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débat

  • Le monde en tranches

    sorciere.jpgUn débat animé se déroule en ce moment sur Citrouille, le blog des libraires jeunesse.

    Le point de départ : une tribune libre intitulée "Nous, les 9-12 ans, les oubliés de l’édition" et signée Véronique Marie Lombard de Livralire, qui laisse entendre que la "tranche" des 9-12 ans manquerait de bons livres, que les éditeurs se soucieraient davantage des très jeunes lecteurs et des + de 13 ans, laissant les 9-12 ans sans rien à lire...

    Autant j'apprécie le travail de Livralire, leurs coups de coeur, leur démarche de "passeurs", autant j'ai trouvé ce constat injustifié, car l'offre est importante dans ce domaine et les éditeurs savent se renouveler. Ainsi, Thomas Savary, en réaction, énumère quelques collections que les éditeurs ont conçues pour cette "tranche" :

    "Bayard jeunesse (collections Estampillette, Estampille, Poche Littérature), L’École des loisirs (certains Mouche, les Neuf), Gallimard jeunesse (Folio Cadet et une bonne partie des Folio Junior), Milan (cadet + et junior), Nathan (8-10 et 10-12), Oskar, Rageot (collection roman et les Heures noires à dos jaune), le Rouergue (Zig zag), Syros (Tempo, Tempo+, Souris Noire), sans oublier Thierry Magnier (certains titres de la collection Roman et les Petite poche, certes très courts, mais s’adressant au moins autant aux 9-12 ans qu’aux 7-8 ans). "

    On peut aussi ajouter Mouchoir de poche des éditions Motus, nombre de titres du Livre de poche jeunesse, Les Castor Poche de Flammarion, la nouvelle collection Chapitre du Seuil jeunesse, les romans Cadet d'Actes Sud Junior... et je dois encore en oublier.

    Difficile, dans ce cas, de saisir ce qu'entend dénoncer de son côté la tribune libre de Livralire qui dit (le "nous" représente les enfants dont V. Lombard se fait le porte-parole) : "Quand nos parents ou nos enseignants vont en librairie, quand les bibliothécaires de notre ville lisent les critiques et consultent des sites, ils ne trouvent plus de romans pour nous, alors qu’ils ont l’embarras du choix pour les ados."

    La tribune s'achève sur : "Nous, ce qu’on veut, c’est tout simplement une histoire unique, entre 100 et 150 pages, qui nous raconte le monde, qui nous parle de nous et des autres, qui nous fait rêver, rire ou pleurer, qui nous emmène loin ou tout près."

    J'ai réagi sur Citrouille, en écrivant (je n'ajoute pas de guillemets, puisque je me cite ;-) : On sait bien que le nombre de pages ne veut STRICTEMENT rien dire (pourquoi ne pas préciser la taille de la police de caractère, tant qu’on y est… ?) On peut dévorer 300 pages sans s’en rendre compte et se traîner sur 40 malheureuses et nullissimes petites pages... à n’importe quel âge - et j'ajouterai, quel que soit le degré d'autonomie du lecteur.

    Quant à la tranche d'âge évoquée, non seulement elle est surfaite et totalement subjective, mais montre qu'il reste encore à faire pour décloisonner les livres et la littérature... : un enfant de 9 ans et un autre de 12 n’ont pas des préoccupations, compétences, désirs, etc. similaires ; mais il peut aussi y avoir de grandes disparités entre deux enfants du même âge… Chaque lecteur est unique, on a l’air de l’oublier. Et à chacun de se faire son propre parcours de lecteur, avec ou sans adulte qui lui dise quoi lire et quand, selon ses envies et son degré d'autonomie. Certains dévoreront dès 8 ans, sans avoir besoin de « prescription » (médicale ?), d’autres ne commenceront qu’à 20 ans… certains iront directement voir du côté adulte ou ado, d’autres encore liront peu – et alors ?

    Certes, l'offre pour les 13 ans et plus s'est considérablement élargie ces dernières années (pourquoi s'en plaindrait-on ?), mais les plus jeunes ont aussi de quoi faire. Bien entendu, tout ne se vaut pas (mais ce constat est valable dans toutes les "catégories" éditoriales), mais pour avoir lu des dizaines d'ouvrages publiés ces temps, il me semble qu'il existe, à côté des romans formatés (c'est à dire explicitement didactique, calqués sur des moules sans saveur, dont les "morales" ou les dénouements sont là davantage pour faire plaisir aux adultes - parents, prescripteurs, etc. - qu'aux enfants), des ouvrages d'excellente facture, d'une richesse telle qu'ils seront appréciés autant des enfants que des adultes (car tout est question de niveaux de lecture, il me semble, et de leur superposition...).

    petitechance3.jpgPour ne citer que quelques lectures récentes (et je vais en oublier au passage, c'est certain) éditorialement destinés aux lecteurs de 8-11 ans mais que nombre de lecteurs plus âgés prendront plaisir à lire : Une petite chance de Marjolin Hof (traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Chapitre, Seuil jeunesse), Ma pomme d'Olivier de Solminihac (Mouche de l'école des loisirs), Tonton Zéro de Roland Fuentès (Mini Syros), Les inséparables de Colas Gutman (Neuf de l'école des loisirs), Un cow-boy dans les étoiles de Claire Mazard (Chapitre, Seuil jeunesse). Sans parler des ouvrages de fantasy, d'aventure ou d'évasion qui paraissent... et qui ne sont pas forcément moins bons ou plus méprisables que les précédents.

    Quant aux tranches d'âge indiquées sur les ouvrages par les éditeurs, elles restent des suggestions, rien d'autre. On peut prendre plaisir à lire des albums à tout âge, comme on peut aussi passer sans transition de la Bibliothèque verte à Zola... A ce sujet, je lis aussi sur Citrouille que le monde de l'édition jeunesse en Grande-Bretagne se mobilise pour éviter qu'on impose un âge minimum sur les ouvrages. Il est vrai que jusqu'à présent, les parutions britanniques échappaient à ces classifications explicites.

    Voilà le début de l'appel lancé par des écrivains, des illustrateurs, des bibliothécaires, des éditeurs et des libraires, qui revendiquent que chaque lecteur est unique, chaque livre aussi...

    " We are writers, illustrators, librarians, teachers, publishers and booksellers. Some of us have a measure of control over what appears on the covers of their books; others have less.
    But we are all agreed that the proposal to put an age-guidance figure on books for children is ill-conceived, damaging to the interests of young readers, and highly unlikely, despite the claims made by those publishers promoting the scheme, to make the slightest difference to sales.
    We take this step to disavow publicly any connection with such age-guidance figures, and to state our passionately-held conviction that everything about a book should seek to welcome readers in and not keep them out."

    http://www.notoagebanding.org/

     

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  • L'avis d'un éditeur et auteur jeunesse (et le mien...)

    Avec son accord, je reproduis ici de façon plus visible le commentaire que Jack Chaboud, éditeur (Magnard, Plon) et auteur (jeunesse et "vieillesse" !) a laissé récemment à la suite d'un de mes billets, où il fait référence au débat qui en a agité plus d'un ces derniers temps.

    1182461711.jpg"Je lis souvent des commentaires sur le livre de jeunesse, du genre "les adolescents ont droit à toute la vérité..." ou "des ouvrages jugés trop sombres par les adultes ne le sont pas par les jeunes...".
    Je suis tout à fait d'accord, mais je crois que le problème du livre de jeunesse, dès lors qu'il entre dans le territoire intime et social, c'est qu'il doit ménager une entrée pour les jeunes, afin qu'ils puissent être concernés par les problèmes évoqués, même si ce sont des problèmes d'adultes.
    Dans ce sens, je suis quelque peu interloqué par l'attribution du prix Rhône-Alpes à un texte, Les giétes de Fabrice Vigne, dont le narrateur est un vieilllard en maison de retraite, qui évoque ses souvenirs passés à grand renfort de références historiques.
    Je pense également que Je ne veux pas mourir gibier de G. Gueraud va au-delà de ce que l'on peut proposer à de jeunes lecteurs sous le label d'un éditeur jeunesse. Libre à l'auteur, s'il en a la possibilité, de se faire publier chez des éditeurs pour adultes, lesquels sont accessibles aux bons lecteurs jeunes."
    Jack Chaboud

    Concernant Les Giètes, j'avais effectivement dit que ce roman, publié par un éditeur jeunesse, dans une collection destinée aux grands ados et aux adultes, appartenait plutôt au domaine de la littérature générale (ce qui est le cas de nombreux ouvrages de la collection Photoroman) - l'auteur, Fabrice Vigne, est le premier à le reconnaître ; et même si l'on se réjouit pour lui, on aurait apprécié que ce prix soit décerné à un livre peut-être plus proche des préoccupations de jeunes lecteurs. Quant au roman de G. Guéraud, Je ne veux pas mourir gibier (Le Rouergue, DoAdo), les avis sont partagés - un roman réaliste, dur et glaçant, qui donne la parole au mal-être adolescent (pour ma part, il m'a peu touchée et je n'ai pas grand-chose à en dire, mais on pourra lire ici l'avis de Sophie Pilaire ou les points de vue partagés sur le site de Citrouille, dont celui de Vincent Cuvellier.)

    8036219.jpgIl est vrai qu'on peut considérer que les collections "grands ados" ne répondent pas à un véritable besoin, qu'elles relèvent de la stratégie éditoriale ou que certains de ces ouvrages seraient plus à leur place en littérature générale... Un point de vue que je ne partage pas forcément. Ces collections pour « grands ados » (ou « young adults », puisque le concept vient des pays anglophones) accueillent souvent des textes que les directeurs de collections jeunesse (en gros, destinées aux moins de 13 ans) vont refuser car trop « adultes » et que les éditeurs de littérature générale considèreront d'emblée comme des textes « jeunesse » du moment qu’il y est question d’adolescence ou d’entrée dans l’âge adulte… Aussi, grâce à ces collections de transition, certains romans peuvent trouver leur place et leurs lecteurs (qui autrement en seraient privés). Un autre avantage : ces textes incitent les adultes à être plus attentifs à la littérature jeunesse, à en lire, à en parler, et leur permettent aussi, tout simplement, de découvrir de nouveaux romans et d’autres auteurs, souvent moins médiatisés. Evidemment, les « prescripteurs » peuvent avoir du mal à s’y retrouver (que conseiller ? à partir de quel âge ?), car on entre ici dans des territoires un peu flous, entre littérature jeunesse et littérature générale… mais n’est-ce pas cela aussi, l’adolescence ?

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