bribes de souvenirs à travers lesquels ils se définissent et se complaisent à revivre ce que le temps a définitivement effacé.

    En ce 1er janvier, tandis qu’ils attendent la goélette pénitentiaire qui les ravitaille deux fois l’an, ils s’apprêtent à se rendre à l’office religieux que Corentin s’obstine à célébrer, bien que ses compagnons ne manquent jamais de s’endormir avant la fin de son sermon, et que ces derniers connaissent d’avance les élucubrations que va leur servir le vieux pervers… quand un cyclone frappe l’île et ses alentours, provoquant deux événements qui vont temporairement bouleverser l’ordonnancement (certes déjà un peu bancal) du quotidien de ces prisonniers sans geôliers : la mort de l’un d’entre eux et l’arrivée de Kerlan, jeune naufragé semi amnésique échoué sur la plage, qui bien vite devient le protégé des quatre vieillards restants – ils entreprennent de le sauver in extremis des bernard-l'hermite, de panser ses plaies, de le soigner, de le nourrir, de le bichonner, bref, de l’accueillir dans leur univers déglingué et lui confier quelques-uns de leurs souvenirs.

    Dès les premières lignes, cette étonnante robinsonnade séduit le lecteur, qui se perd et se retrouve dans les monologues fluides et truculents de chacun des personnages, le narrateur intervenant régulièrement pour remettre un peu d’ordre dans le récit (l’absence de délimitation entre le « je » et le « il » impersonnel ne perturbe pas longtemps) ; les soliloques (ou dialogues avec ce qu'ils furent et ne sont plus) sont composés de lambeaux de mémoire, de plongées nostalgiques dans leurs passés respectifs (rarement idylliques, mais qu’ils ont néanmoins pris l’habitude de magnifier) : un épanchement de rancoeurs accumulées pour certains, une litanie des regrets pour d'autres, un éternel ressassement qui se traduit dans l’écriture elle-même, syntaxiquement décalée, à l’image des pensées qui se chevauchent dans l’esprit des narrateurs qui prennent la parole en alternance. L’auteur fait entendre la voix de rebuts, mis au banc d’une société rigoriste, des naufragés involontaires de l’existence dont l’humanité n’est toutefois pas à démontrer et dont le véritable Eden se trouve ailleurs que sur cet atoll, coin de paradis qu’ils maudissent (« enfer posé sur les flots », « atoll de désolation »). Des personnages qui forment un microcosme signifiant, reflet de la société qui les a rejetés mais à laquelle ils restent attachés, coûte que coûte, en reproduisant sur leur bout de terre un semblant d’organisation sociale ; soulignons cependant que ces figures certes emblématiques (le prêtre, le militaire, la putain, le commerçant et l’esclave) ne sont jamais monolithiques ou fonctionnelles, en dépit de la théâtralité qui émane de l’ensemble, mais restent très attachants malgré leurs tares ou leurs défaillances.

    Ce qui ressort de ces portraits nous concerne tous : donner un sens à une existence dérisoire (et parfois à un passé qui ne l’est pas moins), trouver une logique au chaos de la vie, dépasser l’horizon unique auquel chacun de nous a pu s’accoutumer… Qu’espèrent encore Ma Pouta, Trinité, Pétino, Corentin et Ah You ? Une rédemption possible pour les crimes commis (ou dont ils ont été injustement accusés) ? Un pardon ? Pas vraiment. Une délivrance, peut-être ? Un départ de l’atoll ? Un retour, en tout cas, à la « civilisation » qui les a abandonnés. En revanche, le naufragé Kerlan semble en quête de tout autre chose – d’une libération, mais qui se traduirait d’une autre manière, tant il aspire à la solitude que l’île, loin d’être déserte, ne pourra lui offrir qu’une fois les autres partis ou morts.

    Sur le mode de la robinsonnade (du naufrage à la délivrance – qui ne revêtent pas le même sens pour tous), Jean-Marie Dallet tisse un roman jubilatoire, où le huis clos n’a rien d’étouffant, où règne une atmosphère au contraire souvent joyeuse et cocasse – un récit hors normes, entre réalisme cru et allégorie poétique, qui s’achève sur une touche de sérénité, une échappatoire à l’enfer du monde et de la civilisation. Une oeuvre brève, dense, polyphonique et savoureuse, à laquelle on se hâtera d'aller goûter.

    (B. Longre, mai 2008)

    http://www.editionsdusonneur.com/

    Depuis Les Antipodes, édité au Seuil en 1968 et préfacé par Marguerite Duras, Jean-Marie Dallet a écrit une quinzaine de romans, dont Dieudonné Soleil, qui obtint la Bourse Goncourt du récit historique. Il a toujours « navigué » entre la Méditerranée, le Pacifique Sud et Paris. Encre de guerre est son deuxième roman publié aux Éditions du Sonneur.

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  • Zizi ou zézette ?

    Zizi ou zézette ? de Laetitia Zuccarelli, T. Magnier, 2008

    Sur le mode de l’énumération, Laetitia Zuccarelli fait le tour d’une famille, du papi à la petite sœur, de la tata au papa, chaque double page répondant à l’interrogation contenue dans le titre. L’originalité de l’ouvrage tient à deux éléments : la nudité des personnages – chose suffisamment rare dans un ouvrage jeunesse pour être soulignée – et le fait que ces derniers soient incarnés par de petites poupées de chiffon cousues main, pourtant confectionnées de façon réaliste, avec ce qu’il faut de pilosité (quelques brins de laine placés aux bons endroits). Quant au texte (« Pépé ? Zizi ! / Maman ? Zézette !... » et ainsi de suite), en harmonie avec les figurines qui lui font face, est brodé sur une toile de couleur crème. Même si le discours est simpliste et réducteur (forcément, on ne saurait s’arrêter à cette différence pour définir les individus), l’ouvrage offre une manière astucieuse, franche et néanmoins pudique d’aborder les différences physiques avec les tout petits.
    B. Longre (mai 2008)

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  • Publications théâtrales, Revue des livres pour enfants

    Quelques pièces pour la jeunesse, à découvrir et à lire...
    Ces recensions ont paru dans le numéro 239 de
    La Revue des livres pour enfants (
    La Joie par les livres / BNF, février 2008)

    Sous un ciel de chamaille de Daniel Danis - L'Arche éditeur
    Dis-le-moi ! d'Erwan Bargain - Lansman
    Ohne de Dominique Wittorski - Actes Sud-Papiers
    La Petite Danube de J-P. Cannet, ill. d’Edmond Baudoin - Les éditions Théâtrales
    La Robe de Gulnara d'Isabelle Hubert - Lansman
    Juliette toute seule de Florence Klein - Lansman
    Rêves de théâtre, Florence Klein, ill. Madeleine Tirtiaux Lansman et le CDWEJ
    Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot - L'Arche éditeur
    L’épouvantable petite princesse de Geneviève Damas - Lansman
    Le navigateur et l’enfant de Jean-Rock Gaudreault - Lansman

     

    L'éditeur

    Sous un ciel de chamaille de Daniel Danis
    L'Arche éditeur
    À partir de 10 ans

    Quelque part à la frontière d’Israël et de la Palestine, naît une amitié interdite entre Lirane, 8 ans, fillette juive qui habite une vraie maison entourée de terres fertiles et Ferhat, 11 ans, Palestinien qui vit dans un camp de réfugiés poussiéreux ; une relation avec ses hauts et ses bas, entre attirance et répulsion, renforcée par la perte respective d’un frère et d’une sœur morts dans un attentat. La folie adulte des «chamailles» est bientôt supplantée par celle des éléments qui se déchaînent, la nature reprenant ses droits et unissant les humains dans les mêmes souffrances. L’auteur, sans prendre parti, plaide pour la réconciliation et l’espoir d’un avenir commun. Malgré le sujet délicat, tout est parfaitement dosé, les dialogues vifs et entraînants, les personnages très attachants.

     

    L'éditeur

    Dis-le-moi ! d'Erwan Bargain
    Lansman
    À partir de 9 ans

    La veille de son déménagement, Lisa tente d’avouer son amour à son ami Théo, mais le garçon joue l’indifférent et feint de dédaigner ce genre de sentiment. Des années plus tard, Théo, rongé de regrets, se souvient de cet épisode qui a marqué son enfance. La pièce se présente comme un débat sur le sentiment amoureux (ses symptômes, ses causes, le pour et le contre, le sens du mot « bonheur » et d’autres choses encore), mené avec une lucidité mêlée de candeur par deux enfants de huit ou neuf ans. Suffit-il d’être amoureux pour être heureux ? C’est ce que soutient Lisa, vite contredite par son ami, qui prend au pied de la lettre les métaphores associées au coup de foudre et à l’amour. Un charmant badinage teinté d’une douce nostalgie, qui parlera aussi aux adultes.

     

    Collidram

    L'éditeur

    Ohne de Dominique Wittorski
    Actes Sud-Papiers
    dès 13 ans

    Ohne (la préposition allemande signifiant « sans ») va chercher du travail à l’ANPE et se trouve confronté à la rigueur et au jargon bureaucratiques. Le dialogue en trois temps qui s’instaure entre le personnage, décalé et en apparence très naïf, et l’employé, pourtant plein de bonne volonté, donne lieu à nombre de quiproquos et de méprises, une manière de mettre l’accent sur les absurdités de notre époque (entre autres celle du langage) et les angoisses liées au chômage. Malgré son âpreté et sa complexité, la pièce a remporté le Prix de littérature dramatique des collégiens, décerné pour la première fois en 2007 par l’ANETH – prix baptisé «Collidram » pour 2008, faisant intervenir plusieurs classes de collège d’Ile de France.

     

    L'éditeur

    La Petite Danube de Jean-Pierre Cannet, ill. d’Edmond Baudoin
    Les éditions Théâtrales
    À partir de 12 ans

    Au pied des Carpates (« dans une éternité d’enfance et de guerre »), Anna, fille de garde-barrière, grandit avec le bruit des trains dans les oreilles – des wagons qui vont vers une destination finale, le camp de « prisonniers » situé non loin de chez elle. Presque rien n’est « montré », hormis une veste à rayures trouvée par Anna, qu’elle surnomme Arthur et qui devient son unique compagnon de jeux, puis un prisonnier décharné, pourchassé par des soldats, qu’elle croise dans les bois. Poignant, le texte capte avec justesse et pudeur l’horreur des crimes nazis, tout en dénonçant la lâcheté des individus lambda, dont les parents d’Anna, qui restent sur leur quant-à-soi et collaborent quand il le faut. Les illustrations au fusain en disent peut-être un peu trop, mais la langue est belle, limpide, l’atmosphère étouffante, et le dénouement, nimbé de fantastique, n’en devient que plus percutant.

     

    L'éditeur

    La Robe de Gulnara d'Isabelle Hubert
    Lansman
    À partir de 12 ans

    Entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, une communauté d’apatrides vit depuis des années dans des wagons abandonnés. Le narrateur conte l’histoire de sa mère Mika, alors âgée de 13 ans, une fille joyeuse et généreuse qui, la veille des noces de sa sœur grande Gulnara, tache malencontreusement la robe de mariée avec du goudron. Mika part alors en quête de celui ou de celle qui voudra bien l’aider à réparer son erreur et tombe sur un commerçant qui lui propose de se vendre afin de gagner de quoi offrir une nouvelle robe à sa sœur. Un marché risqué, que Mika accepte, sans savoir qu’une autre solution a été trouvée. De courtes scènes, une intrigue qui tient en haleine, une ironie dramatique parfaitement construite, une galerie de personnages incarnant divers travers ou qualités (solidarité, avarice, égoïsme) et un dénouement tragique pour cette fable atemporelle sur l’innocence corrompue.

     

    Le blog

    L'éditeur

    Juliette toute seule de Florence Klein
    Lansman
    à partir de 10 ans

    Sous-titrée « Un voyage dans l’histoire du théâtre occidental », la pièce est construite à la manière d’une fable dont le propos serait, tout simplement, le théâtre ; ses origines, le jeu et le travail des comédiens, l’art de la mise en scène et de la scénographie, les textes et leurs auteurs... Dans ce monologue, Juliette, la comédienne, joue (à sa manière) la Juliette de Shakespeare mais endosse aussi tous les rôles possibles : narratrice, actrice, personnage et conférencière, elle revient sur l’enfance du théâtre et présente Dionysos, Shakespeare, l’épouse de Brecht, ou encore Sarah Bernhardt et Tchekhov. La volonté didactique qui préside à l’ensemble est évidente mais le texte charme pour sa fraîcheur, sa fantaisie et le ton direct que la narratrice emploie pour s’adresser au lecteur/public.


    Rêves de théâtre, la mise en scène au XXe siècle
    Florence Klein, illustrations Madeleine Tirtiaux

    Lansman et le CDWEJ, collection Empreintes.
    À partir de 12-13 ans

    En prolongement de Juliette toute seule, Florence Klein raconte la pratique théâtrale (émergence du metteur en scène, costumes, jeux, etc.), son histoire (portraits de dramaturges et de comédiens qui ont marqué le siècle) et sa propre expérience. Publié à l’initiative du Centre Dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse, cet ouvrage documentaire concis et aéré, émaillé d’anecdotes et agrémenté de nombreuses illustrations, est complémentaire de la pièce citée ci-dessus et permet de réfléchir, entre autres, aux rapports entre texte et mise en espace.

     

    L'éditeur

    du même auteur

    Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot
    L'Arche éditeur

    À partir de 9 ans et plus

    La trame s’inspire d’Alice au pays des merveilles, que l’auteur subvertit avec inventivité en faisant intervenir d’autres personnages (Le petit Chaperon rouge, la poupée Barbie, Pinocchio, E.T. etc.) qui se rebellent un peu, las de leur rôle traditionnel, ou qui se perdent dans l’histoire d’Alice, la croisent puis repartent vers d’autres histoires, sans plus savoir où ils en sont....
    Proprement irracontable, se distinguant par l’impertinence de son ton et l’originalité de sa construction, la pièce, qui suit pourtant l’intrigue initiale, reste imprévisible, composée d’interludes musicaux, de rêves enchâssés (peut-être ceux d’un vieil homme à la barbe fleurie) et de rencontres loufoques où Alice apparaît comme une fillette lucide, contemporaine et fantasque, qui (on s’en doutait), accepte difficilement de grandir.

     

    L'éditeur

    L’épouvantable petite princesse de Geneviève Damas
    Lansman
    À partir de 7 ans

    Un roi et une reine, désespérés de n’avoir pas d’enfant, s’adressent à… l’auteur de la pièce afin qu’il leur fournisse l’héritière mentionnée dans le titre : naît donc Adélaïde, gâtée par ses parents, capricieuse et (forcément) tyrannique. La seule à pouvoir l’apprivoiser ? Sa Mémé, qui décide de l’emmener en voyage et de lui faire découvrir d’autres horizons. Au-delà de la réflexion sur l’éducation et sur les rapports de force entre enfants et adultes, le texte aux dialogues enlevés, fantaisiste à souhait, relate le parcours d’une fillette qui apprend à s’ouvrir aux autres, par le biais de diverses mises à l’épreuve. Le recours astucieux à l’auteur pour résoudre certains problèmes et venir en aide aux personnages permet une mise en abîme qui ajoute à la cocasserie de l’ensemble, tout en confrontant le lecteur, en filigrane, à ce qui sous-tend la construction d’un récit.

     


    L'éditeur
    du même auteur

    Le navigateur et l’enfant de Jean-Rock Gaudreault
    Lansman
    à partir de 9 ans

    La rencontre de deux solitudes : Nora, négligée par son père qui rentre tard le soir, et un retraité plein de bonne volonté, qui veut se rendre utile. L’enfant est d’abord irritée par la présence quotidienne du vieil homme, puis fascinée quand il se met à lui raconter sa vie d’aventures, au temps où il était navigateur. Le renversement des rôles ne manque pas d’intérêt : le vieil homme apprend à Nora à redevenir enfant en la faisant rêver ; le dénouement est un peu rapide mais la pièce reste émouvante, sans mièvrerie.

    © B. Longre

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  • Le tatouage ? Pratique "barbare"

    121708006.jpg"Des révélations qui nous ont été faites on peut conclure que chez la femme le tatouage est pratiqué dans deux circonstances qui représentent, pour ainsi dire, le criterium de la déchéance morale de la victime de cette mutilation."

    « Moins l'instruction est répandue et plus le corps de métier est, pour ainsi dire, fermé, plus les exemples se multiplient. Le sexe masculin occupe la première place, marins, militaires (surtout ceux qui vont aux colonies), forgerons, prisonniers, sont généralement tatoués. Il n'est guère de circonstances où il soit donné d'observer de nombreux cas de tatouages chez la femme. C'est, en effet, dans ce sexe, un indice néfaste pour la moralité du sujet. »

    Citations extraites du premier chapitre d'un ouvrage (édifiant !) publié en 1899 et réédité par les éditions À Rebours : Du Tatouage chez les prostituées des Drs Le Blond & Lucas. Une curiosité que je vous invite à découvrir en lisant le bel article que Frédéric Saenen lui consacre : www.sitartmag.com/tatouage.htm

    Les éditions À Rebours
    www.lekti-ecriture.com/editeurs/-A-Rebours-.html

    1420072079.jpgLes clichés et les préjugés ont la vie dure, mais qui écrirait encore ainsi aujourd'hui ? L'Académie de médecine a pourtant rendu un rapport (décembre 2007), qui va dans le sens de la stigmatisation (c'est le cas de le dire)… L'extrait ci-dessous, à propos du tatouage et du piercing, concerne les adolescents, mais ces propos ridicules et alarmistes incitent à tous les amalgames et renforcent insidieusement les préjugés…

    « Ces modifications corporelles, qui correspondaient d'abord à des camouflages avant de devenir un rite initiatique du passage de l'enfance à l'âge adulte, ont un lien avec certains modes de vie ou comportements sociaux. Elles traduisent plusieurs états : perception négative des conditions de vie, mauvaise intégration sociale, souci d'amélioration de l'image de soi, précocité des rapports sexuels avec grand nombre de partenaires, homosexualité, usage de drogues et consommation d'alcool, activités illicites et appartenance à un « gang », mauvaises habitudes alimentaires. »

    Après les "sauvages", les prostituées, les illettrés, les marins ou les bagnards : les nymphomanes, les homosexuels, les boulimiques et les drogués... Amusant, non ?

    (http://www.academie-medecine.fr/detailPublication.cfm?idRub=26&idLigne=1197)

    (couverture ci-dessus : Tribal Tattoo Designs from the Pacific de Maarten Hesselt Van Dinter - Mundurucu Publishing)

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  • Bourdes et autres maladresses...

    1906370210.jpgJe n'ai pas lu Millénium, la désormais célèbre trilogie de feu Stieg Larsson - d'autres l'ont fait (par milliers) et l'un d'eux s'est amusé à relever les erreurs en tout genre qui émaillent la traduction. Enumération certes cruelle pour les traducteurs (toute traduction étant perfectible, en particulier quand les délais sont serrés), mais non moins justifiée dans ce cas, au vu des perles que Jacques Drillon rapporte ici.

    Incontournable, Millénium ? Il semblerait que non... ou bien seulement si l'on a du temps à perdre et envie de lire par soi-même des calques, des pléonasmes, des traductions mot à mot ; ainsi, les énormités du style :  «Elle doit être brûlée au feu», «Harriet Vanger a ressuscité de la mort», «La police aurait tâtonné à l'aveuglette», «Lisbeth n'est pas du genre à se rendre de son plein gré»,  «La seule chose positive avec cette photo était qu'elle y était si méconnaissable que peu de gens la reconnaîtraient». Ou encore, pour terminer ce florilège (extrait de l'article en lien) : «Camilla avait été pleine de réussite à l'école», «Nous vous demanderons quel type d'image vous paraît attirant en vous montrant plusieurs alternatifs» (???)

    On aura beau tenter de me convaincre de la qualité des trois romans, je reste dubitative - à moins que la qualité langagière d'un polar soit moins importante que celle des "vrais" romans... ? Alors attendons peut-être la parution en poche, comme le suggèrent certains, en espérant que des relectures la précèderont.

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  • Du français

    233639773.jpgParler le monde, la naissance d’une langue de Nouchka Cauwet et Sylvie Serprix, éditions Bélize, 2007

    Après Ecrire le monde et Compter le monde, Nouchka Cauwet nous offre un troisième ouvrage remarquable, un voyage (ou plutôt six…) à travers les mots, qui narre la naissance de la langue française, son évolution diachronique et les contacts multiples (emprunts, échanges, influences) qu’elle a entretenus avec d’autres langues – le latin, le grec, l’anglais, l’italien, l’arabe ou l’hébreu… On comprend ainsi le que le «combat du latin et du gaulois » fut long et plus difficile qu’on croit, on apprend comment les mots « poivre » ou « sucre » sont parvenus jusqu’à nous (depuis les Indes lointaines…), ce que les Portugais ont transmis, ou encore comment divers mots ont fait des allers-retours entre France et Angleterre… Les illustrations aux tons chauds de Sylvie Serprix se mêlent harmonieusement aux pages et aux reproductions de cartes, de textes, de tableaux anciens, et enrichissent cet ouvrage vivant et ouvert sur le monde, ponctué d’activités, qui enchantera les enfants mais aussi les plus grands – à qui il reste toujours des choses à découvrir… B.Longre

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  • Les retourneurs d’idées

    1613920733.jpgRevue Brèves n°84, janvier 2008
    L'Atelier du Gué, revue trimestrielle

    Des auteurs libres, des lecteurs libres

    "Un livre n'est pas un évangile à prendre en entier ou à laisser. Il est une suggestion, une proposition - rien de plus. C'est à nous de réfléchir, de voir ce qu'il contient de bon et à rejeter ce que nous y trouverons d'erroné." (Kropotkine, 1909)

    Les livres relatant, commentant, louant, commémorant (etc.) Mai 68 pullulent dans les librairies (et pas seulement libertaires) et puisqu’on se trouve en plein revival rebelle, parlons aussi du numéro 84 de la revue Brèves (créée en 1976 par Martine et Daniel Delort - « doyenne des revues de nouvelles », comme l’écrit René Godenne dans La nouvelle de A à Z – éditions Rhubarbe), consacré aux « retourneurs d’idées » : les écrivains anarchistes de la fin du XIXe siècle. L’anarchie, un « mouvement qui va le mieux permettre aux écrivains de concilier engagement et liberté » (nous dit Caroline Granier dans sa lumineuse introduction), très loin de toute idéologie figée, du dogmatisme et de la langue de bois des politiciens (de droite ou de gauche), et les amener à transmettre et à s’engager par le biais de leurs écrits, prenant conscience du rôle « social » de l’écrivain mais aussi de son indépendance, vis-à-vis des pouvoirs en place ou de leurs pairs.

    Il ne s’agit pas, en effet, d’un « mouvement » littéraire unifié, même s’il est possible de « cerner un ensemble de tentatives, de réalisations, dont le projet vise à ne pas séparer la littérature des autres manifestations de la vie. » Littérature de réflexion et de lutte, donc (qui doit cependant éviter l’écueil de la propagande) mais aussi d’émotions (plus parlantes que les grandes théories), les écrits de ces « retourneurs » ou « stimulateurs d’idées » incitent les lecteurs à s’affranchir des « fictions sociales » et de la domination en général (celle du capital, de l’économie ou des arbitraires), en s’appuyant sur des histoires, des contes ou des fables, mais aussi des chansons, du théâtre, des romans et, bien évidemment, des nouvelles… dont un échantillonnage est proposé dans ce numéro, de Florentine, de Georges Darien, aux Vampires de Louise Michel (un récit où nécrophagie, faits divers et injustice sociale sont mêlés), sans omettre L’arrivée du colon d’Isabelle Eberhardt (une voyageuse dont on lira une autre nouvelle dans l’anthologie d’Eric Dussert, La littérature est mauvaise fille), Le Noyé de Victor Barrucand (un texte très moderne par sa forme oralisée), ou encore des auteurs plus connus, comme Octave Mirbaud ou Jules vallès.

    Eric Dussert, de son côté, s’est penché sur le cas de l’énigmatique Flor O’Squarr, qui relate, dans Sous la Commune, une histoire d’amour non moins énigmatique (où une jeune femme refuse de se donner à son amant à moins de se sentir en danger…) et dont le livre documentaire, les Coulisses de l’anarchie (1892), s’est vu d’emblée fermement critiqué par les vrais anarchistes. Pour clore ce numéro spécial, un hommage est rendu à la revue « d’art et d’humeur » Le Fou parle, créée en 1977 par Jacques Vallet, Albert Meister et Philippe Ferrand, et disparue en 1984, dans un dossier dédié à cette aventure collective en marge, forcément dérangeante, qui se revendiquait du courant libertaire.
    (B. Longre)

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    http://www.lekti-ecriture.com/editeurs/-Atelier-du-Gue-.html

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  • Où ont-ils la tête ?

    Les enfants sans têtes d’Antoine Bouvier, Les impressions Nouvelles, 2008

    205305607.jpgLe titre fait référence à la chanson des Pixies (Where is my mind ?) que chantent les cinq personnages autour d’un feu, une nuit d’été. Cinq jeunes gens, garçons et filles, qui s’interrogent sur leur existence, sur l’amour physique et les sentiments qui vont ou non avec, se cherchent – se trouvent ou se perdent – à l’âge frontière de tous les possibles, quand on croit encore que rien n’est déterminé. Le trait fluide et souple d’Antoine Bouvier épouse harmonieusement la fragilité des sensations et des pulsions, les questionnements sans réponses, entre vie en groupe, aspirations à la solitude et tentation d’être à deux. Un joli roman graphique, un brin mélancolique, qui plaira tout autant aux adolescents d’aujourd’hui qu’à ceux d’antan. B. Longre

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  • Un nouveau blog

    1346942705.jpgLa pensée de Midi, revue littéraire et de débats d'idée, ouvre un blog, "Lieu d'expression complémentaire à la revue".

    http://lapenseedemidi.over-blog.com/

    Pour découvrir le dernier numéro, on pourra lire l'article de J-P. Longre

    à paraître le 5 mai, un numéro consacré au mépris - dossier coordonné par Michel Guérin et Renaud Ego. La pensée de midi N° 24/25 (Actes Sud)

    http://www.lapenseedemidi.org/

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  • Femme, nue et fière de l'être

    1437728764.jpgLa Femme toute nue de Karine Bernadou, Sarbacane, BD, 2008

    Femme, nue et fière de l'être

    D'étonnantes saynètes muettes composent cet album construit autour d'un personnage attachant et plutôt cocasse :  LA femme toute nue, telle qu'elle s'affiche d'emblée, qui déambule sur des pages sobres et des décors à peine esquissés, entre rires et larmes, coups de foudre, jouissances et peines de cœur, découverte de soi et des autres, naïveté et lucidité… assumant son statut et sa nudité avec un naturel confondant – et revendiquant avant toute chose le droit à la liberté individuelle, à l'amour libre et à l'erreur, à travers des expériences qui forgent un parcours. L'absurdité des vignettes n'est qu'apparente, car ce à quoi elles renvoient fait toujours sens et mouche, avec subtilité – en particulier dans des histoires intitulées La trace de ton ombre (où l'ombre de l'amant qui la délaisse reste collée à sa peau…) ou bien Printemps (quand la fusion des corps donne littéralement naissance à une petite fleur). Ces jeux de miroirs (et de masques) parfois cruels (mais il faut savoir se défendre…), jeux sur les mots (pris au pied de la lettre, sans cesse explorés), jeux des corps et des sexes (comme le très réjouissant Arbre à moustaches), ou jeux tout court donnent à voir un réel délibérément décalé, nimbé de légèreté.
    (B. Longre)

     

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  • De l'Olympe au cybersexe

    Histoire de l'érotisme, de l'Olympe au cybersexe, de Pierre-Marc de Biasi, découvertes Gallimard, 2007

    300845816.jpgPromenade à travers les âges qui ne se cantonne pas au seul Occident, cet ouvrage revendique un érotisme « affirmatif et civilisateur » et entend revenir sur quelques idées reçues, en proposant une lecture intelligente et lucide d'un phénomène qu'on ne saurait réduire à la simple sexualité, à l'assouvissement immédiat du désir ou aux pulsions des uns ou des autres. Car l'histoire de l'érotisme est avant tout « celle de ses représentations » artistiques (de l'art figuratif à la littérature, de la musique au cinéma) – dont nombre d'exemples parsèment ces pages. De l'Eros antique à l'Eros contemporain, Pierre-Marc de Biasi offre un vaste panorama émaillé d'anecdotes et d'analyses passionnantes. Et de conclure que deux ennemis menacent aujourd'hui l'érotisme en tant que « vecteur de culture, de liberté collective et d'épanouissement individuel » : une pornographie « de masse », envahissante et médiocre, soumise à la loi du marché (dont la devise serait « tout, tout de suite »), et « l'inquisiteur barbu, le jeteur d'anathèmes et de fatwas, la figure millénaire du censeur iconoclaste » dont le retour en force en inquiète plus d'un. L'ouvrage s'achève sur un abécédaire, florilège d'extraits littéraires « en proie à la fièvre d'Eros », de Diderot à Baudelaire, d'Ovide à Pierre Louÿs, d'Anaïs Nin à Bataille, de Sade à Claudine Galléa, qui incitera à prolonger l’exploration. B. Longre

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