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littérature, traduction - Page 14

  • Gregory Galloway

    La disparition d'Anastasia Cayne
    traduit de l'anglais (USA) par Nathalie Perrony, Albin Michel jeunesse, Wiz suspense, 2008 - à partir de 14 ans et +

    Anna forever

    Roman inclassable, qui tient à la fois de l’enquête et du roman d’apprentissage, La disparition d'Anastasia Cayne est surtout un tour de force narratif bien ficelé, visant à déstabiliser durablement le lecteur.
    1701859046.jpgLe narrateur, un lycéen de 16 ans d’apparence très quelconque et dont on ne saura jamais le nom, se morfond dans une petite ville américaine très ordinaire auprès de parents à l’esprit étroit et au quotidien étriqué. Jusqu’au jour où débarque Anna Cayne, qui va transformer son existence morose : une jeune fille énigmatique, cultivée, fascinée par la mort, par le magicien Houdini, par Rimbaud ou Kerouac, et dont l’accoutrement gothique n’est qu’un masque parmi d’autres. Anna et le narrateur deviennent très vite amis, puis tombent amoureux et sont désormais inséparables. Anna, énergique et débordante d’idées parfois saugrenues, a l’imagination féconde et un fort penchant pour le mystérieux ; la rédaction de notices nécrologiques reste l’une de ses activités préférées mais elle aime aussi à concocter des messages codés, collectionne des objets hétéroclites et c’est encore elle qui initie le garçon à l’amour physique, à l’alcool, mais aussi à la poésie, à la littérature fantastique ou à la musique, sans pour autant se montrer autoritaire ou méprisante envers ce petit provincial qui s’attache à elle. Mais sept mois après son arrivée, Anna disparaît subitement, du jour au lendemain.

    Le narrateur résume ainsi son histoire : « Je suis tombé amoureux d’une fille, et puis elle est partie ; plus tard, elle a essayé de revenir –du moins c’est ce que je crois – et je suis partie à sa recherche. » Tout part de la disparition d’Anna, et le récit, cohérent de bout en bout, se construit à partir de fragments de souvenirs, d’objets symboliques, de documents divers ou de musiques. Il se souvient d’Anna, tâche de reconstruire les événements qui ont précédé sa disparition. Avec elle, tout était prétexte à inventer de nouveaux jeux, donnant l’impression de se complaire à compliquer les choses – l’on comprend peu à peu que les choses sont effectivement compliquées, qu’il faut savoir creuser et dépasser la surface lisse et trompeuse de la réalité, que rien n’est jamais simple : ni la neige (en référence au titre anglais), ni les sentiments, ni les relations humaines, et surtout pas l’énigme à laquelle nous sommes confrontés, et qui fonctionne comme moteur du récit puisque tout reste à résoudre et à découvrir.

    711758760.jpgAccumulation de questions, desouvenirs, d'indices... le moindre événement apparaît alors sous un jour nouveau, semble suspect – comme s’il fallait prêter attention au moindre détail du récit rétrospectif (et introspectif) pour ne pas manquer un seul élément qui nous mettrait sur la voie. Ajoutons à cela que le point de vue est nécessairement lacunaire, ce qui ne fait qu’amplifier la sensation de mystère. La participation active du lecteur est donc requise, et l’on suit avec anxiété le garçon, qui avance de fausses pistes en vrais espoirs – la vérité est fluctuante et mouvante, impossible à saisir, tant elle présente une multiplicité de facettes.

    Parallèlement à cette enquête à rebours, le roman est aussi une merveilleuse chronique adolescente ; chaque tranche de vie est narrée avec finesse, tout sonne juste et l’on se plaît vraiment en compagnie d’Anna et de son amoureux, qu’on a du mal à quitter. Un roman fascinant, difficile à lâcher, et dont le dénouement ouvre sur de multiples possibilités, ce qui, paradoxalement, nous oblige à choisir celle qui nous convient le mieux, selon sa propre sensibilité. En consultant le site conçu par l’auteur, on trouvera encore d’autres pistes, en particulier musicales... © B. Longre

    à signaler : ce roman a d'abord paru dans une collection de littérature générale aux USA, avant de sortir dans une collection pour grands ados.

    www.albin-michel-jeunesse.com

    www.wiz.fr

    www.assimpleassnow.com

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  • Il y a plus à plaindre...

    978563609.jpg...que les libraires français - que la loi sur le prix unique du livre protège encore un peu. Car si l'on se penche sur ce qui se passe entre autres aux USA depuis l'avènement de sites marchands qui cassent les prix, on se dit que la situation française est loin d'être catastrophique. La preuve en est : L'American Booksellers Association comptait 4500 membres il y a une quinzaine d'année. Moins de 2000 aujourd'hui...

    Tout est , dans le détail, à partir du témoignage d'un libraire indépendant qui fermera bientôt boutique. Selon le journaliste du New York Times : "Village bookstores across the country have been dying at an astonishing rate. According to Oren Teicher, chief operating officer of the American Booksellers Association, the organization had 4,500 members in the early 1990s and now has fewer than 2,000, with 200 independents closing every year, though he said the decline has leveled off. "

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  • Juvenilia

    451517487.jpgHyde Park Gate News - The Stephen Family Newspaper - Virginia Woolf, Vanessa Bell, with Thoby Stephen
    Introduction et notes Gill Lowe, Avant-propos Hermione Lee - Hesperus Press.

    Le journal de Hyde Park Gate - Traduit de l'anglais par Anne Rabinovitch - Mercure de France, 2006

    Un enchantement juvénile, semaine après semaine...


    Les éditions Hesperus publient un ouvrage inédit de Virginia Woolf (née Stephen), un petit événement éditorial et littéraire qui devrait ravir amateurs et curieux. Gill Lowe a longuement étudié certains manuscrits inédits de la famille Stephen (qui dormaient depuis des années à la British Library), et cette étonnante publication, destinée à la fois au grand public et aux chercheurs, est le fruit d’un travail patient : les manuscrits reproduits ici sont ceux d’un journal rédigé en 1891-1892 et en 1895 par Vanessa, Virginia et Thoby, les enfants de Leslie Stephen (biographe, éminent critique littéraire) et de Julia Jackson, la famille résidant au 22, Hyde Park Gate. Les garçons étaient envoyés en pension, mais les filles étudiaient à la maison, et occupaient une partie de leur temps libre en rédigeant cette publication collective… Réalisés artisanalement, les journaux (hebdomadaires) relatent principalement les événements quotidiens de la maisonnée (les plus graves étant abordés avec légèreté ou tout simplement omis), les sorties et les divertissements des enfants, les péripéties des animaux domestiques, en laissant une place importante à la fiction et à l’imagination, en toute liberté ; une précieuse source primaire qui apporte d’abondantes informations biographiques et littéraires sur la jeune Virginia, que l’on voit ici, à l’âge de dix ans, faire ses premières armes avec la rédaction de petits récits fictifs et de juvenilia comme "A Midnight Ride".

    L’ensemble est un régal, un sentiment en partie généré par le ton vivifiant et satirique qui se dégage de nombre de productions (l’ironie étant passablement amplifiée par le procédé narratif de la troisième personne…) : « love letters » parodiques que s’échangent des couples d’amoureux ingénus ou stupides, histoires sans paroles, abécédaires sous forme de poèmes, portraits cocasses de visiteurs inopportuns ou ennuyeux, extraits de journaux intimes (là encore factices), jeux de mots et astuces inventés par les enfants, récits des événements et des anecdotes ponctuant la vie de famille (anniversaires, fêtes de Noël, retours de Thoby, etc.), ou surnoms dont sont affublés certains membres (dont Laura, enfant d’un premier mariage de Leslie, « the Lady of the Lake », internée la plupart du temps)… remplacés, au fil du temps, par des textes abstraits plus complexes et matures.

    Les journaux sont ici disposés en colonnes, ainsi qu’ils l’étaient à l’origine, et les précisions relatives aux supports et aux plumes utilisées ajoutent au caractère authentique et poignant de l’ensemble, de même que la reproduction des erreurs orthographiques des petits écrivains... On retrouvera aussi en fin d’ouvrage la biographie complète de chacun des membres de la famille et des amis proches apparaissant dans les journaux, ainsi que quelques clichés photographiques qui participent de la délicieuse atmosphère désuète d’un temps bel et bien révolu, celui de l’enfance insouciante et joyeusement érudite. © B. Longre

    http://www.hesperuspress.com/

    http://www.virginiawoolfsociety.co.uk/

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  • Fête du Livre Jeunesse de Villeurbanne

    1633905675.jpgAprès deux éditions consacrées à la mémoire et au souvenir, la 9ème édition de cette fête aura lieu du 2 au 6 avril 2008 sur le thème de "Et toi, ton toit ?"

    Pourquoi le thème de l'habitat ? Car la maison est omniprésente en littérature jeunesse -  "à travers la maison imaginaire que représentent toute cabane édifiée, la maison des contes, ou plus simplement la maison que l'on habite, que l'on partage. Quelquefois il n'y a pas de maison du tout et l'habitat devient précaire, on couche dehors ou en foyer, on habite chez l'un ou chez l'autre. On peut en arriver à quitter sa maison pour un logement provisoire : une chambre d'hôtel, une cellule de prison, une chambre d'hôpital, un centre de rétention. Il faut alors se réapproprier l'espace, apprendre à vivre avec d'autres. Ce sont tous ces cas de figures que va tenter de visiter la Fête, avec les ouvrages de plus de 40 auteurs ayant réfléchi sur ce thème."

    L'invitée d'honneur : Cécile Gambini.
    Les autres auteurs / illustrateurs :  Franck Andrat, Barroux, Nicolas Bianco-Levrin, Julia Billet, Betty Bone, Sonji Bougaeva, Edmée Cannard, Alex Cousseau, Jennifer Dalrymple, Thierry Dedieu, Sylvie Deshors, Anne-Laure de Keating-Hart, Delphine Durand, Jean-Luc Englebert, Pascal Garnier, Bruno Gibert, Nolween Godais, Bruno Heitz, Philippe Lechermeier, Thierry Lenain, Frédérick Mansot, Susie Morgenstern, Jean-Paul Nozière, Caroline Palayer, Sacha Poliakova, Marjorie Pourchet, Eric Puybaret, Hélène Riff, Jérôme Ruillier, Irène Schoch, Florence Thinard et Fabrice Vigne.

    Une journée professionnelle aura lieu le vendredi 4 avril, sur le thème de Littérature jeunesse et engagement politique.

    www.mairie-villeurbanne.fr/fete_livre_jeunesse_2008/

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  • Autour des mots - 7

    Des ouvrages qui nous racontent la vie des mots.

    c4339beab5a08b69d5b73d8ab284d65c.jpgQu'importe le flacon - Dictionnaire commenté des expressions d'origine littéraire de de Jean-Claude Bologne - Larousse, Le souffle des mots.

    Amusante érudition

    Cette réédition, sous un nouveau titre, des Allusions littéraires (1989) est une excellente initiative, en cela qu'elle permet de remettre sur le devant de la scène un ouvrage passionnant de Jean-Claude Bologne - par ailleurs auteur, dans la même collection, de Une de perdue, dix de retrouvées, chiffres et nombres dans les expressions de la langue française (2004) et Au septième ciel, dictionnaire commenté des expressions d'origine biblique (2005).

    Dans une introduction détaillée il s'explique sur son "choix capricieux et fondamentalement subjectif du carnet de bal" (plus de quatre cents entrées et, faute de place, l'auteur nous offre plus de 300 allusions supplémentaires en fin d'ouvrage, certes moins connues, mais  néanmoins rencontrées au fil de ses lectures), et tente de définir ce qu'est une allusion littéraire et ce qu'elle n'est pas, à savoir : une expression entrée dans le langage courant, extraite d'une oeuvre littéraire, mais pas nécessairement fidèlement retranscrite (contrairement à la citation ou au proverbe, des formes fixes) ; il admire la malléabilité et la spontanéité de l'allusion littéraire qui, selon lui, "n'a pas l'agressivité de la citation, qui est étalage de culture et sent son pédant."

    Sa collecte, fructueuse, a été effectuée dans le langage d'aujourd'hui, car comme tous les linguistes intelligents, Jean-Claude Bologne voit dans le langage un matériau vivant, évolutif, impossible à figer (n'en déplaise à ceux qui régulièrement se lamentent sur le sort que l'on fait à la langue française...), en témoignent les variantes, les modifications et les interprétations diverses qu'il propose tout au long de ce dictionnaire commenté ; dans le même temps, et suivant le même ordre d'idées, il nous invite ouvertement à une lecture vagabonde, désordonnée, qui n'obéit qu'au principe de plaisir.

    On navigue donc à vue entre les petites phrases que nous ont léguées des dizaines d'auteurs francophones ou non - et même si certains forment le fond de la récolte (Lafontaine, Molière, Hugo, Voltaire, Corneille, Shakespeare, Andersen ou Rabelais, etc.), on sera souvent surpris de redécouvrir qui a dit ou écrit quoi ; florilège : "Dieu existe, je l'ai rencontré" (André Frossard, 1969), "chacun son métier, les vaches seront bien gardées" (Florian, 1792), "partir, c'est mourir un peu" (Edmond Haraucourt, 1891), "Mais ceci est une autre histoire" (Kipling, 1888), ou encore "On n'est jamais si bien servi que par soi-même" (Charles-Guillaume Étienne, 1807, peu gâté par la postérité). Chaque entrée est l'occasion d'explications et d'analyses approfondies, truffées d'anecdotes érudites.
    Mais "qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse" écrivait Musset en 1832, et quelle que soit la source première de chacune de ces allusions, ce qui compte en définitive c'est qu'elles aient perduré et que nous soyons nombreux à faire de la littérature sans même le savoir... © B. Longre

    Jean-Claude Bologne

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  • Revue des livres pour enfants

    1527908737.jpgRevue des Livres pour enfants, n° 239 – février 2008 (La Joie par les Livres, Centre national de la littérature pour la jeunesse / BNF)

    Ce numéro, hormis les habituelles recensions (romans, livres CD, poésie, albums, BD, documentaires… - ou encore publications théâtrales, rubrique à laquelle je contribue), comprend un dossier détaillé consacré à la littérature jeunesse en Israël, qui retrace son émergence (depuis les années 1960) et propose des portraits de plusieurs auteurs ; la revue se penche aussi sur les livres en langue arabe, sur l’alphabétisation des enfants immigrés et le rôle des bibliothèques, ou sur les traductions de livres jeunesse en Allemagne. On y lira aussi un beau texte de Valérie Zenatti (auteure de Quand j’étais soldate).

    Annick Lorant-Jolly, rédactrice en chef, signe un article qui intéressera tous ceux qui s’interrogent encore sur la polémique lancée par le Monde en décembre dernier : « La littérature pour adolescents à nouveau en débat ». On appréciera son point de vue éclairé et l'ouverture d'esprit dont elle fait montre.

    La Revue des livres pour enfants

    www.lajoieparleslivres.com

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  • Sorcières du 8 mars

    905476651.jpg8 mars : Journée de la femme...

    Les dates figées me déplaisent un peu - on sait que souvent, elles n'existent que pour donner bonne conscience à certains. Il reste qu'elles sont aussi l'occasion de coups de projecteur sur les dysfonctionnements encore avérés de nos sociétés, mais aussi de mettre l'accent sur les discriminations encore plus graves qui touchent les femmes dans d'autres coins du monde.

     De mon côté, j'en profite pour reparler ci-dessous d'un ouvrage dont la lecture m'avait passionnée - et qui a l'avantage d'analyser des faits passés à l'aune du présent (et vice-versa), et pour conseiller à nouveau d'aller faire un tour sur le blog que Caroline Scandale consacre au féminin et à ses représentations dans la littérature jeunesse - entre autres.

    Quelques liens vers des articles sur le féminin sur ce blog ainsi que sur Sitartmag

     

    Les putains du Diable, Le procès en sorcellerie des femmes d'Armelle Le Bras-Chopard (Plon)

    Et la sorcière fut…
    ou l’histoire d’une attaque en règle et de ses résurgences.

    Le titre de cet ouvrage érudit, fouillé, étayé par de nombreuses sources primaires, met d’emblée l’accent sur le regard masculin profondément biaisé qui fut à l’origine d’événements meurtriers historiquement circonscrits : la chasse aux dites sorcières et les procès en sorcellerie qui agitèrent l’Europe deux siècles durant, du XVe à la fin du XVIIe siècle.

    Une vaste répression fabriquée de toutes pièces, dont les méthodes s’inspiraient directement de l’inquisition, mais cette fois dirigée presque exclusivement contre les femmes, et qui s’explique par la « menace, née de l’imaginaire masculin : la puissance montante, réelle ou supposée des femmes aux foyers. » Le « problème est celui du pouvoir », rappelle l’auteure dès l’introduction, faisant écho à la thèse qu’elle développait dans un précédent ouvrage, Le masculin, le sexuel et le politique, et qui reposait sur l’idée que des siècles durant, le pouvoir, apanage du mâle et de sa puissance sexuelle, s’est construit sans les femmes – l’ennemi commun à toute la masculinité.

    1825056705.jpgEffectivement, 80 pour cent des condamnés au bûcher sont des femmes, jugées « démoniaques » par des hommes, forcément, qui s’appuient sur des traités de démonologie pondus au fil des décennies – par des hommes, forcément ; des "coupables" pour la plupart intégrées dans la société – à ne pas confondre avec les guérisseuses ou autres vieilles femmes qui vivent en marge de la société rurale. La femme accusée d’avoir forniqué en secret avec le Diable (un rituel qui scelle le pacte) n’a, en apparence, rien qui puisse la différencier de ses voisines et le phénomène n’est en aucun cas « périphérique », contrairement à ce que soutenait Michel Foucault.

    L’auteure de s’interroger alors sur les motivations de cette attaque en règle de la femme tentatrice et instigatrice, à l’image d’Eve, qui cède librement au Diable (« décrété mâle », nécessairement), et de prendre en compte « cette appartenance des victimes au sexe féminin comme élément constitutif de la définition même de la sorcellerie démoniaque ». Ce postulat de départ permet de déployer une thèse qui rejoint la sphère politique, en établissant des correspondances précises entre sexualité et pouvoir – le Diable étant avant tout celui qui cherche à déstabiliser la hiérarchie divine et à renverser Dieu, son maître, en trouvant des complices consentantes, des femmes qui se soumettent à lui, et se rendent ainsi coupables de miner l’ordre social et sa stricte hiérarchie.

    La doctrine démonologique, telle que les théologiens et les inquisiteurs l’ont concoctée, s’appuie sur de nombreux traités, manuels et récits de procès, la référence dans le domaine restant le Malleus Maleficarum (Le Marteau des sorcières), écrit en 1486 par Henry Institoris et Jacques Sprenger, deux dominicains qui ont donné une définition précise de la sorcellerie, dont se sont inspirés nombre de religieux et de juges - hormis cet ouvrage, Armelle Le Bras-Chopard s’est appuyée sur un corpus de six autres documents, constamment cités au fil de son développement.
    L’auteure évoque ainsi le caractère profondément arbitraire des procès qui vont être intentés aux femmes durant des décennies, pour un crime considéré si « extraordinaire » – plus grave encore que l’hérésie – qu’on pourra juger « hors du droit », et décortique très soigneusement le mécanisme de cette construction idéologique, dont il reste des échos parfois virulents dans la société du XXIe siècle. On apprendra entre autres comment s’est amplifiée une misogynie déjà bien présente dans la société, entraînant une détérioration du statut de la femme qui a pu favoriser l’essor des procès, comment la représentation du diable s’est matérialisée (après avoir été longtemps une figure impalpable) et a été peu à peu associée à une sexualité perverse, comment les femmes (nymphomanes et inconstantes, on s'en doute) soumises au diable sont consentantes et investies de pouvoirs nuisibles (tous plus abracadabrants les uns que les autres), ou encore comment les prétendus sabbats se déroulaient (on remercie ici l’imagination sans bornes des juges et des inquisiteurs… !)

    2001162253.jpgLa chasse et les procès sont interdits à partir de la fin du XVIIe siècle – les puissants se seraient-il convertis à l’humanisme ? Seraient-ils soudain devenus sensibles au sort des condamnées ? Restons lucides ! S’ils se penchent sur ces « épidémies » démoniaques qui ne se contentent plus de se propager aux seules campagnes mais commencent à s’attaquer aux centres urbains, c’est principalement pour des raisons politiques : la multiplication des procès (et leur lot de tortures et d’incitations à la délation) a pris une ampleur presque incontrôlable que le pouvoir central regarde d’un œil méfiant ; on commence à réagir aux abus de pouvoir des petits juges de campagne et certains s’étonnent enfin de découvrir qu’on ne trouve de sorcières que dans les lieux où se déroulent les procès… Dans le même temps, la gestion des sujets de l’Etat se démarque peu à peu de la sphère religieuse et de ses fantasmagories. Les femmes restent toutefois interdites de politique (« une femme au pouvoir est peu différente d’une sorcière ») et, placées sous la tutelle du mari, elles se voient refuser les droits élémentaires qui ne reviennent qu’aux hommes dans l’Etat moderne qui se construit au fil des décennies ; la loi, qui définit clairement le statut de la femme et limite son influence dans la sphère publique, a remplacé le bûcher. Dans La société démocratique qui se met en place, la dictature du genre demeure. La sorcière a certes disparu, mais la femme est « longtemps encadrée par les lois masculines », qui l’empêchent de prendre trop d’ascendant et, pourquoi pas, de comploter pour renverser le pouvoir masculin. Au XXe siècle, le féminisme et la revendication du droit de vote font « resurgir le spectre de la sorcière » et la menace d’un complot (cette fois organisé) contre les hommes se matérialise à nouveau.

    L’ouvrage est passionnant de bout en bout, et la manière dont l’auteure relie, avec lucidité, les faits du passé (qu’on pourrait croire enterrés) au monde contemporain y est pour beaucoup ; sa conclusion, particulièrement vigoureuse (dans laquelle elle ne prône nullement le différentialisme et en appelle au contraire à la « mixité des sexes ») prend des allures de salutaire pamphlet : une dénonciation de la misogynie encore prégnante dans nos sociétés dites laïques (où la renaissance du religieux devrait pourtant alarmer) et égalitaires, où l’image de la sorcière (qu’incarne la femme émancipée, désireuse de se soustraire à l’oppression masculine) est encore largement véhiculée dans l’inconscient collectif, en témoignent les propos qui s’échappent plus ou moins délibérément de la bouche de certains politique ou médias. Le pouvoir masculin irait-il jusqu’à faire renaître le fantasme de la sorcière des cendres des bûchers ? s’interroge très pertinemment Armelle Le Bras-Chopard. Une conclusion en suspens qui encourage à la réflexion et à une vigilance de tous les instants… © B. Longre

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  • Polémique - salon du livre 2008

    2010504050.gifLes appels au boycott et les demandes d'annulation (!) se succèdent, alors que l'invité d'honneur du salon du livre de Paris est Israël. Fort regrettable, cette instrumentalisation politique de la littérature. Car les écrivains invités, en fin de compte, incarnent-ils, en tant qu'individus, un état ? Le salon veut d'abord célébrer la littérature de langue hébraïque, au-delà des politiques et des querelles (qu'elles soient ou non sanglantes), au-delà des affiliations religieuses et sectaires ou des chapelles. Il est vrai que l'intitulé "invité d'honneur : Israël" est passablement maladroit... "invités d'honneur : écrivains de langue hébraïque" aurait été plus judicieux (puisque la langue est le critère de sélection) au moins pour dépasser la notion d'état et insister sur le littéraire.

    Comme indiqué sur le site du salon : "C'est la reconnaissance d’une littérature dynamique, d’une immense richesse, à l’image d’une société multiculturelle. Une littérature qui puise dans le passé, s’affirme dans un présent mouvementé, sans à priori, n’esquivant aucune question, qui interroge et analyse sans concession."

    http://www.salondulivreparis.com/


    Souvenons-nous aussi que les autorités égyptiennes pratiquent allègrement la censure - voir
    blongre.hautetfort.com/archive/2008/01/29/pauvre-litterature.html

    Je lis ici que, Tariq Ramadan (bien connu pour son ouverture d'esprit et ses vues inspirées !) a répondu à La Repubblica :"Il est clair qu'on ne peut rien approuver de ce qui vient d'Israël".

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  • Jolie rencontre...

    522281294.jpg... avec Christine Beigel - un article de Magali Turquin, à lire sur le site des Histoires sans fin. Elle y présente son parcours d'auteure, ses derniers ouvrages et de ses activités d'éditrice aux éditions Après la Lune.

    Les Histoires sans fin, site consacré à la littérature jeunesse géré par Fred Ricou, propose des chroniques, des entretiens, des coups de coeur et de nombreuses autres informations.

    http://www.leshistoiressansfin.com/

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  • Araluen - Tome 3

    712787050.jpgL'APPRENTI D'ARALUEN - La Promesse du Rôdeur (tome 3)
    roman de John Flanagan - traduit de l'anglais (Australie) par B. Longre - Hachette romans jeunesse - 5 mars 2008

    Le tome 1
    Le tome 2
    L'auteur
    L'éditeur

    (Les droits de la série viennent d'être achetés par United Artists. Le cinéaste Paul Haggis devrait réaliser prochainement l'adaptation du premier tome.)

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  • Mort anonyme

    380238938.jpgUne nuit de Christine Féret-Fleury, Editions Motus, collection Mouchoir de poche.

    Une écriture limpide, des flocons qui tombent, une galerie de personnages pris à un instant T, sur le vif, « chacun dans sa vie» - quelques habitants d’un immeuble qui ont tous aperçu la voiture rouge, (mal) garée, en bas ; une voiture solitaire bientôt couverte d’un « tapis de velours blanc » et dont personne ne se soucie vraiment (hormis le policier retraité qui s’offusque…). Ce n’est qu’au petit matin qu’on découvrira ce que cachait la présence de cette voiture.
    Les illustrations très basiques (conçues par l’auteure – c’est en effet l’un des principes de la collection) ne proposent aucun portrait : seulement des objets qui incarnent l’un ou l’autre personnage et, en leitmotiv, une fenêtre close, qui pourrait symboliser l’indifférence au reste du monde, le repli sur soi, au chaud – ce qu’entend dénoncer Christine Féret-Fleury par le biais de la poésie, sans moraliser ni culpabiliser le lecteur (ou à peine). L'histoire pudique et poignante d'une mort anonyme. B. Longre

    http://motus.zanzibart.com/

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  • Editeur à découvrir

    1505626686.jpgLes éditions du Sonneur, fondées par Valérie Millet, assistée de Sandrine Duvillier et Jean-Luc Remaud, proposent une belle diversité de textes - de Maupassant (lire l'article de Myriam Gallot) à Gobineau (un tome de Nouvelles asiatiques), de Jack London (un texte autobiographique où l'auteur retrace son parcours chaotique) à Alexandre Dumas, des textes méconnus, "dignes de revivre", sans oublier les contemporains, des romans qui mettent en avant d'excellentes plumes : Marie-Noël Rio, auteure de Pour Lili ou Jean-Marie Dallet, dont je suis en train de découvrir Au plus loin des tropiques.

    Dès le début, l'éditrice a eu le souci "d'éditer peu de titres, mais de les accompagner assez longtemps pour qu’ils trouvent leurs lecteurs. Des ouvrages auxquels on revient et avec lesquels on vit. Bref, le contraire de la surproduction et de la grande consommation littéraire." Une démarche qui mérite d'être saluée, forcément.

    A paraître prochainement un recueil de chroniques : Portraits du jour, 150 histoires d'une étrange planète de Marc Kravetz, qui intervient sur France Culture, où il dresse chaque matin ses fameux portraits.

    www.editionsdusonneur.com

    http://www.myspace.com/editionsdusonneur

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  • Des traducteurs réagissent...

    691157571.jpg...suite à l'article publié dans Le Monde du 21 février dernier, intitulé "Pierre-Emmanuel Dauzat : "Tout n'est pas avouable dans une vie de traducteur", dans lequel le traducteur en question affirme : "La plupart de mes contrats, je les ai signés sans connaître le moins du monde la langue que j'allais traduire." De même, selon le journaliste, PE Dauzat aurait traduit des ouvrages (300 ?) "dans une quinzaine de langues : l'anglais, l'allemand et l'italien ("les trois langues dont je vis"), mais aussi l'espagnol, le russe, le suédois, le serbo-croate, le latin et le grec (ancien et moderne). Sans oublier l'hébreu biblique, le yiddish, l'ourdou et l'indonésien..."

    Fiction ou véritable prodige ? La question vaut la peine d'être posée (surtout quand le traducteur dit pondre entre 20 et 40 feuillets par... jour !) Il reste que plusieurs traducteurs littéraires ont réagi à ces propos surréalistes (ou en tout cas passablement exagérés) qui faussent l'image que l'on peut se faire du métier.

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  • De la nature

    f491c3e54f346912533ce6f5b831f39d.jpgRevue littéraire "qui rassemble et donne la parole", In-fusion, dirigée par Nicolas Cotten, propose un premier numéro consacré à la nature ; une vingtaine d'auteurs se sont penchés (très librement) sur ce thème (pourtant imposé !), à travers des poèmes, des textes courts, des essais, ou encore des photos-haïkus...

    Les contributions sont signées Thierry Cazals, Eric Dubois, Pierre Clavilier, Michel Cosem, Jean-Pierre Lesieur, Philippe de Boissy, Saïd Mohamed, Camille Aubaude, Daniel Brochard, Jacqueline Panorias, Cécile Guivarch, Laurent Fels, Juliette Clochelune, Emeric de Monteynard, Patrick Joquel, Thibaut Gress, Matthias Vincenot, André Duhaime, Magali Turquin, Danièle Corre, Jean-Pierre Cotten, et la revue est diffusée par les éditions du jasmin (www.editions-du-jasmin.com/)

    Elodie Guernalec en parle aussi sur son excellent blog.
    In-Fusion invité sur Paris Pluriel.

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  • Prix Rhône-Alpes du livre 2008

    Emmanuel Merle reçoit le prix de littérature pour son recueil de poèmes Un homme à la mer (Gallimard) ; Edmond Raillard est récompensé pour sa traduction du catalan du Dernier Livre de Sergi Pàmies, de Sergi Pàmies (Éditions Jacqueline Chambon) ; Olivier Ihl, pour son essai intitulé Le Mérite et la République, essai sur la société des émules. Quant au prix jeunesse, créé en 2007, il revient à Fabrice Vigne pour son roman Les Giètes, paru dans la collection « Photoroman », avec des photographies d’Anne Rehbinder (Éditions Thierry Magnier) - on pourra lire un article consacré à ce roman dans Sitartmag (roman certes publié par un éditeur jeunesse, mais dans une collection destinée aux grands ados et aux adultes et qui appartient donc davantage au domaine de la littérature générale).

    Quant à Sergi Pamies, j'avais aimé un recueil de nouvelles intitulé On ne peut pas s’étouffer avec des vermicelles
    (déjà traduites du catalan par Edmond Raillard), aux éditions Chambon / Le Rouergue.

    Lire le dossier dans Livre&Lire (mensuel du livre en Rhônes-Alpes, édité par l'Arald)

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  • Pas raccord de Stephen Chbosky

    42d6f07907548ee85244c5a5ea8d9601.jpgPas raccord, de Stephen Chbosky
    traduit de l’anglais (Etats-Unis) par B. Longre. Titre original : The Perks of being a Wallflower - Roman Exprim, Sarbacane, avril 2008

    4e de couv. Au lycée où il vient d'entrer, on trouve Charlie bizarre. Trop sensible, pas "raccord". Pour son prof de Lettres, c'est sans doute un prodige ; pour les autres, c'est juste un "freak". En attendant, il reste en marge - jusqu'au jour où deux terminales, Patrick et la jolie Sam, le prennent sous leur aile. la musique, le sexe, les fêtes : le voià entré dans la danse... et tout s'accélère.

    1c8519f4cad186e836bc1879b6eecb90.jpgEcrivain, éditeur, scénariste et réalisateur, Stephen Chbosky vit à New York, où il milite activement pour la défense des droits homosexuels. Pas raccord livre culte aux Etats-Unis, est son premier roman.

    Un entretien avec l'auteur (sur les tentatives de censure que rencontre son roman)

    Filmographie

    www.exprim-forum.com

    www.editions-sarbacane.com

    Voir aussi ce qui s'en est dit ici.

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  • Cassé (Kurt Cobain)

    db5ea4606bfc624ef170307d41a5928c.jpgLecture hautement recommandable...

    Cassé (Kurt Cobain), de Christophe Paviot - Naïve, 2008

    L'article est en ligne sur Sitartmag.

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  • Deux livres, deux mises en scène...

    Suite à la note présentant quelques initiatives novatrices visant à promouvoir autrement les livres et la lecture, deux autres propositions à découvrir. Une lecture pour un album, un clip pour un roman.

    156f0bfc79070d78c1e9181c130115be.jpgCécile Roumiguière invite à venir écouter/admirer une minute de lecture de son prochain album, L'enfant silence (Seuil Jeunesse), accompagnée des illustrations de Benjamin Lacombe ; un extrait mis en musique par Benoît Widemann. Une présentation réussie qui donne envie de pouvoir feuilleter l'album... http://www.cecileroumiguiere.com

    De leur côté, les éditions Flammarion jeunesse innovent aussi en proposant une bande-annonce : celle du roman de Bertrand Puard, Les Compagnons du Sablier (tome 1 : Les momies de Cléopâtre), à paraître le 3 mars prochain. Voir la bande-annonce

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  • Retour... et lectures

    Après une (forcément trop brève…) pause de l’autre côté de la Manche, quelques (là encore brèves) nouvelles de lectures dont je reparlerai prochainement. La pile d'ouvrages en souffrance ne cesse de monter et je me vois contrainte d'effectuer des choix parfois bien difficiles...

    8712925c2e0ecb2ff4187e3b4799d962.jpgLes fantômes du soir de Sébastien Doubinsky - Le Cherche Midi

    Aria des Brumes de Don Lorenjy - Le Navire en pleine ville

    Ne sois pas timide de Claire Ubac - L'école des loisirs

    Ce que la vie signifie pour moi de Jack London - Editions du Sonneur

    Les inséparables de Colas Gutman - L'école des loisirs

    Dieu vit à Saint-Pétersbourg de Tom Bissell - Albin Michel, Terres d'Amérique

    db78f9aebc557836592b223dd7fdb8b2.jpgJe me suis aussi lancée dans le dernier roman de Hanif Kureishi, Something to tell you, un grand plaisir pour l’instant… (à paraître chez Faber en mars et un peu plus tard en France), dont j'aime beaucoup la couverture (ci-contre). Du même auteur, on appréciera entre autres le recueil de nouvelles, regroupées sous le titre La lune en plein jour.

     

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  • Traduire = négocier

    Le site Non-Fiction publie un article portant sur Dire presque la même chose, expériences de traduction d'Umberto Eco (Grasset)

    "C’est pourquoi le traducteur négocie en permanence. Eco développe cette comparaison tout au long de l’ouvrage. Négocier, cela implique d’évaluer les pertes et les compensations, de distinguer les pertes absolues – les cas où il est impossible de traduire –  des pertes par accord entre les parties. Lorsqu’il n’y a pas de synonyme exact d’un mot dans la langue de traduction (et c’est le cas le plus souvent), le traducteur négocie les propriétés du mot original qui lui paraissent pertinentes – par rapport au contexte et aux objectifs que le texte s’était fixés." (François THOMAS)

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  • Archi-texture

    f44ab2059fab32470a6f2aa3afef5500.jpg

    Un ouvrage hybride, qui mêle architecture et littérature, publié dans une collection baptisée... Architexto.

     

    Martiat & Durnez, architectes + Frédéric Saenen, écrivain
    Editions fourre-tout, en co-édition avec le Centre international pour la ville, l'architecture et le paysage (Bruxelles), ouvrage en partie bilingue français-anglais, coll. Architexto, 2007

    (Re-)Constructions en tout genre...

    Architexto se présente comme une collection de neuf ouvrages hybrides (2006-2009) qui accompagnent des expositions, et dont le but avoué est de favoriser la transdisciplinarité entre architecture et écriture, un bel échange entre deux disciplines qui ont en commun l’idée de construction.

    Dans ce cinquième volume, les travaux des architectes François-Xavier Martiat et Sibrine Durnez (diplômés de l’ISA Saint-Luc de Wallonie et installés à Liège depuis 2004), côtoient La porte à côté, un texte de Frédéric Saenen – co-fondateur de la revue Jibrile et collaborateur de nombreuses revues littéraires. Une rencontre artistique féconde qui part, selon les deux architectes, du principe suivant : « Lire un livre demande une démarche personnelle et renvoie à l’acte volontaire de l’architecte qui traduit l’histoire des gens en espaces. Comme l’auteur qui écrit. » Ces derniers présentent vingt-huit maisons avec plans, photographies, accompagnés de quelques commentaires afin de situer l’édifice et les travaux réalisés (constructions neuves, extensions, transformations.)

    De son côté, Frédéric Saenen s’interroge : « Est-il deux domaines plus propices à l’enchevêtrement des regards et des destinées ? » Et c’est justement de cela dont il est question dans la nouvelle qu’il propose (une « modeste maison de la fiction », pour reprendre sa citation de Henry James) : une série d’épisodes juxtaposés, microcosmes édifiés parallèlement les uns aux autres qui mettent en scène des personnages dont les destinées sont vouées à se télescoper et dont la clé de voûte émerge peu à peu. Une histoire certes modeste dans son propos, mais à travers laquelle se déploient de multiples ramifications (sociales, familiales, existentielles) et dont les solides fondations soutiennent un puzzle narratif efficace qu’il incombe au lecteur de reconstruire… ce dernier, que l’auteur invite à entrer « par effraction » dans les territoires inconnus de ses personnages, prend ainsi plaisir à circuler dans ce dédale minuté avec précision, qui explore entre autres les notions croisées de fatalité et de hasard – pas nécessairement antinomiques – dans un décor qui pourrait fort bien ressembler à certaines des maisons exposées dans le même ouvrage... © B. Longre

    éditions Fourre-tout

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  • En avant-première

    c5094eab42be745a9614881b1f7232cc.jpgLire ICI (Tout à fait décousu) un texte inédit de Pierre Autin-Grenier (extrait d'un futur ouvrage qui s'intitulera : « C’est tous les jours comme ça - Les dernières notes d’Anthelme Bonnard »).

    Pour découvrir d'autre textes de Pierre Autin-Grenier, lire les critiques de Jean-Pierre Longre, dont la dernière porte sur Un cri (illustrations de Laurent Dierick), paru aux éditions Cadex.
    www.sitartmag.com/autingrenier8.htm

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  • Carnets du dessert de lune (mea culpa...)

    4f06c3ffa4b23afac5a254f0cb44aea8.jpgDans la liste des éditeurs qui bloguent (et/ou profitent de l'outil blog pour mieux faire connaître leurs parutions), j'en ai oublié un, et non des moindres : Jean-Louis Massot, fondateur des Carnets du dessert de Lune, une maison d'édition qui a fêté ses 10 années d'existence en 2005... et qui continue, contre vents et marées, à publier de la poésie, des travaux d'artistes, des récits, des nouvelles, et nombres d'ouvrages inclassables, dont L'Ode à la mouche dont je parle ci-dessous.

    Entretien avec J-L. Massot, (novembre 2005), précédé d'un article portant sur un ouvrage culinaire atypique : La cuisine molle pour édentés, de Michel Dehoux & Jean-Pierre Jacquemin (Les Carnets du Dessert de Lune, 2005)

    http://www.dessertdelune.be/

    Pour se procurer leurs ouvrages

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  • Bzz...

    L’Ode à la Mouche d'Odile Bonneel et Apostille de Cécile Bonneel, dessins de Nathyi Regner, Les Carnets du Dessert de Lune, 2004

    C’est bien connu, on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre…

    fb434e0221af4dca27bb425d3791f2b5.jpgLa Société Protectrice de la Mouche Française (dont l’unique membre répertorié à ce jour, Cécile Bonneel, est aussi la fondatrice…) a beau s’époumoner dans son apostille, dénoncer le cruel acharnement des chasseurs – munis de tapettes manuelles ou électriques – rien n’y fait… Car Odile Bonneel (notez bien que seul change le prénom), qui signe cette Ode à la mouche (et les meurtres qui y sont étalés) n’a nullement l’intention d’abandonner son « sport favori » et nous donne, au grand désespoir de Cécile, quelques leçons dans l’art d’exterminer « ces nuisibles à six pattes », « engeance du diable »…

    « The fly killeuse » n’y va pas de main morte – tout est en effet dans le geste et dans la position : « En équilibre sur une jambe, ou en ressort sur les deux jambes pour viser le plafond, la pratique est élégante et racée. » Son record ? Soixante petits cadavres le quart d’heure… La tuerie ne connaît pas de limites et s’apparente à une véritable passion, capable de procurer une jouissance à nulle autre pareille ! Tant et si bien que lorsque le gibier vient à manquer, « il suffit de rouvrir la porte-fenêtre pour faire à nouveau le plein de mouches. »
    Stratégies dignes d’un général d’armée, plans d’attaques censés déjouer les ruses des insectes pour échapper à la tapette manuelle (L’ère préhistorique…) ou à la tapette électrique, le must… instrument de torture et arme de destruction massive autrement performante que son ancêtre, capable de transformer l’amateur en professionnel.

    Ces petits textes inventifs et décapants, accompagnés des illustrations allègrement cruelles de Nathyi Regner, composent un ouvrage fort réjouissant, dont la noirceur renforce le plaisir sadique du lecteur : bientôt, qu’il ait déjà pratiqué ou non le sport en question (prochaine discipline olympique ?) il est comme contaminé par l’enthousiasme de la killeuse, pour peu qu’il ait quelques insectes à se mettre sous la dent – pardon, à exterminer !
    © B. Longre

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  • Quand les écrivains se relisent...

    dd4e2408d35bc2209de760d38fed35bf.jpgLa relecture de l’œuvre par ses écrivains mêmes. Tome 1 : Tombeaux et testaments. Tome 2 : Se relire contre l’oubli ? (XXe siècle), Sous la direction de Mireille Hilsum, éditions Kimé, collection Les Cahiers de marge, 2007
    Le processus rétrospectif de relecture de son oeuvre par un écrivain ne doit pas être confondu avec celui de réécriture. Ces deux ouvrages font le tour de la question, de Rousseau à Proust, d'Aragon à Giono, de Michaux à Queneau...
    "Qu’est-ce que se relire ? Ressasser ? Se réapproprier ? Réinterpréter l’œuvre ancienne à la lumière de celui qu’on est devenu ? Ou plutôt rectifier une méprise, un malentendu ? Ou enfin recréer comme le font les diaristes et les poètes qui n’écrivent pas sans se relire ; le texte relu peut intervenir dans la genèse d’un autre, être le point de départ d’autres œuvres ; la relecture peut en effet passer par l’image, la musique ou l’adaptation théâtrale. Relever de la traduction, faite par l’auteur lui-même ou revisitée par lui dans les décennies qui suivent l’édition originale."

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  • Loi 1949 - suite

    37ae78c194497649d0911ad2efaff4b8.jpgDans Citrouille, Claude André, libraire à L'Autre Rive, propose un article portant sur la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ; il la resitue dans son contexte, en explique la fonction et en explore les limites avec claivoyance - en insistant sur le fait qu'il ne faudrait pas confondre enfance et adolescence... "La loi est imparfaite mais sûrement nécessaire et rien n’empêche les éditeurs qui pensent qu’on peut s’adresser à des ados comme à des adultes de s’affranchir de cette loi en ne s’y référant pas."

    Sur la censure, on lira aussi ceci.

    les autres pages de ce blog qui font référence à cette loi :

    http://blongre.hautetfort.com/archives/category/liberte_d_expression.html

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  • Qui a osé dire que l'écriture ne payait pas ?

    L'auteur Martin Amis gagnerait 4000 euros de l'heure... comme professeur de creative writing à l'Université de Manchester.

    source / Voir aussi ici et .

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  • Autour des mots - 6

    Des ouvrages qui nous racontent la vie des mots.

    33d37493094b3c782af82a801e1fdad7.jpgL’anglais, It is not the joy ! de Christiane Courbey, Chiflet & Cie

    Personne n’a oublié Sky ! My husband ! le célèbre ouvrage de Jean-Loup Chiflet (John-Wolf Whistle pour les anglicistes…), où l’auteur s’amusait à traduire mot à mot proverbes, expressions figées et autres idiotismes, du français à l’anglais. Le répertoire que Christiane Courbey, professeure d’anglais en lycée, propose aujourd’hui est né de cette rencontre avec Sky ! My husband ! et de l’usage qu’elle en a fait dans ses classes, en instaurant une «méthode ludique pour apprendre l’anglais» (selon Jean-Loup Chiflet, qui signe l’introduction) – méthode que d’aucuns jugeront fantaisiste, mais qui s’appuie pourtant sur l’idée efficace (et qui a fait ses preuves) qu’il faut exploiter les erreurs (ou les « perles ») des élèves pour les amener à progresser. Aussi, sous ses dehors humoristiques et inventifs, c’est un recueil très sérieux (et fort utile pour travailler lexique, syntaxe, etc.) que nous livre cette enseignante – on aurait malgré tout aimé qu’elle nous en dise davantage sur la manière dont elle procède au quotidien. A feuilleter sans restriction. © B. Longre

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  • La perte et le gain

    À lire sur Nuage-9 une petite explication de traductologie très instructive... ou comment passer du français au bengali.

    (Ne pas manquer de lire les autres articles de Sumana sur la traduction poétique.)

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  • Jeudi 23.01, Bruno Doucey...

    0fe797c39a3df6462e8611dd02f57177.jpgArmel Louis et la librairie La Lucarne des écrivains invitent Bruno Doucey le MERCREDI 23 JANVIER à 19h30, à  LA LUCARNE DES ÉCRIVAINS (115, rue de L'Ourcq, 75019 PARIS - Métro Crimée)
    Lecture et présentation de deux livres récemment publiés : LA CITÉ DE SABLE, éditions Rhubarbe et AGADEZ, éditions Transbordeurs. En présence d'Alain Kewes, directeur des éditions Rhubarbe.

    La Cité de sable, de Bruno Doucey, éditions Rhubarbe, 2007

    " L’écriture est une vie renversée. "

    Des neuf textes qui composent ce recueil, cinq s’imprègnent du désert, le décrivent, s’en inspirent, montrent ses paradoxes et ses beautés, ses habitants ou ses visiteurs de passage ; certains y sont nés et n’envisagent d’autre horizon que celui-ci, qui les satisfait pleinement, jusqu’au moment où il faut se sédentariser (Raïna ou les Demeures absentes) ; d’autres y voient un refuge temporaire (comme Slimane et Mounia, épris d’une liberté inaccessible, dans Morsures) ; d’autres encore répondent à l’appel du désert, en quête d’un absolu toujours fuyant (« la dune attire le voyageur comme une femme et lui échappe par caprice »), même quand on croit avoir atteint le cœur des choses.

    Lire la suite de l'article en ligne

    Les éditions Rhubarbe

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