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Littérature et (tentatives de) censure - 2

Suite à ma note qui concernait la Banned Books Week organisée par l'ALA afin de sensibiliser l'opinion américaine aux diverses pressions que subissent les bibliothèques (en particulier les départements jeunesse et ado) ou les enseignants de littérature, quelques informations supplémentaires sur les ouvrages "incriminés" et les lobbies qui remettent en cause la liberté d'expression.

On peut consulter le site d'une organisation baptisée la "Library Patrons Of Texas" : des utilisateurs des bibliothèques texanes qui affirment être opposés à toute censure, ce qui ne les empêche pas de recenser en ligne les ouvrages qui ne devraient pas se trouver sur les rayons jeunesse des bibliothèques publiques... selon eux, les contribuables devraient pouvoir approuver le choix des ouvrages proposés au prêt et contrôler les achats des bibliothécaires... A défaut, ils se contentent d’informer le public (très subjectivement, on l'imagine) et proposent en ligne des exemples d’ouvrages qu’ils ont pris la peine de lire afin d'en extraire et de citer tous les passages propres à corrompre les lecteurs (qu’ils aient 3 ou 16 ans…) ; les objections les plus fréquentes concernent, on s'en doute, la sexualité, les termes injurieux, le blasphème ou encore les familles recomposées… On l’aura compris, ce ne sont pas les éventuelles qualités littéraires ou documentaires des ouvrages discriminés qui retiennent l’attention de ces citoyens vigilants (et plein de bonne volonté, il faut le reconnaître).
Attention, la consultation de ce site peut s'avérer néfaste... Justement, l'association demande aux internautes de bien réfléchir avant de consulter les fiches des ouvrages répertoriés ("PLEASE BE ADVISED that some of the following excerpts contain profanity, explicit sexual content and graphic violence") et aux utilisateurs de moins de 18 ans de ne pas consulter leurs pages !

4f5d621ef545c4a7d78aa803b16f4483.jpgUn exemple de "fiche", histoire de voir jusqu’où certains poussent le vice... : It’s Perfectly Normal, Changing Bodies, Growing Up, Sex, and Sexual Health  – un célèbre ouvrage documentaire destiné aux 10-14 ans, qui ose parler de sexualité (et d’homosexualité, grand dieu !), de reproduction et de puberté, sans même « citer une seule fois le mariage »…  www.librarypatrons.org/book.asp?ID=39

Un autre exemple amusant, la façon dont sont relevés les jurons dans un roman ado-adulte (The Perks of Being a Wallflower de S. Chbosky) : "Swirlie, A**holes, F**king, Hell, A**hole, smear the queer, cut and hunky, blow queen, knocked up, J****, b***hy dyke, bulls**t, bulls**t, Jesus, S**t, “I swear to G**, took a dump, blow job, F**k, f**ked-up, J****, F**king, G**, f**king freak, Faggot, G**, Faggot, Bulls**t, G**, F**k, F**k you, F**k you, f**king bastard, Pr**k, Hell, Pu**y, J****, Pu**y, A**hole, G**, Hell"

Un autre site du même acabit, tenu par une association qui a choisi de s'appeler très puérilement PABBIS, "Parents against bad books in schools" (ouh les vilains livres!). Ils proposent entre autres un manuel du parfait petit censeur (ou comment intervenir si un ouvrage choque la sensibilité des parents) www.pabbis.com/news.htm
De quoi donner des idées à certains... ?

Pire encore, on ira jeter un coup d'oeil à www.factsonfiction.org/ où les banques de données vont jusqu'à indiquer le nombre exact de profanités, de baisers ou d'attitudes "négatives" que l'on peut trouver dans des dizaines d'ouvrages (de Dahl à Twain en passant par Bradbury et London... sans parler des albums.) Là non plus, pas l'ombre d'un point de vue sur la qualité littéraire des ouvrages (hormis les "comportements positifs" de certains personnages)

Ce ne sont que quelques exemples (plutôt savoureux) du puritanisme exacerbé auquel doivent souvent faire face les enseignants ou les bibliothécaires américains. Nous n'en sommes pas là, mais on peut lire ce qui est arrivé récemment au Livre de L'Hiver de Rotraut Susanne Berner (La Joie de Lire) www.snuipp.fr/spip.php?article4691 

 

dc6d61471ab064ab2309e3f18627cb66.jpgDans un autre genre, mais toujours à propos de la liberté d'expression et de création, on s'inquiétera de l'affaire Camino 999 (roman de Catherine Fradier) qui est relatée sur deux sites http://www.rue89.com/2007 et http://passouline.blog.lemonde.fr/ainsi que sur le site de l'éditeur mis en cause.

Lien permanent Catégories : Littérature étrangère, Littérature jeunesse, Sur le Web 4 commentaires 4 commentaires

Commentaires

  • Chère Blandine,
    l'imagination des censeurs "sociaux" américains est sans limite : vous connaissez sans doute la campagne qu'ils ont menée contre la série TV pour enfants "Bob l'éponge", parce qu'ils trouvaient le personnage "queer". Qu'il s'agisse de livres ou de films, ils ne se contentent pas de mettre à l'index ce qui dénote un contenu à leurs yeux réprouvable. Ils vont bien plus loin en interprétant (voire en surinterprétant) le contenu d'oeuvres en apparence anodines. D'une certaine manière, ils reproduisent l'attitude de certains critiques gays, prompts à voir un "sous-texte" homosexuel "crypté" dans tel roman, film ou chanson... J'avoue que cette convergence dans l'ingéniosité interprétative (et ses excès) m'amuse autant qu'elle m'effraie.
    Sinon, j'ai suivi votre lien vers la polémique autour d'Edwige Antier et du livre "Jean a deux mamans" sur le site citrouille illustrée. Si j'avais le temps, j'aurais envie d'écrire à quel point les arguments développés ne me semblent pas convaincants. Je ne sais rien de la valeur de Mme Antier comme psychothérapeute clinicien. En revanche, ses interventions dans le débat public sont affligeantes, mélange d'opinions à courte vue, de babil attendri sur les "petits" et de soi-disant "objectivité" (sur laquelle il y aurait beaucoup à redire). On oublie que sa légitimité est exclusivement médiatique...

  • Je suis d'accord avec vous, pour preuve, le fait que l'un des sites ci-dessus classe par exemple The Perks of Being a Wallflower dans la littérature "homosexuelle"... en oblitérant le reste.
    Mais les censeurs manquent souvent d'imagination et s'arrêtent aussi sur le plus visible (un four-letter word et l'ouvrage est mis à l'index !)

  • Pour avoir lu le roman de Chbosky, j'ai toujours été frappé par l'animosité des milieux conservateurs à son égard. Il n'y a pas que ces derniers qui le classent comme "roman gay", au demeurant : le milieu LGBT fait pareil... Il me semble que les militants en tout genre ne prennent pas de gants. Ils ont sans doute la conviction qu'il faut inlassablement désigner des alliés et des ennemis, avec tout le manichéisme que cela implique. Mutiler le sens d'un livre ou ignorer la diversité de sa matière, ce n'est pas leur problème. L'instrumentalisation a toujours existé. En revanche, elle n'a jamais été aussi violente et décomplexé que durant les quinze dernières années.

  • Un grand merci pour ces éclairages et ces précisions - j'invite chacun à lire vos articles
    http://joannic-arnoi.over-blog.fr/

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