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jeunesse

  • A paraître en mars 2010

    cto6.jpgLes Chroniques des Temps Obscurs, Chasseur de Fantômes, tome 6

    de Michelle Paver (traduction de l'anglais Blandine Longre)

    Eostra, la dernière Mangeuse d’Âme encore en vie, s’est installée dans les Montagnes, depuis lesquelles elle tourmente les clans : elle leur envoie la maladie des ombres afin de les terroriser et n’a qu’un but en tête, contrôler les esprits des morts, et en particulier ceux des autres Mangeurs d’Âme. Elle s’attend aussi à ce que Torak, l’Esprit qui Marche, Celui-Qui-Écoute, vienne la trouver afin de le vaincre une bonne fois pour toutes. En effet, Torak part l’affronter seul, contre l’avis de son père adoptif, Fin-Kedinn, et sans prévenir Renn et Loup...

     

    Hachette romans jeunesse

    Les tomes 4 et 5

    Critique en ligne

    http://www.torak.info/

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  • A paraître, le 5e tome des Chroniques des Temps Obscurs

    CTO5fr.jpgà paraître le 4 mars 2009

    Chroniques des Temps Obscurs
    Tome 5 - Le serment

    de Michelle Paver
    traduction de l'anglais B. Longre
    Hachette roman jeunesse.

    Lorsque son « cousin » Bale est tué par Thiazzi, l’un des derniers Mangeurs d’âme, Torak jure de le venger. Accompagné de son amie Renn, jeune apprentie-mage, il part aussitôt à la poursuite du terrible Mage. Au cours de leur quête, ils vont peu à peu s’enfoncer dans la Forêt Profonde. C’est un lieu sombre, mystérieux… et dangereux depuis que les Clans qui y vivent ont perdu la raison

    Sur le site de l'éditeur

    Recension du tome 4

    http://www.michellepaver.com/

    http://www.torak.info/

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  • RectoVerso, revue

    rectoverso4.gifLa revue Recto/Verso est un espace de travail et d’échange autour de l’étude de la création littéraire et artistique. Dévouée à la jeune recherche internationale dans l’étude de la genèse des œuvres et des manuscrits d’écrivains, dans différents domaines littéraires, linguistiques et artistiques, Recto/Verso est une revue interdisciplinaire et quadrilingue. Elle publie des articles en anglais, français, espagnol et italien et se compose de cinq rubriques - « Cahiers de genèse », « Rendez vous », « Passerelles », « Marges » et « Apprentissages ».

    Le numéro 4 vient de paraître, intitulé "Mauvais genres".

    Le sommaire 

    "Du roman noir à la littérature de jeunesse, de la science-fiction au roman sentimental ou policier, cette littérature, pour faire l’objet, depuis de nombreuses années, d’études scientifiques, reste prise dans le spectre du genre à contraintes. Souvent abordée sous l’angle exclusif du procédural ou de l’archétypal, elle peine à s’extraire, malgré la diversité de ses réalisations, du carcan des mauvais genres, ceux-là même qu’on fréquente sans (trop) le dire, et qu’on hésiterait en principe à interroger dans le cadre d’une recherche génétique. (...) Au cœur de ce numéro, l’importance prise par la réflexion théorique de la section « Passerelles » met justement en lumière la question de la valeur. Quels sont les codes socioculturels et historiques, les implicites qui entravent la pleine jouissance de cette littérature ? Alors même que seul le plaisir de la lecture semblerait à même de sauver ces mauvais genres, il apparaît que sous la contrainte, la liberté de la création sourde, comme une évidence plus éclatante encore d’avoir été longtemps contenue – sinon retenue. À ce titre, l’entretien avec Blandine Longre permet de mesurer, du côté de l’auteur, cette évidence de la création en littérature jeunesse, là où il serait trop facile de ne voir que la mise en œuvre d’un cahier des charges plus ou moins invariant." (Editorial, Guillaume Bellon)

    http://www.revuerectoverso.com/

     

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  • D'album en album

    Quelques albums dont je tâcherai de parler prochainement, mais dont je recommande d'emblée la lecture.

    Regarde !
    de Christine Beigel, illustré par Carole Giblas-Odin. - Mouton-Cerise, 2008

    Un Pantin
    M.P. Rivière et Elisabeth Brami - Océan jeunesse, 2008

    Catalogue de parents pour les enfants qui veulent en changer
    de Claude Ponti - Ecole des loisirs, 2008

    Au coin du fourneau
    d'Adrienne Barman, La Joie de lire, 2008

    regarde.jpg

     pantin.jpgcatalogueponti.jpgadrienne.jpg

     

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  • Une grande petite

    olga.jpgLe grand livre d'Olga, de Geneviève Brisac, illustrations Michel Gay - L'Ecole des loisirs, 2008

    Excellente idée que de rassembler les douze histoires d’Olga, la jeune héroïne imaginée par Geneviève Brisac il y a déjà quelques années (en 1990, pour être exact, date de sa première apparition dans la collection Mouche) dans un seul volume grand format d’une belle épaisseur, ponctué des esquisses de Michel Gay : pas moins de 420 pages d’aventures familiales qui mettent en scène une fillette, entre candeur et lucidité, toujours prompte à s’interroger et à enquêter (sur l’existence du Père Noël, dans Le Noël d’Olga), à remettre en question l’ordre des choses, à s’inquiéter de ce qui pourrait passer pour des broutilles aux yeux des adultes (quand il s’agit d’inviter des amies qui risquent de se moquer de sa maison « nid de souris », dans Olga fait une fête), ou à se révolter face à des injustices flagrantes – comme dans Olga et les traitres (où l’arrivée d'une remplaçante terrifiante incite certains enfants à céder à la peur), Chaque histoire dévoile habilement les appréhensions, les bonheurs et les difficultés qui font grandir, à travers les expériences quotidiennes d’une petite fille volontaire et attachante, dans une famille ou la liberté d’expression prévaut. 
    (Blandine Longre, décembre 2008)

    http://www.ecoledesloisirs.fr/index1.htm

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  • Tour d’horizon

    tgornet3.jpgDe nombreuses lectures achevées et peu de temps pour en parler ces jours… Je tiens néanmoins à en dire quelques mots.

     

    Du côté des romans, j’ai lu Je n’ai plus 10 ans (Neuf de l’Ecole des loisirs), de Thomas Gornet, dont j’aime beaucoup le ton et le style minimaliste – entre naïveté et sagacité. Dans ce récit en apparence paisible, ancré dans le quotidien, la parole candide, souvent littérale, du jeune narrateur est constamment en décalage avec les tensions ténues qui affleurent ; sa grande solitude face au monde adulte (qui rejette, parfois par déni, parfois en pensant agir pour son bien, les amorces de dialogue que le garçon tente de mettre en place) est palpable tout au long du roman, tout comme son désarroi. On pourra lire sur Sitartmag l’article que Madeline Roth consacre à ce roman destiné à un large lectorat.

     

    http://thomasgornet.blogspot.com/

     

    http://www.ecoledesmax.com/portail/

     

     

    amoureuxgrave.jpgAmoureux grave d’Élisabeth Brami et de Philippe Lopparelli (T. Magnier, collection Photoroman) met en scène, avec une grande finesse, une autre solitude : celle d’un jeune homme, le temps d’un week-end – une solitude soudain troublée par l’arrivée d’e-mails dont l’expéditeur reste anonyme. Paul est un personnage très vraisemblable, construit avec soin, et l’on se sent proche de lui dès les premières pages ; il souffre d’être « la honte de la famille » parce que littéraire dans une famille de scientifiques, de devoir cacher ses angoisses à sa mère envahissante et de supporter des pulsions, pourtant fort naturelles, qui le mettent mal à l’aise. À travers l'étrange dialogue qui s’instaure via l’écran, Paul retrouve un semblant d’espoir – ou du moins de quoi avancer, temporairement. La manière dont Élisabeth Brami a su intégrer les photographies de Philippe Lopparelli au cœur même du récit est très habile et permet de souligner davantage encore leur présence. J’invite à lire le point de vue de Joannic Arnoi, plus élaboré que le mien.

     

    Dans la même collection, on peut lire Les Giètes de Fabrice Vigne (qui se « réjouissait » ici de ce que certains « critiques » avaient pu en dire…), avec des photos d’Anne Rehbinder, ou encore Derrière le rideau de pluie de Guillaume Le Touze, photographies Michel Séméniako.

     

    atlantis.jpgDans un tout autre genre, j’ai lu le premier tome de la série Atlantis, L’Héritière, écrit à quatre mains par Christine et Madeleine Féret-Fleury (Hachette romans). L’écriture est d’une grande précision et l’histoire de la jeune Adel, qui s’enfuit de l’orphelinat où elle est maltraitée, est bien menée, ponctuée de multiples références à la littérature d’aventure, entre autres à Jules Verne. On apprécie le suspense, toujours ménagé, et la narration alternée –  le parcours d’Adèle, entre deux mondes (le réel et un univers parallèle qui intrigue d'emblée), et la quête d’un inconnu prêt à tout pour mettre la main sur la fillette. Des énigmes, de multiples rebondissements, beaucoup d'inventivité, et une héroïne dont la naïveté première n'amenuise en rien ses côtés batailleurs.

    On peut lire un extrait en ligne.

     

     

    hof.jpgQuant à Une petite chance, de Marjolijn Hof (traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Seuil jeunesse, collection Chapitre), cela faisait un moment que je souhaitais en parler. Un roman à la fois grave et léger, très audacieux dans son propos. On y découvre une petite fille aux prises avec des angoisses qu’elle tente d’apaiser en échafaudant des stratégies déroutantes, qui témoignent pourtant d’un sens logique étonnant. Une façon comme une autre de conjurer la mort possible de son père médecin, porté disparu. D’aucuns verront là une morbidité qui ne devrait pas avoir sa place en en littérature jeunesse… Est-il utile de répéter que la mort et son lot d’angoisses sont communs à tous ? Rien de malsain, en tout cas, dans ce court roman dont la justesse de ton est fort appréciable, car au-delà de la « thématique », l’auteure a donné vie à un personnage complexe, loin de tout stéréotype, que l’on découvre intimement à travers de nombreux dialogues bien menés et de menues anecdotes d’un quotidien qui se voit soudain bouleversé. 

     

     

    jturin.jpgJustement, j’ai sous les yeux un ouvrage qui a retenu mon attention : Ces livres qui font grandir les enfants, de Joëlle Turin (Didier jeunesse, collection Passeurs d’histoires). L’auteure développe nombre d’analyses pointues à partir d’un matériau d’une grande richesse : l’album jeunesse. Contrairement à ce que le titre pourrait laisser entendre, il n’est nullement question d’ouvrages didactiques ou formatés, mais de livres qui « ne s’embarrassent pas d’intentions pédagogiques explicites, de principes éducatifs affirmés et trop évidents, de propos lénifiants censés protéger le jeune lecteur de tout traumatisme. » Des albums dont les niveaux de lecture multiples font qu’ils sont pétris d’implicite : tout en donnant du plaisir au lecteur (enfant ou plus grand…), ils sont susceptibles de susciter nombre d’émotions et de questionnements, en lien direct avec le quotidien, mais aussi de participer au développement de la vie psychique et de l’imaginaire de chacun. L’auteure a choisi quelques grands thèmes (le jeu, les peurs, les « grandes questions » - la vie, la mort, les origines - les relations avec autrui, les chagrins) autour desquels elle bâtit ses analyses, toujours à l’aune d’albums représentatifs et tous différents les uns des autres (de Claude Ponti à Anaïs Vaugelade, en passant par Beatrix Potter ou Quentin Blake), nécessairement singuliers, sans jamais instrumentaliser son objet d’étude : les livres, écrit-elle entre autres, ne sont pas « des outils thérapeutiques », mais des « œuvres artistiques ». Et on lui en sait gré.

     

     

    annees70.jpgÀ propos d’album, et pour finir en beauté, un grand format que je recommande tout particulièrement : le dernier-né de Claudine Desmarteau, Mes années 70 (Panama), qui donne sacrément envie de (re)descendre dans la rue, de clamer « peace and love » ou d’écouter du Janis Joplin… L’impertinence salutaire et l’humour vivifiant de ce revival se goûtent sans modération et l’auteure, qui parle d’expérience, a l’habileté de mêler souvenirs personnels (sa garde-robe, ses lectures, ses goûts et ses activités, etc.) et thèmes plus vastes (libération de la femme, interdits et progrès sociaux, mode et musique, politique, etc.) ; une façon d’offrir une fresque variée, entre documentaire très subjectif et album de famille, qui met en avant la culture, au sens large du terme, caractéristique de l’époque. La drôlerie de l’ensemble permet de toucher un vaste lectorat - certains pourront revivre leur enfance en partie, d’autres (plus jeunes), n’en reviendront pas de découvrir qu’il est possible de survivre sans mangas ni mp3, affublés de sous-pulls synthétiques et entourés d’affreux papiers peints orange… c’est à eux que l’album, (où l’auteure ne craint pas de représenter des corps nus ou des hippies le joint au bec) s’adresse avant tout (« Quand j’avais ton âge, c’était les années 70 »).

     

    http://www.desmarteau.fr/index.html

     

     

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  • Quelques lectures... variées.

    mazard.jpgUn cow-boy dans les étoiles de Claire Mazard, Seuil jeunesse, collection chapitre, 2008

     

    Une fillette passe des vacances estivales à la Fariguette, où elle a retrouvé ses grands cousins, Louis et Tristan, qu’elle admire ; en leur compagnie, Anne se fait aventurière, partage leurs rêves et découvre un trésor (un vrai, qui sera en quelque sorte l’un des fils conducteurs du récit) et grandit un peu. Ces instants presque idylliques sont pourtant anéantis, peu de temps après, par un coup du sort sur lequel aucun des personnages n’aura de prise. Des années plus tard, Anne se souvient, revenant sur cette période figée dans un passé à jamais révolu, mais pourtant inoubliable, toujours vivante en elle. Une évocation nostalgique de l’insouciance bouleversée, un récit entre enfance et adolescence qui se goûte avec un plaisir rare.

     

     

     

    truc.jpgMoi, mon truc, de M. Lisa et D. Perret, L’Atelier du poisson soluble / musée du Louvre, 2008

     

    Un titre du Poisson soluble à classer, une fois encore, parmi les inclassables et autres curiosités… D’abord, la couverture astucieuse de ce petit ouvrage souple offre la possibilité de l’envoyer tel quel par la poste ; mais on insistera davantage sur ce qu’il contient : une énumération de situations où l’on se sent en position d’infériorité, par la faute de petits détails en réalité bien anodins ; des situations qui sentent assurément le vécu et qui partent d’un postulat commun à nombre d’entre nous (« Quand je ne peux plus me voir en peinture… », d’où l’une des raisons du partenariat éditorial avec le Louvres). Les auteures nous offre une petite solution simple mais efficace pour s’accepter tel que l’on est – encore fallait-il y penser.

     

     http://www.poissonsoluble.com/

     

     

    soon.jpgApocalypse Maya de Frédérique Lorient, Syros, collection Soon, 2008

     

    Une nouvelle collection a vu le jour aux éditions Syros : dirigé par Denis Guiot, Soon entend proposer des romans de SF intelligents, ouverts sur l’ailleurs – une façon comme une autre d’inciter à réfléchir à l’ici et au maintenant, mais aussi de divertir le lecteur. Des caractéristiques habilement conjuguées dans Apocalypse Maya, qui peut se lire de diverses manières – comme un roman d’apprentissage relatant l’éveil d’une conscience sociale et environnementale ; comme une fable qui rappellerait que l’Histoire est composée de situations cycliques et d’atrocités (il est ici question de deux génocides, à des décennies de distance) vouées à se répéter à moins d’agir pour en atténuer l’ampleur ; comme une illustration de ce qui ne manque pas d’arriver si on laisse la rentabilité l’emporter sur l’humain, sur l’éthique et sur l’équilibre naturel (le fameux « science sans conscience »…) ; ou encore comme une aventure plutôt bien menée et écrite, qui réserve nombre de rebondissements. Certaines « leçons » écologiques ou historiques sont parfois amenées de manière très explicite (trop, peut-être), mais on lit d’une traite l’histoire du jeune Jové, du vieil Indien qui le convertit à ses valeurs et de l’étonnant peuple des Suris (leur langage, en particulier, fascine, tout comme leur propension artistique), confrontés à l’organisation toute-puissante qui a colonisé la planète Maya.

     

    (B. Longre, septembre 2008)

     

     

    http://www.syros.fr/nouveautes.asp

     

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  • "Closing Books Shuts Out Ideas"

    bannedbookssign.jpgJe parlais déjà de la "Banned Books Week" dans un billet daté de l'an passé. Une initiative dont on pourrait s'inspirer en France, et qui permet de réaffirmer l'idée de liberté, indissociable de la lecture et de la création littéraire, et l'absurdité de toute tentative de censure. La prochaine aura lieu du 27 sept. au 4 octobre 2008 et aura pour devise : "Closing Books Shuts Out Ideas", qu'on pourrait librement traduire par "Un livre refermé, c'est une idée qu'on enferme" (on peut en proposer d'autres, je suis preneuse).

    L'ALA (American Library Association) recense aussi les ouvrages qui ont été les plus controversés ou censurés durant l'année écoulée et établit un "top ten" qui, pour 2007, propose toujours le célèbre (et très inoffensif...) And Tango Makes Three de Justin Richardson et Peter Parnell (raisons données pour justifier la censure ou les "plaintes" : "Anti-Ethnic, Sexism, Homosexuality, Anti-Family, Religious Viewpoint, Unsuited to Age Group"), The Chocolate War de Robert Cormier (Sexually Explicit, Offensive Language, Violence), The Golden Compass de Philip Pullman (pour des raisons religieuses...), et les habituels The Adventures of Huckleberry Finn de Mark Twain (pour... racisme) et The Perks of Being A Wallflower de Stephen Chbosky (Homosexuality, Sexually Explicit, Offensive Language, Unsuited to Age Group).

    chbosky3.jpgDans un autre billet, je relevais en effet ce à quoi certains censeurs s'opposaient, et citait entre autres les jurons qu'un lecteur courageux de Pas Raccord de Stephen Chbosky avait fidèlement notés (attention, âmes sensibles s'abstenir...) : "Swirlie, A**holes, F**king, Hell, A**hole, smear the queer, cut and hunky, blow queen, knocked up, J****, b***hy dyke, bulls**t, bulls**t, Jesus, S**t, “I swear to G**, took a dump, blow job, F**k, f**ked-up, J****, F**king, G**, f**king freak, Faggot, G**, Faggot, Bulls**t, G**, F**k, F**k you, F**k you, f**king bastard, Pr**k, Hell, Pu**y, J****, Pu**y, A**hole, G**, Hell"...
    Non par plaisir (?), mais pour conseiller aux parents de ne surtout pas laisser cet ouvrage entre les mains de leurs adolescents et de s'opposer à ce que ce roman soit étudié en classe, par exemple. Le procédé consistant à dissimuler certaines lettres (plus malsaines que d'autres ?) frise évidemment le ridicule, car on reconnaît sans peine "God" ou autre "Fuck" (alors que d'autres termes, comme "Blow queen" ou "Faggot", ne bénéficient pas du même traitement - peut-être n'ont-ils pas été jugés suffisamment insultants ?)

    Plus sérieusement, les groupes de pression (associations de parents, communautés religieuses menant parfois de véritables croisades, etc.) sont généralement plus "efficaces" aux USA, et parviennent régulièrement à faire interdire certaines lectures par les conseils d'administration des établissements scolaires, qui préfèrent obtempérer plutôt que de donner raison aux enseignants. Pourtant, en France, on trouve çà et là des exemples assez frappants, qui surviennent plus souvent qu'on le croit.

    Une affaire relatée l'an dernier par Anne-Sophie http://www.lalettrine.com/article-6963542.html, que j'ai trouvée de ce côté-ci http://lescorpsempeches.net/corps/?p=169 ; une autre forme de censure, institutionnelle, comme relatée ici...

    http://www.ala.org/ala/oif/bannedbooksweek/bannedbooksweek.cfm

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  • De la critique - mise au point.

    titre1.jpg

    J'ai laissé passer un peu de temps, mais tiens à revenir sur ce qui est survenu suite à mon billet intitulé : De la critique - entre censure et ouverture, entre fiction et réalité..." qui a, à l'évidence, déplu à la rédaction de Citrouille, de même que mes brèves interventions sur le forum que la même revue avait ouvert sur son site  - pour le fermer quelques jours plus tard, en annonçant que les échanges "s'étaient envenimés ici et là", sans préciser davantage. Envenimés ? Il n'était question que de débattre d'idées et de livres, en toute franchise, sans pour autant cesser d'être courtois, sans déverser un quelconque "venin" et surtout, sans faire d'amalgames entre livres et individus.

    Difficile de saisir, même avec du recul, ce qui a pu ébranler certains libraires, car je me suis contentée de critiquer un article précis, qui m’a profondément choquée, intitulé « Femme fantasme en pâture » (et non le dossier dans son intégralité) et d'émettre des réflexions sur ce que la lecture faussée d'un roman (qu'on l'aime ou pas), à partir de critères subjectifs et moraux, sans proposer d'analyse littéraire, pouvait entraîner. Mon billet se situait sur le terrain des idées et n'avait nullement pour objectif d'attaquer des individus ou, comme on a pu me le reprocher à demi-mot, de lancer une polémique qui aurait eu des « conséquences douloureuses » (franchement, relativisons, il ne s’agit "que" de livres !), de discréditer les libraires de l'association en question, voire l'ensemble de la profession ! C'est dire jusqu'où les généralisations (à défaut de proposer des contre-arguments solides) peuvent entraîner.
    De même, on m'a vertement rabrouée sur le forum de Citrouille suite à des commentaires plus constructifs qu'agressifs, et certainement pas "venimeux" ; chacun pourra en juger ci-dessous. Voici l'échange en question :

    [ Carole - Olivier ] Peut-être faut-il admettre que les adolescents veulent encore qu'on leur raconte des histoires "amples", dans lesquelles l'imaginaire peut se déployer, dans lesquelles l'auteur laisse une place à son lecteur et ne pas seulement les enfermer dans des livres corsetés hyper-réalistes. "

    Mon commentaire : Des livres de fiction hyper-réalistes ? Qu'entend-on par là exactement ? J'ai toujours du mal à mettre des étiquettes sur les livres... Une fiction peut être en lien avec la réalité, mais reste toutefois de la fiction, donc de l'ordre de l'imaginaire... et le "roman-miroir" (j'entends par là des livres dans lesquels un lecteur pourra éventuellement retrouver des éléments de sa propre existence mais pas seulement, vu la diversité des expériences humaines) n'empêche pas une histoire "ample", une amplitude des émotions et des propos... Aussi, quand on parle d'enfermer le lecteur, j'avoue avoir du mal à comprendre, surtout que la plupart de ces romans (comme Point de côté d'Anne Percin, ou tant d'autres - en vrac : La fille du papillon d'Anne Mulpas, Entre dieu et moi c'est fini de Katarina Mazetti, ou Qui suis-je ? de Thomas Gornet , etc. etc.) sont loin d'être formatés ou de présenter des intrigues prévisibles. Au lecteur de se faire sa place ou non, d'aimer ou non et de prendre la parole s'il le souhaite, en essayant cependant d'argumenter et de ne pas se contenter de parler de la "thématique" - car entre différentes histoires qui peuvent se ressembler ( la littérature a toujours traité de thèmes récurrents...), c'est le traitement poétique (je parle de poétique et non de poésie) et narratif qui fait la différence.

    et ma seconde intervention :

    [ Carole - Olivier ] "Nous sommes extrêmement choqués des propos relatifs à la prétendue "intolérance" des libraires de l'ALSJ. Je suis d'accord avec Thierry, il y a des propos que l'on ne peut pas aujourd'hui tenir sans être aussitôt taxée de "réac", c'est cette étroitesse d'esprit là qui prédomine à l'heure actuelle. "

    Mon commentaire : Ce qui me choque, ce sont les généralités et les jugements à l'emporte-pièce de certains articles de ce dossier - ensuite, chacun est en droit de faire des choix, d'aimer ou non un roman et de le dire, mais encore faut-il que ce soit argumenté sans que des jugements moraux et moralisateurs (donc réac...) prennent le pas sur l'analyse littéraire, éventuellement nuancée et pas livrée brutalement comme c'est parfois le cas... Ce point de vue n'engage que moi, ce qui ne m'empêche pas d'apprécier et de reconnaître dans l'ensemble le travail des libraires indépendants.

    amulpas3.jpgSuite à cette intervention, somme toute cohérente et très inoffensive, que je continue d'assumer, la rédaction de Citrouille m'a adressé en ligne une missive sous forme d'avertissement, (qui s'achevait sur un "nous l'actons", un terme généralement réservé au domaine juridique), signalant en gros que le débat était clos ; une mise au point qui a choqué nombre de gens, et dans laquelle on me comparait à "une vigie parano qui veillerait à la moindre dérive morale des Librairie s Jeunesse et de leur revue" et/ou, à "une prof de lettres qui noterait la pertinence argumentaire de ses élèves". A défaut de me répondre sur le même terrain, celui du fond et des idées, on me « réprimandait » sur la forme. J'ai cessé depuis d'intervenir sur le blog de Citrouille, où la contradiction n'était apparemment plus de mise : une première, fort regrettable, étant donné que j'ai toujours considéré cette revue comme un espace de liberté généralement accueillant, malgré les avis divergents qui y circulent souvent, du moins jusqu’à récemment.

    D’après ce que j’ai cru comprendre, ce serait le terme « CENSURE » qui aurait froissé la rédaction de Citrouille. Je l’explicitais ainsi dans les commentaires : « La censure peut prendre divers visages, souvent insidieux - car une revue comme Citrouille, certes libre de publier ce qu'elle veut (mais cela ne m'ôte pas la liberté de commenter), a cependant de l’impact : elle sera lue et certains (libraires, bibliothécaires, lecteurs lambdas) s’en serviront comme guide d’achat. Les jugements moraux portés sur ce livre sont proches du discours de certains censeurs. De même, le fait que dès les premières lignes, l’une des clés essentielles de l’intrigue du roman soit dévoilée, montre qu’on entend, consciemment ou non, dérober au lecteur potentiel le plaisir de la découverte de la construction narrative. La censure peut se faire diabolisation ou bien mise à l’index (« attention : misogynie. Propos malsains. Ecartez-vous de ce roman » - je schématise, mais c’est bien cela qui est dit au fond), en particulier en s’appuyant sur des jugements moraux. (…) Ce livre ne serait pas choisi par la librairie Comptines à cause de sa prétendue misogynie (…) : ce sont les raisons de refuser ce livre qui me semblent erronées - et non le fait de ne pas le proposer en soi, bien évidemment - les libraires font des choix, quelle question ! Mais si l'on refuse ce livre pour misogynie autant expurger une bonne partie de la littérature classique et moderne... (…) On exagère l’impact des livres, tout comme ceux des films ou de la musique (voir la façon dont on diabolise Marilyn Manson et consorts). Si les créations littéraires aident à vivre, à penser, à s’interroger, tant mieux, en même temps, là n’est pas leur fonction à l’origine. L’article en question parle de livre « malsain ». C'est-à-dire « nuisible », « pervers », ou bien pour reprendre le dictionnaire : « QUI CORROMPT L'ESPRIT», «immoral et pernicieux » (Petit Robert) Si ce ne sont pas des termes de censeurs, dites-moi dans ce cas ce qu’ils signifient dans un article qui se veut critique littéraire ? »

    Par ailleurs, j'ai appris récemment que la revue avait refusé de publier le droit de réponse (suite à l'article de Citrouille portant sur Je Reviens de mourir) demandé par Tibo Bérard, directeur de la collection Exprim et par les éditeurs de Sarbacane, Frédérique Lavabre et Emmanuelle Beulque. Même chose pour une "tribune" que ceux-ci ont ensuite proposée. Des refus dont je ne connais pas les raisons et que je ne commenterai pas, mais un constat, fort regrettable, paraît s'imposer : le rejet du débat d'idées semble bel et bien confirmé. Car quelle autre conclusion pourrait-on tirer de cette position fermée ?

    Pour ma part, j’estime que la tribune des éditeurs de Sarbacane, intitulée « Smells Like Teen Spirit », en référence à la célèbre chanson de Nirvana (l’une des musiques de Charlie, dans Pas Raccord de S. Chbosky) apporte nombre de précisions sur la genèse et les objectifs de la collection Exprim et qu'il serait dommage de s'en priver. Les tentatives pour définir l’idée même de « jeunesse » en littérature et la notion de « distance » (le B.A.-BA de la fiction et de la critique littéraire, du moins à mon avis) sont marquées au coin du bon sens, en particulier l’idée qu’en fiction, « Le fait de montrer une situation de violence, d’humiliation ou de déchéance physique ou morale ne revient pas à la cautionner ». Chacun est en droit de commenter, d’émettre des réserves, de s’interroger, mais ne serait-ce que par principe (celui de la liberté d'expression), il me semble important de proposer ce texte, qu’on peut aussi lire depuis quelques heures sur http://bibliobs.nouvelobs.com/2008/07/09/smells-like-teen-spirit).

     

     
     

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    Smells Like Teen Spirit

    Que signifie le mot « jeunesse » ? C’est, selon nous, la question qui doit présider à toute démarche éditoriale effectuée dans ce secteur.
    À ce titre, il nous a semblé urgent et important, suite au débat amorcé sur les « romans ado » dans le numéro 50 de la revue Citrouille , de repréciser ici notre position, les idées et les convictions qui nous ont amenés à lancer la collection EXPRIM’, et à défendre tous les titres qui y sont parus.
    Le roman d’Antoine Dole, Je reviens de mourir, ayant fait l’objet d’une polémique particulièrement vive, nous tenons aussi à expliquer pourquoi nous sommes fiers de l’avoir publié, et convaincus qu’il mérite sa place sur les tables des librairies jeunesse. 

    Que signifie le mot « jeunesse » ? En fait, cette question s’est imposée à nous en même temps que les trois premiers romans de la collection EXPRIM’, dont nous avions jeté les bases au cours d’un passionnant débat d’idées sur la modernité de la littérature, l’explosion des cultures urbaines, la nécessité de remettre la question du langage au cœur des problématiques éditoriales, et l’ambition de proposer de nouvelles voix à ceux que nous allions appeler les « nouveaux lecteurs ».

    exprim.jpgNous venions de découvrir le manuscrit de Treizième Avenir, de Sébastien Joanniez, lors d’une réjouissante lecture scénique donnée devant un parterre de jeunes et d’adultes captivés ; un hasard providentiel nous avait permis, au détour d’un coup de fil passé au label Desh Music, de rencontrer Sarcelles-Dakar, d’Insa Sané. La fille du papillon d’Anne Mulpas nous était arrivé par la poste, épousant comme par magie toutes les problématiques que nous avions soulevées : rapport ludique et créatif au langage, refus des codes du roman-miroir, jeux d’écriture, de structure et de typographie… La collection EXPRIM’ naissait sur ces trois axes, conjuguant veine urbaine, héritage surréaliste et métissage truculent du genre romanesque, de la poésie, du théâtre, du slam, du cinéma, de la musique et de la BD.
    Il était clair que nous avions affaire à une nouvelle génération d’ auteurs, nés avec la culture multimédia et désireux de nourrir la littérature d ’autres modes d’expression artistique, tout en l’inscrivant dans son époque. À notre idée, il allait ainsi de soi que ces trois romans étaient animés d’une « jeunesse » littéraire et que, par conséquent, ils toucheraient en priorité les jeunes, lecteurs de demain, lecteurs curieux et désireux d’être déroutés. Et pourtant, ces romans n’avaient pas été écrits ni spécifiquement formatés « pour eux ».

    C’est alors que nous avons réfléchi à l’acception de ce mot : « jeunesse ». Pourquoi, lorsqu’il est accolé au mot « livre », dans l’expression «  livre jeunesse  », ce mot renvoie-t-il uniquement à l’âge du lectorat, alors que partout ailleurs il est synonyme de renouveau, d’énergie, de désir, de curiosité ? Par exemple dans la rue, où la jeunesse « emmerde le Front National » ; dans les concerts, où elle veille tard ; sous la plume d’écrivains comme Dos Passos, où elle est « un regard en alerte, des sens aux affûts, des oreilles aux aguets » ? 
    Peut-on se satisfaire du fait que les jeunes, passé l’âge du « roman ado » traditionnel, peinent à trouver des romans qui les excitent ou les remuent autant qu’un film, une série TV ou un CD ? Peut-être, avons-nous alors songé, faut-il prendre le problème par l’autre bout : au lieu de proposer des romans « pour jeunes », censés les séduire par le choix des thématiques abordées, osons ces romans dont la modernité et l’inventivité entrera en résonance avec la jeunesse, des romans rapides, pleins d’audace, détonants, subversifs. 

    Nous savons que cette nouvelle acception du mot jeunesse, ne se référant plus spécifiquement à l’âge du lectorat mais plutôt à un état d’esprit, vient chahuter les frontières actuelles de ce secteur : un adulte curieux de nouvelles formes littéraires sera tout aussi intéressé de découvrir les romans EXPRIM’ qu’un grand adolescent ou un jeune adulte. La loi 1949, au vu de cette acception du mot, devient du même coup hors cadre.
    Certains prescripteurs préféreraient nous envoyer dans le secteur adulte plutôt que de nous accueillir dans un secteur jeunesse repensé. À les entendre, nous aurions « peur » de nous risquer en adulte. D’ailleurs, ajoutent-ils, les adolescents qui le souhaitent pourront toujours trouver nos romans dans le secteur adulte.
    Mais ce constat n’est-il pas triste ? Le réseau jeunesse ne devrait-il pas être justement, plus que tout autre, le territoire des nouvelles générations ? Est-ce que ce n’est pas justement là que les choses devraient bouger ? Passé quinze ans, un lecteur n’a certes pas besoin d’être « tenu par la main », et il n’est pas question de « garder un œil » sur la jeunesse. En revanche, ne peut-on pas ouvrir un territoire, une zone libre où les jeunes pourront trouver tout un panorama de propositions romanesques excitantes ? 

    Si on pense le contraire, il faut accepter de reconnaître que les grands ados « ne vont pas en jeunesse », et se dire qu’ils iront se « débrouiller en adulte » tout en sachant que ce n’est pas le cas. Et qu’entre le dernier Nothomb et le prochain Angot, ils pourront bien avoir le sentiment que la littérature est un lieu rigide, sans lien avec le bouillonnement culturel de notre époque. De leur époque.
    Car enfin, cette nécessaire évolution du réseau jeunesse répond bien à une attente de la part des lecteurs ! Et d’ailleurs, elle correspond bien à un discours de plus en plus récurrent dans les salons, les bibliothèques et les librairies  : d’ autres  éditeurs, comme le Rouergue , Le Navire en pleine ville ou Thierry Magnier , l’appellent aussi de leurs vœux. Comme nous, ils plaident pour l’apparition de nouveaux rayons (« jeunes adultes », « passerelle », « nouvelles littératures ») qui, accueillant toutes formes de propositions romanesques innovantes, passionneront les jeunes.

    De livre en livre, au fil des salons et des rencontres en bibliothèque ou en lycée, notre vision de notre lectorat s’est affinée ; notre discours éditorial aussi. Si nous avons dû parfois – par souci d’être compris (et sans doute à tort !) – recourir à l’expression « 15-25 » pour définir ce lectorat qui souhaitait découvrir du nouveau en littérature, nous n’avons jamais perdu de vue l’idée selon laquelle la jeunesse à laquelle nous faisons référence ne se découpe pas en tranches d’âge, mais se pense comme l’état d’esprit d’un nouveau courant littéraire, celui de ses auteurs et ses lecteurs.
    Ainsi, quand le mot « jeunesse » – à ne pas confondre avec le mot « enfance » – signifiera dans la librairie ce qu’il signifie partout ailleurs, trouvera-t-on normal de découvrir, en jeunesse, un roman de Bret Easton Ellis aux côtés des opus d’Antoine Dole, Marcus Malte, Insa Sané ou Guillaume Guéraud. Alors, la littérature jeunesse ressemblera à la jeunesse  : elle sera déroutante, énergique, subversive. 

    C’est dans cet état d’esprit que nous avons publié Je reviens de mourir d’Antoine Dole. Un roman que nous avons choisi selon des critères littéraires. Un roman éblouissant du point de vue de l’écriture, les allitérations rugueuses venant, tout comme les ruptures de rythme et les déconstructions syntaxiques, forer une problématique contemporaine, celle de l’incommunicabilité et du dysfonctionnement des relations sociales, amoureuses, sexuelles. C’est d’ailleurs sur des critères littéraires, et non moraux, que nous aurions aimé voir critiquer ce roman.

    Reste qu’il nous faut répondre à la double accusation de « roman misogyne » et de « roman voyeur ».

    La misogynie d’abord. Est-ce que Je reviens de mourir, sous prétexte qu’il met en scène, à travers une histoire, une situation de violence entre les sexes, « véhicule » une vision misogyne ?
    En ce cas, allons jusqu’au bout des choses : lorsque Flaubert présente son Emma comme une inconséquente, incapable de faire la part entre le réel et la fiction – croyant tant aux romances des « mauvais livres » qu’elle veut les vivre à son tour –, l’écrivain abaisse-t-il l’image des femmes ? Et lorsqu’il la fait agoniser sur plusieurs dizaines de pages, prenant un malin plaisir à torturer son personnage, ne serait-il pas un brin misogyne et complaisant ?
    Réponse : NON. Un écrivain de roman fait parfois subir mille et une violences à ses personnages, soit pour dénoncer cette violence, soit simplement pour la décrire, soit pour avouer la fascination qu’elle lui inspire, soit pour d’autres raisons encore. Le fait de montrer une situation de violence, d’humiliation ou de déchéance physique ou morale ne revient pas à la cautionner.

    629-mme-bovary.jpgVient ensuite l’accusation de voyeurisme. Celle-ci est censée étayer la première : la différence entre Flaubert et Dole, ce serait le regard porté sur l’héroïne ; Antoine Dole serait voyeur, Flaubert non. Car Flaubert, lui, serait dans l’empathie, il s’identifierait à son héroïne. La preuve, il a écrit : Madame Bovary, c’est moi. LA citation. 
    Mais enfin, qui peut sincèrement croire Flaubert capable d’énoncer un poncif tel que « Je m’identifie à mon héroïne » ? En lisant ses correspondances, en relisant son œuvre de près, on verra que Flaubert marque sans cesse une immense distance avec Emma, et ce afin de condamner, non pas ses agissements moraux, mais son attitude de lectrice – celle qui l’amène à s’identifier aux héroïnes des « mauvais livres ». Cette distance est d’ailleurs l’argument qui épargna à Flaubert, en 1857… la censure.

    Distance. C’est la clef de voûte de cette question. Antoine Dole est écrivain et, de ce fait, tout comme Flaubert, il marque une distance avec son héroïne. À la différence du témoignage (ou récit, ou « document »), qui est fondé sur l’empathie, le roman se définit par la distance que met l’auteur entre son sujet et lui – la fameuse distance romanesque.
    Cette distance, ce n’est pas celle du voyeur – terme qui découle d’une vision moraliste de la littérature – mais celle du « voyant », au sens où l’entendait Rimbaud. En tant qu’écrivain, Antoine Dole se soucie surtout d’écrire et, via la fiction, de livrer une vision du réel. Devient « voyeur », alors, le lecteur qui ne peut voir… sans se donner l’impression de voir ce qu’il ne devrait pas.

    Nous pensons que lire le mot « Putain » ne revient pas à l’entendre ou à le prononcer ; que lire une scène de viol, ce n’est pas la même chose que la vivre. Il nous semble que la magie de la lecture tient justement à ce que, exigeant du lecteur un effort intellectuel, elle lui permet de ressentir les situations tout en conservant une distance. Celle qui est inhérente à la fiction.
    Dès lors, si la violence entre les sexes existe – et n’est donc pas « fantasmagorique » –, nous ne comprenons pas pourquoi la littérature ne pourrait pas s’en emparer ; les jeunes, que cette violence concerne, nous semblent capables de faire la part entre fiction et réel. Nous ne pensons pas non plus qu’un livre puisse « donner aux lecteurs l’horizon du suicide ». Ou alors, il faudrait croire qu’un adolescent lisant L’étranger d’Albert Camus risquerait de tuer le premier Arabe qu’il croiserait… l’auteur n’ayant pas ajouté la mention Don’t do it at home.

     À nos yeux, Camus n’apprend pas à son lecteur à tuer, pas plus qu’Antoine Dole ne lui apprend à se suicider. En tant qu’écrivains, leurs questionnements ne sont pas moraux, mais littéraires. Lire n’apprend pas « à vivre » – pas dans ce sens-là.

    Frédéric Lavabre directeur des Editions Sarbacane, Emmanuelle Beulque , directrice éditoriale, Tibo Bérard, directeur de collection eXprim’.

     

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  • De l'attachement au détachement

    cgutman3.jpgLes inséparables de Colas Gutman
    Neuf de l’école des loisirs

    Simon et Delphine, les inséparables du titre, ont bien du mal à accepter que leurs parents se… séparent, que leur mère se retrouve seule, que leur père aille vivre chez Pierrette, qu’on leur impose les enfants de cette dernière, « Porcinet l’infâme » et « Marie-Neige tête à claques » qui, comble de malchance, fréquentent la même école… Pierrette devenue l’ennemie à abattre, le garçon et sa sœur mettent alors en place de multiples stratégies visant à déstabiliser la recomposition familiale - tour à tour la douceur, la rébellion, l’espionnage… Les adultes, qui en font trop peu ou pas assez, ne se doutent de rien, ou à peine, mais en prennent assurément pour leur grade ; d'ailleurs, les enfants aussi, que ce soit ceux de la « grosse vache » ou Delphine quand, peu à peu, elle semble se détacher elle aussi de Simon, qui ne comprend plus rien et se sent trahi. Inséparables, Simon et Delphine ? C’est du moins ce que croit le premier, qui fait aveuglément confiance à sa grande sœur, jusqu’au jour où l’impensable se produit et qu’un gouffre vient les… séparer, car Delphine se met à grandir, à mûrir, à pactiser avec l’ennemi, bref, à tout simplement s'accommoder de situations qu’elle trouvait intolérables quelque temps plus tôt. Déboussolé, le garçon ne sait plus vers qui se tourner, puis apprend peu à peu à faire avec, sans pourtant se départir de sa verve et de son esprit critique.

    Le regard acide et souvent lucide du jeune narrateur (qui n'est pas dupe des manoeuvres de séduction parfois hypocrites des adultes) est un pur régal, oscillant entre drôlerie et cruauté, tandis que lui se forge les armes qu’il peut (du cynisme à l’indifférence affichée, de la mauvaise foi à la révolte) afin d’occulter à sa façon la souffrance psychologique qui accompagne toute séparation. Des séparations, justement, qui se succèdent et se superposent, engendrant frustrations et questionnements, mais qui permettent aussi d’avancer et de grandir un peu plus à chaque fois, même contre son gré, et malgré les adultes dont les maladresses n’arrangent rien. Simon, qui cherche sa place dans ce cadre familial chamboulé, est un peu le double et le petit frère romanesque du narrateur du Journal d’un garçon, et l’on retrouve dans chacun des romans, malgré la différence d’âge des deux protagonistes, des préoccupations similaires et une acidité de ton réjouissante.
    (B. Longre)

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  • Déclinaisons du silence

    L’enfant silence, de Cécile Roumiguière et Benjamin Lacombe
    Seuil jeunesse, 2008

    Litli Soliquiétude, de Catherine Leblanc et Séverine Thevenet
    Editions Où sont les enfants ? 2008

    enfantsilence3.jpgUne enfant choisit de se taire afin de protéger ceux dont elle craint d’être séparée : ses géniteurs, parfois doux, souvent féroces, qu’elle associe à des loups et qu’elle retrouve le soir après l’école dans une tanière tantôt chaleureuse, tantôt hostile. Un silence choisi, à défaut de pouvoir trouver d’autres armes. Un silence refuge assumé et entêté, pour ne pas avoir à trahir ceux qui la maltraitent et la privent en partie d’enfance. Un silence prison (tel qu’il s’incarne dans la cage qui revient dans certaines illustrations) qui, paradoxalement, attire l’attention sur la fillette et sur ce qu’elle tait, et qui inquiète la maîtresse - « alors le matin, parfois, on l’assoit devant une dame qui sent bon la banane et le pain grillé. » Mais là encore, elle ne sait que dire, ni comment. Le mutisme de la petite fille (qui, sous les pinceaux de Benjamin Lacombe, apparaît le visage grave, tandis que ses grands yeux tristes et fatigués « boivent le monde ») est mis en mots avec simplicité par Cécile Roumiguière, une simplicité qui n’exclut pas la poésie et la complexité des émotions qui traversent ce récit poignant. Les illustrations, d’une grande finesse, s’accordent aux mots sans les singer, les interprétant et les complétant avec originalité, enrichissant le texte touffu - malgré son apparente limpidité.

    Car cet album raconte un dilemme difficile à résoudre, même vu de l’extérieur, une histoire de résilience et d’étouffement, d’une souffrance qui demeurerait invisible si l’on n’acceptait pas de s’y pencher. Le mérite de l'ouvrage est de proposer un regard suffisamment détaché - qui n’empêche par l’empathie - sur le parcours de l’enfant, permettant ainsi d’en saisir toutes les facettes : il y a certes une victime, identifiable, mais ses bourreaux ne sont pas rejetés en bloc et l’on comprend, à travers quelques phrases seulement, que ces derniers ne sont pas les monstres qu’on pourrait penser. Et si l’enfant n’a que son silence à offrir au départ, c’est pour dire aussi combien elle a peur pour eux.

    litli3.jpgLe silence de Litli, petite marionnette qui explore le monde en solitaire, à sa manière, est d’une tout autre nature - un silence paisible en apparence, même si Litli (son nom signifie « petit » en islandais) se réveille d’abord dans un univers terne et gris, en noir et blanc. Elle se lève malgré tout et part à la recherche d’autre chose, d’un ailleurs en couleurs. Un voyage initiatique parsemé de dangers, de fissures, voire de gouffres, que la petite parvient cependant à franchir, comme si une petite voix intérieure la soutenait régulièrement dans sa quête. Car l’histoire de Litli est d’abord silencieuse, une succession de photographies lumineuses de Séverine Thevenet, que la marionnette Litli a accompagnée jusqu’en Islande. Les mots économes de Catherine Leblanc, qui apparaissent de temps à autre en surbrillance sur quelques-unes des pages - des mots qui guident et incitent le petit personnage à aller de l’avant, à ouvrir les yeux sur le monde - sont venus se superposer plus tard, non pas pour troubler le silence d’un récit en images qui aurait presque pu se suffire à lui-même, mais pour lui donner une résonance nouvelle.

    « Seuls les mots de Catherine Leblanc ont su faire leur place : ils ouvraient de nouvelles portes dans mes images et dans l’histoire », explique celle qui se dit « mariographe », refusant de choisir entre la photographie et les marionnettes, deux passions qu’elle est parvenue à conjuguer dans ce beau livre. Des mots qui se font leur place mais savent aussi se taire quand il le faut. La « soliquiétude », sous-titre de l’album ? Un néologisme qui sonne juste, un terme qui combine solitude et quiétude, « la tranquillité douce de celui qui marche et fait naître le monde en chemin. » Le mutisme pour mieux dire les choses, un texte réduit au minimum afin de laisser parler le silence et de ne pas empiéter sur le territoire des photographies qui se succèdent.

    Dans chacun de ces deux albums dont la démarche esthétique est fort différente l'une de l'autre, les parcours respectifs de l’enfant et de Litli ne sont pas similaires au prime abord, mais le silence (apaisant ou étouffant) et la place des mots (libérateurs ou alliés) sont au cœur de chacun d’eux, en lien avec une renaissance au monde et à la vie (« Viens au monde », disent les mots à Litli, qui redécouvre enfin les couleurs). Une vie devenue grise et sans éclats pour la marionnette, une vie qui n’en était plus une pour l’enfant silence, qui se contentait de murmurer quelques lettres, à l’image des petits pas indécis de Litli au tout début de son aventure. Des albums qui disent l’indicible avec délicatesse, et qui rappellent que tous nous tendons peut-être, en fin de compte, à la quiétude.

    (B. Longre)

    http://www.cecileroumiguiere.com

    http://www.benjaminlacombe.com

    http://ousontlesenfants.hautetfort.com

    http://catherineleblanc.blogspot.com

    http://shashi.club.fr/index.html

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  • Des contes solidaires

    conteschinois.jpgPour la 5e année consécutive, les éditions Rue du Monde s'associent au Secours populaire et proposent une opération de solidarité en faveur des enfants "oubliés des vacances", intitulée "Eté des bouquins solidaires", qui se déroule du 21 juin au 15 août 2008.

    Deux ouvrages parus en juin sont concernés par cette initiative : La grande montagne des contes chinois de Catherine Gendrin et Fabienne Thiéry, illustré par Vanessa Hié (un recueil de près d'une vingtaine de récits adaptés de contes ou de fables), et Le bufflon blanc de Fabienne Thiéry, illustré par Judith Gueyfier. Chaque fois que ces deux titres sont achetés en librairie, un enfant recevra un livre. Plus de 60000 jeunes lecteurs ont déjà pu bénéficier de cette opération depuis l'été 2004.

    Rue du monde
    5, rue de Port-Royal, 78960 Voisins-le-Bretonneux
    http://www.secourspopulaire.fr

    bufflon.jpgLe bufflon blanc de Fabienne Thiéry et Judith Gueyfier, Rue du monde, 2008

    Li, éleveur de buffles, s’inquiète quand naît un bufflon blanc qui dénote dans son troupeau noir. Serait-ce mauvais présage ? Le vieux sage qu’il consulte, connu pour sa clairvoyance, lui assure que non ; mais une fois rentré chez lui, Li est subitement frappé de surdité. Lu, son fils, part alors voir le sage et, dès son retour, est lui aussi victime d’un mal soudain, la cécité. Li et Lu pensent avoir joué de malchance quand des événements bien plus terribles encore s’abattent sur la vallée.
    Librement inspiré d’une fable du philosophe chinois Lie-Tseu, maître taoïste, l’histoire que conte Fabienne Thiéry (spécialiste du conte chinois) a vocation universelle et parle à la fois de résilience, de résignation à son sort, d’impuissance face à plus fort que soi ; elle véhicule toutefois l’idée que la vie se compose d’une succession bariolée de bonheurs et de malheurs et que les uns ne peuvent exister sans leurs contraires. Les illustrations de Judith Gueyfier, qui signe plusieurs albums chez cet éditeur, sont d’une grande finesse dans les plans rapprochés comme dans les plans d’ensemble, avec une attention toute particulière portée aux motifs des textiles, en contraste avec les aplats des paysages à l’arrière-plan ; mais ce sont surtout les visages lumineux tourmentés ou apaisés, en résonance avec le conte, qui séduisent le lecteur. Un bel album à partager et à offrir.
    B. Longre (juin 2008)
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  • Le monde en tranches

    sorciere.jpgUn débat animé se déroule en ce moment sur Citrouille, le blog des libraires jeunesse.

    Le point de départ : une tribune libre intitulée "Nous, les 9-12 ans, les oubliés de l’édition" et signée Véronique Marie Lombard de Livralire, qui laisse entendre que la "tranche" des 9-12 ans manquerait de bons livres, que les éditeurs se soucieraient davantage des très jeunes lecteurs et des + de 13 ans, laissant les 9-12 ans sans rien à lire...

    Autant j'apprécie le travail de Livralire, leurs coups de coeur, leur démarche de "passeurs", autant j'ai trouvé ce constat injustifié, car l'offre est importante dans ce domaine et les éditeurs savent se renouveler. Ainsi, Thomas Savary, en réaction, énumère quelques collections que les éditeurs ont conçues pour cette "tranche" :

    "Bayard jeunesse (collections Estampillette, Estampille, Poche Littérature), L’École des loisirs (certains Mouche, les Neuf), Gallimard jeunesse (Folio Cadet et une bonne partie des Folio Junior), Milan (cadet + et junior), Nathan (8-10 et 10-12), Oskar, Rageot (collection roman et les Heures noires à dos jaune), le Rouergue (Zig zag), Syros (Tempo, Tempo+, Souris Noire), sans oublier Thierry Magnier (certains titres de la collection Roman et les Petite poche, certes très courts, mais s’adressant au moins autant aux 9-12 ans qu’aux 7-8 ans). "

    On peut aussi ajouter Mouchoir de poche des éditions Motus, nombre de titres du Livre de poche jeunesse, Les Castor Poche de Flammarion, la nouvelle collection Chapitre du Seuil jeunesse, les romans Cadet d'Actes Sud Junior... et je dois encore en oublier.

    Difficile, dans ce cas, de saisir ce qu'entend dénoncer de son côté la tribune libre de Livralire qui dit (le "nous" représente les enfants dont V. Lombard se fait le porte-parole) : "Quand nos parents ou nos enseignants vont en librairie, quand les bibliothécaires de notre ville lisent les critiques et consultent des sites, ils ne trouvent plus de romans pour nous, alors qu’ils ont l’embarras du choix pour les ados."

    La tribune s'achève sur : "Nous, ce qu’on veut, c’est tout simplement une histoire unique, entre 100 et 150 pages, qui nous raconte le monde, qui nous parle de nous et des autres, qui nous fait rêver, rire ou pleurer, qui nous emmène loin ou tout près."

    J'ai réagi sur Citrouille, en écrivant (je n'ajoute pas de guillemets, puisque je me cite ;-) : On sait bien que le nombre de pages ne veut STRICTEMENT rien dire (pourquoi ne pas préciser la taille de la police de caractère, tant qu’on y est… ?) On peut dévorer 300 pages sans s’en rendre compte et se traîner sur 40 malheureuses et nullissimes petites pages... à n’importe quel âge - et j'ajouterai, quel que soit le degré d'autonomie du lecteur.

    Quant à la tranche d'âge évoquée, non seulement elle est surfaite et totalement subjective, mais montre qu'il reste encore à faire pour décloisonner les livres et la littérature... : un enfant de 9 ans et un autre de 12 n’ont pas des préoccupations, compétences, désirs, etc. similaires ; mais il peut aussi y avoir de grandes disparités entre deux enfants du même âge… Chaque lecteur est unique, on a l’air de l’oublier. Et à chacun de se faire son propre parcours de lecteur, avec ou sans adulte qui lui dise quoi lire et quand, selon ses envies et son degré d'autonomie. Certains dévoreront dès 8 ans, sans avoir besoin de « prescription » (médicale ?), d’autres ne commenceront qu’à 20 ans… certains iront directement voir du côté adulte ou ado, d’autres encore liront peu – et alors ?

    Certes, l'offre pour les 13 ans et plus s'est considérablement élargie ces dernières années (pourquoi s'en plaindrait-on ?), mais les plus jeunes ont aussi de quoi faire. Bien entendu, tout ne se vaut pas (mais ce constat est valable dans toutes les "catégories" éditoriales), mais pour avoir lu des dizaines d'ouvrages publiés ces temps, il me semble qu'il existe, à côté des romans formatés (c'est à dire explicitement didactique, calqués sur des moules sans saveur, dont les "morales" ou les dénouements sont là davantage pour faire plaisir aux adultes - parents, prescripteurs, etc. - qu'aux enfants), des ouvrages d'excellente facture, d'une richesse telle qu'ils seront appréciés autant des enfants que des adultes (car tout est question de niveaux de lecture, il me semble, et de leur superposition...).

    petitechance3.jpgPour ne citer que quelques lectures récentes (et je vais en oublier au passage, c'est certain) éditorialement destinés aux lecteurs de 8-11 ans mais que nombre de lecteurs plus âgés prendront plaisir à lire : Une petite chance de Marjolin Hof (traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Chapitre, Seuil jeunesse), Ma pomme d'Olivier de Solminihac (Mouche de l'école des loisirs), Tonton Zéro de Roland Fuentès (Mini Syros), Les inséparables de Colas Gutman (Neuf de l'école des loisirs), Un cow-boy dans les étoiles de Claire Mazard (Chapitre, Seuil jeunesse). Sans parler des ouvrages de fantasy, d'aventure ou d'évasion qui paraissent... et qui ne sont pas forcément moins bons ou plus méprisables que les précédents.

    Quant aux tranches d'âge indiquées sur les ouvrages par les éditeurs, elles restent des suggestions, rien d'autre. On peut prendre plaisir à lire des albums à tout âge, comme on peut aussi passer sans transition de la Bibliothèque verte à Zola... A ce sujet, je lis aussi sur Citrouille que le monde de l'édition jeunesse en Grande-Bretagne se mobilise pour éviter qu'on impose un âge minimum sur les ouvrages. Il est vrai que jusqu'à présent, les parutions britanniques échappaient à ces classifications explicites.

    Voilà le début de l'appel lancé par des écrivains, des illustrateurs, des bibliothécaires, des éditeurs et des libraires, qui revendiquent que chaque lecteur est unique, chaque livre aussi...

    " We are writers, illustrators, librarians, teachers, publishers and booksellers. Some of us have a measure of control over what appears on the covers of their books; others have less.
    But we are all agreed that the proposal to put an age-guidance figure on books for children is ill-conceived, damaging to the interests of young readers, and highly unlikely, despite the claims made by those publishers promoting the scheme, to make the slightest difference to sales.
    We take this step to disavow publicly any connection with such age-guidance figures, and to state our passionately-held conviction that everything about a book should seek to welcome readers in and not keep them out."

    http://www.notoagebanding.org/

     

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  • Chroniques des temps obscurs

    1552422501.jpgÀ paraître en juin 2008

    Chroniques des temps obscurs - Tome 4 : Le banni
    de Michelle Paver, traduit de l'anglais par B. Longre
    Hachette roman jeunesse.

    Il y a 6000 ans... quelque part dans le nord de l'Europe. Torak est banni du clan des Corbeaux à cause du tatouage dessiné sur sa poitrine, celui d'un Mangeur d'Âme. Condamné à porter ce fardeau en fuyant toujours plus loin dans la Forêt, Torak est seul au monde et tente de survivre. Mais son amie Renn n'a pas l'intention de l'abandonner à son sort...

    Michelle Paver, de mère belge et de père sud africain, est née en Afrique centrale où elle a vécu toute son enfance. De ses voyages dans les montagnes des Carpathes, en Norvège, en Finlande, en pays lapon, elle a rapporté une étonnante expérience de la nature sauvage.

    http://www.michellepaver.com/

    http://www.torak.info/

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  • Non !

    981735859.jpgCeux qui ont dit NON, nouvelle collection aux éditions Actes Sud Junior, aurait tout aussi bien pu s'intituler "Non !" (sur le mode de J'accuse ! des éditions Syros), puisqu'on est là dans le registre de la révolte et de l'indignation. Une révolte toutefois pensée, structurée, qui sait ce qu'elle veut et s'engage avec intelligence dans des luttes pour des causes justes. Les quatre ouvrages qui inaugurent la collection, dirigée par Murielle Szac, mettent en scène des figures historiques dont l'engagement résonne encore aujourd'hui et peut servir d'exemple : Victor Hugo, Rosa Parks, Victor Jara et Lucie Aubrac. Quatre individus dont les actes et/ou les propos ont contribué à l'avancement de l'humanité.

    1118190198.jpgIci, plutôt que de proposer un documentaire, la directrice de collection a opté pour la forme romanesque ; chaque ouvrage comprend donc une fiction historique, complétée par un dossier qui permet d'établir de vrais liens entre les luttes du passé et celles du présent. Ainsi, le roman de Bruno Doucey (poète, romancier, essayiste et éditeur aux éditions Seghers), Victor Jara : non à la dictature, est suivi d'un texte qui relate le combat d'Aung San Suu Kyi, qui s'oppose à la junte militaire de son pays, la Birmanie, tout comme Jara (1932-1973) dénonçait la répression militaire au Chili. De même, le dossier qui suit Victor Hugo : non à la peine de mort, signé Murielle Szac, permet de découvrir d'autres opposants à la peine de mort, dont Cesare Beccaria, l'un des premiers à dénoncer l'assassinat "légal" pratiqué par le pouvoir en 1776, mais aussi Camus, Jaurès, Koestler, et Badinter. L'auteure explique aussi (pour ceux qui le sauraient pas...) qu'en Chine aujourd'hui, les stades servent aussi de lieux d'exécution ("de macabres mises en scène publiques").

    Rosa Parks : "Non à la discrimination raciale" de Numrod.
    Victor Hugo : "Non à la peine de mort" de Murielle Szac
    Lucie Aubrac : "Non au nazisme" de Maria Poblete
    Victor Jara : "Non à la dictature" de Bruno Doucey

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  • Zizi ou zézette ?

    Zizi ou zézette ? de Laetitia Zuccarelli, T. Magnier, 2008

    Sur le mode de l’énumération, Laetitia Zuccarelli fait le tour d’une famille, du papi à la petite sœur, de la tata au papa, chaque double page répondant à l’interrogation contenue dans le titre. L’originalité de l’ouvrage tient à deux éléments : la nudité des personnages – chose suffisamment rare dans un ouvrage jeunesse pour être soulignée – et le fait que ces derniers soient incarnés par de petites poupées de chiffon cousues main, pourtant confectionnées de façon réaliste, avec ce qu’il faut de pilosité (quelques brins de laine placés aux bons endroits). Quant au texte (« Pépé ? Zizi ! / Maman ? Zézette !... » et ainsi de suite), en harmonie avec les figurines qui lui font face, est brodé sur une toile de couleur crème. Même si le discours est simpliste et réducteur (forcément, on ne saurait s’arrêter à cette différence pour définir les individus), l’ouvrage offre une manière astucieuse, franche et néanmoins pudique d’aborder les différences physiques avec les tout petits.
    B. Longre (mai 2008)

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  • Publications théâtrales, Revue des livres pour enfants

    Quelques pièces pour la jeunesse, à découvrir et à lire...
    Ces recensions ont paru dans le numéro 239 de
    La Revue des livres pour enfants (
    La Joie par les livres / BNF, février 2008)

    Sous un ciel de chamaille de Daniel Danis - L'Arche éditeur
    Dis-le-moi ! d'Erwan Bargain - Lansman
    Ohne de Dominique Wittorski - Actes Sud-Papiers
    La Petite Danube de J-P. Cannet, ill. d’Edmond Baudoin - Les éditions Théâtrales
    La Robe de Gulnara d'Isabelle Hubert - Lansman
    Juliette toute seule de Florence Klein - Lansman
    Rêves de théâtre, Florence Klein, ill. Madeleine Tirtiaux Lansman et le CDWEJ
    Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot - L'Arche éditeur
    L’épouvantable petite princesse de Geneviève Damas - Lansman
    Le navigateur et l’enfant de Jean-Rock Gaudreault - Lansman

     

    L'éditeur

    Sous un ciel de chamaille de Daniel Danis
    L'Arche éditeur
    À partir de 10 ans

    Quelque part à la frontière d’Israël et de la Palestine, naît une amitié interdite entre Lirane, 8 ans, fillette juive qui habite une vraie maison entourée de terres fertiles et Ferhat, 11 ans, Palestinien qui vit dans un camp de réfugiés poussiéreux ; une relation avec ses hauts et ses bas, entre attirance et répulsion, renforcée par la perte respective d’un frère et d’une sœur morts dans un attentat. La folie adulte des «chamailles» est bientôt supplantée par celle des éléments qui se déchaînent, la nature reprenant ses droits et unissant les humains dans les mêmes souffrances. L’auteur, sans prendre parti, plaide pour la réconciliation et l’espoir d’un avenir commun. Malgré le sujet délicat, tout est parfaitement dosé, les dialogues vifs et entraînants, les personnages très attachants.

     

    L'éditeur

    Dis-le-moi ! d'Erwan Bargain
    Lansman
    À partir de 9 ans

    La veille de son déménagement, Lisa tente d’avouer son amour à son ami Théo, mais le garçon joue l’indifférent et feint de dédaigner ce genre de sentiment. Des années plus tard, Théo, rongé de regrets, se souvient de cet épisode qui a marqué son enfance. La pièce se présente comme un débat sur le sentiment amoureux (ses symptômes, ses causes, le pour et le contre, le sens du mot « bonheur » et d’autres choses encore), mené avec une lucidité mêlée de candeur par deux enfants de huit ou neuf ans. Suffit-il d’être amoureux pour être heureux ? C’est ce que soutient Lisa, vite contredite par son ami, qui prend au pied de la lettre les métaphores associées au coup de foudre et à l’amour. Un charmant badinage teinté d’une douce nostalgie, qui parlera aussi aux adultes.

     

    Collidram

    L'éditeur

    Ohne de Dominique Wittorski
    Actes Sud-Papiers
    dès 13 ans

    Ohne (la préposition allemande signifiant « sans ») va chercher du travail à l’ANPE et se trouve confronté à la rigueur et au jargon bureaucratiques. Le dialogue en trois temps qui s’instaure entre le personnage, décalé et en apparence très naïf, et l’employé, pourtant plein de bonne volonté, donne lieu à nombre de quiproquos et de méprises, une manière de mettre l’accent sur les absurdités de notre époque (entre autres celle du langage) et les angoisses liées au chômage. Malgré son âpreté et sa complexité, la pièce a remporté le Prix de littérature dramatique des collégiens, décerné pour la première fois en 2007 par l’ANETH – prix baptisé «Collidram » pour 2008, faisant intervenir plusieurs classes de collège d’Ile de France.

     

    L'éditeur

    La Petite Danube de Jean-Pierre Cannet, ill. d’Edmond Baudoin
    Les éditions Théâtrales
    À partir de 12 ans

    Au pied des Carpates (« dans une éternité d’enfance et de guerre »), Anna, fille de garde-barrière, grandit avec le bruit des trains dans les oreilles – des wagons qui vont vers une destination finale, le camp de « prisonniers » situé non loin de chez elle. Presque rien n’est « montré », hormis une veste à rayures trouvée par Anna, qu’elle surnomme Arthur et qui devient son unique compagnon de jeux, puis un prisonnier décharné, pourchassé par des soldats, qu’elle croise dans les bois. Poignant, le texte capte avec justesse et pudeur l’horreur des crimes nazis, tout en dénonçant la lâcheté des individus lambda, dont les parents d’Anna, qui restent sur leur quant-à-soi et collaborent quand il le faut. Les illustrations au fusain en disent peut-être un peu trop, mais la langue est belle, limpide, l’atmosphère étouffante, et le dénouement, nimbé de fantastique, n’en devient que plus percutant.

     

    L'éditeur

    La Robe de Gulnara d'Isabelle Hubert
    Lansman
    À partir de 12 ans

    Entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, une communauté d’apatrides vit depuis des années dans des wagons abandonnés. Le narrateur conte l’histoire de sa mère Mika, alors âgée de 13 ans, une fille joyeuse et généreuse qui, la veille des noces de sa sœur grande Gulnara, tache malencontreusement la robe de mariée avec du goudron. Mika part alors en quête de celui ou de celle qui voudra bien l’aider à réparer son erreur et tombe sur un commerçant qui lui propose de se vendre afin de gagner de quoi offrir une nouvelle robe à sa sœur. Un marché risqué, que Mika accepte, sans savoir qu’une autre solution a été trouvée. De courtes scènes, une intrigue qui tient en haleine, une ironie dramatique parfaitement construite, une galerie de personnages incarnant divers travers ou qualités (solidarité, avarice, égoïsme) et un dénouement tragique pour cette fable atemporelle sur l’innocence corrompue.

     

    Le blog

    L'éditeur

    Juliette toute seule de Florence Klein
    Lansman
    à partir de 10 ans

    Sous-titrée « Un voyage dans l’histoire du théâtre occidental », la pièce est construite à la manière d’une fable dont le propos serait, tout simplement, le théâtre ; ses origines, le jeu et le travail des comédiens, l’art de la mise en scène et de la scénographie, les textes et leurs auteurs... Dans ce monologue, Juliette, la comédienne, joue (à sa manière) la Juliette de Shakespeare mais endosse aussi tous les rôles possibles : narratrice, actrice, personnage et conférencière, elle revient sur l’enfance du théâtre et présente Dionysos, Shakespeare, l’épouse de Brecht, ou encore Sarah Bernhardt et Tchekhov. La volonté didactique qui préside à l’ensemble est évidente mais le texte charme pour sa fraîcheur, sa fantaisie et le ton direct que la narratrice emploie pour s’adresser au lecteur/public.


    Rêves de théâtre, la mise en scène au XXe siècle
    Florence Klein, illustrations Madeleine Tirtiaux

    Lansman et le CDWEJ, collection Empreintes.
    À partir de 12-13 ans

    En prolongement de Juliette toute seule, Florence Klein raconte la pratique théâtrale (émergence du metteur en scène, costumes, jeux, etc.), son histoire (portraits de dramaturges et de comédiens qui ont marqué le siècle) et sa propre expérience. Publié à l’initiative du Centre Dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse, cet ouvrage documentaire concis et aéré, émaillé d’anecdotes et agrémenté de nombreuses illustrations, est complémentaire de la pièce citée ci-dessus et permet de réfléchir, entre autres, aux rapports entre texte et mise en espace.

     

    L'éditeur

    du même auteur

    Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot
    L'Arche éditeur

    À partir de 9 ans et plus

    La trame s’inspire d’Alice au pays des merveilles, que l’auteur subvertit avec inventivité en faisant intervenir d’autres personnages (Le petit Chaperon rouge, la poupée Barbie, Pinocchio, E.T. etc.) qui se rebellent un peu, las de leur rôle traditionnel, ou qui se perdent dans l’histoire d’Alice, la croisent puis repartent vers d’autres histoires, sans plus savoir où ils en sont....
    Proprement irracontable, se distinguant par l’impertinence de son ton et l’originalité de sa construction, la pièce, qui suit pourtant l’intrigue initiale, reste imprévisible, composée d’interludes musicaux, de rêves enchâssés (peut-être ceux d’un vieil homme à la barbe fleurie) et de rencontres loufoques où Alice apparaît comme une fillette lucide, contemporaine et fantasque, qui (on s’en doutait), accepte difficilement de grandir.

     

    L'éditeur

    L’épouvantable petite princesse de Geneviève Damas
    Lansman
    À partir de 7 ans

    Un roi et une reine, désespérés de n’avoir pas d’enfant, s’adressent à… l’auteur de la pièce afin qu’il leur fournisse l’héritière mentionnée dans le titre : naît donc Adélaïde, gâtée par ses parents, capricieuse et (forcément) tyrannique. La seule à pouvoir l’apprivoiser ? Sa Mémé, qui décide de l’emmener en voyage et de lui faire découvrir d’autres horizons. Au-delà de la réflexion sur l’éducation et sur les rapports de force entre enfants et adultes, le texte aux dialogues enlevés, fantaisiste à souhait, relate le parcours d’une fillette qui apprend à s’ouvrir aux autres, par le biais de diverses mises à l’épreuve. Le recours astucieux à l’auteur pour résoudre certains problèmes et venir en aide aux personnages permet une mise en abîme qui ajoute à la cocasserie de l’ensemble, tout en confrontant le lecteur, en filigrane, à ce qui sous-tend la construction d’un récit.

     


    L'éditeur
    du même auteur

    Le navigateur et l’enfant de Jean-Rock Gaudreault
    Lansman
    à partir de 9 ans

    La rencontre de deux solitudes : Nora, négligée par son père qui rentre tard le soir, et un retraité plein de bonne volonté, qui veut se rendre utile. L’enfant est d’abord irritée par la présence quotidienne du vieil homme, puis fascinée quand il se met à lui raconter sa vie d’aventures, au temps où il était navigateur. Le renversement des rôles ne manque pas d’intérêt : le vieil homme apprend à Nora à redevenir enfant en la faisant rêver ; le dénouement est un peu rapide mais la pièce reste émouvante, sans mièvrerie.

    © B. Longre

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  • Du français

    233639773.jpgParler le monde, la naissance d’une langue de Nouchka Cauwet et Sylvie Serprix, éditions Bélize, 2007

    Après Ecrire le monde et Compter le monde, Nouchka Cauwet nous offre un troisième ouvrage remarquable, un voyage (ou plutôt six…) à travers les mots, qui narre la naissance de la langue française, son évolution diachronique et les contacts multiples (emprunts, échanges, influences) qu’elle a entretenus avec d’autres langues – le latin, le grec, l’anglais, l’italien, l’arabe ou l’hébreu… On comprend ainsi le que le «combat du latin et du gaulois » fut long et plus difficile qu’on croit, on apprend comment les mots « poivre » ou « sucre » sont parvenus jusqu’à nous (depuis les Indes lointaines…), ce que les Portugais ont transmis, ou encore comment divers mots ont fait des allers-retours entre France et Angleterre… Les illustrations aux tons chauds de Sylvie Serprix se mêlent harmonieusement aux pages et aux reproductions de cartes, de textes, de tableaux anciens, et enrichissent cet ouvrage vivant et ouvert sur le monde, ponctué d’activités, qui enchantera les enfants mais aussi les plus grands – à qui il reste toujours des choses à découvrir… B.Longre

    Lien permanent Catégories : Critiques, Essais & non-fiction, Littérature jeunesse 0 commentaire 0 commentaire
  • Courants Noirs

    1636530389.jpgToute nouvelle collection de romans lancée par les éditions Gulfstream avec, aux commandes, l’auteur Thierry Lefèvre, Courants Noirs propose des intrigues policières, des thrillers, des romans noirs, qui ont pour décor des époques révolues, proches ou lointaines. Les deux premiers titres, Ami, entends-tu… de Béatrice Nicodème et Fleurs de Dragons de Jérôme Noirez, transportent le lecteur, respectivement, dans la France de 1943 et dans le Japon médiéval. Des romans pour tous (entendez par-là ados comme adultes), exigeants, denses et dont le grand format et les couvertures signées Aurélien Police sont une belle incitation à la lecture.

    640352773.jpg

    Deux autres titres prévus pour septembre 2008 : Attaques nocturnes de Thierry Lefèvre et L’empire invisible de Jérôme Noirez.

    www.gulfstream.fr/courantsnoirs/accueil.php

    Thierry Lefèvre est l'auteur, entre autres, de recueils de poèmes - Petites chimères et monstres biscornus (illustré par Dominique Thibault et Philippe Mignon), Les Ogresses vertes (illustré par Frédérick Mansot) dans la collection Des Poèmes plein les poches, Actes Sud Junior, de Destination Paris, avec Claude Combet (Actes Sud Junior), ou encore de Ce qui compte dans le premier baiser (Gulf Stream, Les romans bleus) et de la série Europa avec Béatrice Nicodème (Nathan).

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  • Révolution porcine… affreuse, sale et méchante ?

    Sept petits porcelets de Dorothée De Monfreid, Gallimard jeunesse, 2008

    Révolution porcine… affreuse, sale et méchante ?


    Dorothée de Monfreid, que l'on connaît entre autres à travers ses romans publiés à L'école des loisirs (dont l'excellent Croquepied), s’en donne ici à cœur joie pour brouiller les pistes narratives et proposer un joyeux panachage intertextuel, le récit s'inspirant ouvertement de contes bien connus : les allusions aux Sept petits chevreaux ou aux Trois petits cochons, déjà contenues dans le titre, ont été habilement déguisées et "digérées" par l'auteure, qui offre la vision moderne d'une famille nombreuse dont le quotidien se résume à un invraisemblable chaos. Monsieur et Madames Porc "enragent" d'avoir à contenir leurs sept porcelets, qui se comportent comme des... cochons et transforment leur maison en véritable porcherie... "Il y a de la boue sur les fauteuils, de la vieille purée séchée par terre, des meubles cassés, des traces de chocolat sur les murs, des giclées de soupe jusqu'au plafond. Et en plus, ça sent souvent mauvais."

    329039523.jpgSans parler de la pollution sonore émise par la tribu tout entière, la maison résonnant des cris et des insultes qui fusent sans discontinuer. Logique, se disent les humains, les porcs sont des porcs... tout en prenant conscience des parallèles à établir entre cette famille cochon et les familles humaines : les parents débordés, irrités à longueur de journée par une progéniture dénuée de savoir-vivre, distribuent sans compter fessées et brimades, tandis que les enfants, de plus en plus désobéissants, aimeraient bien se débarrasser de ceux qu'ils considèrent comme des tyrans en puissance qui leur imposent d’intolérable limites : "Non, vraiment, on ne peut plus supporter d'être traités de cette manière." s'exclame l’aîné (à l'allure plutôt inquiétante), instigateur d'un complot qui, dans les grandes lignes, détourne les aventures du Petit Poucet : "On va abandonner les parents dans la forêt."

    Le texte ne manque pas de cocasserie, mais demeure indissociable des illustrations qui l'accompagnent, dans lesquelles sont contenues plusieurs parties du récit. Petit ou grand, chacun y trouve son compte et l’on s'amuse tout autant des délirantes facéties des jeunes cochons livrés à eux-mêmes (qui, bientôt, sans autorité pour les guider, font de leur maison le décor d'un huis-clos digne de Sa Majesté des mouches) que l’on comprend, à demi-mots, les belles « leçons » éducatives et démocratiques suggérées par le récit ; récit qui s'apparente à la célèbre fable politique de George Orwell, La ferme des animaux... Un pur régal, à déguster de préférence en famille…
    © B. Longre

    Cet ouvrage a d'abord paru aux éditions Bréal en 2004.

    D'autres ouvrages "cochons"

    Pas cochon ! de Christine Beigel, Illustrations d’Anna Karlson - Gautier-Languereau

    Copains comme cochons de Jean-François Dumont - Flammarion, Albums du père castor

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  • L'avis d'un éditeur et auteur jeunesse (et le mien...)

    Avec son accord, je reproduis ici de façon plus visible le commentaire que Jack Chaboud, éditeur (Magnard, Plon) et auteur (jeunesse et "vieillesse" !) a laissé récemment à la suite d'un de mes billets, où il fait référence au débat qui en a agité plus d'un ces derniers temps.

    1182461711.jpg"Je lis souvent des commentaires sur le livre de jeunesse, du genre "les adolescents ont droit à toute la vérité..." ou "des ouvrages jugés trop sombres par les adultes ne le sont pas par les jeunes...".
    Je suis tout à fait d'accord, mais je crois que le problème du livre de jeunesse, dès lors qu'il entre dans le territoire intime et social, c'est qu'il doit ménager une entrée pour les jeunes, afin qu'ils puissent être concernés par les problèmes évoqués, même si ce sont des problèmes d'adultes.
    Dans ce sens, je suis quelque peu interloqué par l'attribution du prix Rhône-Alpes à un texte, Les giétes de Fabrice Vigne, dont le narrateur est un vieilllard en maison de retraite, qui évoque ses souvenirs passés à grand renfort de références historiques.
    Je pense également que Je ne veux pas mourir gibier de G. Gueraud va au-delà de ce que l'on peut proposer à de jeunes lecteurs sous le label d'un éditeur jeunesse. Libre à l'auteur, s'il en a la possibilité, de se faire publier chez des éditeurs pour adultes, lesquels sont accessibles aux bons lecteurs jeunes."
    Jack Chaboud

    Concernant Les Giètes, j'avais effectivement dit que ce roman, publié par un éditeur jeunesse, dans une collection destinée aux grands ados et aux adultes, appartenait plutôt au domaine de la littérature générale (ce qui est le cas de nombreux ouvrages de la collection Photoroman) - l'auteur, Fabrice Vigne, est le premier à le reconnaître ; et même si l'on se réjouit pour lui, on aurait apprécié que ce prix soit décerné à un livre peut-être plus proche des préoccupations de jeunes lecteurs. Quant au roman de G. Guéraud, Je ne veux pas mourir gibier (Le Rouergue, DoAdo), les avis sont partagés - un roman réaliste, dur et glaçant, qui donne la parole au mal-être adolescent (pour ma part, il m'a peu touchée et je n'ai pas grand-chose à en dire, mais on pourra lire ici l'avis de Sophie Pilaire ou les points de vue partagés sur le site de Citrouille, dont celui de Vincent Cuvellier.)

    8036219.jpgIl est vrai qu'on peut considérer que les collections "grands ados" ne répondent pas à un véritable besoin, qu'elles relèvent de la stratégie éditoriale ou que certains de ces ouvrages seraient plus à leur place en littérature générale... Un point de vue que je ne partage pas forcément. Ces collections pour « grands ados » (ou « young adults », puisque le concept vient des pays anglophones) accueillent souvent des textes que les directeurs de collections jeunesse (en gros, destinées aux moins de 13 ans) vont refuser car trop « adultes » et que les éditeurs de littérature générale considèreront d'emblée comme des textes « jeunesse » du moment qu’il y est question d’adolescence ou d’entrée dans l’âge adulte… Aussi, grâce à ces collections de transition, certains romans peuvent trouver leur place et leurs lecteurs (qui autrement en seraient privés). Un autre avantage : ces textes incitent les adultes à être plus attentifs à la littérature jeunesse, à en lire, à en parler, et leur permettent aussi, tout simplement, de découvrir de nouveaux romans et d’autres auteurs, souvent moins médiatisés. Evidemment, les « prescripteurs » peuvent avoir du mal à s’y retrouver (que conseiller ? à partir de quel âge ?), car on entre ici dans des territoires un peu flous, entre littérature jeunesse et littérature générale… mais n’est-ce pas cela aussi, l’adolescence ?

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  • Albums à foison

    Je croule sous les albums estampillés jeunesse (qui restent néanmoins accessible aux plus grands…la preuve, je les lis) et manque de temps pour en parler dans le détail – en attendant des articles plus élaborés, quelques présentations en vrac, assorties de liens qui permettront de prolonger les découvertes.

    832708378.jpgD’abord la découverte d’un album réjouissant chez Textuaire (voir Krochnouk Karapatak de Julien Martinière, publié par le même éditeur), intitulé La Ville en chantier : l’auteure, Anne Moreau , y met en scène deux petits personnages dans un décor qu’ils construisent peu à peu, à partir d’objets récupérés qu’ils recyclent à leur façon. Inventivité graphique, mise en page travaillée, élaboration d’un univers poétique singulier qui permet de dépasser la simple thématique environnementale : tout y est. Un album muet, pour tous. Le plus : des fiches jeux à télécharger ici, pour prolonger l'aventure des deux bâtisseurs.

    361865855.jpgPlus classique, mais pas moins réussi : Thésée, d’Yvan Pommaux (L’école des Loisirs). Le mythe, « fabuleuse histoire d’amour, de peur et de fureur », est ici fidèlement retranscrit, raconté dans le détail (depuis la conception du héros jusqu’à l’évocation de sa vie future), accompagné par des illustrations qui oscillent, comme souvent avec l’auteur, entre bande dessinée et album, et proposent des personnages très vraisemblables. Un glossaire complète ce bel album grand format.

     

    1583691272.jpgDu côté du conte, j’ai aimé Pourquoi personne ne porte plus le caïman pour le mettre à l’eau (le Sorbier) : non seulement le texte est signé Blaise Cendrars (extrait de ses Petits contes nègres pour les enfants des blancs, datant de 1928) mais les illustrations déstructurées de Merlin ajoutent à la cocasserie de l’ensemble , tout en étant particulièrement ouvragées.
    Les éditions du Sorbier offrent des contes appréciables, comme ceux de la collection Au berceau du monde.

     

     

    1905048608.jpgJ’avais déjà eu l’occasion de présenter d’autres contes, publiés aux éditions espagnoles OQO. Avec Le grand livre des portraits d’animaux, de Svjetlan Junakovic, un vrai livre d’artiste, on entre dans une autre dimension : l’auteur s’est approprié des toiles de maîtres pour les recréer à sa manière – les humains étant ici remplacés par des animaux, aussi expressifs que les modèles d’origine, qui conservent les costumes d’époque : babouin, brebis, lapine, bouc, tortue ou hippopotame peints par un… plagiaire (ou presque !) de talent, qui a su respecter les techniques de Vermeer, Rembrandt ou David. Un beau livre qu’on ne se lasse pas de parcourir. http://www.oqo.es/sj/

    576077482.jpgDes contes encore, mais cette fois « en balade » : des textes signés Cathy Ytak , illustrés par Joëlle Gagliardini, Simon Kroug et Corinne Salvi, publiés aux éditions La cabane sur le chien, et qui ont la particularité de proposer des destinations et itinéraires de randonnées : des promenades que l’on peut effectuer dans le Jura ou bien se contenter de découvrir à travers des histoires fantaisistes, au cours desquelles on croise un Lamartine fort mélancolique (!), un renardeau distrait ou des lutins en quête de paix.

     

    1710638202.jpgChez un autre éditeur indépendant, Balivernes, vient de paraître un album inspiré par une aventure bien réelle qu’ont suivie l’auteure, Lenia Major et l’illustratrice, Sandrine Lhomme : la naissance d’oisillons dans une jardinière suspendue à la fenêtre d’un immeuble. Cela donne Devant chez moi, l’histoire d’un petit garçon qui s’attache à la tourterelle venue pondre puis élever ses petits sous son nez. Les illustrations originales (entre collage, dessin, et emploi de divers matériaux) accompagnent un texte joyeux, abordable dès 4 ou 5 ans.

    1042223472.jpgSignalons aussi la parution, aux éditions du Jasmin, d’un livre qui n'est pas à proprement parler un album (il ne raconte pas d'histoire mais incite plutôt à la rêverie) : Le jardin du calligraphe, de Françoise Joire, auteure-illustratrice et conteuse. Sur le même principe que ses Arabalphabêtes, abécédaire sur le thème des animaux, ce nouveau livre propose une déambulation graphique botanique : aromates, arbres, fruits ou fleurs sont écrits en arabe, chaque terme étant retravaillé pour évoquer la forme de la plante choisie. Des fioritures en pointillés qui restent sobres et agréables à l’œil.

    615119262.jpgDans un tout autre registre, on saluera le retour de l’affreuse Constance - Après Constance et Miniature et l’expérience traumatisante de la pension, la fillette met un navire sens dessus dessous dans Constance et les Pirates de Pierre Le Gall et Eric Heliot (Hachette jeunesse). Quant aux éditions Usborne, elles surfent elles aussi sur la vague piratesque avec A bord d’un bateau pirate de S. Courtauld et B. Davies (pour les petits, une aventure-documentaire), auquel on préfèrera Fenêtre sur un bateau pirate de Rob Loyd Jones et Jörg Mühle – chaque page propose de multiples rabats permettant de découvrir l’intérieur des navires ou les fonds marins. Un ouvrage aux illustrations réussies, qui a bénéficié des conseils d’un expert du Musée Maritime de Londres.

    Pour finir, on ira voir du côté de L’enfant silence de Cécile Roumiguière (qui nous en avait déjà donné un bel avant-goût), illustré par Benjamin Lacombe (Seuil jeunesse) , d’Au feu les pompiers j’ai le cœur qui brûle de Christine Beigel et Elise Mansot (Gautier-Languereau) et de Lilia de Nadine Brun-Cosme, illustré par Anne Brouillard (éditions Points de suspension), trois livres dont je reparlerai.

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  • Beaux albums

    Editions Anna Chanel

    2091310183.jpgUn nouvel éditeur jeunesse publie trois albums grand format signés Nathalie Collon, qui s’est associée, pour chacun d’eux, à un illustrateur différent. Créées par Nathalie Allemand et Philippe Collon, la maison est née en 2006 « d’un désir de transmettre, une réflexion sur le monde qui nous entoure, ses valeurs, ses différences. Une petite pointe de philosophie, de la magie, de l’émotion, de la poésie », et propose des contes « modernes et philosophiques inspirées des sagesses du monde. »

    Une rencontre entre un rhinocéros (forcément imposant, mais surtout vantard) et une petite fleur (forcément fragile, mais sereine) est le point de départ de La Fleur et le Rhinocéros (illustré par Edwina Cosme), une fable sur l’amitié mais aussi sur les masques que nous revêtons pour être à la hauteur d’une réputation. Dis-moi Nanouka, finement illustré par Jennifer Trican, égrène les émotions qui peuvent naître dans le cœur de chacun (les rires, les pleurs, les joies, les colères, etc.) et mettent en scène des enfants de tous les coins du monde, tandis que Et mon cœur est immense tient davantage du recueil poétique – succession de tableaux (signés Florent Espana), accompagnant des textes délicats, certes moins accessibles au jeunes lecteurs que les précédents. Un joli départ pour une aventure éditoriale et artistique à laquelle nous souhaitons de perdurer. B.Longre

    http://editionsannachanel.com

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  • Gregory Galloway

    La disparition d'Anastasia Cayne
    traduit de l'anglais (USA) par Nathalie Perrony, Albin Michel jeunesse, Wiz suspense, 2008 - à partir de 14 ans et +

    Anna forever

    Roman inclassable, qui tient à la fois de l’enquête et du roman d’apprentissage, La disparition d'Anastasia Cayne est surtout un tour de force narratif bien ficelé, visant à déstabiliser durablement le lecteur.
    1701859046.jpgLe narrateur, un lycéen de 16 ans d’apparence très quelconque et dont on ne saura jamais le nom, se morfond dans une petite ville américaine très ordinaire auprès de parents à l’esprit étroit et au quotidien étriqué. Jusqu’au jour où débarque Anna Cayne, qui va transformer son existence morose : une jeune fille énigmatique, cultivée, fascinée par la mort, par le magicien Houdini, par Rimbaud ou Kerouac, et dont l’accoutrement gothique n’est qu’un masque parmi d’autres. Anna et le narrateur deviennent très vite amis, puis tombent amoureux et sont désormais inséparables. Anna, énergique et débordante d’idées parfois saugrenues, a l’imagination féconde et un fort penchant pour le mystérieux ; la rédaction de notices nécrologiques reste l’une de ses activités préférées mais elle aime aussi à concocter des messages codés, collectionne des objets hétéroclites et c’est encore elle qui initie le garçon à l’amour physique, à l’alcool, mais aussi à la poésie, à la littérature fantastique ou à la musique, sans pour autant se montrer autoritaire ou méprisante envers ce petit provincial qui s’attache à elle. Mais sept mois après son arrivée, Anna disparaît subitement, du jour au lendemain.

    Le narrateur résume ainsi son histoire : « Je suis tombé amoureux d’une fille, et puis elle est partie ; plus tard, elle a essayé de revenir –du moins c’est ce que je crois – et je suis partie à sa recherche. » Tout part de la disparition d’Anna, et le récit, cohérent de bout en bout, se construit à partir de fragments de souvenirs, d’objets symboliques, de documents divers ou de musiques. Il se souvient d’Anna, tâche de reconstruire les événements qui ont précédé sa disparition. Avec elle, tout était prétexte à inventer de nouveaux jeux, donnant l’impression de se complaire à compliquer les choses – l’on comprend peu à peu que les choses sont effectivement compliquées, qu’il faut savoir creuser et dépasser la surface lisse et trompeuse de la réalité, que rien n’est jamais simple : ni la neige (en référence au titre anglais), ni les sentiments, ni les relations humaines, et surtout pas l’énigme à laquelle nous sommes confrontés, et qui fonctionne comme moteur du récit puisque tout reste à résoudre et à découvrir.

    711758760.jpgAccumulation de questions, desouvenirs, d'indices... le moindre événement apparaît alors sous un jour nouveau, semble suspect – comme s’il fallait prêter attention au moindre détail du récit rétrospectif (et introspectif) pour ne pas manquer un seul élément qui nous mettrait sur la voie. Ajoutons à cela que le point de vue est nécessairement lacunaire, ce qui ne fait qu’amplifier la sensation de mystère. La participation active du lecteur est donc requise, et l’on suit avec anxiété le garçon, qui avance de fausses pistes en vrais espoirs – la vérité est fluctuante et mouvante, impossible à saisir, tant elle présente une multiplicité de facettes.

    Parallèlement à cette enquête à rebours, le roman est aussi une merveilleuse chronique adolescente ; chaque tranche de vie est narrée avec finesse, tout sonne juste et l’on se plaît vraiment en compagnie d’Anna et de son amoureux, qu’on a du mal à quitter. Un roman fascinant, difficile à lâcher, et dont le dénouement ouvre sur de multiples possibilités, ce qui, paradoxalement, nous oblige à choisir celle qui nous convient le mieux, selon sa propre sensibilité. En consultant le site conçu par l’auteur, on trouvera encore d’autres pistes, en particulier musicales... © B. Longre

    à signaler : ce roman a d'abord paru dans une collection de littérature générale aux USA, avant de sortir dans une collection pour grands ados.

    www.albin-michel-jeunesse.com

    www.wiz.fr

    www.assimpleassnow.com

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  • Fête du Livre Jeunesse de Villeurbanne

    1633905675.jpgAprès deux éditions consacrées à la mémoire et au souvenir, la 9ème édition de cette fête aura lieu du 2 au 6 avril 2008 sur le thème de "Et toi, ton toit ?"

    Pourquoi le thème de l'habitat ? Car la maison est omniprésente en littérature jeunesse -  "à travers la maison imaginaire que représentent toute cabane édifiée, la maison des contes, ou plus simplement la maison que l'on habite, que l'on partage. Quelquefois il n'y a pas de maison du tout et l'habitat devient précaire, on couche dehors ou en foyer, on habite chez l'un ou chez l'autre. On peut en arriver à quitter sa maison pour un logement provisoire : une chambre d'hôtel, une cellule de prison, une chambre d'hôpital, un centre de rétention. Il faut alors se réapproprier l'espace, apprendre à vivre avec d'autres. Ce sont tous ces cas de figures que va tenter de visiter la Fête, avec les ouvrages de plus de 40 auteurs ayant réfléchi sur ce thème."

    L'invitée d'honneur : Cécile Gambini.
    Les autres auteurs / illustrateurs :  Franck Andrat, Barroux, Nicolas Bianco-Levrin, Julia Billet, Betty Bone, Sonji Bougaeva, Edmée Cannard, Alex Cousseau, Jennifer Dalrymple, Thierry Dedieu, Sylvie Deshors, Anne-Laure de Keating-Hart, Delphine Durand, Jean-Luc Englebert, Pascal Garnier, Bruno Gibert, Nolween Godais, Bruno Heitz, Philippe Lechermeier, Thierry Lenain, Frédérick Mansot, Susie Morgenstern, Jean-Paul Nozière, Caroline Palayer, Sacha Poliakova, Marjorie Pourchet, Eric Puybaret, Hélène Riff, Jérôme Ruillier, Irène Schoch, Florence Thinard et Fabrice Vigne.

    Une journée professionnelle aura lieu le vendredi 4 avril, sur le thème de Littérature jeunesse et engagement politique.

    www.mairie-villeurbanne.fr/fete_livre_jeunesse_2008/

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  • Revue des livres pour enfants

    1527908737.jpgRevue des Livres pour enfants, n° 239 – février 2008 (La Joie par les Livres, Centre national de la littérature pour la jeunesse / BNF)

    Ce numéro, hormis les habituelles recensions (romans, livres CD, poésie, albums, BD, documentaires… - ou encore publications théâtrales, rubrique à laquelle je contribue), comprend un dossier détaillé consacré à la littérature jeunesse en Israël, qui retrace son émergence (depuis les années 1960) et propose des portraits de plusieurs auteurs ; la revue se penche aussi sur les livres en langue arabe, sur l’alphabétisation des enfants immigrés et le rôle des bibliothèques, ou sur les traductions de livres jeunesse en Allemagne. On y lira aussi un beau texte de Valérie Zenatti (auteure de Quand j’étais soldate).

    Annick Lorant-Jolly, rédactrice en chef, signe un article qui intéressera tous ceux qui s’interrogent encore sur la polémique lancée par le Monde en décembre dernier : « La littérature pour adolescents à nouveau en débat ». On appréciera son point de vue éclairé et l'ouverture d'esprit dont elle fait montre.

    La Revue des livres pour enfants

    www.lajoieparleslivres.com

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  • Jolie rencontre...

    522281294.jpg... avec Christine Beigel - un article de Magali Turquin, à lire sur le site des Histoires sans fin. Elle y présente son parcours d'auteure, ses derniers ouvrages et de ses activités d'éditrice aux éditions Après la Lune.

    Les Histoires sans fin, site consacré à la littérature jeunesse géré par Fred Ricou, propose des chroniques, des entretiens, des coups de coeur et de nombreuses autres informations.

    http://www.leshistoiressansfin.com/

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  • Araluen - Tome 3

    712787050.jpgL'APPRENTI D'ARALUEN - La Promesse du Rôdeur (tome 3)
    roman de John Flanagan - traduit de l'anglais (Australie) par B. Longre - Hachette romans jeunesse - 5 mars 2008

    Le tome 1
    Le tome 2
    L'auteur
    L'éditeur

    (Les droits de la série viennent d'être achetés par United Artists. Le cinéaste Paul Haggis devrait réaliser prochainement l'adaptation du premier tome.)

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  • Mort anonyme

    380238938.jpgUne nuit de Christine Féret-Fleury, Editions Motus, collection Mouchoir de poche.

    Une écriture limpide, des flocons qui tombent, une galerie de personnages pris à un instant T, sur le vif, « chacun dans sa vie» - quelques habitants d’un immeuble qui ont tous aperçu la voiture rouge, (mal) garée, en bas ; une voiture solitaire bientôt couverte d’un « tapis de velours blanc » et dont personne ne se soucie vraiment (hormis le policier retraité qui s’offusque…). Ce n’est qu’au petit matin qu’on découvrira ce que cachait la présence de cette voiture.
    Les illustrations très basiques (conçues par l’auteure – c’est en effet l’un des principes de la collection) ne proposent aucun portrait : seulement des objets qui incarnent l’un ou l’autre personnage et, en leitmotiv, une fenêtre close, qui pourrait symboliser l’indifférence au reste du monde, le repli sur soi, au chaud – ce qu’entend dénoncer Christine Féret-Fleury par le biais de la poésie, sans moraliser ni culpabiliser le lecteur (ou à peine). L'histoire pudique et poignante d'une mort anonyme. B. Longre

    http://motus.zanzibart.com/

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  • Deux livres, deux mises en scène...

    Suite à la note présentant quelques initiatives novatrices visant à promouvoir autrement les livres et la lecture, deux autres propositions à découvrir. Une lecture pour un album, un clip pour un roman.

    156f0bfc79070d78c1e9181c130115be.jpgCécile Roumiguière invite à venir écouter/admirer une minute de lecture de son prochain album, L'enfant silence (Seuil Jeunesse), accompagnée des illustrations de Benjamin Lacombe ; un extrait mis en musique par Benoît Widemann. Une présentation réussie qui donne envie de pouvoir feuilleter l'album... http://www.cecileroumiguiere.com

    De leur côté, les éditions Flammarion jeunesse innovent aussi en proposant une bande-annonce : celle du roman de Bertrand Puard, Les Compagnons du Sablier (tome 1 : Les momies de Cléopâtre), à paraître le 3 mars prochain. Voir la bande-annonce

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