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Théâtre - lire & voir

  • Des monstres et des saints : SADE 2.0

    Marquis de Sade, Jean-François Mariotti, Clémentine Marmey, théâtreUne adaptation de Sade pour rire des monstres sacrés et démonter férocement le puzzle de l’histoire.

    Auteurs : Sade / Jean-François Mariotti
    Metteur en scène: Jean-François Mariotti

    Avec Clémentine Marmey

    Théâtre Les déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris 75001
    du 24 janvier au 08 mars 2012 à 20h / mardi, mercredi et jeudi.
    pour réserver : 
    http://www.lesdechargeurs.fr/node/533 

    Jean Moulin, Pétain, Sœur Emmanuelle, Jean-Paul Sartre ou la Cicciolina, tour à tour victimes et bourreaux d’une grande orgie décomplexée. Sade 2.0, c’est Sade revisité et mélangé sans vergogne aux cendres du XXème siècle : un tour de passe-passe pour en découdre avec la grande Histoire. Et peut-être en finir avec ces statues de marbre qui pèsent lourdement sur nos mémoires et nous empêchent d’avancer, libres du passé.

    "Sade 2.0 est une adaptation libre des dernières pages des 120 Journées de Sodome, du Marquis de Sade. Ces pages-là sont les plus terribles, puisqu’elles se résument à de longues listes de cruautés énoncées de manière systématique, sans préoccupation narrative. Une sorte de plan, sans doute, la promesse d’une narration à venir, mais que Sade n’a jamais écrite. Tout comme le XXe siècle fut la promesse d’une grande histoire, pour s’abîmer finalement dans l’horreur érigée en système. Si je me suis permis des digressions autour du texte de Sade, et si j’ai changé le nom des protagonistes pour coller à mon projet, je n’ai en revanche absolument rien touché à l’essentiel du texte : la cruauté. Cette dernière appartient entièrement à Sade, jusqu’aux répétitions, approximations et, parfois, contresens. Écrites dans la solitude d’une cellule de la Bastille, Les 120 journées de Sodome possèdent cette langue brute, quasi improvisée, qui sied parfaitement à Sade 2.0..." Jean-François Mariotti

    Lire ici la critique du Visage Vert

    http://leblogduvisagevert.wordpress.com/2012/02/08/sade-en-scene/

    pour en savoir plus

    http://www.lesdechargeurs.fr/sites/default/files/DP_Sade2.0_web.pdf

    http://www.heautontimoroumenos.com/

    http://www.lesdechargeurs.fr/node/2071


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  • Lectures théâtrales

    Articles parus dans le n° 251 de la Revue des Livres pour Enfants (Joie par les livres / BNF), février 2010


    rengade-a-chaque-etage-7d70d.jpgÀ chaque étage on voit la mer

    de Claire Renegade

    Éditions Espaces 34, théâtre jeunesse, 2009


    Le périple de Pitch et Tiote, parsemé de rencontres (avec le loup, la fée, ou encore « plein d’enfants ») les mènent à la recherche de leur mère. L’originalité des dialogues doit beaucoup à la façon dont le langage enfantin subvertit sans relâche la syntaxe et le lexique et à la manière dont les deux enfants s’approprient et commentent le réel par le biais de leur débordante imagination. Les niveaux de lecture satisfont autant le lecteur adulte que les plus jeunes et cette aventure ludique, spontanément poétique, est une réussite. À noter, cette nouvelle collection jeunesse des Éditions Espaces 34, initiative qui mérite d’être soulignée, propose des textes de qualités, à l’égal des autres collections de la maison.

     

    tostain-par-la-voix-e2235.jpgPar la voix !

    de Christophe Tostain 

    Éditions Espaces 34, théâtre jeunesse, 2009

     

    Rosalie, bientôt dix ans, souffre d’un handicap majeur : elle déteste sa voix, semblable à celle d’un cochon. Elle se promet désormais de ne plus jamais parler et « d’enfermer sa voix dans un endroit secret ». La consternation de ses parents est grande, mais la fillette ne cède pas aux pressions et reste muette, « aphasique » selon l’orthophoniste qu’elle prend d’abord pour un ogre. En dépit d’une résolution un peu prévisible, ce texte de belle facture, entre théâtre et court roman (en effet, il s’agit plutôt du récit d’un narrateur omniscient, émaillé de monologues), propose des scènes oniriques dignes d’un conte de fée, l’auteur jouant sur plusieurs registres et réalités parallèles.

     

    9782742787029.jpgL'enfant caché dans l'encrier

    de Joël Jouanneau, Illustrations : Annie Drimaracci

    Actes sud papiers, Heyoka jeunesse, 2009

     

    On admire d’abord les illustrations abstraites d’Annie Drimaracci, entre calligraphie, aquarelle et collage, qui accompagnent intelligemment le texte, celui-ci restant parfois à décrypter ou à interpréter lui aussi ; il s’agit du journal de bord des aventures estivales et maritimes du petit Ellj, dont l’orthographe et la grammaire laissent à désirer : « Je doive vous raconter une histoire qu’elle être plus que trop vraie pour que je la mentir pas. » La poésie chaotique, primitive et involontaire qui en émane est peut-être adaptée à ce vagabondage imaginaire et enfantin, mais reste abrupte et le lecteur risque de se lasser de ce trop-plein de verbes à l’infinitif, entre autres, et de ce langage un peu forcé. Cependant, l’éditeur conseille de lire ce texte à haute voix afin de percevoir « la musique de la langue », et le parti-pris de l’auteur aura peut-être plus d’impact sur une scène que sur la page.

     

     

    9782742787036.jpgLes Orphelines

    de Marion Aubert, Illustrations : Fanny Michaëlis

    Actes sud papiers, Heyoka jeunesse, 2009

     

    Comment aborder le sujet des enfants que l’on tue car ils naissent filles ? L’approche de Marion Aubert sort de l’ordinaire : elle a imaginé un pays peuplée de petites filles disparues, celles « qui n’ont pas eu droit à la vie » ; elles sont recueillies par Violaine, elle-même tuée à la naissance, qui décide d’enlever un écrivain venu enquêter sur leur destin (« Elles se sont perdues entre les pages », dit-il, « Dans l’ombre. Et sous les mots. Il faut soulever les mots pour les voir. ») La violence est omniprésente, l’auteur ne cherchant pas à édulcorer les faits, mais tout passe par la parole, libératrice, un langage limpide et souvent direct, et par les jeux de rôle qu’un diablon et une diablonne infligent à des marionnettes, qui permettent de sonder ce qui demeure habituellement dans le non-dit.

     

     

    couv-Veilleurs-de-jour.jpgLes Veilleurs de jour

    de Laurent Contamin, illustrations Laurent Corvaisier

    Éditions du Bonhomme Vert, Théâtre illustré, 2009

     

    Les Veilleurs de jour aborde indirectement les débuts du cinématographe en s’inspirant d’une histoire vécue par les frères Lumière, ici représentés par Alex et Pierrot, toujours entre chamailleries et attachement, comme le sont souvent les frères. Ces derniers, en vacances à la mer, découvrent la « goule-aux-fées », une grotte magique qui permet d’évoquer différentes phases de la naissance du cinéma et de réconcilier les deux garçons. L’originalité de l’ouvrage vient plus particulièrement de la combinaison texte théâtral / album jeunesse, une approche qui redonne sa place au texte dramatique tout en ébauchant, par le biais des illustrations, une mise en scène possible.

     

     

    Couv-2-PH.jpgPetit homme

    de Françoise Gerbaulet, illustrations : Sylvaine Jenny

    Éditions du Bonhomme Vert, Théâtre illustré, 2009


    Camille, une petite fille qui se pose beaucoup de questions, des « pourquoi ? » incessants sur ceux qui l’entourent, mais aussi sur elle-même et sur l’univers, sur le temps et l’espace (« Tous ces signes que je ne comprends pas… »), part aux pays « des songes et des signes » ; là, quelques personnages (dont un « Raconteur ») lui apprennent à remonter aux origines (la préhistoire) pour qu’elle puisse comprendre d’où viennent les choses (la danse, l’écriture, le dessin, le feu…). Les illustrations, comme en mouvement, accompagnent joliment cette pièce aux aspects philosophiques évidents qui confronte le jeune lecteur à sa propre existence (« qui suis-je ? »).

     

     

    p705.jpgDe l'amour, de la rage et autres cocktails Molotov

    de Filip Forgeau

    Lansman, Urgence de la jeune parole, 2009

     

    Les scènes s’enchaînent sur un rythme alerte entre des filles et garçons à la dérive, qui entrent et sortent sur une scène terrain vague, où trône un énorme gâteau à la chantilly. Aucun ne se sent à sa place, tous ont « perdu quelque chose » ou quelqu’un, et ont aussi en commun un désir de révolte teinté d’un certain désabusement ainsi qu’une détresse parfois extrême comme celle de « la fille qui pleure », anonyme et invisible. Aucune résolution n’est attendue, car seul semble compter le partage temporaire d’histoires et d’émotions qui se bousculent en eux. Un texte cru, mais aussi poétique, entrecoupé de chants et d’échanges collectifs qui devraient toucher le lectorat ciblé.

     

    Dans la même collection :  

    La Mélancolie des Barbares de Koffi Kwahulé

    Deus Ex Machina de Perrine Griselin


    Collection Urgence de la jeune parole, Éditions Lansman

    Dirigée par Dominique Mercier, cette collection est le fruit de l’expérience menée depuis 1997 dans l’agglomération toulousaine, afin de sensibiliser les adolescents aux écritures et aux formes théâtrales contemporaines. Aussi, ces textes s’adressent d’abord aux lecteurs de plus de 14-15 ans, mais proposent divers niveaux de lecture susceptibles de satisfaire amplement un lectorat adulte.

     

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  • Hommage à la démesure et à l'implacable

    sarahkane5.jpg

    Love me or Kill me
    Sarah Kane et le théâtre
    de Graham Saunders
    traduit de l'anglais par Georges Bas
    (titre original Love me or Kill me : Sarah Kane and the theatre of extremes)
    L'Arche Editeur, 2004

    "Livre pionnier" selon Edward Bond, Love me or Kill me : Sarah Kane et le théâtre (la traduction française n'a pas retenu l'expression "le théâtre des extrêmes", sans raison apparente) retrace le parcours atypique d'une jeune dramaturge qui s'est suicidée en février 1999, en laissant derrière elle cinq pièces qui ont déjà fait couler beaucoup d'encre et qui forment déjà une œuvre - chose que l'auteur souhaite démontrer dans cet ouvrage passionnant. On est cependant en droit de se demander si l'intérêt que suscite encore Sarah Kane n'est pas dû à sa mort prématurée et aux réactions parfois scandalisées qui avaient pu accueillir ses pièces en Grande-Bretagne ; ou bien si, au contraire, elle fut réellement novatrice et si sa dramaturgie est de l'ordre de la création véritable. Graham Saunders, dans la préface, lance cet avertissement : "dans sa dernière pièce, 4.48 Psychose, la plupart des critiques ne virent guère plus que la version théâtrale d'un billet annonçant un suicide, et l'appréciation des pièces précédentes se fit dans une optique biographique : on tentait de découvrir des liens entre son œuvre et sa vie. Quiconque attendrait de l'ouvrage qui suit une méthodologie analogue risque d'être fort déçu." C'est donc l'œuvre per se que Graham Saunders s'est donné pour tâche d'analyser et d'éclairer, se proposant de livrer quelques clés afin d'y pénétrer et de s'en imprégner. Il est vrai que dans le cas de Sarah Kane, il paraît quasi impossible de ne pas tenir compte de la désespérance individuelle qui rejaillit dans l'œuvre (elle-même disait : "je n'ai jamais écrit que pour échapper à l'enfer - et ça n'a jamais marché."), de sa sombre vision du monde, de son statut d'auteure "torturée", du grand chaos psychique ou extérieur dans lequel nous évoluons et qu'elle recréait dans ses pièces.

    Chacune des cinq pièces est commentée avec soin, dans une approche qui se réfère aux productions et aux réactions de la presse ou du public, mais aussi à la genèse et à l'évolution des textes (que la dramaturge ne cessait de retoucher), à un commentaire serré et rigoureux des thématiques qui traversent ce théâtre, des éléments qui font de cet ouvrage un merveilleux outil d'approfondissement destiné non seulement aux metteurs en scène ou aux comédiens potentiels mais aussi aux spectateurs passés et espérons-le à venir.

    Que trouve-t-on dans les pièces de Sarah Kane qui mérite que l'on s'y attarde ? Un radicalisme (structurel et langagier) proche du nihilisme, une volonté affirmée d'inventer de nouvelles formes éclatées, impossible à ranger dans les petits tiroirs génériques conventionnels ; un déséquilibre désiré, comme dans Anéantis (Blasted), où le désordre structurel de la pièce incarne le désordre engendré par la guerre ; un théâtre où, selon la dramaturge elle-même, "la forme et le fond s'efforcent de ne faire qu'un - la forme, c'est le sens.", mais capable par instants de conserver les unités classiques, qui voleront en éclats dans 4.48 Psychose ; on y trouve aussi des dialogues minimalistes, volontairement épurés, dans lesquels les silences comptent autant que les mots ; puis de moins en moins de caractérisation, les personnages devenant des réceptacles incarnant davantage des états d'âme que des individus fictifs ; des violences et une cruauté mentales et physiques réitérées, une violence aux allures artaudiennes ; enfin, une "théâtralité explosive, le lyrisme, la puissance d'émotion et l'humour glacé" selon le dramaturge David Greig.

    Graham Saunders établit un judicieux parallèle entre Sarah Kane et John Osborne, chef de file des "angry young men", et dont la pièce contestataire Look back in anger (La paix du dimanche) fustigeait l'Establishment dans les années 1950 ("une véritable explosion qui régénéra un théâtre britannique dont l'état avait jusqu'alors été celui d'un déclin distingué") ; et il est vrai que certains critiques ont tenté, début 1995 (quelques semaines après la mort d'Osborne), lors de la création d'Anéantis au Royal Court Theatre, de faire de Sarah Kane l'égérie d'un renouveau théâtral en Grande-Bretagne (marqué entre autres par Shopping and fucking de Mark Ravenhill), d'un mouvement nommé "Cool britannia" ou "New Brutality" - ce que rejetait la dramaturge : "On a estimé qu'Anéantis marquait le début d'un mouvement qualifié de «Brutalité Nouvelle». Ce n'est rien d'autre qu'une étiquette utilisée par les médias pour désigner certaines choses qui pourraient se produire dans une pièce particulière. En fait ça ne sert pas à grand-chose. (...) Je ne me considère pas comme relevant d'une Brutalité Nouvelle."

    Quoi qu'il en soit, l'analogie entre les effets qu'eut le théâtre d'Osborne (puis d'Arden et de Wesker), et ceux du théâtre de Sarah Kane permet de rattacher ce dernier à l'histoire du théâtre britannique, à l'histoire du théâtre tout court et à la littérature en général ; car les pièces de Kane sont pétries d'intertextualité et ces influences diverses et éclectiques se conjuguent formidablement : les textes et les créations d'Ibsen, Shakespeare, Beckett, Pinter, Brecht, Camus, Kafka, Orwell, Büchner, Strindberg, Crimp, Sénèque, Fassbinder, TS Eliott, etc. etc. résonnent à travers ses pièces, même si elles obéissent d'abord aux règles ultra-personnelles que l'auteure a développées. C'est ainsi que dans 4.48 Psychose, la dramaturge supprime toute didascalie, tout personnage à proprement parler, ne nous laissant que des voix mêlées, comme pour marquer l'irruption d'une fusion entre la vie et le rêve, le réel et le cauchemar, l'extérieur et l'intérieur, la matière et l'âme, créant ainsi un flottement indéfinissable de "discours" qui n'en forment, en définitive, qu'un seul.

    Le théâtre de Kane est un théâtre du bouleversement, un théâtre expérimental et extrême, mais pourtant abouti, dans lequel la violence et la provocation démesurée ne sont jamais gratuites, et répondent à un besoin vital de transmettre une vision bouleversante du monde ; l'écriture y est peut-être thérapeutique, un formidable exutoire pour qui la compose, mais, comme nous l'avons déjà précisé, il est nécessaire d'aller au-delà des tentations biographiques ; ce que fait Graham Saunders en explorant les thèmes de ce théâtre et les procédés dramaturgiques : rejet du réalisme, humour noir, caractère éphémère de la représentation, souci de créer un langage théâtral "capable de susciter une forte réaction affective et intellectuelle (...) Même si de telles réactions provoquent inconfort et douleur" ; le caractère viscéral et physique de ce théâtre (qui le rapproche du Théâtre de la cruauté ou du Théâtre de la catastrophe de Howard Barker) à l'opposé du théâtre "psychologique" classique ; pour l'auteur : "la vision de Kane, comme celle de ses prédécesseurs de la Renaissance, est elle aussi dépourvue de compromis. Pour elle, la tragédie est une situation où l'auteur, l'acteur et le public « descendent en enfer dans leur imagination afin de ne pas avoir à y aller dans la réalité. » (...) Et le théâtre de Kane semble lui aussi faire sienne la conviction que des actions extrêmes et brutales peuvent servir à susciter, chez ses spectateurs, une révélation ou un changement."... On est bien là dans le domaine de la catharsis. D'autres thématiques sont analysées : l'amour, la tendresse et l'espoir sont sans cesse juxtaposés à la violence, l'exploration des relations entre les êtres (Kane refusant le manichéisme d'un "monde comme se divisant entre les hommes et femmes, les oppresseurs et les victimes.")

    Cet ouvrage essentiel pour qui s'intéresse un tant soit peu au théâtre contemporain mais aussi à l'intertextualité en général comprend une deuxième partie, composée des entretiens réalisés par Graham Saunders, qu'il retranscrit de façon brute, sans commentaire aucun, laissant à chacun le soin de se faire une opinion ; il a rencontré plusieurs personnes qui, à un moment ou un autre, se sont retrouvés au cœur des créations de Sarah Kane, ou en contact avec elle : les metteurs en scène James MacDonald et Vicky Featherstone, Nils Tabert, qui a collaboré aux traductions en allemand des pièces de Kane, la dramaturge Phyllis Nagy, son agente, Mel Kenyon, et les comédiens Kate Ashfield, Daniel Evans et Stuart McQuarrie. Une œuvre à laquelle Edward Bond ("l'un des tout premiers commentateurs de l'œuvre de Kane et l'un des plus perspicaces") rend aussi hommage en fin d'ouvrage : "il existe deux types de dramaturges. Ceux du premier type s'amusent à des jeux théâtraux avec la réalité. Les dramaturges du second type changent la réalité. (...) L'œuvre dramatique du second type affronte le stade ultime de l'expérience humaine pour que nous puissions tenter de comprendre ce que sont les humains et comment ils créent leur humanité. (...) Sarah Kane était une dramaturge du second type. C'est l'affrontement de l'implacable qui a créé ses pièces."

    À leur tour, les pièces et leurs mises en scène devraient influer sur d'autres œuvres en devenir ; pour Graham Saunders, le théâtre hanté, rageur mais généreux et lucide de Sarah Kane ne peut sombrer dans l'oubli ; comme Look back in anger, en son temps, cette œuvre fulgurante est cependant vouée à ne pas disparaître, en témoignent les nombreuses traductions (en allemand et en français, entre autres) et les mises en scène passées et à venir. Un ouvrage critique approfondi, le tout premier à analyser l'œuvre d'une dramaturge partie trop tôt.

     © B. Longre (article paru en 2004 dans Sitartmag).

    http://www.theatre-contemporain.net/biographies/Sarah-Kane/

    http://www.arche-editeur.com

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  • L'école des loisirs, théâtre

    E114962.gifL'hiver, quatre chiens mordent mes pieds et mes mains de Philippe Dorin
    L'Ecole des loisirs, 2008

    Un homme et une femme occupent un espace scénique presque vide, où ils attendent que l’auteur veuille bien écrire leur histoire. À défaut, ils font connaissance, s’efforcent de s’inventer une vie, bon gré mal gré, d’effectuer quelques gestes quotidiens, d’accueillir deux enfants ; ainsi, leur quête identitaire prend peu à peu du sens, malgré l’absence supposée de l’auteur… Cette pièce, Molière du Spectacle jeune public 2008, parle finement de l’illusion théâtrale et des ficelles qui sous-tendent toute création dramatique (les personnages, loin d’être dupes, savent qu’ils ne sont que des personnages, aussi ne jouent-ils pas toujours le jeu…) et déconstruit en creux les clichés associés à des rôles figés (l’homme, la femme, les enfants) que ce soit dans l’univers théâtral ou dans le monde réel.

    E114975.gifLa morsure de l'âne de Nathalie Papin
    L'Ecole des loisirs, 2008

    Paco, un « égaré » entre la vie et la mort, se retrouve dans un espace hors du temps, où il croise plusieurs personnages : un âne qui fait office de guide, son fils qui vient lui demander de faire un choix (vivre ou mourir), une petite à naître qui aimerait être sa fille… En errance dans un purgatoire étrange, réinventé pour l’occasion, le protagoniste passe par diverses phases, jusqu’à se séparer de son enveloppe charnelle, pour se décider plus tard à la réintégrer et à revenir dans le monde des vivants. L’auteure s’efforce ici de mettre en mots et en scène le processus du passage de la vie à la mort (et vice-versa) de façon métaphorique, mais l’ensemble, malgré ses qualités, reste fort abstrait et, sans être morbide, manque un peu de fantaisie.

    (B. Longre)

    Ces articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 245 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, décembre 2008)

     

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  • Un peu de théâtre

    9782742777815.gifMoi et ma bouche, de Denis Lachaud, illustrations Patrick Fontana
    Actes Sud-Papiers, Heyoka jeunesse, 2008

     

    Pièce créée sur scène en octobre dernier, Moi et ma bouche donne la parole à Pauline, adolescente plongée dans un long coma (« enfermée à l’intérieur d’elle-même »), mais aussi à certains de ses organes : sa bouche, ses yeux, ses oreilles et son cerveau. Les dialogues qui s’instaurent entre elle et eux lui permettent de tromper son ennui, tandis que grâce à son cerveau, elle revit certains souvenirs (dont l’accident qui l’a mené sur ce lit d’hôpital), et parvient peu à peu à reprendre contact avec le monde extérieur. Le procédé rappelle En voiture Simone, de Luc Tartar (Lansman jeunesse, 2006), où les cinq sens de la jeune héroïne étaient personnifiés. Si Denis Lachaud traite la thématique avec moins de fantaisie, le ton reste léger. Les phrases sont brèves, sobres et vont à l’essentiel sans pourtant se départir de poésie, via les séquences oniriques qui succèdent aux scènes des deux mondes de Pauline.

     

    9782070616176.gifThomas More ou L'homme libre de Jean Anouilh
    Gallimard jeunesse, Scripto, 2008

     

    Thomas More (1478-1535) auteur de l’Utopie (1516), s’opposa, par fidélité à ses principes (et au pape), à la volonté royale, ce qui lui valut d’être condamné à mort par Henry VIII. Figure historique qui a inspiré une autre pièce célèbre (A Man for All Seasons de Robert Bolt, 1954), More incarne ici l’homme libre qui jamais ne plie, prêt à se sacrifier, à l’instar d’Antigone, au nom de ses principes et de ce que lui dicte sa conscience. Publiée en 1987 à La Table Ronde, peu de temps avant la mort d’Anouilh, cette pièce est rééditée en Scripto, visiblement à l’attention des grands collégiens ou des lycéens, sans que cette parution propose pour autant d’appareil critique (hormis une brève biographie de Thomas More en fin d’ouvrage) – ce qui est regrettable, vu la complexité des questions éthiques et politiques abordées et les nombreuses références au contexte historique.

     

     

    9782070618316.gifJe vais au théâtre voir le monde
    de Jean-Pierre Sarrazac, illustrations Anne Simon

    Giboulées, collection Chouette penser ! 2008

     

    Cet ouvrage entre essai et documentaire propose un panorama diachronique (mais non linéaire) et générique du théâtre en tant qu’art du spectacle, « du présent et de la présence » ; hormis le retour sur les origines grecques du théâtre, l’auteur offre des tentatives de réponses à des questions rarement abordées : pourquoi aller au théâtre ? Seulement pour se divertir ? Pourquoi la comédie ? La tragédie ? Quels éléments distinguent le roman du théâtre ? De la même façon, on comprendra comment le théâtre est toujours « action », qu’il y a « des » théâtres, chacun s’inscrivant dans une société donnée, et que le spectateur sera nécessairement impliqué dans une représentation. Une lecture stimulante, dans une prose simple qui n’exclut cependant pas le développement d’idées complexes et paradoxales.

     

    (B. Longre)

     

    couv245_grand.jpgCes articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 245 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, décembre 2008)

     

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  • Lectures théâtrales - BIS

    pommerat.jpgPinocchio de Joël Pommerat, illustrations d'Olivier Besson

    Actes Sud papiers - collection Heyoka jeunesse, 2008

     

    On pourrait croire l’histoire usée jusqu’à la corde et pourtant, Joël Pommerat signe un Pinocchio résolument optimiste et innovant, en particulier du point de vue de la langue ; une interprétation où l’humanité du pantin n’est pas engendrée par un phénomène magique, mais se construit « tellement progressivement que même le père ne s’en était pas rendu compte ».

    La construction suit toutefois la trame de l’original, tout en adoptant un rythme énergique et en proposant des dialogues enlevés, souvent amusants, voire insolents. Un « présentateur » fait office de récitant, ce qui permet de faire le lien entre les épisodes et de planter les différents décors.

     

    adkeene.jpgL’apprenti, de Daniel Keene
    traduction de l’anglais (Australie) Séverine, Magois

    Éditions Théâtrales - jeunesse, 2008

     

    L’Apprenti se penche intelligemment sur la relation entre les pères et leurs fils, par le biais d’une amitié choisie entre Pascal, un quadragénaire qui n’a pas vu son père depuis longtemps et Julien, 12 ans, qui regrette qu’on ne puisse choisir son père idéal… Le sien, indifférent, ne lui convenant pas, il a décidé d’enseigner à Pascal (malgré les réticences de celui-ci), l’art d’être père. Ils apprennent à se connaître à mesure que les mois passent, lors de promenades et de rendez-vous dans des lieux variés. Naît une belle complicité, dont on sait pourtant qu’elle ne serait pas la même si Pascal était le père véritable du garçon… Un décor épuré, « non réaliste » (ainsi que l’indique l’auteur) sert de cadre à cette intrigue bien bâtie et d’une grande finesse psychologique.

     

    madani.gifErnest ou comment l’oublier d’Ahmed Madani

    L’école des loisirs, théâtre, 2008

     

    Marie-Louise et Yvonne, deux vieilles artistes de cirque, vivent dans l’attente de l’improbable retour de l’homme aimé, Ernest, et passent leur temps à se chamailler plus ou moins gentiment ; ce qui ne les empêche pas de se soutenir mutuellement quand l’une perd la mémoire ou que l’autre ne tient plus sur ses jambes. Leurs souvenirs les entraînent sur les pistes qu’elles ont connues, quand elles étaient Miss Lévitos et Melle Saltarella, tandis que dans le présent, elles s’escriment à balayer la poussière (préfigurant leur fin proche) qui s’accumule étrangement autour d’elles, envahissant l’espace scénique. Un duo attachant, dont la paradoxale vivacité réjouit le lecteur, et qui rappelle par instants (à travers la thématique de l’humain face à la mort) la pièce de Suzanne Van Lohuizen, Les trois petits vieux qui ne voulaient pas mourir (L’Arche éditeur, 2006).

     

     (Blandine Longre, décembre 2008)

     

    revue244.jpgCes articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 244 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, décembre 2008)

    les autres numéros : les sommaires des numéros des deux dernières années sont consultables en ligne. Les numéros des années précédentes ont été numérisés et sont consultables en texte intégral sur le site. 

    http://www.editionstheatrales.fr/

     

    http://www.ecoledesloisirs.fr/index1.htm

     

    http://www.actes-sud.fr

     

     

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  • Lectures théâtrales

    carel.gifInséparables ! de Fanny Carel
    L’école des loisirs, théâtre, 2008

     

    Violette et son frère Bruno sont aux prises avec Nasta, une abominable marâtre qui a tué leurs parents ; refusant de les voir grandir, elle affame délibérément les deux petits. Mais Violette n’y tient plus et les enfants prennent la fuite. L’amour qu’ils éprouvent l’un pour l’autre ne suffira pas à les sauver des griffes de Nasta, et il faudra l’intervention d’un roi pour qu’enfin ils puissent vivre en paix.
    Dans cette pièce inspirée de nombreux contes, la résilience enfantine (ou simplement humaine) est à l’honneur. Le conte s’achève avec la mort de la sorcière, incarnation du mal et de la cruauté, mais aussi de la part sombre de la maternité (quand elle maintient volontairement les enfants dans un état de dépendance alimentaire). Ces ramifications psychanalytiques fort intéressantes (qui satisferont les lecteurs adultes) témoignent de la richesse des niveaux de lecture de ce texte.

     

    milovanoff.jpgLa carpe de Tante Gobert de Jean-Pierre Milovanoff, illustrations de Lino

    Actes Sud papiers - collection Heyoka jeunesse, 2008

     

    Selon son père, Philippon pourrait être « le meilleur élève du collège », s’il n’était pas un cancre… Pour le remettre dans le droit chemin, on envoie le garçon en vacances forcées chez Tante Gobert, une « femme rude et imprévisible » qui n’a qu’une obsession depuis 30 ans : pêcher le plus beau poisson du lac situé devant sa masure. Au fil des rencontres – un lutin, une carpe, un peintre, une jeune fille, un pêcheur – la tante revêche se radoucit… Mais Philippon mûrit-il vraiment ? Rien n’est moins sûr. Cette histoire fantaisiste, agréablement illustrée, entrecoupée de chansons, est une comédie légère qui célèbre avant tout l’insouciance de l’enfance : « Enfant, on reste un enfant / Pas moyen de faire autrement, On s’amuse et on attend / Le jour où l’on sera grand / Pour regretter le bon temps », ainsi que l’affirme l’un des chants.

     

    gauthier.gifUne jeune fille et un pendu de Philippe Gauthier

    L’école des loisirs, théâtre, 2008

     

    Dans un décor indéfini dominé par un vieux chêne, Marc, une corde autour du cou, voit arriver Déborah, une jeune fille aux jambes ensanglantées. Tandis que le garçon tâche de lui transmettre sa passion pour les chiffres (et son besoin compulsif de compter tout ce qui lui tombe sous la main, des feuilles aux flocons de neige), Déborah lui apprend à danser. Ils s’attachent l’un à l’autre au fil des saisons, jusqu’au jour où un certain Pierre entre en scène...
    Le texte, qui met en contact deux souffrances, est composé dans une langue familière, aux phrases brèves, coupantes. La vie, la mort, l’amour s’enchevêtrent entre tragédie et légèreté, tandis que les corbeaux qui s’insinuent entre les scènes, commentant les activités des humains ou vivant leur propre vie (avec ses querelles, ses amitiés ou ses attachements) participent de la tonalité parfois très irrévérencieuse de l’ensemble ; une impertinence qui, au-delà du sort tragique des personnages et de la thématique, nous arrache quelques sourires.

     

     (Blandine Longre, décembre 2008)

     

    Ces articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 244 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, décembre 2008)

    les autres numéros : les sommaires des numéros des deux dernières années sont consultables en ligne. Les numéros des années précédentes ont été numérisés et sont consultables en texte intégral sur le site. 

    http://www.ecoledesloisirs.fr/index1.htm

     

    http://www.actes-sud.fr

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  • Abrutissement généralisé

    debris.jpgDébris, de Dennis Kelly

    traduit de l’anglais par  Philippe Le Moine et Pauline Sales

    Editions théâtrales, Culturesfrance, collection Traits d'union, 2008

     

    « Pauvre maman. Elle n’avait pas compris que les gens dans le poste ne sont pas réels, ce n’est qu’un écran magique, les mots ne sont plus qu’une collection chaque jour plus abstraite de sons dans les airs. La réalité était bel et bien dans son ventre, la réalité grandissait là, c’était moi la réalité. Une enfant-plante suçant la mort par sa langue-pomme de terre – c’était ça la réalité. »

     

    Texte saisissant, Débris traite de la déliquescence familiale, sociale et humaine et examine avec acuité la manière dont les rapports (de force ou d'amour) entre les générations évoluent, corrompus par l’incommunicabilité, elle-même engendrée par la télévision, omniprésente : un mal déréalisant qui provoque la perte des repères, du sens et pire encore. Il s’agit là d’un théâtre essentiellement allégorique, où l’horreur des situations exposées sert avant tout à mettre l’accent sur les dysfonctionnements qui agitent les rapports humains, en particulier la relation parent-enfant.

     

    Ainsi, l’abandon du père par le fils dans la première scène, où l’inversion des rôles est amplifiée par le recours au symbolisme religieux : quand Michaël, 16 ans, assiste à la crucifixion volontaire de son père, puis quitte la pièce, laissant son père mourant, terrifié. Plus loin, on voit le même Michaël, enfant, devenir le père d’un bébé abandonné dans les ordures, qu’il baptise « Débris », et qu’il nourrira au sein ; ailleurs, Michaël et sa sœur Michelle tombent entre les mains avides d’un proxénète et se seraient pliés à ses exigences si leur père, éprouvant soudain un attachement animal pour sa progéniture, n’était pas venu les récupérer - même si, à d’autres occasions, les enfants sont niés, oubliés et que c’est l’abandon parental qui prime.

     

    La plupart des scènes, monologues ou duos, reposent sur un procédé similaire : des images successives visuellement frappantes, voire grotesques, des mots qui font mouche, implacables mais jamais gratuits, qui atteignent le monstrueux et l’impensable, et dont l’impact sur le lecteur/spectateur pourrait se rapprocher du théâtre brechtien, dans la mesure où ils cherchent aussi à déciller, à éveiller les consciences abruties ou en passe de l’être… L’auteur bâtit une vision décadente, pitoyable et noire de la petite humanité et de ses débris, comme une tentative de briser les cercles de la transmission intergénérationnelle et de la démission existentielle.
    (B. Longre, décembre 2008)

     

     

    ***********

     

    Dans le cadre de la Saison culturelle européenne (juillet – décembre 2008), les éditions Théâtrales et Culturesfrance coéditent une collection intitulée "Traits d'union", regroupant 27 pièces inédites, une pour chacun des pays européens, de l'Allemagne à la Suède.

     

    www.editionstheatrales.fr/traitsdunion

     

    http://www.editionstheatrales.fr/

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  • L'Europe autrement

    mafemme.jpgDans le cadre de la Saison culturelle européenne (juillet – décembre 2008), les éditions Théâtrales et Culturesfrance coéditent une collection intitulée "Traits d'union", regroupant 27 pièces inédites, une pour chacun des pays européens, de l'Allemagne à la Suède.

    J'ai prévu d'en découvrir quelques-unes, dont un texte "coup de poing" selon l'éditeur, Débris, de Dennis Kelly, traduit de l'anglais par Philippe Le Moine et Pauline Sales, et une pièce portuguaise : Ma femme de José Maria Vieira Mendes (traduit par Olinda Gil).

    Pour découvrir les 27 textes en question et les manifestations qui entourent les parutions :

    www.editionstheatrales.fr/traitsdunion

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  • la bibliothèque de théâtre Armand Gatti en péril

    J'avais déjà mentionné sur ce blog le prix tartuffe, créé en 2004 par Orphéon - Bibliothèque de théâtre Armand-Gatti, et décernée par l'Observatoire de la censure, lieu de réflexion et d'information sur la censure et l'autocensure, à un écrivain ou artiste victime de la censure, ou à un livre qui défend la liberté d’expression. L'association ORPHÉON, fondée en 1979 et installée à Cuers depuis 1983, mène diverses actions dans le domaine théâtral (création de spectacles, défense et la promotion du livre, de la lecture, de l’écriture, des auteurs et des éditeurs de théâtre, avec la Bibliothèque de théâtre Armand-Gatti, programmation et accueil de compagnies de théâtre dans le cadre de la Saison de l’Abattoir).

    Cependant, ce travail a été brutalement remis en cause par le nouveau maire, qui a suspendu les activités de l'association, mettant en péril notamment l'existence de la bibliothèque de théâtre Armand Gatti. Il vient d'annuler la programmation  de la saison théâtrale du dernier trimestre et oblige l'association à délocaliser dans deux autres villes la Fête du livre de théâtre consacrée à l"édition et aux écritures théâtrales pour la jeunesse.

    La Ligue des droits de l'homme Toulon suit attentivement cette affaire depuis ses débuts, il y a cinq mois. Pour davantage d'informations, lire

    http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2843 et http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2854

     

     

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  • Lire en ligne

    993a77d3b2bdefa8178592e22be110ad.jpgUne nouveauté dans le Bulletin des Auteurs de Théâtre créé par Philippe Touzet et Philippe Alkemade (et que je présentais ici) : un texte inédit à télécharger librement, pendant une semaine seulement. Pour cette grande première, il s'agit de L, comme oiseau de Matéi Visniec.

    Pour découvrir d'autres textes de l'auteur, on pourra lire les articles de Jean-Pierre Longre.

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  • Le lecteur de théâtre

    dkeene.jpg"Le lecteur de la pièce doit quant à lui imaginer son propre théâtre ; il doit être tout à la fois acteur, metteur en scène et spectateur. Et le meilleur spectacle de tous est peut-être celui qu'on est libre d'imaginer par soi-même."
    Daniel Keene, février 2008 (à propos de sa pièce L'Apprenti - Editions Théâtrales)

    Lire l'article de Madeline Roth portant sur cet ouvrage.

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  • Les femmes à la cuisine...

    Si j'avais su j'aurais fait des chiens de Stanislas Cotton - Lansman Editeur

    Angéline Patatras possède un patronyme joliment adapté à sa destinée… Depuis la petite «cuisine» où elle a atterri, elle retrace le chaos de sa vie, son « marécage » : grandir tant bien que mal entre une mère obnubilée par les travaux ménagers (« le bonheur est fait de petits riens (...) Cuisine dégraissée bien sûr Propre Nette (…) quelle belle invention le frigidaire ») et son père bricoleur (« ma voiture est rouge Neuve (…) le premier connard qui touche ma voiture je l’explose »), et qui aujourd'hui encore occupent l'esprit d’Angéline, en empiétant sur le territoire de sa conscience (et en envahissant concrètement l'espace scénique). Grandir, donc, comme une « jolie petite fille », aux côtés d'un frère vite rattrapé par le désespoir qu'engendre l'univers sclérosé et matérialiste de ses parents, un frère inadapté à l'existence : « Drogué Voleur / je ne le sais pas ce qui me retient de / tu me fais honte » dit le père.

    Pas d’avenir non plus pour Angeline, hormis la serpillière que sa mère lui transmet allègrement, pour en faire, comme elle, une « boniche ». La jeune fille n'est pas satisfaite, change brusquement d'orientation et s'engage dans l'armée (en réalité une autre façon de « faire le ménage»...), au grand dam de ses parents. Puis c’est la guerre, et Angéline se retrouve sur le front, incapable d’assurer sa tâche sans frémir ; on la place alors dans un centre de détention, comme gardienne, un lieu où elle obéit aveuglément à ses chefs, s’adonnant au plaisir de la torture tandis que d'autres photographient… Des gestes qui la mènent au procès, puis en prison (sa « cuisine ») à son tour. Elle est consciente de l’ironie de sa situation, et son récit en vers libres ne manque pas d'acidité, un aspect renforcé par l'effet de ritournelle qu'ils procurent :

    « Je suis dans ma cuisine
    Ma jolie cuisine
    comme elle est jolie
    il y a si longtemps
    j'y suis revenue »

    Le ton chantant, faussement joyeux, engendre un décalage tel avec la situation de la jeune femme, que l'ironie n'en est que plus mordante, la cruauté plus radicale et le cercle vicieux de l'existence plus fermé. En montrant l’incapacité à s'extraire de cette spirale (à travers la dernière scène où l'on voit Angéline et sa fille, une relation qui fait écho à celle d'Angéline et de sa propre mère), l'auteur nous enferme aussi dans le calvaire sans fin de la narratrice, celle qui en voulant échapper à la cuisine de sa mère s'est vue remise à cette place… peu d'espoir, donc, même quand la poésie s'en mêle... «… Ad Libitum » nous dit l’auteur, pour qui l'écriture vaut néanmoins engagement : "l'écriture dramatique contemporaine (...) pourrait avoir un véritable statut d'utilité publique, car son regard révèle, questionne et propose, dissèque aises et malaises de nos sociétés."

    (B. Longre)

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  • Lire du théâtre ? Quelle idée !

    revue242.jpgCes articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 242 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, septembre 2008)

    Ce numéro comprend entre autres un dossier complet sur Nicole Claveloux, des dizaines de recensions (romans, albums, documentaires, poésie, etc.), un entretien avec Christian Bruel (Editions Être), une revue des revues, etc.

    les autres numéros : les sommaires des numéros des deux dernières années sont consultables en ligne. Les numéros des années précédentes ont été numérisés et sont consultables en texte intégral sur le site.

    bonbon.jpgLes Sœurs Bonbon, d'Emmanuelle delle Piane, Lansman - Lansman Jeunesse

    Dans la famille Bonbon, je voudrais… les sœurs (Réglisse et Guimauve) et le père. Quant à la mère, morte il y a longtemps, Monsieur Bonbon l’a beaucoup pleurée. Confiseur hors pair, il fournit en sucreries la famille royale et ses savantes recettes réjouissent la Reine, ses « larmes au sucre » ayant des vertus curatives sur le Prince. Et quand la souveraine exige que l’on double, puis triple, la production, les sœurs Bonbon s’en chargent. Mais bientôt, les larmes viennent à manquer…
    Emmanuelle delle Piane publie cette année trois pièces (Moi, tit Jack, ed.Mise en mots, et Orage à Belle Maison, éditions Campiche), dont Les Sœurs Bonbons, comédie familiale et sentimentale entrecoupée de chants, où les dialogues fusent sans temps mort ; un texte pour gourmands des mots qui offre une vision très positive (et idéaliste) de la solidarité, quand le bien commun l’emporte sur les clivages de classes sociales et que les individus, sans sacrifier leur bonheur, parviennent à s’ouvrir aux autres. Pour en savoir plus http://www.dellepiane.ch/

    petula.jpgWanted Petula de Fabrice Melquiot, L’Arche Editeur - collection Théâtre Jeunesse

    Après Bouli Miro (2002) et Bouli Redéboule (2005), Fabrice Melquiot offre un nouvel opus centré sur Bouli, garçon tout rond, à présent 12 ans et 101 kilos. Celui-ci gère comme il peut parents et beaux-parents (Daddi et Améthyste… peut-être une vampire, Mama Binocla, remariée à Jo Moudugenou, lanceur de javelot) et s’interroge toujours sur la disparition de sa cousine Petula, introuvable. Bouli, persuadé qu’elle fait « la grève des humains », part à sa recherche… dans l’espace : des rencontres saugrenues, entre poésie et fantaisie pure, contrebalancées par le bon sens de Bouli - qui ne peut s’empêcher de « mettre une rouste » au Petit prince, jeune arrogant… La route vers Petula n’est pas « une ligne droite », il faut surmonter ses peurs, accepter les questions sans réponses, mais l’histoire d’amour est émouvante à souhait. On ne se lasse pas du théâtre jeune public de F. Melquiot, qui ne se cantonne pas à des mises en situation formatées ; à chaque pièce, il renouvelle le genre et montre une inventivité illimitée.

     

     

    hubert.jpgHubert au miroir de Dominique Richard, Editions Théâtrales

     

    « Faire le deuil pour grandir », écrit l’auteur, parlant de son personnage narcissique ; Hubert, sur le seuil de l’adolescence, rêve de « traverser le miroir », de se fondre dans le double insaisissable qu’il admire tant. Grandir, « mais tout conserver avec moi, tout retenir » de son enfance ; tout comme il aimerait détester son père, en trouver un autre ou se débarrasser de son encombrant petit frère. Les paradoxes de l’entrée dans l’entre-deux adolescent se côtoient, dans cette pièce d’apprentissage intelligente, qui explore plusieurs pistes, pose de vastes questions : « Les plus beaux mystères ne sont pas toujours ceux qu’on pense déchiffrer » ; ainsi, d’énigmes en questionnements, de sautes d’humeur en réconciliations, le protagoniste grandit, même s’il devient maladroit et n’est plus certain de sa beauté d’antan... Succession de brèves séquences, entrecoupées de soliloques d’Hubert ou de son père et de rêves, la pièce décline les frustrations à surmonter et les questionnements d’un garçon intelligent, dont on suit le parcours avec plaisir.

     

     

     

    mechant.jpgMéchant ! d'Anne Sylvestre, Actes Sud Junior - Poche Théâtre

     

    Entre Croch’patte la brute et Biquette la vaillante, pourtant « copains », rien ne va plus. Le premier fait de son mieux pour harceler la seconde (en lui volant son goûter), qui résiste pourtant aux attaques verbales ou physiques de son assaillant. Croch’patte cherche le point faible, la faille qui pourrait lui donner l’illusion de soumettre Biquette à sa volonté, mais plus il attaque, mieux elle se défend, astucieusement, en fine stratège, sans pour autant nourrir une quelconque haine envers celui qui voudrait faire d’elle un souffre-douleur. En plaçant l’action dans une cour de récréation, l’auteur facilite l’identification entre le lecteur et ses personnages et permet aux enfants de rapidement établir des correspondances entre une histoire au prime abord farfelue et leurs propres expériences. Elle examine ainsi les mécanismes des conflits, leurs sources (en particulier la crainte de passer pour un faible ou encore la jalousie et le manque d’affection) et propose quelques façons de les résoudre. Des répliques brèves, des mises en situation ludiques qui parleront d’emblée au jeune lecteur : cette fable sur l’amitié est un jolie réussite. On ne manquera pas de consulter le mini dossier pédagogique établi par Christophe Lécullée.

     

     

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  • À qui la faute ?

    Laïos de Vincent Magos, Les Impressions Nouvelles, Théâtre.

    Eclipsé par la figure d’Œdipe et son inévitable complexe, Laïos demeure, dans la conscience collective, un personnage de seconde zone, sans épaisseur, juste bon à remplir son rôle symbolique en étant assassiné par le fils... Ainsi, en s'attaquant à la figure du père et à la pré-histoire du mythe, Vincent Magos (psychanalyste et romancier) comble un creux littéraire et dramatique, mais pas seulement ; car lorsque l’on aborde le champ de la psychanalyse, c'est la tragédie de Sophocle qui vient à l'esprit, et l'on sait que le dramaturge antique, en recentrant l'action autour du fils, a relégué le père à l'arrière-plan. En réalité, Œdipe Roi n’est que le dernier acte de l'histoire (que ce soit celle du mythe ou du complexe élaboré par Freud…) et l'on oublie (ou on ignore) que la faute originelle revient à Laïos, coupable d'avoir abusé sexuellement d'un petit enfant (un garçon qui aurait pu être Œdipe ou qui, en tout cas, préfigure symboliquement le fils), en prenant ses désirs au pied de la lettre, aveuglé par la jouissance à venir, indissociable de celle que confère toute position de pouvoir, qu'il soit d'ordre intime ou politique.

    littérature,théâtre,Œdipe,vincent magos,impressions nouvellesLe roi de Thèbes a été chassé de sa ville par Amphion et Zéthos, fils de Zeus et d’Antiope (pour l’anecdote, les jumeaux ont été abandonnés, enfants, sur le mont Cithéron, puis recueillis par des bergers – l’histoire se répétera avec Œdipe) ; Laïos s'est réfugié dans le Péloponnèse chez le roi Pélops, où il s'affaire à la reconquête de Thèbes. C'est là qu'il tombe sous le charme de Chrysippos, jeune prince encore choyé par sa mère. Contre l’avis du fidèle Phorbas, il parvient à apprivoiser l'enfant, avant de le violer ; de honte, Chrysippos se suicide. Laïos, craignant la colère du père, s'enfuit pour rejoindre Thèbes, après avoir été visité par un spectre qui lui fait part de la malédiction : " Que ta descendance se dessèche dans le sein de ta femme. N’aie jamais d'enfant. Jamais ! Essaie d'avoir un fils, il te tuera et couchera avec sa mère." À nouveau maître de Thèbes, il décide de prendre pour femme la toute jeune Jocaste. Sa touchante naïveté et sa joie d’être reine sont vite émoussées quand elle comprend quel homme elle a épousé : vulgaire, brutal et lubrique, politicien sans scrupules, il refuse son amour et elle doit ruser afin de l'obliger à concevoir un enfant – condamné par son père avant même de naître. Le troisième acte débute, comme les précédents, par un discours de Laïos, homme public, s'adressant à ses "chers compatriotes" pour annoncer qu'il va prendre en main "la crise - j'ai nommé la Sphinge". Ce dernier personnage devient omniprésent au fur et à mesure qu’avance l’intrigue – elle intervient, de litanies glaçantes en énigmes, et se joue des personnages-marionnettes avec habileté, incarnation du mal ou des pulsions inconscientes qui existent en chaque humain ; mieux, elle tente de mettre Œdipe en garde : « C’est moi qui possède la connaissance. Et voici pourquoi – écoute ceci Œdipe - : je suis le fruit de la passion de ma mère Echidna pour son propre fils ! (…) Débrouille-toi. Joue les hommes conscients, les pères responsables, les rois attentifs, les gestionnaires avisés… L’obscurité est plus profonde que tu n’imagines.». Œdipe pense avoir vaincu la Sphinge... en réalité, elle a le dernier mot et on connaît la suite.

    Tout comme Tendre et Cruel de Martin Crimp réinterprète la fin du général Héraclès, Laïos est une relecture passionnante du mythe et prouve que si l'on veut parler du fils, il faut aussi parler du père et remonter aux origines pour appréhender la chute. Mais au-delà de la simple allégorie qui a tant servi à Freud, c’est la contemporanéité du texte qui domine. Vincent Magos ponctue la parole de Laïos de termes et de points de vue assurément modernes, conférant au personnage des traits que l'on retrouve chez bon nombre d'hommes politiques. La pédophilie initiale de Laïos (sujet intéressant particulièrement l'auteur, qui a aussi dirigé un ouvrage collectif, Procès Dutroux : penser l'émotion) et ses violentes pulsions sexuelles incarnent toute une gamme de perversions intimes, quelles qu’elles soient, plus tard sublimées à travers le savant exercice du pouvoir ; il offre le visage paisible d’un bon démocrate désirant le meilleur pour son peuple ou d’un guerrier paradoxalement assoiffé de justice, de «pureté» et de paix, mais le lecteur n’est pas dupe : habile orateur abusant de clichés redondants, fieffé manipulateur, c’est dans l’intimité qu’il se dévoile.

    D’abord avec Phorbas, à qui il confesse son attirance compulsive pour Chrysippos : «Depuis mon arrivée, Chrysippos me cherche. Mais il est timide, ne sait comment s'y prendre. C'est à moi de le guider. Pas à pas. Et lentement, patiemment, de l'ouvrir aux délices de la chair. (...) Sous quel prétexte empêcherait-on les plus jeunes de jouir de leur corps ? N'est-ce pas notre devoir que de les aider à s'épanouir ? ». En se prenant pour un pédagogue afin de légitimiser ses actes pédocriminels, en faisant passer sa propre jouissance avant toute chose, en semant la confusion entre générations, entre la sphère privée et la sphère publique, en brisant les interdits, en transgressant outrancièrement « l'ordre établi », Laïos voudrait faire croire qu'il pose les fondations «d'une véritable démocratie... », alors qu'il ne fait que rationaliser ses perversions. Dans le même temps, son cynisme apparaît au grand jour quand il confie à Phorbas la mission de corrompre, non plus un enfant, mais... la presse thébaine: «C'est grâce aux médias que s'éliminent les ennemis et se gagnent les guerres : fictions et réalités ne sont jamais qu’interprétations d'une même chanson… » Un refrain, justement, dont on connaît les effets. Laïos est aussi l'incarnation de l'impérialisme expansionniste qui, sous couvert de «progrès», cherche à étendre sa puissance économique ; il parle de «productivité», et d'«entrepreneurs», explique qu'il faut «rénover agriculture, entreprise et commerce» et s'autoproclame «l'homme nouveau, celui qui n'a plus peur des dieux.»...

    L’auteur reste fidèle au mythe, ce qui rassure le lecteur, mais en poussant toujours plus loin la caricature d'une figure paradoxalement complexe, qui cristallise dans un même mouvement tous les effets pervers du pouvoir (paternel, royal...) mêlant ainsi différentes strates de lectures possibles (le politique, l'intime, et les désirs inconscients qui traversent le personnage), favorisant une pluralité d’interprétations et de questionnements - une richesse textuelle et une polysémie dramaturgique qui ravivent brillamment le mythe et étendent ses significations jusqu'à toucher chacun d'entre nous.

    (B. Longre)

    http://www.lesimpressionsnouvelles.com/

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  • Théâtre !

    Tête à claques de Jean Lambert, Lansman, 2008

    Les jumeaux Stef et Mika s’apprêtent à fêter leur douzième anniversaire, quand l’un d’eux est arrêté, accusé d’avoir incendié l’école du village, une grange et un café. Le garçon revient douze ans plus tard et découvre que son frère et la table de banquet l’ont attendu, figés dans le temps. De courtes saynètes se succèdent, retraçant l’enfance difficile des deux enfants, en butte aux moqueries de leurs pairs – tout comme Sauveur, leur père, et Gina, leur mère, étaient méprisés par les villageois. L’écriture presque scandée (des phrases brèves en vers libres et des redites qui tendent à la ritournelle) permet d’apprécier ce texte, qui restera cependant ardu à suivre pour de jeunes lecteurs, de par son découpage et les non-dits qui s’accumulent. On s’intéressera cependant à la genèse atypique de Tête à claques, résultat d’un travail scénique qui lui-même s’inspirait d’une nouvelle de Jean Lambert (disponible en fin d’ouvrage) ; une façon de montrer combien écriture et mise en scène sont parfois interdépendantes. (B. Longre)

    Cette pièce, mise en scène par les Ateliers de la Colline (en coproduction avec le Théâtre de la Place, Liège), se joue actuellement. Lire l'article de Samia Hammami.

     

    p638.jpgOù est passé Mozart ? d’Ariane Buhbinder - Lansman, 2008

    Depuis un an, Félix prend des cours de chant avec Anna, trentenaire comme lui, dont il est tombé amoureux. Elle éprouve des sentiments similaires mais tous deux tournent autour du pot, ne savent comment s’avouer les choses, hésitent, parlent à mots couverts, sans cesse interrompus par les appels téléphoniques de la fille d’Anna qui a perdu son doudou, Mozart le canard…
    Les références à Tolstoï (par le biais du roman Anna Karénine) interpelleront les lecteurs adultes, tandis que les plus jeunes s’amuseront des chants et du jeu (parfois enfantin) de ces adultes, tous deux parents divorcés, qui abordent nécessairement la difficulté de leurs enfants respectifs à accepter la situation. Un éclairage original pour traiter avec pudeur de la séparation, de l’amour et de la difficulté d’accepter le changement. Souvent ludique et farfelue, Où est passé Mozart ? reste pourtant ancrée dans l’ici et le maintenant, et l’écriture, faite de ruptures, de blanc, de phrases avortées, reflète parfaitement la difficulté de dire le désir, les sentiments et les émotions. (B. Longre)

    http://www.lansman.org

    revue2412.jpgCes articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 241 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, mai 2008).
    Ce numéro propose, hormis nombre de recensions sur des parutions récentes, un vaste dossier intitulé : "Mais qui sont les héros de la littérature de jeunesse ?" Les héros d'hier et d'aujourd'hui, figures paradoxalement atemporelles, y sont analysés, expliqués, interrogés - de Fifi Brindacier à Tom-Tom et Nana, de Tobie Lolness aux nouveaux héros des romans de fantasy.

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  • Pouce-Pouce, Petite-Peau et Petit Poucet

     9782742771790.jpg

    Ah la la ! Quelle histoire, de Catherine Anne – Actes sud junior, Théâtre, 2008

    Pouce-Pouce a beau être « malin-malin », il est plutôt mal parti dans l’existence : dernier de sa fratrie, le plus petit (de la taille d’un pouce), il est « hyper-pauvre » et, pour couronner le tout, sa famille l’a abandonné dans la forêt… Quant à la princesse Petite-Peau, elle vit cachée sous une peau de chien depuis sa fuite du château familial, par crainte de devoir épouser son père… Les deux enfants perdus se croisent, décident de faire route ensemble et de s’entraider. Ils font plusieurs rencontres – Boustifaille, la fille de l’ogre, une vieille femme qui leur fait boire de l’herbe d’obéissance, un serpent indolore, une maison magique et une fée… Chaque aventure étant le prétexte d’une épreuve à surmonter. On aura compris que Catherine Anne applique ici la formule du détournement de contes (Tom-pouce, Le Petit Poucet, Peau d’Âne, Hansel et Gretel…), certes classique, mais amplement réussie, à laquelle elle ajoute de multiples clin d’œil en entrelaçant les récits ; cela donne une histoire d’amour à la fois grave et légère, des dialogues enlevés, une intrigue rythmée (avec de multiples rebondissements et changements de cadres) et le tout se lira avec délectation.
    B. Longre

    9782742774180.jpgLe petit poucet de Caroline Baratoux - illustrations Vincent Fortemps - Collection Heyoka – Actes sud papiers, 2008

    Une nouvelle fois, le théâtre se propose de réinvestir un conte qui appartient au répertoire habituel  : une histoire qui mêle le désespoir des parents à l’aventure d’un petit garçon courageux et malin, qui prend peu à peu son indépendance. Ce Petit Poucet se distingue néanmoins de la version originale, d’abord en insistant sur les dilemmes parentaux et leurs ambivalences, souvent occultés dans les versions traditionnelles : la mère passive et le père qui culpabilise à l’idée de devoir laisser ses fils dans la forêt – une solution qui l’arrange cependant, en cela qu’il peut retrouver un peu de la tranquillité amoureuse d’antan, seul à avec son épouse (« sans nos enfants… loin et heureux peut-être, / soulagés au moins… plus légers… / Pour nous retrouver comme avant », dit-il). De même, Caroline Barratoux a créé un héros humain, qui saura non seulement guider ses frères mais aussi aider son père à grandir, à prendre confiance en lui et à devenir un vrai père. Les échanges en vers libres sont de qualité, à l’instar des illustrations de Vincent Fortemps. Celui-ci propose sa version à lui de la pièce, plus sombre, peut-être, que le texte, mais admirablement crayonnée.
    B. Longre

    Ces articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 241 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, mai2008).

    http://www.actes-sud-junior.fr/

    http://www.actes-sud.fr

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  • Révélation

    suisse3.jpgAlors que le concours Révélation Fnac 2008 invite au voyage, en hommage à Nicolas Bouvier, la 3e édition de ce prix (2007) proposait un thème intitulé « La Suisse côté cour et côté jardin », associé à une contrainte générique : écrire un texte de théâtre. Les trois textes (sur plus d’une centaine) primés ont été regroupés, avec quelques autres, dans un recueil publié par les éditions genevoises Zoé, dirigées par Marlyse Piétri. Un recueil préfacé par Sylviane Dupuis, elle-même dramaturge (mais aussi poète et essayiste, lire entre autres A quoi sert le théâtre ? aux éditions Zoé), qui, face à des démarches artistiques pluridisciplinaires pouvant laisser croire que le texte théâtral serait dépassé, affirme justement le contraire. Le texte dramatique (à destination de la scène , mais qui forme aussi un artefact à lui tout seul) a encore du « sens », écrit-elle, et « continue de solliciter l’imagination et l’invention de formes. »

    Aussi, aux côtés de productions plus anecdotiques, trouve-t-on dans cet ouvrage quelques textes qui explorent intelligemment  l'absurdité de certaines situations afin de commenter le réel (et son double - le théâtre) :  Titre provisoire (Titre définitif) de Nicolas Haut qui, en mettant en scène des ébauches de personnages en quête d’intrigue, s’amuse à déconstruire l’acte théâtral afin d'en analyser les singularités ; L’entre-chambre d’Anthony Bouchard, faussement vaudevillesque, qui joue sur l’invisibilité du quatrième mur de scène, ce qui permet d’insister sur la relation privilégiée qui s’instaure entre  personnages et spectateurs ; ou encore une fable d’anticipation proposant une solution radicale afin que les plus de 60 ans, nouveaux indésirables, n’encombrent plus la pyramide démographique d’une Suisse (et d’une Europe) vieillissantes (La boîte à biscuits, de Giancarlo Copetti).

    Reste un texte qui se démarque de cet ensemble assez hétérogène, et qui n’a pas obtenu le premier prix par hasard : Dans l’ombre de ta ville, parcouru de tensions ambivalentes qui reflètent l'état d'esprit d'un narrateur, qui tend, justement, vers l'inaccessible. Ce monologue (fait paradoxal que de voir cette forme primée, comme le souligne la préfacière - ce qui ne lui ôte en rien ses nombreuses qualités), signé Jean-Noël Sciarini, met en scène un narrateur-récitant de dix-sept ans ; celui-ci, entre révolte et résignation, relate son exil et son déracinement dans une Suisse qui incarne d’abord le " rêve américain" pour lui et sa mère. Car il « fallait s’en aller », quitter la terre natale et rejoindre Genève, ville de tous les possibles qui bien vite devient le lieu de l’enfermement et de la dissimulation ; quitter un pays connu pour vivre « dans l’ombre » d’un autre, si peu accueillant en définitive. Chimo, clandestin, « encre dont aucune feuille ne voulait », incarne à lui tout seul le drame de ces « ombres réfugiées dans les plis de la ville », de ces méconnus que l’on croise sans vraiment les voir. Il y a deux Suisses comme il y aurait deux mondes parallèles appelés à se côtoyer et parfois à se télescoper, lorsque le tout jeune homme fait la connaissance de Camille dans une boutique de souvenirs, une rencontre qui se pourrait salvatrice…

    Les émotions successives et fluctuantes du personnage, pour lequel on ressent une forte empathie dès les premières lignes, sont retranscrites dans une langue à la fois directe et poétique, âpre et douce, à l’instar des contradictions qui agitent son esprit, révélant un monde intérieur d’une insoupçonnable richesse – de sa soif de liberté à la haine éprouvée face à la liberté des autres, de la honte de devoir survivre (et non pas vivre) au désir d’écrire et de se raconter, de son fatalisme à ses regains d’espoir, confiant au lecteur/spectateur une désespérance derrière laquelle se devine toutefois une obstination sans bornes, celle de ceux qui n’ont plus rien à perdre ou si peu. Esquissé avec finesse, ce portrait désenchanté interroge la tentative de se fondre dans un nouveau décor, de devenir un autre tout en restant soi-même, d’adopter un nouveau pays en s’efforçant de croire qu’il vous adoptera en retour. « Nous voulions nous approprier la ville », dit-il avec candeur, une ville qui devient d’emblée « sa » ville, lieu pourtant plus imaginaire que réel, vu à travers le prisme de la clandestinité. Ceux qui seraient convaincus que lire du théâtre est un exercice fastidieux, et/ou s'imagineraient qu’un texte dramatique ne peut se suffire à lui-même (du moins serait amputé de son expressivité ou privé de toute qualité s’il n’est pas mis en scène) feraient bien d’aller découvrir ce monologue qui, au-delà de toute classification générique, donne la parole à une voix émouvante, à la fois singulière et collective : un texte qui parlera à tous, si du moins on daigne tendre l'oreille.

    (B. Longre)

    Jean-Noël Sciarini est l'auteur de nouvelles (revue En attendant l'or) et d'un premier roman à paraître prochainement à L'école des loisirs dans la collection Medium.

    www.editionszoe.ch

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  • Le théâtre jeune public - quelques nouvelles

    9b27622bee94bc9e706d53fcb6c8b32a.jpgLe Prix Collidram (que je présentais il y a quelques mois) a été décerné à Dominique Richard pour sa pièce Une journée de Paul (Théâtre en court 2, Éditions Théâtrales Jeunesse) - que je compte lire.

     Les autres pièces sélectionnées étaient les suivantes :
    Bouge plus ! de Philippe Dorin - Les Solitaires Intempestifs
    Jojo au bord du monde de Stéphane Jaubertie - Éditions Théâtrales Jeunesse
    Louise / les ours de Karin Serres - L'École des loisirs
    Kardérah de René Zahnd - Bernard Campiche Éditeur

    L'an passé, Ohne de Dominique Wittorski (Actes Sud-Papiers) recevait  ce prix, organisé par l'ANETH (www.aneth.net/) - Aux Nouvelles Ecritures Théâtrales, une association qui a pour mission de découvrir et faire découvrir les écrivains et les pièces de théâtre contemporain.

    gbrisactheatre.jpgDu côté du théâtre joué, signalons Je vois des choses que vous ne voyez pas, un conte musical de Geneviève Brisac, jusqu'au 18 juillet à la Manufacture des Abbesses - Paris XVIIIe. La pièce est un conte qui revisite l'histoire de la Belle au bois dormant, mais Belle ne se pique pas le doigt avec un fuseau, elle est victime d'un stylo...

    Avec Alice Butaud, Mathieu Duméry, Anne-Camille le Heuzey-Bansat, Geoffroy Rondeau - à partir de 8 ans

    www.genevievebrisac.com

    Il n'est pas rare que le théâtre s'empare des contes ou des fables (dont la richesse thématique et symbolique n'est plus à prouver) comme point de départ, pour finir par en faire tout autre chose, des variations pour la plupart réussies - ent tout cas parmi les textes que j'ai pu découvrir récemment, comme Le Petit poucet de Caroline Baratoux (Actes Sud-Papiers, Heyoka jeunesse) Les deux bossus de Richard Demarcy (Actes Sud Junior, Poche théâtre) ou encore Méchant ! d'Anne Sylvestre (même éditeur), qui met en scène une chèvre et un loup... On pourra aussi lire Mascarade de Sacha et Nancy Huston (Actes Sud Junior, poche théâtre) ou encore Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot (L'Arche), dont je parlais ici.

    livre2008.jpgDe son côté, le TJA-Biennale du Théâtre Jeunes Publics publie un ouvrage intitulé Biennale du Théâtre Jeunes Publics/Lyon 1977-2007 (Lansman éditeur) que les deux fondateurs-créateurs-organisateurs-directeurs artistiques, Maurice Yendt et Michel Dieuaide, présentent ainsi : « Depuis trente ans, l’itinéraire artistique de la Biennale du Théâtre Jeunes Publics s’avère particulièrement fécond. Trente ans d’engagements durables pour tenter d’imposer, en rupture avec les schémas réducteurs qui dévalorisent encore fréquemment les pratiques culturelles des enfants, une reconnaissance exigeante de leur droit à un théâtre d’art et d’essai, authentiquement émancipateur. Il existe, évidemment, à l’occasion de ce trentième anniversaire plusieurs manières de rendre compte d’un tel parcours.Nous avons choisi, simplement, de laisser parler les nombreux témoins de l’aventure en faisant se répondre images photographiques et articles de presse. Autant de regards entrecroisés, de repères au fil du temps qui nous semblent en dire beaucoup plus que toute forme habituelle de récit. »

    www.biennale-tja.fr
     

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  • Ange ou démon...

    1775849530.jpgLes ogres pupuces
    de Guillaume Le Touze, illustrations Julien Rancoule
    Actes Sud-Papiers, collection Hekoya jeunesse, 2008

    Les ogres pupuces, petites boules de poils imprévisibles découvertes par le Professeur Sebastianovitch, vont enfin quitter leur incubateur afin d’être adoptés par des enfants (les jeunes spectateurs en personne). Mais leur nature véritable (angélique ou diabolique – d’où l’oxymore que l’on décèle dans leur appellation) reste incertaine… On sait seulement qu’ils ont besoin d’un bon dosage d’amour et de rire pour ne pas se transformer en créatures sanguinaires ! Les personnages pittoresques (une interprète amoureuse, une chercheuse vouée corps et âme à la science, un nain capable d’apprivoiser les ogres pupuces, sans parler de Sebastianovitch, quelque peu paranoïaque) présentent tour à tour les créatures aux futurs adoptants, quand une erreur de manipulation provoque la fuite des petites peluches.
    L’interaction entre le public potentiel et les protagonistes fonctionne parfaitement, même sur la page, et on appréciera l’inventivité débordante du texte, aventure scientifico-fantaisiste décalée qui rejoint d’autres quêtes imaginaires, les illustrations (crayonnés, esquisses en couleur, parfois destinés à accompagner les délires scientifiques de Sebastianovitch) jouant un rôle essentiel dans la mise en place de cet univers. Comme les autres ouvrages de la collection Hekoya jeunesse, un soin particulier a été apporté à la mise en page, une façon d’inciter les jeunes lecteurs à lire la pièce seuls, comme ils iraient ouvrir un roman. (B. Longre)

    Cet article a paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 240 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, avril 2008).

    http://www.actes-sud.fr/

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  • Quand tombent les masques

    1502748721.jpgMascarade de Sacha et Nancy Huston 
    Actes Sud Junior, collection poche théâtre, 2008

    Un loup, une chèvre… jusqu’ici, on se trouve en terrain connu. Mais quand s’engage le dialogue (véritable quiproquo dû à des confusions lexicales et phonétiques), que tombent les masques et qu’apparaissent successivement d’autres protagonistes (dont un rappeur et un psychanalyste…), on comprend qu’aux mains des auteurs (mère et fils), la base du conte risque de subir quelques détournements. La scène initiale devient scène de ménage puis scène de séduction, et ainsi de suite. Ludique (autant au niveau langagier que scéniquement), Mascarade propose des dialogues vifs, des altercations rythmées, au fil des transformations parfois surprenantes. Par le biais de références que seuls les adultes reconnaîtront, sans pour autant devenir des obstacles de lecture pour les plus jeunes (pas avant le collège, semble-t-il, contrairement à ce qui est proposé par l’éditeur), le texte présente plusieurs niveaux de lecture qui enrichissent le propos, évoquant en filigrane l’idée d’une quête identitaire sans fin – en écho avec les mots du loup (« où vais-je ? D’où viens-je ? Qui sois-je ? »…) – et la notion que les masques métaphoriques que nous revêtons et les méprises qui s’ensuivent sont le lot commun. (B. Longre)

    Cet article a paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 240 de  La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, avril 2008).

    http://www.actes-sud-junior.fr/

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  • Rester soi

    311272372.jpgAlice pour le moment de Sylvain Levey
    Ed. Théâtrales jeunesse, 2008

    Toute jeune fille fantasque, discrète et rêveuse, Alice, « observatrice du monde », sait glaner un peu de bonheur dans d’infimes détails – malgré sa solitude, son sentiment d’exclusion, les « garçons » anonymes (et interchangeables) qui la raillent ou sa difficulté à accepter le nomadisme de ses parents immigrés. Elle affirme être « une solitaire heureuse et volontaire » et se plie, sans aigreur, aux changements de décor successifs, dans un monde où l’important est de « rester soi ». À peine s’est-elle fait une amie que la famille part s’installer plus loin, au gré des petits boulots du père saisonnier. Et quand elle rencontre Gabin et commence à s’habituer à ses baisers, il faut repartir, encore. Le transitoire, le provisoire et l’instabilité sont ici source d’inspiration et les premiers émois adolescents s’inscrivent dans une poésie limpide, dont la simplicité de surface est à l’image de la jeune Alice, narratrice, récitante et fil conducteur du récit rétrospectif : «transparente » pour les autres mais riche et dense vue de l’intérieur. (B. Longre)

    http://www.editionstheatrales.fr

    Cet article a paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 240 de  La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, avril 2008).

    1785777249.2.jpg
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  • Publications théâtrales, Revue des livres pour enfants

    Quelques pièces pour la jeunesse, à découvrir et à lire...
    Ces recensions ont paru dans le numéro 239 de
    La Revue des livres pour enfants (
    La Joie par les livres / BNF, février 2008)

    Sous un ciel de chamaille de Daniel Danis - L'Arche éditeur
    Dis-le-moi ! d'Erwan Bargain - Lansman
    Ohne de Dominique Wittorski - Actes Sud-Papiers
    La Petite Danube de J-P. Cannet, ill. d’Edmond Baudoin - Les éditions Théâtrales
    La Robe de Gulnara d'Isabelle Hubert - Lansman
    Juliette toute seule de Florence Klein - Lansman
    Rêves de théâtre, Florence Klein, ill. Madeleine Tirtiaux Lansman et le CDWEJ
    Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot - L'Arche éditeur
    L’épouvantable petite princesse de Geneviève Damas - Lansman
    Le navigateur et l’enfant de Jean-Rock Gaudreault - Lansman

     

    L'éditeur

    Sous un ciel de chamaille de Daniel Danis
    L'Arche éditeur
    À partir de 10 ans

    Quelque part à la frontière d’Israël et de la Palestine, naît une amitié interdite entre Lirane, 8 ans, fillette juive qui habite une vraie maison entourée de terres fertiles et Ferhat, 11 ans, Palestinien qui vit dans un camp de réfugiés poussiéreux ; une relation avec ses hauts et ses bas, entre attirance et répulsion, renforcée par la perte respective d’un frère et d’une sœur morts dans un attentat. La folie adulte des «chamailles» est bientôt supplantée par celle des éléments qui se déchaînent, la nature reprenant ses droits et unissant les humains dans les mêmes souffrances. L’auteur, sans prendre parti, plaide pour la réconciliation et l’espoir d’un avenir commun. Malgré le sujet délicat, tout est parfaitement dosé, les dialogues vifs et entraînants, les personnages très attachants.

     

    L'éditeur

    Dis-le-moi ! d'Erwan Bargain
    Lansman
    À partir de 9 ans

    La veille de son déménagement, Lisa tente d’avouer son amour à son ami Théo, mais le garçon joue l’indifférent et feint de dédaigner ce genre de sentiment. Des années plus tard, Théo, rongé de regrets, se souvient de cet épisode qui a marqué son enfance. La pièce se présente comme un débat sur le sentiment amoureux (ses symptômes, ses causes, le pour et le contre, le sens du mot « bonheur » et d’autres choses encore), mené avec une lucidité mêlée de candeur par deux enfants de huit ou neuf ans. Suffit-il d’être amoureux pour être heureux ? C’est ce que soutient Lisa, vite contredite par son ami, qui prend au pied de la lettre les métaphores associées au coup de foudre et à l’amour. Un charmant badinage teinté d’une douce nostalgie, qui parlera aussi aux adultes.

     

    Collidram

    L'éditeur

    Ohne de Dominique Wittorski
    Actes Sud-Papiers
    dès 13 ans

    Ohne (la préposition allemande signifiant « sans ») va chercher du travail à l’ANPE et se trouve confronté à la rigueur et au jargon bureaucratiques. Le dialogue en trois temps qui s’instaure entre le personnage, décalé et en apparence très naïf, et l’employé, pourtant plein de bonne volonté, donne lieu à nombre de quiproquos et de méprises, une manière de mettre l’accent sur les absurdités de notre époque (entre autres celle du langage) et les angoisses liées au chômage. Malgré son âpreté et sa complexité, la pièce a remporté le Prix de littérature dramatique des collégiens, décerné pour la première fois en 2007 par l’ANETH – prix baptisé «Collidram » pour 2008, faisant intervenir plusieurs classes de collège d’Ile de France.

     

    L'éditeur

    La Petite Danube de Jean-Pierre Cannet, ill. d’Edmond Baudoin
    Les éditions Théâtrales
    À partir de 12 ans

    Au pied des Carpates (« dans une éternité d’enfance et de guerre »), Anna, fille de garde-barrière, grandit avec le bruit des trains dans les oreilles – des wagons qui vont vers une destination finale, le camp de « prisonniers » situé non loin de chez elle. Presque rien n’est « montré », hormis une veste à rayures trouvée par Anna, qu’elle surnomme Arthur et qui devient son unique compagnon de jeux, puis un prisonnier décharné, pourchassé par des soldats, qu’elle croise dans les bois. Poignant, le texte capte avec justesse et pudeur l’horreur des crimes nazis, tout en dénonçant la lâcheté des individus lambda, dont les parents d’Anna, qui restent sur leur quant-à-soi et collaborent quand il le faut. Les illustrations au fusain en disent peut-être un peu trop, mais la langue est belle, limpide, l’atmosphère étouffante, et le dénouement, nimbé de fantastique, n’en devient que plus percutant.

     

    L'éditeur

    La Robe de Gulnara d'Isabelle Hubert
    Lansman
    À partir de 12 ans

    Entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, une communauté d’apatrides vit depuis des années dans des wagons abandonnés. Le narrateur conte l’histoire de sa mère Mika, alors âgée de 13 ans, une fille joyeuse et généreuse qui, la veille des noces de sa sœur grande Gulnara, tache malencontreusement la robe de mariée avec du goudron. Mika part alors en quête de celui ou de celle qui voudra bien l’aider à réparer son erreur et tombe sur un commerçant qui lui propose de se vendre afin de gagner de quoi offrir une nouvelle robe à sa sœur. Un marché risqué, que Mika accepte, sans savoir qu’une autre solution a été trouvée. De courtes scènes, une intrigue qui tient en haleine, une ironie dramatique parfaitement construite, une galerie de personnages incarnant divers travers ou qualités (solidarité, avarice, égoïsme) et un dénouement tragique pour cette fable atemporelle sur l’innocence corrompue.

     

    Le blog

    L'éditeur

    Juliette toute seule de Florence Klein
    Lansman
    à partir de 10 ans

    Sous-titrée « Un voyage dans l’histoire du théâtre occidental », la pièce est construite à la manière d’une fable dont le propos serait, tout simplement, le théâtre ; ses origines, le jeu et le travail des comédiens, l’art de la mise en scène et de la scénographie, les textes et leurs auteurs... Dans ce monologue, Juliette, la comédienne, joue (à sa manière) la Juliette de Shakespeare mais endosse aussi tous les rôles possibles : narratrice, actrice, personnage et conférencière, elle revient sur l’enfance du théâtre et présente Dionysos, Shakespeare, l’épouse de Brecht, ou encore Sarah Bernhardt et Tchekhov. La volonté didactique qui préside à l’ensemble est évidente mais le texte charme pour sa fraîcheur, sa fantaisie et le ton direct que la narratrice emploie pour s’adresser au lecteur/public.


    Rêves de théâtre, la mise en scène au XXe siècle
    Florence Klein, illustrations Madeleine Tirtiaux

    Lansman et le CDWEJ, collection Empreintes.
    À partir de 12-13 ans

    En prolongement de Juliette toute seule, Florence Klein raconte la pratique théâtrale (émergence du metteur en scène, costumes, jeux, etc.), son histoire (portraits de dramaturges et de comédiens qui ont marqué le siècle) et sa propre expérience. Publié à l’initiative du Centre Dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse, cet ouvrage documentaire concis et aéré, émaillé d’anecdotes et agrémenté de nombreuses illustrations, est complémentaire de la pièce citée ci-dessus et permet de réfléchir, entre autres, aux rapports entre texte et mise en espace.

     

    L'éditeur

    du même auteur

    Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot
    L'Arche éditeur

    À partir de 9 ans et plus

    La trame s’inspire d’Alice au pays des merveilles, que l’auteur subvertit avec inventivité en faisant intervenir d’autres personnages (Le petit Chaperon rouge, la poupée Barbie, Pinocchio, E.T. etc.) qui se rebellent un peu, las de leur rôle traditionnel, ou qui se perdent dans l’histoire d’Alice, la croisent puis repartent vers d’autres histoires, sans plus savoir où ils en sont....
    Proprement irracontable, se distinguant par l’impertinence de son ton et l’originalité de sa construction, la pièce, qui suit pourtant l’intrigue initiale, reste imprévisible, composée d’interludes musicaux, de rêves enchâssés (peut-être ceux d’un vieil homme à la barbe fleurie) et de rencontres loufoques où Alice apparaît comme une fillette lucide, contemporaine et fantasque, qui (on s’en doutait), accepte difficilement de grandir.

     

    L'éditeur

    L’épouvantable petite princesse de Geneviève Damas
    Lansman
    À partir de 7 ans

    Un roi et une reine, désespérés de n’avoir pas d’enfant, s’adressent à… l’auteur de la pièce afin qu’il leur fournisse l’héritière mentionnée dans le titre : naît donc Adélaïde, gâtée par ses parents, capricieuse et (forcément) tyrannique. La seule à pouvoir l’apprivoiser ? Sa Mémé, qui décide de l’emmener en voyage et de lui faire découvrir d’autres horizons. Au-delà de la réflexion sur l’éducation et sur les rapports de force entre enfants et adultes, le texte aux dialogues enlevés, fantaisiste à souhait, relate le parcours d’une fillette qui apprend à s’ouvrir aux autres, par le biais de diverses mises à l’épreuve. Le recours astucieux à l’auteur pour résoudre certains problèmes et venir en aide aux personnages permet une mise en abîme qui ajoute à la cocasserie de l’ensemble, tout en confrontant le lecteur, en filigrane, à ce qui sous-tend la construction d’un récit.

     


    L'éditeur
    du même auteur

    Le navigateur et l’enfant de Jean-Rock Gaudreault
    Lansman
    à partir de 9 ans

    La rencontre de deux solitudes : Nora, négligée par son père qui rentre tard le soir, et un retraité plein de bonne volonté, qui veut se rendre utile. L’enfant est d’abord irritée par la présence quotidienne du vieil homme, puis fascinée quand il se met à lui raconter sa vie d’aventures, au temps où il était navigateur. Le renversement des rôles ne manque pas d’intérêt : le vieil homme apprend à Nora à redevenir enfant en la faisant rêver ; le dénouement est un peu rapide mais la pièce reste émouvante, sans mièvrerie.

    © B. Longre

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  • Grand Prix de littérature dramatique

    548292166.2.jpgLa 4ème édition de ce prix, qui récompense un texte dramatique, est l'occasion de mettre en avant une catégorie d'oeuvres largement oubliées dans les médias... et pourtant littéraires (est-il besoin de le rappeler ?)
    24 pièces parues en 2007 ont été sélectionnées ; le prix sera remis le 24 juin 2008 (à l’Odéon - Théâtre de l’Europe, Paris), en présence d'un jury composé exclusivement d'auteurs dramatiques : Olivier Py (président), Louise Doutreligne, Christophe Honoré, Claudine Galea, Mohamed Kacimi, Koffi Kwahulé, Elisabeth Mazev, Jean-Marie Piemme, Natacha de Pontcharra, Karin Serres, Christian Siméon et Biljana Srbljanovic.

    http://www.aneth.net/actu_grandprix.htm

    Quelques chiffres clés sur l'édition théâtrale (d’après L’Édition Théâtrale Aujourd’hui, thèse de Pierre Banos-Ruf, 2008)
    Entre 1985 et 2007, le nombre de parutions à compte d’éditeur a grimpé de 400%.
    La moyenne de titres édités par an s’élève désormais à 360.
    En 2004, 75 % des textes édités sont écrits par des auteurs francophones et n’ont fait l’objet d’aucune traduction.
    Pour le Grand Prix de littérature dramatique, 29 éditeurs spécialisés ont envoyé une sélection de 76 titres.

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  • Hommage

    Lire Olympe de Gouges, dans le texte et telle qu'Elsa Solal l'a imaginée.

     

    Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, d'Olympe de Gouges - Mille et une nuits

    Révolution, émancipation, modération.

    "Homme, es-tu capable d'être juste ? C'est une femme qui t'en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? qui t'a donné le souverain empire d'opprimer mon sexe ? ta force ? tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l'oses, l'exemple de cet empire tyrannique."

    423244907.jpgIl y a plus de deux siècles, le 3 novembre 1793 exactement, Olympe de Gouges, née Marie Gouze, fut guillotinée : condamnée par le tribunal révolutionnaire pour avoir osé écrire, dans un dernier pamphlet, que chaque département devait pouvoir choisir sa forme de gouvernement (s'opposant ainsi à l'indivisibilité de la République) et pour avoir maintes fois critiqué l'extrémisme des révolutionnaires. Ce ne fut pas le moindre des écrits de cette femme de lettres et de cette âme résolument indépendante, en avance sur son temps. Coqueluche des salons à la mode et cercles littéraires, dramaturge engagée (on lui doit même une suite du Mariage de Figaro, Le mariage inattendu de Chérubin, 1786), elle est une figure de proue du combat pour l'émancipation des femmes et n'aura de cesse que de défendre l'égalité des sexes.

    Ce combat perpétuel l'amène à rédiger un texte majeur, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. "Elle fait alors de l'écriture un véritable acte politique afin de prouver que les femmes peuvent être utiles hors de la sphère domestique, contrairement à la pensée du "fonctionnalisme sexuel" qui ne définissait la femme que par sa fonction biologique et lui refusait une raison abstraite indispensable aux activités de l'esprit", écrit Emanuèle Gaulier dans l'excellente postface de cet ouvrage. La mise en oeuvre de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 déçoit Olympe de Gouges, car en dépit de son caractère "universel", la question du vote des femmes et de leur libération n'est pas à l'ordre du jour : elle répond avec ce texte, calqué sur la première "déclaration" ; chaque article y est féminisé et énonce les droits naturels et raisonnables des femmes ; les femmes ont "le droit de monter sur l'échafaud", elles sont donc en droit de voter, d'être des citoyennes à part entière et de ne plus subir le joug d'un père ou d'un mari.
    Directement inspirée par la philosophie des Lumières, cette féministe de la première heure se bat sur tous les fronts, avec bon sens et modération : elle dénonce l'esclavage, milite en faveur de la création d'un théâtre national pour les auteures, défend le droit au divorce et les droits des filles mères ou des prostituées. En 1791, elle propose un nouveau contrat social (Contrat social de l'homme et de la femme, publié dans cet ouvrage) dans lequel elle demandait déjà que les enfants puissent porter le nom de leur père ou de leur mère (en France, cette loi est entrée en vigueur au 1er septembre... 2003 !). "A la lecture de ce bizarre écrit, je vois s'élever contre moi les tartufes, les bégueules, le clergé et toute la séquelle infernale", prévoit-elle... Elle y prône aussi une "chaîne d'union fraternelle" entre femmes, qu'elles soient "femmes publiques" ou "femmes de la société".

    La lecture de ce petit ouvrage courageux, qui n'a rien perdu de son bon sens et de sa valeur humaniste, donne à méditer, et l'on étudiera avec attention les articles VI ("toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.") et XIII ("Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, les contributions de la femme et de l'homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l'industrie.") : on est en effet en droit de se demander si les avancées dans ce domaine ne pourraient pas encore être améliorées, pour le bien-être social de toutes et de tous...  © Blandine Longre

     

    Olympe de Gouges, une pièce d'Elsa Solal - Lansman Editeur

    La subversion faite femme

    « La diversité doit être le fondement du droit naturel universel. »

    607095536.jpgOn parle beaucoup de Marie-Antoinette (en témoigne la fascination qu’elle exerce sur nombre d’artistes), mais relativement moins d’une autre guillotinée, elle aussi victime d’une révolution à laquelle elle avait pourtant activement participée ; elle mérite malgré tout davantage de célébrité que l’épouse de Louis XVI (qui elle s’est contentée d’être reine) – ne serait-ce que pour son humanisme universaliste. Porteuse d’un vrai message, Olympe de Gouges, plus révolutionnaire que ses bourreaux prétendaient l’être, fait figure d’avant-gardiste dans la défense des droits humains – ceux des femmes, des plus démunis, des esclaves… – en prônant un égalitarisme global qui lui valut sa tragique fin. La courte pièce d’Elsa Solal est une parfaite illustration de tout ce que fut cette militante emportée, insolente, opposée au fanatisme de Robespierre, toujours agissante et lucide ; « Je sais qui je suis », écrit-elle à son ami Louis-Sébastien Mercier depuis sa cellule de la Conciergerie, tandis qu’elle attend une parodie de procès.
    En seulement cinq tableaux percutants, l’auteure brosse le portrait fidèle et saisissant d’une femme que rien n’a pu arrêter – pas même les appels à la prudence de Mercier alors que la Terreur bat son plein. Mercier a beau la supplier de se retirer de la vie parisienne, de faire profil bas et de renoncer à publier son dernier texte, Les Trois Urnes ou le salut de la patrie (qui remettait en cause l’indivisibilité du gouvernement), elle s’obstine, tout en ayant conscience « qu’on n'est pas maître de son sort ». La pièce est conçue comme un pamphlet (en abordant tous les chevaux de bataille de l’auteure de La Déclaration des droits de la femme), mais aussi comme une tragédie, selon le principe que nul ne peut échapper à son destin.
    Ce texte (déjà été mis plusieurs fois en espace) a le mérite de brosser le portrait d’un personnage à part entière, singulier et attachant jusque dans ses discours politiques, tout en mettant en relief sa fonction d’iconoclaste éclairée dans laquelle s’incarne l’émancipation féminine des siècles à venir. © Blandine Longre

    http://www.lansman.org/

    Elsa Solal

    http://olympedegouges.wordpress.com/

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  • Anouilh, le retour

    1818582751.gifTitre fondateur des éditions de la Table Ronde, publié pour le première fois en 1946, l'Antigone de Jean Anouilh fait ce mois l'objet d'une réédition dans la "petite vermillion", collection poche de la maison. Les éditeurs en ont profité pour rééditer toutes les autres pièces de l'auteur - 9 volumes en tout, des Pièces grinçantes aux Pièces baroques, sans oublier les roses, les noires, les farceuses, les secrètes, les brillantes, ou encore les costumées... Les amateurs se replongeront ainsi avec plaisir dans certains textes oubliés et apprécieront les couvertures signées Jean-Denis Malclès (1912-2002)

    Tous les détails sur le (tout jeune !) site des éditions www.editionslatableronde.fr

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  • Tasmanie, oeuvre visionnaire.

    4c0521fd4c76291b60a57de3ebf90fe9.jpgL'an passé, en pleine campagne présidentielle, paraissait chez L'Arche éditeur un texte essentiel, toutefois passé presque inaperçu dans les médias (ainsi que la plupart des publications théâtrales, il est vrai...) : Tasmanie, de Fabrice Melquiot ; hormis quelques lectures (comme en avril 2007 au théâtre de la Bastille), la pièce n'a toujours pas été montée - alors que les autres textes de l'auteur le sont, très régulièrement. Oubli ? Probablement pas... On comprendra pourquoi en découvrant le texte. Ci-dessous, l'article écrit en février 2007.

     

    Un dramaturge en campagne

    L’intrigue de Tasmanie vaut-elle qu’on la résume ? À force de se voir abreuvés au quotidien d’informations qui décortiquent et analysent les moindres faits, gestes et mots des candidats à la présidentielle, nous devrions en connaître en grande partie le déroulement et surtout être capable d’en comprendre les rouages… Difficile de démêler le vrai du faux pour le citoyen, sans cesse confronté au spectacle d’une campagne qui mêle allègrement autopropagande, autocongratulations et promesses (trop belles pour être vraies, creuses ou inquiétantes, c’est selon) – celles de candidats constamment sur leurs gardes, mais dont l’essence véritable, forcément narcissique et vaniteuse, transparaît par instants sous leur humilité forcée, adaptée aux circonstances ; des candidats dont il est impossible, en définitive, d’éprouver l’honnêteté intellectuelle, la solidité humaniste ou l’efficacité politique, tant le flot de paroles (de déclarations en discours, de bourdes en lapsus, de prises de bec en répliques acerbes) submergent les esprits.

    Ne faudrait-il pas aller chercher ailleurs le « parler vrai » dont d’aucuns se gargarisent ? Par exemple dans un texte de théâtre audacieux et exigeant, volontairement virulent, qui dit l’abjection et montre l’envers du décor en s’inscrivant dans l’ici et le maintenant, tout en revendiquant son caractère allégorique. Fabrice Melquiot propose d’explorer la réalité politique à travers une étude de cas, celle d’un féroce candidat à la présidence, surnommé Conrad Cyning (autant pour son cynisme que pour l’affection démesurée qu’il porte à la race canine…), à la fois arrogant, boursouflé et incohérent (à l’image de ses discours) et secrètement sanguinaire ; un « Petit-Grand-Ministre » ambitieux et sans âme, plus près de la bête que de l’humain, obsédé par ses apparitions médiatiques, par l’image qu’il renvoie à la « population » (qu’il veut métamorphoser en « peuple ») et par ses grands projets – la France devra être rebaptisée Tasmanie car il faut « faire table rase ».

    On n’aura aucun mal à deviner qui se cache derrière Cyning – le dramaturge dissimule à peine le modèle qui lui a inspiré son protagoniste (fils d’immigré…), tout en gardant suffisamment de distance avec le réel pour faire de lui un exemplum (davantage qu’un personnage), dans la tradition théâtrale shakespearienne des pièces historiques. Face à Cyning, deux candidats que l’on ne rencontrera que très tard mais dont il est assez vite question et qu’on n’aura, là encore, aucune peine à identifier : Marie Sainte-Vulve (« un fouet dans une main, un bouquet de roses dans l’autre »…), que Conrad Cyning aimerait tant « humilier » (« Qu’elle soit ridicule ! Je veux qu’on se souvienne qu’elle n’est qu’une femme ! »), et Herbert Fabre-Sangue, le vieux président sortant, qui a néanmoins tenu à se représenter…

    Autour de Cyning, gravitent plusieurs victimes et/ou complices qu’il maintient sous sa coupe de parfait psychopathe : sa femme Claire qui, pour lui, a quitté Jean Dorfail (ancien présentateur d’une émission populaire… mis au placard depuis sa maladie), Ponce Bakery, son nègre (accessoirement petit chimiste et dealer en amnésie), et Souad Arpelinge, sa jeune assistante consciencieuse. Sans oublier le Diable, à la fois spectateur, témoin et commentateur, ni le chœur des chiens… des animaux dont l’omniprésence sur scène et sur la page donne d’emblée une atmosphère étouffante à la pièce. Justement, Cyning vient de perdre sa chienne préférée… Magdalena, morte en donnant naissance à un énorme chiot que le candidat baptise « Parole » (et qui, bien évidemment, restera muet, hormis quelques grognements). Ce que personne ne sait, c’est que Cyning mène une double vie, rejoignant chaque nuit son véritable peuple, la meute des chiens sur lesquels il teste les discours qu’il destine aux électeurs. Ce qu’il cache aussi, ce sont ses enfants dégénérés – mutilés, attardés mentaux, monstres que l’on évite de… montrer (on ne les sort que pour quelques séances de photographie), qui se perdent dans le dédale des appartements trop vastes de leurs parents politiciens : « les enfants du pouvoir », reflet des monstruosités, des pulsions destructrices et des vices de leurs parents, finiront dans la gueule des chiens de Cyning, une scène qui évoque Cronos dévorant ses enfants ou rappelle encore la sauvagerie des colons qui, en Tasmanie, exterminèrent en moins d’un siècle la population aborigène, et dont certains abattaient les autochtones pour nourrir leurs chiens…

    « Ne vous écoeurez pas. Ceci est une oeuvre de fiction, vous le savez. Les personnages et les situations décrits ici sont purement imaginaires », avertit le Diable. Une œuvre de fiction ? Faut-il se fier aux paroles du Diable ? Ou aux discours glaçants (parce qu’ils éveillent des échos bien réels) du candidat Cyning, incarnation d’un monde en déliquescence, qui veut être dans le « vrai », parle de « sentiments » et clame son « amour » aux électeurs (« Je vous adore ! Adorez-moi ! »), s’efforçant de faire croire qu’il est encore capable de compassion alors que seule sa férocité apparaît ?

    La pièce de Fabrice Melquiot est sanglante, morbide et frénétique, les scènes s’enchaînent sans interruption et le rythme débridé des dernières séquences épouse le chaos des esprits ; tout ici inspire la terreur (on réservera sa pitié «aux enfants du pouvoir ») et, en contrepoint, un rire sombre. La bestialité de celui qui s’imagine en messie va de pair avec l’état moribond de son ancien conseiller en communication, Jean Dorfail, qui continue malgré tout de l’exhorter à se montrer original (« Il te reste une semaine pour inventer autre chose qu’un discours de plus»…) et à très littéralement se lâcher... En éradiquant le verbe au profit d’un "langage" ramené à sa plus stricte expression, l’accent est mis sur le caractère profondément sordide de la campagne de séduction du candidat, qui fait appel aux plus vils instincts de son électorat («fasciner les hommes de ce pays pour le pire d’eux-mêmes ») – pour mieux les dévorer ensuite. La mise en scène de ces fantasmes (du meurtre au viol, en passant par le scatologique) dit beaucoup sur les dessous de notre réel et sur les chiens (et non les loups, l’image aurait-elle été trop noble ?) métaphoriques tapis dans l’ombre de la république, qui attendent leur heure et dont on devrait se méfier.

    Sinistre satire, Tasmanie dénonce les accointances avec les médias et l’ambition démesurée d’un fou, souligne la perte du sens et pénètre l’âme et l’essence d’un candidat dévoyé, sans limites ni tabous, qui obéit à ses pulsions, en dévoilant les véritables ficelles du pouvoir dans tout ce qu’il a de plus odieux. De même qu’aucun des candidats ne rattrape l’autre, aucune rédemption n’est envisageable – les trois dénouements possibles (en attendant celui des mois d’avril et de mai prochains…) qu’envisage l’auteur ne contenant aucune parcelle d’espoir. Profondément ironique et transgressive, ancrée dans l’amertume, Tasmanie se lira comme une mise en garde contre les dérives qui menacent, une pièce qui atteste aussi que le théâtre sait encore être engagé et se faire politique quand il le faut, se nourrir du réel pour mieux le déconstruire et déciller le lecteur / spectateur. Tout sonne si juste sur la page qu'on aimerait qu’une telle pièce puisse être montée avant le printemps – ce qui semble peu probable ; il reste donc à la lire pour découvrir la vision cauchemardesque mais néanmoins lucide d’une France qui est à l’image de l’Angleterre de 1819, évoquée en exergue par le poète Shelley. © B. Longre

    www.fabricemelquiot.com/

    www.arche-editeur.com/

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  • Les auteurs ont la parole !

    7a65e73296a6a02f1a5febb649dc5464.jpgCréé par Philippe Touzet et Philippe Alkemade, le Billet des Auteurs de Théâtre est un espace dédiés aux auteurs et à leurs textes  - une initiative réjouissante dans le contexte actuel, qui certes fait la part belle aux spectacles et aux mises en scène, mais où les auteurs de théâtre sont les grands oubliés (en particulier par la critique littéraire... pourtant, on étudie bien les textes de Molière, de Racine ou de Brecht...)

    Pour les fondateurs, Le Billet des Auteurs de Théâtre est "une aventure humaine et littéraire. À l’origine, deux auteurs de théâtre qui ont éprouvé l’envie, la nécessité de faire connaître la littérature dramatique au plus grand nombre. De la donner en partage et de créer ainsi un échange. Un lien direct entre les auteurs de théâtre et ceux qui viendront nous voir. Nos invités. Car c’est bien ainsi que nous l’entendons, vous êtes ici chez vous. "

    Se présentant comme un "Webzine des écritures théâtrales", le BAT propose, pour ce premier numéro, des rubriques variées, où l'on croise Jean-Paul Alègre, président des Ecrivains Associés du Théâtre (entretien vidéo), Matéi Visniec (qui parle de sa passion pour Tchekhov), Denise Bonal et Elie Pressmann (entretien à deux voix), Eric Rouquette (qui présente l'une de ses oeuvres), Jean-Paul Farré (dans la rubrique « Les trois coups »), Stéphanie Marchais (qui dévoile les petits secrets de sa bibliothèque), quelques pages manuscrites d’une pièce de Victor Haïm,  Natacha de Pontcharra (dans « Cènes d’auteur ») et Claudine Galea qui répond au fameux « Questionnaire de Proust » (cette dernière publie ce mois Les chants du silence rouge aux éditions Espaces 34).
    Enfin, on découvrira « L’Expo du mois » dont les murs virtuels sont confiés à Bruno Allain pour ce premier numéro.

    http://www.lebilletdesauteursdetheatre.com/

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  • Voyage en inoccident

    c858cadbb1527f4f0580dc5091b50a3a.jpgLe tireur occidental de William Pellier, éditions Espaces 34

    Quand tel est pris...

    William Pellier signe un texte théâtral habilement construit, qui tient de la fable morale, du conte philosophique, du pamphlet politique, et dont on sort le sourire aux lèvres…
    Rodolphe, jeune candide à la « cervelle bien pleine » de savoir théorique, assoiffé d’aventures et de découvertes exotico-ethnologiques, voit « à l’horizon cette tâche exaltante / Une étude grandeur nature enfin » : un périple de plusieurs semaines le mène aux confins du monde connu (c'est-à-dire « occidental »), à la rencontre de celui qui lui servira de guide, le «matricule KVV », un Tireur occidental zélé et soucieux de sa mission (dont les détails ne nous seront révélés que plus tard). Rodolphe prépare un mémoire portant sur les « races inférieures » et, afin de valider son diplôme de fin d’études, va vivre six mois durant aux côtés de ce tireur rompu à la solitude, et étudier les énigmatiques « indigènes » vivant de l’autre côté de la muraille que surveille inlassablement le Tireur – un territoire aride, « l’inoccident, paysage d’os, de crânes, d’éléments de squelette, d’ossements en couche ».
    La satire prend toute son ampleur quand Rodolphe ne peut laisser passer l’opportunité scientifique (!) d’étudier de près un « spécimen » blessé qui s’est réfugié au pied de la muraille, et il le recueille en dépit des réticences du tireur, qui l’avertit en ces termes, prévoyant une inexorable contamination : « Nous deux aux prises immédiate avec sa pustule, malgré les barreaux / En un tour de main, au travers de sa cage ses infections / Son zona, son eczéma Monsieur / Ses puces et ses poux / Le fumet suffocatoire de son haleine, d’abord ici, puis dans l’occident tout entier / la chute de nos nations comme perspective.»

    Car le Tireur est là pour veiller à ce que les « races basses » qui errent de l’autre côté ne puissent franchir la muraille protectrice : des tribus « inlassablement enclines à la férocité » – comme « le juif et l’arabe » -, des « troupeaux de roumins » ou autre « rad-jik »… Rodolphe les étudie avec la passion du débutant, et note consciencieusement ses observations naïves (qui, on l’aura compris, empruntent aux classifications pseudo-scientifiques des siècles passés), du genre :
    « B – Caractères morphologiques, suite à une première observation :
    Maigreur de leurs bras le long de leur corps
    Yeux dans le lointain de leur crâne
    Délitescence de leurs molaires
    Allure générale de batracien
    »

    Quant au prisonnier, Rodolphe (documentation à l’appui) ne peut s’empêcher de remarquer combien son visage est « si éloigné de notre beauté occidentale », et il entreprend de lui faire subir nombre de tests qui prêtent à rire. Rodolphe et le Tireur forment un étrange duo incarnant une vision exacerbée de nos politiques de surprotection et d’immigration (on se référera aux récents événements qui en France ont secoué l’opinion – arrestations diverses, évacuations et autres «invitations à quitter le territoire »…) et de l’enthousiasme candide (que sous-tend une « science » sans conscience) du premier à la glaçante sagacité du second (sans parler de son habileté à manier le fusil), tous deux dévoués corps et âme à leur mission respective, il n’y a qu’un pas.
    L’on part dans le texte de William Pellier avec l’impression diffuse de se retrouver dans un bildungsroman du XVIIIe, avec l’idée, vite démentie, que l’on va y trouver ses marques ; mais notre voyage prend des tournures imprévisibles : une ironie mordante entoure le complexe de supériorité de l’occidental et la détermination du Tireur, prompt à obéir aveuglément aux ordres qui ont été inscrits dans son cerveau, illustre à merveille l’inhumanité de sa tâche et la barbarie enfouie en chaque être, malgré le joli vernis que la "civilisation" peut conférer.
    On pense au roman de Coetzee, En attendant les barbares, fable atemporelle située aux frontières d’un empire anonyme, à une époque incertaine, où l’écrivain sud-africain dénonçait les ravages engendrés par la peur irrationnelle de l’autre ; Le tireur occidental propose une vision certes plus parodique (le dénouement est particulièrement réjouissant), plus légère (le personnage-narrateur, Rodolphe, étant le dindon de la farce), mais pas moins cauchemardesque des rapports que l’occident n’a pas cessé d’entretenir avec les pays les plus défavorisés ou avec des populations rejetées. Dans le même temps, la parole théâtrale donne un impact singulier à cette œuvre pourtant inclassable – parole qui peut néanmoins être lue et être appréciée comme telle, la versification (libérée de toute contrainte classique) apportant un aspect faussement solennel à l’ensemble et s’accordant parfaitement au ton sérieux de Rodolphe, persuadé du bien-fondé de sa mission. Une œuvre brève, il est vrai, mais qui renferme tous les paradoxes de notre civilisation moderne, et parfaitement conçue à éveiller les consciences. B. Longre

    L'éditeur (Espaces 34)

    forets.free.fr/wp/textes.html

     

    A Lyon, la Compagnie Germ36 présente Le Tireur occidental

    Mise en scène Pierre Germain, Avec Sébastien Baylet, Michel Le Gouis, Pauline Hercule, Sarah Richit, Précédé d’une lecture de l’« Avertissement » (extrait de Grammaire des mammifères (Éditions Espaces 34)) par Pierre Germain
    du mardi 8 au samedi 12 janvier 2008 à 20h 30 à l’Étoile royale - 17 rue Royale – 69001 Lyon - 04 78 28 66 98
    et le mardi 29 janvier à 12h30 à la médiathèque de Vaise - Entrée libre Place Valmy – 69009 Lyon


    A Paris, la compagnie Influenscènes présente aussi Le Tireur occidental

    Version pupitre de Jean-Luc Paliès, Avec  Frédéric Andrau, Jean-Pierre Hutinet, Maria Luisa Jamye Kosta, Musique : Francesco Agnello - lundi 28 janvier à 20h 30, dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin, Découverte de l’écriture contemporaine — Entrée libre - Espace Gérard Philippe, 26, Rue Gérard Philipe - 94120 Fontenay-sous-Bois
    le mardi 29 janvier à 12h 30, dans le cadre des Mardis midi - Lectures de pièces inédites — Entrée libre, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt — 75008 Paris
    le mercredi 30 janvier à 18h, dans le cadre des Mercredi 18 heures - Lecture d’écrivains du XXIe siècle — Entrée libre, Théâtre de l’Est Parisien, 159, Avenue Gambetta - 75020 Paris

    Influenscènes : http://www.influenscenes.com/influenscenes-2.htm

    Théâtre du Rond-point : http://www.theatredurondpoint.fr/saison/fiche_spectacle.cfm/42617-les-mardis-midi.html

    Théâtre de l’Est Parisien : http://www.theatre-estparisien.net/Les-Mercredis-du-Theatre-de-l-Est

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  • Le cerveau à l’endroit

    " J’ai tout lu. Tout. Ça m’a remis le cerveau à l’endroit, ça l’a nettoyé de toute cette crasse, autour et dedans", dit l'un des personnages de Bis Repetita (pièce de Philippe Touzet - éditions Espaces 34), relatant son expérience de la prison alors qu'il n'était qu'un tout jeune homme.

    Article en ligne

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