“So loveliness reigned and stillness reigned, and together made the shape of loveliness itself, a form from which life had parted; solitary like a pool at evening, far distant, seen from a train window, vanishing so quickly that the pool, pale in the evening, is scarcely robbed of its solitude, though once seen. Stillness and loveliness clasped hands in the bedroom; among the shrouded jugs and sheeted chairs, even the praying of the wind, the soft nose of the clammy sea airs, rubbing, snuffling, iterating and reiterating their questions – “Will you fade? Will you perish?” scarcely disturbed the peace, the indifference, this air of integrity, where there is no compromise, truth were there undraped, as if the question they asked needed no answering: we remain.”
(Time Passes, Virginia Woolf, 1926)
« Ainsi la beauté régnait et la quiétude régnait, et ensemble composaient la forme de la beauté même, forme dont la vie s’était séparée ; solitaire comme un étang dans le soir, au lointain, qu’on voit depuis la fenêtre d’un train, si vite évanoui que l’étang, pâle dans le soir, est à peine privé de sa solitude, quoiqu’aperçu une fois. La quiétude et la beauté liaient leurs mains dans la chambre ; parmi les pots sous leur linceul et les chaises sous leur housse, même la prière du vent, le nez délicat des souffles moites de la mer, frottant, reniflant, énonçant et répétant leurs questions – « te faneras-tu, périras-tu ? » troublaient à peine la paix, l’indifférence, l’air d’intégrité, où n’existe nul compromis, où la vérité était dévoilée, comme si à la question qu’ils posaient on n’avait nul besoin de répondre : nous demeurons. »
(Le temps passe, traduit de l’anglais par Charles Mauron - édition bilingue, postface de James M. Haule - Le Bruit du Temps, 2010)
Documents en ligne : http://www.woolfonline.com/?q=image/tid/9

Cette guêpe me regarde de travers






L'aventure du ruban moucheté
Je découvre, via
Il en est de même avec Les mots Oiseaux, de Marie Treps (linguiste, attachée au Laboratoire d’anthropologie urbaine au CNRS) ; un ouvrage illustré avec finesse et humour par Gwen Keraval, certes d’abord destiné à de jeunes lecteurs (à partir de 8-9 ans), mais que les adultes auront plaisir à découvrir et feuilleter. Cet abécédaire des mots français venus d’ailleurs part du principe que « les mots sont des oiseaux », qu’ils « ignorent les frontières » et « nous relient à d’autres gens ». Le lecteur comprend comment, à travers les multiples exemples recensés par l’auteure, la langue n’est pas un matériau fixe, mais est en perpétuelle évolution, au fil de l’histoire et des échanges entre les peuples (d’où la nécessité de fuir les puristes ou censeurs qui aimeraient momifier le français). On apprendra ainsi d’où viennent des termes aussi banals que « cauchemar », « toboggan », « matelas », « caramel » ou « ballon »…
I’m a bird woman
Il y a des livres qu’on a envie de défendre davantage que d’autres, ne serait-ce que pour pallier leur (inexplicable) invisibilité médiatique. C'est le cas de
Des cadres narratifs en apparence circonscrits, que l’auteur n’hésite pourtant pas à faire exploser tout en dévoilant les ficelles retorses de son récit premier : une façon de mieux nous déstabiliser encore, de semer le trouble dans nos esprits échauffés par la multiplicité d’émotions, de symétries et de questions qui nous assaillent, au fil des péripéties rocambolesques, invraisemblables, narrées dans une langue lyrique et sophistiquée. Ces pertes de repères successives s’accompagnent d’un bouleversement spatio-temporel vertigineux, comme si ces frontières devaient être une bonne fois pour toutes abolies afin que l'on puisse goûter pleinement aux histoires enchâssées qui composent ce roman étonnant et vivre ses aventures avec Puppa : « Je me souviens de cette suite de jours naissants comme d’un tout, » dit-il, se remémorant une année passée dans le Château de Prague, « comme s’il s’agissait d’un seul et même jour renaissant encore et encore, inexorablement, de manière inaltérable, un jour têtu et rebelle, réfractaire aux strictes coordinations de l’espace et du temps tels que nous les concevons par l’habitude d’une logique imposée. »
Je n'ai pas lu Millénium, la désormais célèbre trilogie de feu Stieg Larsson - d'autres l'ont fait (par milliers) et l'un d'eux s'est amusé à relever les erreurs en tout genre qui émaillent la traduction. Enumération certes cruelle pour les traducteurs (toute traduction étant perfectible, en particulier quand les délais sont serrés), mais non moins justifiée dans ce cas, au vu des perles que Jacques Drillon rapporte 
Dans ce texte célèbre, le narrateur s’efforce de persuader sa presque amante de perdre sa virginité en sa compagnie ; il use pour cela d’un argument très astucieux, développé tout au long du poème, que lui inspire la présence d’une puce qui vient de les piquer ! Un poème de séduction ancré dans le réel, d'un genre nouveau à l'époque.
"Il faut être naïf ou ignorant pour ne voir dans une langue vivante qu’un outil de communication, comme le sont les langues artificielles. Au-delà des barrières sociales, et comme le démontrent d’innombrables travaux de neurophysiologistes et de psychologues, elle ne se réduit pas à un simple code pour l’échange d’informations, mais elle constitue le creuset même de l’identité de chacun."
Amourons-nous de Geert De Kockere et Sabien Clement
Le dernier n° de la revue Citrouille propose un intéressant dossier intitulé D'une langue à l'autre. Parmi d'autres articles consacrés à la traduction, Madeline Roth, de la librairie L’Eau Vive, s'entretient avec Daniel Cunin, traducteur de littérature néerlandaise.