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  • So loveliness reigned and stillness reigned...

    “So loveliness reigned and stillness reigned, and together made the shape of loveliness itself, a form from which life had parted; solitary like a pool at evening, far distant, seen from a train window, vanishing so quickly that the pool, pale in the evening, is scarcely robbed of its solitude, though once seen. Stillness and loveliness clasped hands in the bedroom; among the shrouded jugs and sheeted chairs, even the praying of the wind, the soft nose of the clammy sea airs, rubbing, snuffling, iterating and reiterating their questions – “Will you fade? Will you perish?” scarcely disturbed the peace, the indifference, this air of integrity, where there is no compromise, truth were there undraped, as if the question they asked needed no answering: we remain.”

    (Time Passes, Virginia Woolf, 1926)

     

    vwoolf.png« Ainsi la beauté régnait et la quiétude régnait, et ensemble composaient la forme de la beauté même, forme dont la vie s’était séparée ; solitaire comme un étang dans le soir, au lointain, qu’on voit depuis la fenêtre d’un train, si vite évanoui que l’étang, pâle dans le soir, est à peine privé de sa solitude, quoiqu’aperçu une fois. La quiétude et la beauté liaient leurs mains dans la chambre ; parmi les pots sous leur linceul et les chaises sous leur housse, même la prière du vent, le nez délicat des souffles moites de la mer, frottant, reniflant, énonçant et répétant leurs questions – « te faneras-tu, périras-tu ? » troublaient à peine la paix, l’indifférence, l’air d’intégrité, où n’existe nul compromis, où la vérité était dévoilée, comme si à la question qu’ils posaient on n’avait nul besoin de répondre : nous demeurons. »

    (Le temps passe, traduit de l’anglais par Charles Mauron - édition bilingue, postface de James M. Haule - Le Bruit du Temps, 2010)

    Documents en ligne : http://www.woolfonline.com/?q=image/tid/9

     

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  • De la traduction

    On lira avec intérêt l'article stimulant de Sophie Képès intitulé Pour un traducteur, il n’est de bon auteur que mort. Elle y soulève avec intelligence et ouverture d'esprit nombre de questions, en se fondant entre autres sur sa propre expérience de traductrice du hongrois, et nous dit entre autres : « Au fond, il s’agit d’un perpétuel va-et-vient, d’une dialectique bien décrite par Jean-Pierre Carasso : " Traduire, c’est être capable de penser deux choses à la fois, mais souvent le traducteur est paralysé par la langue originale. Il est incapable non de s’en écarter, mais d’y revenir après être passé par la sienne ". (...) L’insatisfaction est la règle. L’une des plus belles formules que je connaisse, concernant cet acte de dévouement qui consiste à transférer une grande oeuvre d’une langue à une autre, vient de mon auteur hongrois préféré, Dezsö Kosztolányi : " Le traducteur crée du faux qui est du vrai. Traduire, c’est exécuter une danse pieds et poings liés "

    à découvrir ici : http://www.larevuedesressources.org/spip.php?article307

     

    Par ailleurs, quelques sites / blogs dédiés à la traduction, liste non-exhaustive :

    Celui de Daniel Cunin, déjà évoqué plus bas, dont je recommande l'une des dernières traductions du néerlandais, Le Tant attendu d'Abdelkader Benali (Actes Sud, 2011).

    Littératures d'Extrême-Orient, textes et traduction, le blog des membres de la jeune équipe de recherche je2423 (université de Provence) et du traducteur Pierre Kaser, qui nous souhaite entre autres une bonne année du lièvre-lapin.

    Le blog d'Eric Boury, traducteur de l'islandais.

     

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  • Palpitant roman-feuilleton...

    dcunin.jpg...à propos du poème The Unseen, de Sarah Teasdale, et de ses nombreuses traductions / adaptations / transpositions... à découvrir en détail sur l'excellent blog de Daniel Cunin, traducteur du néerlandais – blog consacré aux Flandres et aux Pays-Bas à travers leurs écrivains.

    http://flandres-hollande.hautetfort.com/

     

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  • Lecture d'été - 2

    cette-guepe-me-regarde-de-travers.jpgCette guêpe me regarde de travers
    Poèmes en deux langues d’Oscar Mandel
    Éditions Bruno Doucey, Collection L’autre langue, 2010

    Oscar Mandel, né en Belgique en 1926, partage son temps entre Los Angeles et Paris et écrit librement en deux langues. Voilà pourquoi les poèmes en français en regard de chacun des poèmes en anglais (et vice-versa) ne sont nullement des traductions mais des variations qui « ne font que happer le moment », précise l’auteur, pour qui « chaque poème se veut molécule libre, et libre de se cogner contre une autre ». Au lecteur de tracer son chemin, donc, dans ce recueil dont la facétie n’est souvent qu’un leurre permettant de désamorcer temporairement des pensées intenses et des questionnements lucides, sans concession, comme dans le poème intitulé « Do not place your trust in babies » (« Méfie-toi des bébés ») :

    Do not place your trust in babies:

    Himmler was one.


    Ami, méfie-toi des bébés.

    Himmler en fut un.


    http://www.editions-brunodoucey.com/

    http://oscarmandel.com/

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  • En librairie

    sherl2.jpg

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    (Merci à la photographe !)

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  • Sanguine

    sanguine.jpgSanguine
    de Cynthia Leitich Smith, traduction Blandine Longre
    Editions Intervista, parution octobre 2009

    Austin, Texas. Depuis la mort de ses parents, Quincie, lycéenne de 17 ans, gère le restaurant familial avec l’aide de son oncle. L’affaire périclitant, celui-ci lance l’idée d’un établissement thématique : Sanguini’s, un restaurant vampirique ! Quand le chef cuisinier est assassiné, tout bascule. Kieren, l’ami d’enfance de Quincie, est soupçonné. Entre thriller gothique et quête amoureuse, entre rire et terreur, sexe et sentiments, fantastique et réalité, SANGUINE est un roman fascinant qui porte à l’incandescence de façon très originale ce nouveau phénomène littéraire qu’est la « bit-lit » (la littérature qui mord) dont Twilight de Stephenie Meyer est le représentant romantique. Quincie, la narratrice, est une adolescente de son temps, résolument transgressive, pas du tout éthérée, une battante avec son franc-parler et ses désirs explicites. Le ton du roman est… mordant et débridé, volontiers ironique. SANGUINE aborde, sans pruderie mais sans vulgarité, la sexualité inhérente au thème du vampire, c’est-à-dire la part d’animalité qui est en nous. Il est d’une grande finesse dans l’analyse du processus ambigu de fascination-répulsion qui s’installe entre les proies et les prédateurs, les bourreaux et les victimes. Un roman résolument « young adults », pour grands ados de notre époque et pour adultes, qui séduira un très large lectorat.
    Titre original : Tantalize, paru aux USA en 2007


    Cynthia Leitich Smith, journaliste et écrivain, amérindienne de la tribu des Creeks, vit à Austin, Texas. Elle a publié de nombreux romans pour la jeunesse, des albums ainsi que des nouvelles, et se montre très active dans ce domaine (rep o rtages, articles, interventions, ateliers d’écriture, etc.). SANGUINE, son premier roman pour grands adolescents, a été très bien accueilli aux USA, certains l’ont surnommée « The Anne Rice for teen readers. »

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  • Les Démoniaques

    demoniaques.jpg

    Les Démoniaques - Tome 1 - La Nuit des Ombres
    Simon Holt , Blandine Longre (traduction)
    Hachette Jeunesse, Collection Hors-série roman, septembre 2009

    4e de couv.
    Lorsque Margot découvre dans la librairie où elle travaille un vieux journal manuscrit intitulé "Les Démoniaques", elle est loin de prendre ce livre au sérieux. Avec son meilleur ami, Alex, fan comme elle de films d'horreur, ils décident alors d'invoquer les créatures infernales mentionnées dans le journal : des Vores, qui semblent pouvoir investir les corps de ceux qui ont peur et dont les âmes sont alors rejetées dans les limbes. Margot et Alex, sûrs de ne pas se laisser prendre, procèdent au rituel. Mais Henry, le petit frère de Margot qui se trouve à l'étage de leur maison, lui, a très peur
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  • Conan Doyle

    sherlockholmes.jpgL'aventure du ruban moucheté
    d'Arthur Conan Doyle - nouvelle traduction
    Christel Espié (Illustrateur) , Blandine Longre (Traducteur)
    Album - Broché
    éditions Sarbacane, octobre 2009

    4e de couv

    Une jeune femme affolée réveille à l’aube Sherlock Holmes et son ami Watson : sa sœur a péri brutalement dans des circonstances inexpliquées, tandis que son beau-père, homme violent et irascible, l’effraie de plus en plus… De Baker Street aux brumes de la campagne anglaise, une aventure du célèbre détective à l’atmosphère  ultra-britannique, illustrée de superbes peintures grand format.

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  • RectoVerso, revue

    rectoverso4.gifLa revue Recto/Verso est un espace de travail et d’échange autour de l’étude de la création littéraire et artistique. Dévouée à la jeune recherche internationale dans l’étude de la genèse des œuvres et des manuscrits d’écrivains, dans différents domaines littéraires, linguistiques et artistiques, Recto/Verso est une revue interdisciplinaire et quadrilingue. Elle publie des articles en anglais, français, espagnol et italien et se compose de cinq rubriques - « Cahiers de genèse », « Rendez vous », « Passerelles », « Marges » et « Apprentissages ».

    Le numéro 4 vient de paraître, intitulé "Mauvais genres".

    Le sommaire 

    "Du roman noir à la littérature de jeunesse, de la science-fiction au roman sentimental ou policier, cette littérature, pour faire l’objet, depuis de nombreuses années, d’études scientifiques, reste prise dans le spectre du genre à contraintes. Souvent abordée sous l’angle exclusif du procédural ou de l’archétypal, elle peine à s’extraire, malgré la diversité de ses réalisations, du carcan des mauvais genres, ceux-là même qu’on fréquente sans (trop) le dire, et qu’on hésiterait en principe à interroger dans le cadre d’une recherche génétique. (...) Au cœur de ce numéro, l’importance prise par la réflexion théorique de la section « Passerelles » met justement en lumière la question de la valeur. Quels sont les codes socioculturels et historiques, les implicites qui entravent la pleine jouissance de cette littérature ? Alors même que seul le plaisir de la lecture semblerait à même de sauver ces mauvais genres, il apparaît que sous la contrainte, la liberté de la création sourde, comme une évidence plus éclatante encore d’avoir été longtemps contenue – sinon retenue. À ce titre, l’entretien avec Blandine Longre permet de mesurer, du côté de l’auteur, cette évidence de la création en littérature jeunesse, là où il serait trop facile de ne voir que la mise en œuvre d’un cahier des charges plus ou moins invariant." (Editorial, Guillaume Bellon)

    http://www.revuerectoverso.com/

     

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  • D'une langue à l'autre

    tingo3.jpgJe découvre, via http://jelct.blogspot.com/2008/11/kmutonla-et-cetera.html, une excellente initiative intitulée "le Dictionnaire des Intraduisibles", mise en place par la Bulac. L'occasion de reparler de deux ouvrages qui se penchent sur les mots français et de nombreux autres.

    Tingo, Drôles de mots, drôles de mondes, d'Adam Jacot de Boinod, traduit de l’anglais par Jean-Baptiste Dupin - 10-18, 2007

    Les mots Oiseaux de Marie Treps, illustrations Gwen Keraval - Le Sorbier, 2007

    Adam Jacot de Boinod, un amoureux des langues, a répertorié et classé des dizaines de mots appartenant à une centaine d’idiomes plus ou moins connues chez nous (de l’anglais au japonais, en passant par le persan, le maori, le pachto, le tulu…). Des mots amusants ou surprenants, qui recouvrent souvent diverses réalités culturelles, ou bien l’universalité de l’expérience humaine.
    Cet ouvrage d’ethnolinguistique, de prime abord léger et divertissant, est malgré tout le résultat de recherches longues et fouillées (plus de 200 dictionnaires consultés) ; sans pourtant céder à la simplification, l’auteur a su mettre son érudition au service du plus grand nombre en vulgarisant le jargon linguistique, et aborde divers domaines de la vie quotidienne (de l’alimentation à l’amour, des expressions animales à la météo…). On remarque que certaines langues font preuve d’un sens de l’économie étonnant, un terme très court pouvant exprimer une situation ou une idée pour laquelle aucun équivalent n’existe dans les autres langues. Ainsi, que signifie le fameux « tingo » du titre en rapanui (langue de l’île de Pâques) ? («Emprunter une à une les affaires d’un ami jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien chez lui. ») Même chose pour «rujuk », verbe indonésien (« se remarier avec une femme dont on a divorcé»), pour « ilunga », un mot tchiluba, langue africaine (« personne prête à pardonner n’importe quelle offense la première fois, à la tolérer une deuxième fois, mais jamais une troisième »…) L’auteur recense par ailleurs un grand nombre d’expressions figées, montrant que les métaphores varient avec la géographie. Un panorama qui témoigne en tout cas de l'indéniable richesse et de la diversité des langages humains.

    motsoiseaux.jpgIl en est de même avec Les mots Oiseaux, de Marie Treps (linguiste, attachée au Laboratoire d’anthropologie urbaine au CNRS) ; un ouvrage illustré avec finesse et humour par Gwen Keraval, certes d’abord destiné à de jeunes lecteurs (à partir de 8-9 ans), mais que les adultes auront plaisir à découvrir et feuilleter. Cet abécédaire des mots français venus d’ailleurs part du principe que « les mots sont des oiseaux », qu’ils « ignorent les frontières » et « nous relient à d’autres gens ». Le lecteur comprend comment, à travers les multiples exemples recensés par l’auteure, la langue n’est pas un matériau fixe, mais est en perpétuelle évolution, au fil de l’histoire et des échanges entre les peuples (d’où la nécessité de fuir les puristes ou censeurs qui aimeraient momifier le français). On apprendra ainsi d’où viennent des termes aussi banals que « cauchemar », « toboggan », « matelas », « caramel » ou « ballon »…

    (B. Longre)

     

    Toujours du côté de la traduction, je recommande un article fort instructif publié par Emmanuel Pallier : "Satané fucking", où l'on comprend que le terme en question n'est pas si simple à traduire...

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  • Fast speaking woman

    waldman.jpgI’m a bird woman

    I’m a book woman

    I’m a devilish clown woman

    I’m a holy-clown woman

    I’m a whirling-dervish woman

    I’m a playful-light woman

    I’m a tidal-pool woman

    I’m a fast speaking woman

     (…)

    I’m the camouflaged woman

    I’m the assuaged woman

    I’m the ravenous woman

    I’m the Kali Yuga woman

    high-pitched woman

    not a trifling woman

    hissing woman

     

    I’m the woman with the guns

    I’m the woman with tomes

    I’m the book woman

    I’m the stolen book woman.

     

    Anne Waldman, Fast speaking woman
    Bilingue, anglais-français, Traductions de Marianne Costa, Pierre Guéry, Frédérique Longrée et Olivier Dombret.
    Editions Maelstrom, 2008

     

    Première édition en français de textes de la poétesse américaine Anne Waldman.
     

    http://www.maelstromeditions.com/

     

    http://www.electriques.ca/filles/artistes.f/w/waldman_an.php

     

    http://www.poetspath.com/waldman.html

     

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  • La peau et le cœur des livres

    alzamora3.jpgIl y a des livres qu’on a envie de défendre davantage que d’autres, ne serait-ce que pour pallier leur (inexplicable) invisibilité médiatique. C'est le cas de La Fleur de peau, premier roman de l'auteur catalan Sébastià Alzamora à avoir été traduit en français.
    On peut aussi lire l'article ci-dessous sur www.sitartmag.com/alzamora.htm , accompagné des regards croisés de l'auteur et de la traductrice. J'avais d'abord suggéré à Cathy Ytak de répondre à quelques questions à propos de ce roman ; ce qu'elle a accepté, me proposant ensuite de recueillir le témoignage de Sébastià Alzamora. Je les remercie tous deux de cette contribution.

     

     

     

    La Fleur de peau de Sébastià Alzamora
    traduit du catalan par Cathy Ytak - Métailié, 2007

     

    La peau et le cœur des livres

    « Il est important que nous les laissions nous protéger, il est très important que notre peau mortelle se laisse imprégner par ce qu’il y a d’éternel dans la peau des livres. »

    Quels liens complexes et incertains peuvent s’échafauder entre Puppa, un vieil homme énigmatique, ancien héros devenu relieur, un tailleur de pierre unijambiste, une religieuse versée dans les livres, une gitane ensorcelante qui cherche un « progéniteur », une princesse, « personnification de la beauté pure », une reine nymphomane, un rabbin célèbre pour avoir accompli l’impensable ? Entre le treizième chant de l’Odyssée, les rivalités religieuses et les sombres manœuvres politiques qui agitent la ville de Prague à la veille de la guerre de Trente ans ? Au lecteur de démêler peu à peu cet enchevêtrement fascinant, proprement irracontable, à la limite du conte et de la mascarade théâtrale, oscillant entre fantasmagorie et onirisme, tout en se laissant porter par l’épopée de Puppa, récit qui nous est rapporté par un autre conteur, installé dans une taverne un soir de tempête...

    alzamora5.jpgDes cadres narratifs en apparence circonscrits, que l’auteur n’hésite pourtant pas à faire exploser tout en dévoilant les ficelles retorses de son récit premier : une façon de mieux nous déstabiliser encore, de semer le trouble dans nos esprits échauffés par la multiplicité d’émotions, de symétries et de questions qui nous assaillent, au fil des péripéties rocambolesques, invraisemblables, narrées dans une langue lyrique et sophistiquée. Ces pertes de repères successives s’accompagnent d’un bouleversement spatio-temporel vertigineux, comme si ces frontières devaient être une bonne fois pour toutes abolies afin que l'on puisse goûter pleinement aux histoires enchâssées qui composent ce roman étonnant et vivre ses aventures avec Puppa : « Je me souviens de cette suite de jours naissants comme d’un tout, » dit-il, se remémorant une année passée dans le Château de Prague, « comme s’il s’agissait d’un seul et même jour renaissant encore et encore, inexorablement, de manière inaltérable, un jour têtu et rebelle, réfractaire aux strictes coordinations de l’espace et du temps tels que nous les concevons par l’habitude d’une logique imposée. »

    Au cœur de cette prose étincelante et imprévisible, riche en métaphores et en symboles, demeure l’idée qu’un roman forme un tout inaltérable, obéit à une logique qui lui est propre, au-delà de tout référent réel, et que pour goûter à la fiction, il faut accepter qu’un début contienne déjà la fin, et vice-versa. Aussi, et c’est là que réside tout son art, Sébastià Alzamora parvient à nous divertir, à donner corps à des personnages et à des événements inoubliables, tout en élaborant, sans jamais passer par la voie de l’essai didactique, une véritable philosophie de la fiction, multipliant les approches et les définitions possibles, laissant la voie ouverte à de nombreuses interprétations. (B. Longre, sept. 2008)

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  • Bourdes et autres maladresses...

    1906370210.jpgJe n'ai pas lu Millénium, la désormais célèbre trilogie de feu Stieg Larsson - d'autres l'ont fait (par milliers) et l'un d'eux s'est amusé à relever les erreurs en tout genre qui émaillent la traduction. Enumération certes cruelle pour les traducteurs (toute traduction étant perfectible, en particulier quand les délais sont serrés), mais non moins justifiée dans ce cas, au vu des perles que Jacques Drillon rapporte ici.

    Incontournable, Millénium ? Il semblerait que non... ou bien seulement si l'on a du temps à perdre et envie de lire par soi-même des calques, des pléonasmes, des traductions mot à mot ; ainsi, les énormités du style :  «Elle doit être brûlée au feu», «Harriet Vanger a ressuscité de la mort», «La police aurait tâtonné à l'aveuglette», «Lisbeth n'est pas du genre à se rendre de son plein gré»,  «La seule chose positive avec cette photo était qu'elle y était si méconnaissable que peu de gens la reconnaîtraient». Ou encore, pour terminer ce florilège (extrait de l'article en lien) : «Camilla avait été pleine de réussite à l'école», «Nous vous demanderons quel type d'image vous paraît attirant en vous montrant plusieurs alternatifs» (???)

    On aura beau tenter de me convaincre de la qualité des trois romans, je reste dubitative - à moins que la qualité langagière d'un polar soit moins importante que celle des "vrais" romans... ? Alors attendons peut-être la parution en poche, comme le suggèrent certains, en espérant que des relectures la précèderont.

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  • Néologisme, équivalents

    Je découvre un glossaire en ligne fort instructif, mis en place par le ministère de la culture, dont l'objectif est de proposer des termes équivalents qui remplaceraient les anglicismes ou les emprunts que nous employons en français... rien d'obligatoire, donc, mais le site décline une suite de "recommandations" terminologiques présentées thématiquement, que nous sommes encouragés à faire entrer dans l'usage...

     http://franceterme.culture.fr/FranceTerme/

    Au-delà de la volonté politique qui sous-tend une telle initiative (du genre "rendons le français aux français !"), on peut reconnaître que certains anglicismes sont agaçants au quotidien (tel l'emploi erroné du verbe "réaliser" au lieu de "prendre conscience de") et que d'autres sont nécessaires - dans les cas où il n'existe aucun équivalent satisfaisant dans notre langue. Certaines recommandations sont de bon sens, mais d'autres me gênent... ou plutôt, c'est le fait de systématiser et d'ériger des principes immuables (1 terme anglais = 1 terme français) dans un domaine par nature mouvant et fluctuant (le langage) qui me dérange ici.

    Car avant d'accuser la langue de Shakespeare de tous les maux, il faut savoir que l'anglais est une langue tout sauf chauviniste, qui a toujours accueilli et intégré les mots venus d'ailleurs, sans que personne s'en offusque. Ajoutons que sa capacité à se renouveler et à évoluer en empruntant aux autres langues, depuis des siècles (chose qui fait tant horreur aux puristes français qui voudraient voir leur langue se figer pour l'éternité) explique en partie pourquoi elle est, du point de vue lexical, l'une des plus riches au monde...

    J'apprécie le point de vue d'Anthony Lodge, linguiste spécialisé du français, qui remet un peu les pendules à l'heure en expliquant :  "Le français est-il en train d'être submergé par les mots anglais ? Ce n'est pas le cas. Les Français continuent à parler français. Ajoutons aussi que même si le pourcentage de mots anglais arrivant en France était de 40%, il n'y aurait pas autant de mots anglais en français que de mots français en anglais. L'arrivée en masse de mots étrangers ne veut pas dire la fin d'une langue. Vous n'avez qu'à examiner l'histoire de la langue anglaise : au Moyen-âge, en Angleterre, le français était la langue dominante, avec le latin ; la langue de la masse de la population était une langue méprisée. Toutes les personnes importantes parlaient français, puis, au cours du Moyen-âge, le français a été remplacé par l'anglais comme langue dominante. Cependant, la montée de l'anglais s'est faite seulement en empruntant massivement des mots au français, ce qui fait que l'anglais que nous parlons est un anglais absolument inondé de mots français. C'est une langue mixte, hybride, et mixité ou hybridité ne veulent pas dire déperdition, disparition d'une langue. "

    Bref. Revenons à notre fameux glossaire. Et à titre d'exemple, au hasard (!) consultons le terme « fantasy » (en tant que genre littéraire) que l'on nous recommande de bannir et de remplacer par... "fantaisie". Il suffit de changer deux lettres et d'en ajouter une pour avoir un mot bien de chez nous, qui sonne enfin "français" (dire que cette proposition révolutionnaire a eu droit à une parution au Journal Officiel du 23 décembre 2007)... sauf que dans ce cas précis, le terme "fantasy" (Genre situé à la croisée du merveilleux et du fantastique, qui prend ses sources dans l'histoire, les mythes, les contes et la science-fiction) perd en partie son sens... et les risques de confusion (et de faux-sens) sont grands.

    Quant à la "mercatique" cela fait quelques décennies qu'on nous le ressort régulièrement, en pure perte... (avez-vous déjà croisé un "directeur de la mercatique" ?) Dans ce cas précis, rien ne s'oppose à ce néologisme... mais qui l'emploie ? Même chose pour "autocaravane" (un... camping-car ?!) Dans le domaine informatique, plus amusant, je découvre entre autres que le "spamming" devient de "l'arrosage", le "hacker" est un "fouineur" et que le "smiley" se transforme en "frimousse"... ! En revanche, "réalité de synthèse" pour "virtual reality" est un peu tiré par les cheveux et sent le jeu de mots.

     

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  • Des traducteurs réagissent...

    691157571.jpg...suite à l'article publié dans Le Monde du 21 février dernier, intitulé "Pierre-Emmanuel Dauzat : "Tout n'est pas avouable dans une vie de traducteur", dans lequel le traducteur en question affirme : "La plupart de mes contrats, je les ai signés sans connaître le moins du monde la langue que j'allais traduire." De même, selon le journaliste, PE Dauzat aurait traduit des ouvrages (300 ?) "dans une quinzaine de langues : l'anglais, l'allemand et l'italien ("les trois langues dont je vis"), mais aussi l'espagnol, le russe, le suédois, le serbo-croate, le latin et le grec (ancien et moderne). Sans oublier l'hébreu biblique, le yiddish, l'ourdou et l'indonésien..."

    Fiction ou véritable prodige ? La question vaut la peine d'être posée (surtout quand le traducteur dit pondre entre 20 et 40 feuillets par... jour !) Il reste que plusieurs traducteurs littéraires ont réagi à ces propos surréalistes (ou en tout cas passablement exagérés) qui faussent l'image que l'on peut se faire du métier.

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  • Traduire = négocier

    Le site Non-Fiction publie un article portant sur Dire presque la même chose, expériences de traduction d'Umberto Eco (Grasset)

    "C’est pourquoi le traducteur négocie en permanence. Eco développe cette comparaison tout au long de l’ouvrage. Négocier, cela implique d’évaluer les pertes et les compensations, de distinguer les pertes absolues – les cas où il est impossible de traduire –  des pertes par accord entre les parties. Lorsqu’il n’y a pas de synonyme exact d’un mot dans la langue de traduction (et c’est le cas le plus souvent), le traducteur négocie les propriétés du mot original qui lui paraissent pertinentes – par rapport au contexte et aux objectifs que le texte s’était fixés." (François THOMAS)

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  • La perte et le gain

    À lire sur Nuage-9 une petite explication de traductologie très instructive... ou comment passer du français au bengali.

    (Ne pas manquer de lire les autres articles de Sumana sur la traduction poétique.)

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  • Deux traductions, deux visions…

    Ce qui va suivre risque d'en ennuyer quelques-uns, mais l'exercice m'amuse... Prenons l'extrait d'un poème "profane" de John Donne (1572-1631), intitulé The Flea (la Puce), composé dans les années 1590.

    Marke but this flea, and marke in this,
    How little that which thou deny'st me is;
    Me it suck'd first, and now sucks thee,
    And in this flea our two bloods mingled bee;
    Confesse it, this cannot be said
    A sinne, or shame, or losse of maidenhead,
    Yet this enjoyes before it wooe,
    And pamper'd swells with one blood made of two,
    And this, alas, is more than wee would doe.

    6d52f21531584d283a6c64d38a8d2834.jpgDans ce texte célèbre, le narrateur s’efforce de persuader sa presque amante de perdre sa virginité en sa compagnie ; il use pour cela d’un argument très astucieux, développé tout au long du poème, que lui inspire la présence d’une puce qui vient de les piquer ! Un poème de séduction ancré dans le réel, d'un genre nouveau à l'époque.

    Voici deux traductions françaises, composées à plus de quarante ans d’écart… (j'ai inséré les vers anglais pour faciliter les comparaisons) La première est certes plus élégante, plus raffinée (plus décorative ?), on trouve des rimes, comme dans l'original, et le nombre de pieds est dans l'ensemble respecté (approximativement). Mais le traducteur a tendance à étoffer l'original ("bagatelle" pour "little", "infamie" pour "sinne" - le péché). La seconde est à mon avis plus limpide, plus proche du texte source, reproduisant de façon plus satisfaisante, je crois, son apparente spontanéité et ses sous-entendus, tout en conservant ses complexités...

    Marke but this flea, and marke in this,
    Vois cette puce, et vois par elle
    How little that which thou deny'st me is;

    Que tu te fais prier pour une bagatelle ;
    Me it suck'd first, and now sucks thee,

    Nous ayant tour à tour piqués
    And in this flea our two bloods mingled bee;

    Elle tient nos deux sangs en elle conjugués
    Confesse it, this cannot be said
    Tu ne peux parler d’infamie,
    A sinne, or shame, or losse of maidenhead,
    De déshonneur ou de virginité ravie
    Yet this enjoyes before it wooe,
    Bien que sans cour elle ait joui
    And pamper'd swells with one blood made of two,

    Et se gonfle, gorge à nos deux sangs réunis :
    And this, alas, is more than wee would doe.

    C’est pourtant plus, hélas, qu’il ne nous est permis !

    (traduction de Jean Fuzier, Gallimard , 1962)

     

    Marke but this flea, and marke in this,
    Observe cette puce, et, ce faisant, observe
    How little that which thou deny'st me is;
    À quel point est bien peu ce que tu me refuses ;
    Me it suck'd first, and now sucks thee,
    M’ayant d’abord piqué, voici qu’elle te pique,
    And in this flea our two bloods mingled bee;

    En cette puce donc nos deux sangs sont mêlés ;
    Confesse it, this cannot be said
    Qu’il n’y a en cela ni honte ni péché,
    A sinne, or shame, or losse of maidenhead,
    Tu le sais, ni non plus virginité perdue
    Yet this enjoyes before it wooe,
    Pourtant elle jouit sans avoir fait sa cour,
    And pamper'd swells with one blood made of two,
    Et, d’un sang fait de deux gorges, elle se gonfle
    And this, alas, is more than wee would doe.
    Ce qui est plus, hélas, que nous ne saurions faire.

    (traduction de Bernard Pautrat – Rivages Poche, 2006)

    Pour plus d’informations sur John Donne http://www.luminarium.org/sevenlit/donne/

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  • La bataille des langues

    f266c89973b4d0c32ce194e240f3bc90.jpg"Il faut être naïf ou ignorant pour ne voir dans une langue vivante qu’un outil de communication, comme le sont les langues artificielles. Au-delà des barrières sociales, et comme le démontrent d’innombrables travaux de neurophysiologistes et de psychologues, elle ne se réduit pas à un simple code pour l’échange d’informations, mais elle constitue le creuset même de l’identité de chacun."

    Le dernier numéro de Manière de voir, publié par le Monde Diplomatique, est consacré aux langues - rapports de force, domination linguistique, multilinguisme, francophonie, fonction politique, etc.

    Sommaire complet et édito.

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  • Traduire = trahir ? La genèse.

    Bernard Cohen, traducteur littéraire et écrivain, nous fait part de ses recherches sur l'origine de l'amalgame "traduttore- traditore" (qu'il qualifie d'injuste...), une expression qui ne serait peut-être pas, en fin de compte, italienne... Il conclut par ces mots : "La traduction comme subversion: voilà qui ouvre des horizons autrement plus excitants que ce bon vieux «traduttore-traditore», dont l'incroyable «success-story» provient sans doute en majeure partie de sa remarquable euphonie... "

    C'est ici.

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  • Un peu de slang

    Le site www.urbandictionary.com se définit comme "a slang dictionary with your definitions."

    Un dictionnaire unilingue d'argot construit par les internautes, qui proposent des termes nouveaux et leurs définitions, dans la mouvance de wikipedia. On se doute que la plupart de ces mots (des termes existants prenant un sens nouveau ou des néologismes), en lien avec des modes et des passades, n'entreront peut-être jamais dans des dictionnaires institutionnalisés - il n'empêche qu'ils sont employés dans la langue orale (impossible, en revanche, de savoir combien de locuteurs en font usage, ou de connaître l'étendue géographique de leur emploi) et, au moins, témoignent de la flexibilité, de l'économie et de la richesse lexicale de la langue anglaise.

    Bref, je suis abonnée depuis quelque temps et reçois chaque jour un nouveau terme - avec exemples à l'appui - dans ma boîte mail ; il y a de tout et de n'importe quoi, mais certains m'amusent pour leur inventivité. Il reste à leur trouver, éventuellement, des équivalents français...

     

    post-Potter depression - The empty feeling that comes from finishing the seventh book in the Harry Potter series and realizing there will be no more. (Le sentiment de vide éprouvé par le lecteur qui vient d'achever le tome 7 de Harry potter et se rend compte qu'il n'y en aura pas de 8e.)

    nillionaire - Person without any money of their own = fauché. Un condensé de "millionaire" et de "nil" (nul, zéro) "Everything's in his wife's name, he's just a nillionaire."

    Hallowthanksmas - The period of time starting in late October and ending on New Year's Eve, so named for the commercial tendency to put up Christmas displays before Halloween (Les trois mois qui vont de Halloween à Noël, en passant par Thanksgiving) "Once October comes, we have to celebrate hallowthanksmas for 3 months!"

    compunicate - When you are in the same room with someone, each on seperate computers, and you talk via Instant Messenger instead of speaking to them out loud, in person. (agrégat de "communicate" et de "computer" -  communiquer uniquement via messagerie instantanée, alors que son interlocuteur se trouve dans la même pièce...) "Even though they are sitting right next to each other, Jesse and Justin only compunicate when they have to tell each other something."

    voluntold - The exact opposite of volunteering. Always used in reference to an unpleasant task to which you have been assigned by your boss. (amalgame de "volunteer" et du participe passé "told" - "désigné volontaire")

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  • Robert brunissant

    "ELIZABETH BARRETT BRUNISSANT (Z8O6-r861) le poèt anglais, épouse du poèt Robert brunissant, a été soutenu probablement chez Coxhoe Hall, Durham, pour ceci était la maison de son père et mère pendant un certain temps après leur mariage en 1805 . Son registre baptismal donne la date de sa naissance comme le 6ème et cela d'elle baptisant en tant que peu disposé de février 18o8."

    Instructif, pas vrai ? Traduction (automatique, on l'aura compris) trouvée ici (l'article en question est censé parler de la poétesse Elizabeth Barrett Browning...)
    "Encyclopédie En ligne, Recherchez plus de 40.000 articles de l'encyclopédie originale et classique Britannica, la 11ème édition.", nous dit-on... On va se précipiter...

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  • Amourons-nous

     En écho à la note précédente...

    68774185523c58bb52b86292d64f3a9e.jpgAmourons-nous de Geert De Kockere et Sabien Clement
    traduit du néerlandais par Daniel Cunin
    Editions du Rouergue, DoAdo Image, 2007 (réédition)

     

    La syntaxe des corps
    « Quand je et tu ne font pas nous, Les cinq sens n’ont plus de sens. »

    De même qu’une large part des albums de bande dessinée ne sont pas destinés à la jeunesse, l’album illustré n’est pas forcément un medium réservé aux plus jeunes lecteurs. En effet, ce bel ouvrage poétique, tendre et facétieux, qui traite en toute liberté de l’amour physique et des relations entre deux corps amoureux qui se sont découverts et ont appris à se connaître n’est pas à strictement parler un « album pour la jeunesse » et pose évidemment la question du destinataire ; c’est en réalité un album tout court, chose suffisamment rare pour être soulignée, publié dans une collection dite « ado » : le destinataire reste donc flou et fluctuant, ce qui rend la tâche d’indiquer un âge exact quasiment impossible… Certains diront « à partir de 15 ans », d’autres 13, d’autres encore penseront que rien ici ne peut heurter la sensibilité d’un enfant – même si la trame narrative risque fort de ne pas interpeller les plus jeunes ou de ne pas répondre à leur horizon d’attente.

    De courts poèmes de Geert De Kockere complètent les étonnantes illustrations de Sabien Clement, jeune illustratrice flamande, des dessins déstructurés qui débordent du cadre des pages et emplissent l’espace, tout en laissant suffisamment de place au texte pour se déployer et les accompagner très harmonieusement. Les mots sont ici en symbiose avec les scènes amoureuses, à l’instar des corps qui se mêlent et s’emmêlent, s’allongent et se retournent, changent allègrement de position, se combinent et se conjuguent.

    « On fait l’amour / Comme les mots font la langue », écrit l’auteur : l’exploration langagière coïncide naturellement avec l’exploration du corps de l’autre, quand volupté et désirs sont inséparables des sentiments, quand l’amour et l’érotisme riment aussi avec humour :


    « Tête en bas
    Ne sois pas si tête en l’air
    Et saisis le sens de tout
    Même si tout est sens dessus dessous. »

     

    Pas de grands vers lyriques ou romantiques racontant d’impossibles amours ou célébrant l’inaccessibilité de l’être aimé dans ce recueil (même si l’autre demeure quoi qu’il en soit un merveilleux mystère et un éternel puzzle qu’on ne se lasse pas d’essayer de décrypter), mais une poésie accessible, sereine et légère, très suggestive et sans tabou, qui fête au contraire la joie de se trouver avec le partenaire que l’on a choisi, de pouvoir goûter à deux aux plaisirs des corps et des émotions, et d’apprécier la durabilité et la richesse de cette relation. Un ouvrage à lire et à relire, seul ou en duo, et dont il faut souligner l’originalité, tant dans la démarche que dans le style graphique déstructuré ; un album résolument libertin qui se démarque de la froideur des «manuels» d’éducation sexuelle (certes utiles, mais qui ont leurs limites) en proposant une approche esthétique et émotionnelle susceptible de toucher davantage le lecteur adolescent, et ce en déculpabilisant le rapport au corps, tout en insistant sur la seule vertu qui soit : l’amour. A mettre en tout cas entre toutes les mains adultes ou suffisamment matures (quel que soit l’âge en définitive) pour apprécier l’ensemble à sa juste valeur…
    Blandine Longre (mars 2007)

    http://www.lerouergue.com/

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  • Traduire, c'est d'abord lire...

    120c185e5f358f6f77fbdea3adc3b69f.jpgLe dernier n° de la revue Citrouille propose un intéressant dossier intitulé D'une langue à l'autre. Parmi d'autres articles consacrés à la traduction, Madeline Roth, de la librairie L’Eau Vive, s'entretient avec Daniel Cunin, traducteur de littérature néerlandaise.

    Quelques extraits :

    " Traduire, c’est d’abord lire. Pour traduire, il faut être un bon lecteur, et maîtriser sa langue maternelle à l’écrit - puisqu’un traducteur traduit par principe une langue étrangère dans sa propre langue. Ensuite, il y a tout un travail d’écriture. Les écoles de traduction enseignent souvent et la traduction et l’interprétariat, mais il s’agit de deux métiers bien différents : un très bon interprète n’est pas forcément quelqu’un qui excelle à écrire dans sa langue maternelle. Chez moi, la tentation de la traduction est venue naturellement à partir du moment où j’ai eu envie de partager certains textes néerlandais avec des amis français. (...) Traduire me permet de concilier mes deux passions : la lecture et l’écriture, et d’en vivre, certes sans rouler sur l’or."

    " Un traducteur est quelqu’un qui écrit, mais il n’a ni le souci de la page blanche - que n’a pas, je pense, le véritable écrivain-, ni le souci de créer à partir de rien. Quelqu’un a emprunté le chemin avant lui. Son travail ne consiste pas pour autant à simplement restituer plus ou moins correctement un texte ; l’essentiel à mon sens est d’obtenir en français un texte vivant, un texte qui dise ce que dit le texte original. La traduction n’affecte en rien l’original, puisque celui-ci continue son existence propre. (...) Il faut accepter que la traduction vive une vie autonome."

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