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  • L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 3)

    "Louis  ne se faisait pas d’illusions. Les intuitions, les suggestions, les convictions elles-mêmes pouvaient s’avérer inutiles. Toutes les hypothèses antérieures pouvaient se révéler fausses. Ce qui était vrai de la fièvre charbonneuse, de ce qui avait provoqué la maladie des betteraves, de ce qui gardait la levure en vie ou la tuait, de ce qui décimait les vers à soie n’avait sans doute rien à voir avec les causes du choléra. Un scientifique se devait d’être son propre hérétique.

    « Nous sommes fous, dit Edmond, un soir que les trois hommes finissaient leur dîner dans la cabine du capitaine.

    — Que voulez-vous dire ? s’enquit Louis. Pour ma part, je suis parfaitement sain d’esprit.

    — Mais alors, reprit Edmond tout en plongeant sa cuiller dans les restes du pudding au pain d’Émile, pourquoi naviguez-vous vers une ville où sévit le choléra ? La plupart des gens normaux voyageraient dans la direction opposée.

    — Vous n’avez pas tort, répondit Roux en riant. Nous devrions immédiatement rentrer en France.

    — Si je meurs, dit Nocard, mes chiens seront inconsolables. Et mon frère cupide héritera de ma maison et de mes terres.

    — Dans ce cas, fit Roux, veillez à ne pas mourir. »

    (extrait du chapitre 2, mettant en scène Louis Thuillier, Edmond Nocard et Emile Roux).

    L'Insaisissable, Anne Roiphe 
    traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
    (traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.

    http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/

    (tous les posts : http://blongre.hautetfort.com/tag/l%27insaisissable)

     

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    Portrait d'Edmond Nocard, vers 1890. Vétérinaire. Collaborateur de Pasteur, puis de Roux.

     

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    Emile Roux dans son laboratoire travaillant sur la toxine diphtérique, vers 1890

     

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    Louis Thuillier, vers 1880

    Source :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b32000224
    [Pasteuriens et personnalités du monde médical, 1868- 1970] 

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  • Le Visage vert 25 (février 2015)

    "C’était en hiver, dans la dernière région un peu mouvementée, onduleuse et chargée de forêts, que le vieux père Rhin traverse avant de se lancer dans les terres basses de Hollande, où il s'attardera, se divisera et subdivisera en plusieurs bras , se croisant et s'entrecroisant ; le Waal, le Nider-Ryjn, le Lets, le Rhin Tordu, la Vieille Coulée, la Coulée de la Potence, etc.

    C'était en hiver et la neige tourbillonnait, recouvrant toutes choses, champs et forêts, villages aux toits frileusement serrés qui déroulaient de longues fumées dans le ciel noir ; en haut d'un dernier mamelon baigné par le fleuve, le burg s'élevait, noir et farouche sous la couche blanche qui dessinait la ligne de ses crénelages et les pointus de ses tours, des ses tourelles et de son gros donjon carré.

    Le châtelain de ce burg avait gagné dans les batailles une renommée de rude chevalier, corps, tête et bras de fer, durs à tous et à lui-même. Il n'était pourtant qu'un petit garçon timide devant madame son épouse, châtelaine impérieuse et hautaine, qu'un chagrin rongeait au fond de son burg et qui devenait d'un caractère de plus en plus difficile, les années passant, en se voyant seule dans la grande salle peinturlurée des armoiries de la famille et des alliances, sans le moindre enfantelet à qui sourire aujourd'hui, et à qui transmettre plus tard le burg, les vassaux et les terres et les lions de l'écusson. 

    Son âme en sombrait dans l'amertume et le rude chevalier eût, pour s'étourdir, souhaité guerres et batailles perpétuelles.

    Voilà qu'en ces jours de frimas et de neige où la triste humeur des châtelains s'assombrissait encore, une malheureuse bohémienne assez légèrement vêtue de haillons multicolores vint frapper à la porte du castel. Elle serrait dans ses bras un enfant bleu de froid et en traînait un autre par la main, une lamentable petite fille à peine couverte de quelques lambeaux de toile."

    extrait de La Châtelaine aux 365 enfants
    Légende du Vieux Rhin
    , d'Albert Robida (1848-1926)
    Visage Vert n° 25, février 2015.

     

    Depuis sa naissance en octobre 1995, le Visage Vert a publié 25 numéros. Sous l’appellation générique de « Revue de littérature » (il s'intéresse au fantastique, mais aussi à l’anticipation ancienne, au bizarre, à l’absurde ou au mystère), le Visage Vert se présente comme une revue de découvertes, de traductions (ou de retraductions), d’essais et d’illustrations. Tel un archéologue dévoué aux marges de la littérature, le Visage Vert arpente les genres et les mouvements esthétiques liés à l’imaginaire. 

    le visage vert, revue de littérature, imaginaire, fantastique,

    Sommaire de ce numéro
    http://www.levisagevert.com/Revues/visagevert/visagevert/vv25.html

    pour commander la revue : http://www.levisagevert.com/edition/commande.html

    Le blog du Visage Vert, revue et éditeurhttp://leblogduvisagevert.wordpress.com/

     

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  • « Pays d’êtres humains et non d’individus » (Cioran)

    Capture d’écran 2015-05-23 à 16.18.04.png"En 1941, installé à Paris, Cioran se transforme. Séduit un temps par le brutal apparat de la « Garde de fer » roumaine et par la force nazie, il se transforme et opte plus ou moins implicitement et très heureusement pour le camp adverse. Cette « métamorphose » se laisse entrevoir dans De la France, petit livre écrit au crayon, exhumé, traduit à un moment où, vieux de 68 ans, il reste d’une singulière actualité. « Livre charnière », « ode à la France », comme l’écrit Alain Paruit dans sa présentation, l’ouvrage marque une frontière : entre totalitarisme et libéralisme (au sens politique), entre roumain et français (la langue roumaine est parsemée d’expressions françaises), entre hymne à la grandeur et éloge de la décadence…
    Car Cioran, opérant des comparaisons avec d’autres pays, développe le paradoxe suivant : la France est grande, et la preuve en est sa décadence immuable. Selon le processus d’écriture qui lui est cher, les fragments de pensées s’agglutinent, s’additionnent, entraînant le doute et la conviction. Chaque lecteur y trouve son compte, s’arrêtant à son gré sur des termes récurrents (« ennui, cafard, décadence, XVIIIe siècle, goût, sociabilité, raison, expérience, progrès, mesure »…) définissant la France selon Cioran, cette France de l’esprit contre le cœur, où le culte du repas tient lieu de liturgie quotidienne, et dont la perfection tient à des « riens ». « Pays d’êtres humains et non d’individus », « la France est une occasion éclatante de vérifier les expériences négatives ».
    À l’heure où quelques politiciens en mal de popularité cherchent à définir une identité « nationale », il est bon de lire cet hymne à la France étrangère écrit par un de ces immigrés à qui nous devons de magnifiques pages de notre patrimoine littéraire. Écoutons rêver le petit Roumain : « Y a-t-il au monde un pays ayant eu autant de patriotes issus d’un autre sang et d’autres coutumes ? […] N’avons-nous pas aimé la France avec plus d’ardeur que ses fils, ne nous sommes-nous pas élevés ou humiliés dans une passion compréhensible et toutefois inexplicable ? N’avons-nous pas été nombreux, en provenance d’autres espaces, à l’embrasser comme le seul rêve terrestre de notre désir ? Pour nous qui arrivions de toutes sortes de pays, de pays malchanceux, la rencontre d’une humanité aboutie nous séduisait en nous offrant l’image d’un foyer idéal. » L’illusion opère toujours." 

    extrait de Une belle voyageuse, Regard sur la littérature française d’origine roumaine, de Jean-Pierre Longre (éditions Calliopées, 2013). Cet extrait concerne l'ouvrage De la France, de Cioran (Traduction du roumain revue et corrigée par Alain Paruit. Éditions de l’Herne, 2009.)

     

    Pour commander l'ouvrage :
    http://www.calliopees.fr/e-librairie/fr/essai/71-une-belle-voyageuse-jean-pierre-longre-9782916608303.html

    à lire également, dans le n°5 du Black Herald, un entretien inédit avec Emil Cioran (entretien accordé en 1986 au philosophe et écrivain Bensalem Himmich)
    http://blackheraldpress.wordpress.com/2015/04/14/entretien-avec-emil-cioran-interview-with-emil-cioran-bensalem-himmich/

     

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  • L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 2)

    anne roiphe,blandine longre,l'insaisissable,mission pasteur,choléra,alexandrie,louis thuillier,an imperfect lens"Il est des organismes faits pour la chaleur du désert et d’autres pour le froid arctique, tel ce ver minuscule absorbant les bactéries plus petites qui survivent tout au long du sombre hiver, sous la neige, dans un état de quasi-congélation, à l’intérieur des glaces turquoise des pics polaires. Certains organismes s’installent volontiers sur la peau chaude et velue des daims, des écureuils et des chauves-souris. D’autres survivent dans les profondeurs du sol, se nourrissant de l’humidité des gouttelettes de pluie qui s’infiltrent vers le centre ardent de la Terre. D’autres encore subsistent dans le ventre des moustiques ou bien dans le sang chaud des êtres humains. Les gens sont si fiers de leur âme, de son aptitude tant vantée à distinguer le bien du mal, à vénérer Dieu, à servir le roi ou la patrie, à se montrer charitable envers les mendiants ; mais l’âme est en réalité facilement broyée, pulvérisée, éliminée par les microbes minuscules qui tourbillonnent çà et là, indifférents au David de Michel-Ange, au Dix Commandements, aux nobles pyramides ou à la voûte gothique, tout autant qu’ils le sont aux frémissements insignifiants des cœurs libidineux ou aimants des hommes." (extrait du chapitre 1)

    L'Insaisissable, Anne Roiphe 
    Traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
    (traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.

    http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/

     

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    Vibrions septiques, microphotographie illustrant les travaux de Louis Pasteur sur les maladies infectieuses. 

    Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b3200016d
    [Microphotographies du laboratoire de Louis Pasteur, 1870-1890]

    (tous les posts : http://blongre.hautetfort.com/tag/l%27insaisissable)

     

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  • Black Herald Press au Berkeley Books of Paris

    On trouvera le dernier numéro du Black Herald au Berkeley Books of Paris, librairie incontournable du VIe arrondissement de Paris. 

    Berkeley Books of Paris
    8, rue Casimir Delavigne
    75006 Paris
    (métro Odéon)

    http://www.facebook.com/BBoParis

    Et pour en apprendre davantage sur la librairie (et sa libraire !)
    http://disappearingparis.weebly.com/blog/phyllis-cohen-of-berkeley-books-on-literary-culture-finding-books-and-how-there-is-still-hope-for-bookstores-in-paris

    Et pour ceux qui souhaiteraient soutenir la librairie :
    https://www.indiegogo.com/projects/berkeley-books-of-paris#/story

     

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    ouvrages en vitrine

    The Black Herald #5

    The Black Herald #3

    Ex Nihilo, Paul Stubbs (Black Herald Press, 2010)

    Flesh, Paul Stubbs (Black Herald Press, 2013)

    The End of the Trial of Man, Paul Stubbs (Arc Publications, 2015)

     

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  • The Black Herald #5

    Vient de paraître : le 5e numéro de la revue bilingue & internationale The Black Herald, que je coédite avec le poète Paul Stubbs.

    160 pages – 15€  – ISBN 978-2-919582-12-9 (ISSN 2266-1913)

    Capture d’écran 2015-05-15 à 16.44.39.png


    Au sommaire : David Gascoyne (traduction en français du tout premier poème surréaliste anglais), Olive Moore (grande inconnue des lettres anglaises, qu'Anne-Sylvie Homassel nous permet de découvrir en français), Egon Bondy (traduit du tchèque par Eurydice Antolin), Pierre Cendors (un extrait de son prochain recueil), Andrew Fentham, Peter Oswald (dramaturge et poète, dont nous présentons ici une courte pièce et des poèmes), Charles Nodier (traduit par Alistair Ian Blyth, qui signe également une nouvelle sur la bibliotaphie), Paul Stubbs (deux poèmes extraits de son dernier recueil, paru en février en Grande-Bretagne), Afonso Cruz (traduit par Cécile Lombard), Heller Levinson (dont le dernier recueil, Wrack Lariat, vient de paraître chez Black Widow press) Philippe Annocque (traduit par Rosemary Lloyd), David Spittle,  Jos Roy (dont nous avons publié le recueil De suc & d'espoir l'an passé), Michael Lee Rattigan (des poèmes et ses traductions de César Vallejo), Yves et Ada Rémy (un extrait des Soldats de la mer traduit par Edward Gauvin), Victor Segalen & Anthony Seidman, ainsi qu'un entretien inédit avec Emil Cioran (accordé en 1986 au philosophe Bensalem Himmich), et traduit du français par Rosemary Lloyd.

    Les contributeurs et le sommaire détaillé :
    http://blackheraldpress.wordpress.com/magazine/the-black-herald-5/

    Pour se procurer la revue (commande en ligne ou en librairie) :
    http://blackheraldpress.wordpress.com/buy-our-titles/

    Tous les numéros :
    http://blackheraldpress.wordpress.com/magazine/

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    À propos de la revue

    Publiée sous l’autorité de Paul Stubbs et Blandine Longre, cette très rigoureuse et élégante revue place la traduction au centre de son travail. L’anglais / anglo-américain, l’espagnol, le russe, le français jouent l’un vers l’autre, parfois l’un dans l’autre pour instruire le sens et la beauté de poèmes ou la précision d’essais critiques de haute qualité sous un thème sous-jacent : « Accept the Mystery », ou quand l’écrivain s’ouvre à l’antithèse de la réalité plutôt qu’au jeu naïf de l’éclaircissement d’un réel vécu comme opaque.
    — Yves Boudier, cahier critique de poésie n° 28, cipM, octobre 2014.

     

     

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  • L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 1)

    anne roiphe,blandine longre,l'insaisissable,mission pasteur,choléra,alexandrie,louis thuillier, an imperfect lensAlexandrie, 1883

    "Après une nuit à l’ancre, l’Andromeda, un pilote des environs à la barre, contourna le petit phare qui se dressait au bout d’une longue jetée. Les boutres, les brigantins, les trois-mâts et les sloops qui entraient dans le nouveau port traversaient prudemment le canal rocheux de Boghaz.
    Une fois dans la rade, le navire croisa les masses noires des cuirassés rouillés, le pavillon rouge orné de l’étoile et du croissant flottant à leur poupe. L’endroit grouillait de marins coiffés de bonnets rouges. Des timoniers barbus, portant des tarbouches, avançaient à la rame entre les grands vaisseaux qui arboraient le drapeau des États-Unis d’Amérique ou l’Union Jack. Des bateaux à vapeur de compagnies françaises ou anglaises ne cessaient d’entrer et de sortir du port à vive allure, ou bien étaient au repos, momentanément amarrés dans les eaux saumâtres de la rade. Quelques felouques appartenant au pacha allaient et venaient ; une fioriture turque était peinte sur leur poupe et des caractères arabes dorés, aux hampes allongées, décoraient les casiers qui renfermaient leur roue à aubes. Des appels bruyants jaillissaient des sifflets à vapeur, tandis que les traînées grises des cheminées tachetaient le ciel et que des cloches retentissaient au-dessus du port." 

    L'Insaisissable, Anne Roiphe 
    Traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
    (traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.

    http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/

     

    anne roiphe,blandine longre,l'insaisissable,mission pasteur,choléra,alexandrie,louis thuillier, an imperfect lens

     

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