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L'avis d'un éditeur et auteur jeunesse (et le mien...)

Avec son accord, je reproduis ici de façon plus visible le commentaire que Jack Chaboud, éditeur (Magnard, Plon) et auteur (jeunesse et "vieillesse" !) a laissé récemment à la suite d'un de mes billets, où il fait référence au débat qui en a agité plus d'un ces derniers temps.

1182461711.jpg"Je lis souvent des commentaires sur le livre de jeunesse, du genre "les adolescents ont droit à toute la vérité..." ou "des ouvrages jugés trop sombres par les adultes ne le sont pas par les jeunes...".
Je suis tout à fait d'accord, mais je crois que le problème du livre de jeunesse, dès lors qu'il entre dans le territoire intime et social, c'est qu'il doit ménager une entrée pour les jeunes, afin qu'ils puissent être concernés par les problèmes évoqués, même si ce sont des problèmes d'adultes.
Dans ce sens, je suis quelque peu interloqué par l'attribution du prix Rhône-Alpes à un texte, Les giétes de Fabrice Vigne, dont le narrateur est un vieilllard en maison de retraite, qui évoque ses souvenirs passés à grand renfort de références historiques.
Je pense également que Je ne veux pas mourir gibier de G. Gueraud va au-delà de ce que l'on peut proposer à de jeunes lecteurs sous le label d'un éditeur jeunesse. Libre à l'auteur, s'il en a la possibilité, de se faire publier chez des éditeurs pour adultes, lesquels sont accessibles aux bons lecteurs jeunes."
Jack Chaboud

Concernant Les Giètes, j'avais effectivement dit que ce roman, publié par un éditeur jeunesse, dans une collection destinée aux grands ados et aux adultes, appartenait plutôt au domaine de la littérature générale (ce qui est le cas de nombreux ouvrages de la collection Photoroman) - l'auteur, Fabrice Vigne, est le premier à le reconnaître ; et même si l'on se réjouit pour lui, on aurait apprécié que ce prix soit décerné à un livre peut-être plus proche des préoccupations de jeunes lecteurs. Quant au roman de G. Guéraud, Je ne veux pas mourir gibier (Le Rouergue, DoAdo), les avis sont partagés - un roman réaliste, dur et glaçant, qui donne la parole au mal-être adolescent (pour ma part, il m'a peu touchée et je n'ai pas grand-chose à en dire, mais on pourra lire ici l'avis de Sophie Pilaire ou les points de vue partagés sur le site de Citrouille, dont celui de Vincent Cuvellier.)

8036219.jpgIl est vrai qu'on peut considérer que les collections "grands ados" ne répondent pas à un véritable besoin, qu'elles relèvent de la stratégie éditoriale ou que certains de ces ouvrages seraient plus à leur place en littérature générale... Un point de vue que je ne partage pas forcément. Ces collections pour « grands ados » (ou « young adults », puisque le concept vient des pays anglophones) accueillent souvent des textes que les directeurs de collections jeunesse (en gros, destinées aux moins de 13 ans) vont refuser car trop « adultes » et que les éditeurs de littérature générale considèreront d'emblée comme des textes « jeunesse » du moment qu’il y est question d’adolescence ou d’entrée dans l’âge adulte… Aussi, grâce à ces collections de transition, certains romans peuvent trouver leur place et leurs lecteurs (qui autrement en seraient privés). Un autre avantage : ces textes incitent les adultes à être plus attentifs à la littérature jeunesse, à en lire, à en parler, et leur permettent aussi, tout simplement, de découvrir de nouveaux romans et d’autres auteurs, souvent moins médiatisés. Evidemment, les « prescripteurs » peuvent avoir du mal à s’y retrouver (que conseiller ? à partir de quel âge ?), car on entre ici dans des territoires un peu flous, entre littérature jeunesse et littérature générale… mais n’est-ce pas cela aussi, l’adolescence ?

Lien permanent Catégories : Edition, Littérature francophone, Littérature jeunesse 35 commentaires 35 commentaires

Commentaires

  • Pour moi, le problème vient surtout de l'édition généraliste ; comme le dit très bien Blandine. On peut se chamailler des siècles pour savoir si tel ou tel roman "mérite" ou non l'appelation jeunesse. le fait est que seuls des éditeurs jeunesse (pas n'importe lesquels, loin de là !) les ont publiés, ont pris ce risque (car c'en est un).
    Il n'en reste pas moins que l'étiquette "jeunesse" sur un livre-choc, pose problème.... (Aux parents, plus qu'aux ados, mais peu importe) J'en sais quelque chose.

  • Tout à fait d'accord avec toi, Blandine, sur ces "collections de transition" où les lecteurs adultes peuvent aussi y trouver leur compte... L'intérêt de ces collections, pour moi, c'est qu'elles permettent à des auteurs peu connus ne ne pas être noyés dans la masse d'une littérature dite "générale" qui peine à trouver son public. Quel intérêt aurais-je, par exemple, à ce que mes livres soient publiés dans des collections "adultes" ? Aucun. Ils ne seraient pas lu. Personne n'en parlerait. Ils ne serviraient à rien.

  • Merci, Anne et Cathy, pour ces témoignages... Je suis d'accord sur la meilleure visibilité de ces collections - les livres publiés en "jeunesse" bénéficient d'une durée de vie plus longue que la plupart des romans publiés en littérature générale...
    Allez savoir pourquoi ces derniers, hormis quelques bestsellers sans grand intérêt littéraire, ne bénéficient pas de la même longévité ? La faute à la presse "officielle" et aux grands médias en général - qui se contentent de toujours parler des mêmes ? Aux libraires - inondés de nouveautés ? Aux éditeurs - je parle évidemment de ceux qui n'accompagnent pas leurs livres et leurs auteurs ? Vaste question.

  • Jury du Prix Rhône-Alpes du Livre Jeunesse, je voulais juste vous préciser que Fabrice Vigne est intervenu aujourd'hui en classe de Terminale devant un public que nous revendiquons jeunesse Pour preuve,nous avons invité Nozière, Vigne, Garnier, Gibert à Villeurbanne les 4, 5 et 6 avril et ce sont des élèves de Collège et de Lycée qui, lors du "dernier salon où l'on cause" les interrogeront.
    Nous proposerons en 2008 une journée professionnelle sur ces "littératures transitoires"
    Bien à vous,
    Gérard Picot

  • Merci Gérard pour ce témoignage et ces précisions - évidemment, tout dépend de ce que l'on entend par le terme "jeunesse" ; certains pensent aussitôt aux seuls "enfants" (une appellation qui ne s'applique plus à des élèves de terminale...) alors que d’autres pensent aux « jeunes » (15-25 ans ?). Voilà pourquoi je précise – « grands ados » ou « jeunes adultes »… même si la multiplication d’étiquettes incite aussi à mettre les individus dans de petites « cases ». J’ai assisté aujourd’hui à une rencontre lors de laquelle étaient invitées Anne Mulpas et Mélanie Cuvellier (auteures respectives de La fille du papillon et de Les mots, ça m’est égal, Exprim, Sarbacane) – elles ont parlé entre autres de leur lectorat et des retours qu’elles avaient eus : des lecteurs de 15, 20, 30 ou 60 ans pour la première ; des lecteurs plus vraiment ados pour la seconde. Ce qui m’encourage à penser que cette littérature « ado » ou de « transition » reste avant tout de la littérature-tout-court.

  • Ah tiens ! Chuis point d'accord avec l'ami Jack quand il dit :
    « je suis quelque peu interloqué par l'attribution du prix Rhône-Alpes à un texte, Les giétes de Fabrice Vigne, dont le narrateur est un vieilllard en maison de retraite, qui évoque ses souvenirs passés à grand renfort de références historiques. »

    Je n'ai pas lu ce livre, mais ai publié en 1996 un bouquin dont le héros a environ 70 ans et raconte ses enfance et adolescence. Ledit bouquin m'a amené à rencontrer peut-être un millier d'élèves et il figure dans nombre de CDI… Alors oui, les souvenirs d'une personne âgée qui fait référence à des événements historiques peuvent intéresser des collégiens.

    D'autre part, m'est avis que Guillaume Guéraud est un grand Auteur (avec une cap.). Lisible par les ados comme par les adultes.

    Enfin, je rejoindrai Cathy Ytak quand elle dit :
    « Quel intérêt aurais-je, par exemple, à ce que mes livres soient publiés dans des collections "adultes" ? Aucun. Ils ne seraient pas lu. Personne n'en parlerait. Ils ne serviraient à rien. »

    Si je publie en jeunesse, c'est pour deux raisons :
    1. parce que j'ai ainsi la possibilité de rencontrer le public qui me lit (interventions dans les établissements scolaires, etc.) ;
    2. parce que le sort de nombre de romans publiés en adulte est de finir dans les retours au bout de trois mois, sans même avoir eu l'occasion de sortir des cartons d'office qui s'entassent dans l'arrière-boutique du libraire.

  • Je trouve ce débat très intéressant, car il nous renvoie, finalement, à ce problème constant de la littérature dans notre beau pays, qui jouit (?) d'une perspective à la fois scolaire (il faut absolument classer les livres par genre - le plus clair: littérature pour enfants; le plus problématique: littérature francophone) et perverse: il est en effet clair que le champ traditionnel de la littérature (les recherches formelles ou thématiques en tout genres) se trouve réduit à une peau de chagrin et reste souvent cantonné dans des ghettos (intellectuels, sexuels, etc).
    La faute à qui?
    C'est difficile à dire - il y a tant de gens concernés! Mais je pense que l'éducation nationale (encore elle, oui) - attention pas les profs (quoi que), mais la structure en elle-même -par sa pédagogie aberrante de la littérature qui dégoute n'importe quel gamin normalement constitué de la lecture - en en faisant un champ d'investigation impossible et évalué! - en est en grande partie responsable.
    On ne veut pas trop en parler, mais les résultats sont là: on ne cesse de se plaindre à chaque rentrée littéraire (déjà, le terme!) qu'il y a trop de romans publiés, alors qu'on devrait s'affoler du nombre minuscule de lecteurs!
    Je suis aussi tout à fait d'accord avec Cathy quand elle parle de la visibilité des ses textes: étant donné la place minuscule de la culture aujourd'hui - n'étant pas "rentable" et publicitairement viable, on n'en a donc plus besoin.
    Etre écrivain aujourd'hui se résume à deux choses: être auteur de best-seller et exister publiquement, ou être écrivain d'arrière-garde (Même si on est d'avant-garde) et se contenter d'essayer de maintenir la tête hors de l'eau grâce à l'amitié de certains éditeurs courageux...
    Faut-il pour autant être pessimiste? Oui, absolument.
    Le seul et faible rayon de lumière vient en effet des littératures de genre (SF, polar, jeunesse, ado) où l'originalité est encore admise, voire recherchée...
    Mais pour combien de temps?

  • Je vais faire la candide de service :-) Quelle est la différence du point de vue juridique entre une collection jeunesse et une collection ados/jeunes adultes ? Est-ce que l'intérêt de ces nouvelles collections n'est pas de pouvoir publier, pour les ados, des livres que la loi interdirait de publier en jeunesse ? ou bien tout simplement dont on penserait qu'ils seraient trop difficile (le fond, la forme, etc.) pour des collégiens mais plairaient beaucoup à des lycéens (ces termes choisis pour la tranche d'âge qu'ils représentent, pas pour le niveau d'études) ?

  • La loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse s'applique également aux textes destinés aux ados.
    Voir par là ladite loi :
    http://www.ricochet-jeunes.org/loi49.asp

  • Oui, Alain, mais certaines collections s’en passent et rien n’oblige un éditeur à l’inclure (cf Exprim, ci-dessus)
    Lire aussi http://blongre.hautetfort.com/archive/2008/01/28/loi-1949.html sur cette loi dont les termes sont obsolètes et prêtent à rire de nos jours…

    Lucie (la fausse candide !) : je suis d’accord – cela permet à des textes de se démarquer de la production jeunesse telle qu’on l’entendait jusqu’à récemment (destinée aux seuls 0-13 ans)

    Sébastien : je reviendrai sur tes remarques concernant l’EN car je suis en grande partie d’accord (étonnant, non ??) – décorticage démesuré des textes au détriment du plaisir de la lecture…
    Quant au livre jeunesse, il bénéficie de relais et d’un circuit à part, qui permettent aux livres de vivre plus longtemps…

  • "Le seul et faible rayon de lumière vient en effet des littératures de genre (SF, polar, jeunesse, ado) où l'originalité est encore admise, voire recherchée... Mais pour combien de temps?"

    Oui, ce sont des niches où la création peut s'épanouir, encore. Et pour un bon bout de temps, j'espère !
    Mais la lumière intrinsèque de certains textes, heureusement, pulvérise tous les genres.
    Et contrairement à ce que tu dis, Sébastien, je pense qu'il faut que nous restions des optimistes vigilants et rageurs, parce que c'est aussi une manière de résister.
    Cathy, optimiste vigilante, rageuse... et enragée ? ;-))

  • Non, chère Cathy, j'insiste: pessimistes, virulents et ... révoltés!

  • Je n'ai pas lu les deux romans cités dans le billet de Jack C, donc no comment. En revanche je m'intéresse beaucoup à la littérature dite "Young Adult", donc suis ravie de ce débat, amené de façon intelligente qui plus est ! Tout à fait d'accord avec votre analyse, affimrant que cette "niche éditoriale" très prisée chez les anglo-saxons (les mauvais esprits diront "niche marketing"...) permet de mettre en avant certains textes qui n'ont tout simplement pas leur place ailleurs. En revanche, on peut dire aussi que certains de ces romans sont parfois injustement sous-estimés du fait de leur placement en collection ado, et passent ainsi à côté d'une partie de leur public adulte potentiel, tenu bêtement à distance par le label littérature jeunesse. Aux Etats-Unis ou en Angleterre, par exemple, il n'est pas rare que certains titres fassent l'objet de deux lancements séparés en adulte et en jeunesse, avec des couvertures différentes. Absurde diront les uns, éditorialement intelligent diront les autres... c'est le serpent qui se mord la queue !

  • Je suis tout à fait d'accord avec cette dernière remarque : "certains de ces romans sont parfois injustement sous-estimés du fait de leur placement en collection ado". J'en reviens toujours à mon idée initiale : le problème vient des éditeurs généralistes. C'est à eux de créer une collection "jeunes adultes", à côté de leur collection "vieux cons", par exemple.
    Je ne vois pas, par contre, en quoi l'EN serait responsable de quoi que ce soit dans le domaine. Si son rôle était de dégoûter de la lecture-plaisir, elle devrait donc en renforcer le désir, chez n'importe quel ado normalement constitué. Elle ne remplit donc que très mal sa mission. La faute en revient peut-être à tous ces auteurs jeunesse qui parasitent l'EN et viennent faire du SAV en classe, à grands frais.
    Provoc, mes propos ? à peine. Je suis écrivain, je suis prof. Ce que je mets dans l'un, je le mets dans l'autre : la même passion, la même énergie, la même foi en leurs intelligences. Je parle des ados (que bien des auteurs ne connaissent que de loin, quand ils viennent prendre le goûter dans un lycée). Et le pire, c'est que je ne suis pas unique. Alors, je ne laisserai personne dire que ce qui reste de l'éducation nationale fabrique des analphabètes téléphages. Tirez sur l'ambulance, mais sans moi.

  • Difficile, quand on arrive au milieu d'un débat comme celui-ci, de savoir par où commencer. Peut-être par ceci : jusque récemment (dix ans ? quinze ans ?), les lecteurs passaient presque d'un coup de la littérature pour "enfants" à celle pour "adultes". Il y avait peu d'ouvrages transitionnels, façon "Le grand Meaulnes" ou "L'Attrappe-coeurs". Je ne sais pas tout des explications sociologiques ou commerciales qui pourraient expliquer la mutation que nous vivons, mais il me semble que l'on peut pointer plusieurs choses : 1°) les ados d'aujourd'hui sont encouragés (notamment en matière de lecture) à demeurer plus longtemps un groupe spécifique - et ce n'est pas seulement une incitation commerciale il me semble. 2°) Ils baignent dans une culture (films, télé, internet, etc.) qui a creusé un fossé effrayant avec une certaine culture "classique", de telle sorte qu'ils ont beaucoup plus de mal à lire certains livres. 3°) Jamais aucune génération avant eux n'a été en même temps à un tel point sensibilisée à des problèmes qu'il y a encore 20 ans on considérait comme réservés à un jugements adulte (drogues, sexualité, violences, etc.).
    Par conséquent, il me semble que l'émergence de cette littérature intermédiaire est plutôt une bonne chose, car elle répond à des transformations du statut social de l'adolescent et à une évolution ultrarapide de son positionnement culturel (de marginal, il devient de plus en plus prescripteur). Maintenant, il me semble que deux choses sont à redouter : actuellement, la littérature pour ados est plutôt exigeante, mais il suffirait de peu pour qu'elle devienne la proie du même genre de commerçants sans scrupules qui inondent le marché de films standardisés ; par ailleurs, il y a un point sensible concernant les thématiques abordées : des censeurs de tout poil voudraient bannir certains sujets, sous prétzexte qu'ils seraient "choquants". Pourtant, quand on a des adolescents d'aujourd'hui chez soi, et pour peu que la confiance règne, on sait bien qu'il n'y a aucun tabou dans leurs curiosités. Par conséquent, il importe non de superviser mais d'accompagner.

    Petite remarque : je suis très choqué que l'on veuille déconseiller pour des adolescents un roman écrit du point de vue d'un vieil homme. Ne souffre-t-on pas justement de cloisons générationnelles trop étanches ? On encourage les ados d'aujourd'hui à vivre entre eux, dans une sorte de rejet des "vieux" qui augmente avec la distance d'âge. Je trouve ça on-ne-peut plus désagréable.
    Effets détestables du "jeunisme", davantage encore quand on l'encourage chez les jeunes !

  • Tout à fait d'accord avec Anne : il faut arrêter de penser que l'EN nivelle tout, ou que les ados sont crétinisés par la télévision et partant incapables de lire. Il suffit de faire appel à leur intelligence et on ne peut qu'être étonné. C'est quand on les traite comme des bovidés qu'on les encourage à se comporter de la sorte.
    Je fais des interventions en milieu scolaire assez régulièrement pour le compte de SOS-homophobie, et je suis tout à fait frappé par la curiosité et l'ouverture d'esprit des 14-17 ans, pour peu qu'on parle à leur intelligence. Ce n'est pas toujours facile à tous les niveaux, mais c'est une expérience assez enthousiasmante.
    Par conséquent, en matière de littérature comme pour le reste, un discours désabusé et niveleur me semble la pire des attitudes. Au contraire, plus on prend les adolescents au sérieux et mieux vont les choses. Et c'est précisément l'une des missions essentielles de l'EN que de les éveiller.

  • ANNE P. : Je reviens sur votre commentaire, qui me semble (sauf vot'respect) truffé d'erreurs et de généralisations hâtives.

    « le problème vient des éditeurs généralistes. C'est à eux de créer une collection "jeunes adultes", à côté de leur collection "vieux cons", par exemple », dites-vous.

    Ils y ont pensé bien avant vous, figurez-vous ! (J'ai des noms, on en parlait déjà il y a au moins cinq ou six ans de ça). Seulement voilà : où placer, dans une librairie, un rayon "jeunes adultes" ? Entre la litt. générale, la litt. jeunesse, la bd, les manga (qui dévorent l'espace), la SF et le polar, il n'y a tout simplement pas la place. Demandez à un libraire. Même à une grande surface genre Fnac, et vous verrez quelle sera leur réponse.
    (C'est bien la première fois que je prends la défense des éditeurs, que m'arrive-t-il ?)

    « La faute en revient peut-être à tous ces auteurs jeunesse qui parasitent l'EN et viennent faire du SAV en classe, à grands frais », dites-vous itou.

    Quand on est fonctionnaire, quand on a un salaire assuré et qu'on ne dépend pas de ses droits pour vivre, il est un peu facile de taper sur les "parasites" qui viennent faire des interventions en classe. Regardez vos relevés de droits, histoire de vous remettre les idées en place.
    Et puis, voyez-vous, sachez qu'en dehors de toute considération financière il existe des auteurs qui adorent aller dans les classes pour parler de leurs livres, de leur métier, pour partager, pour mener des ateliers d'écriture ou d'illustration, pour suivre des projets sur une année entière, pour s'investir auprès de gamins en IME ou SEGPA. Il en existe même qui font des tas de choses gratuitement. Mais ils ne le crient pas sur les toits, alors forcément, ça ne parvient pas à vos oreilles. Il va vous falloir un petit peu d'imagination, je le crains.

    « Je parle des ados (que bien des auteurs ne connaissent que de loin, quand ils viennent prendre le goûter dans un lycée) », dites-vous enfin.

    Je vais vous faire une révélation qui vaut son pesant de cacahuètes : il existe des auteurs qui forniquent (oh la la !) et qui, donc, par accident, font parfois des enfants. Ces enfants grandissent, deviennent ados, et ils vivent dans la maison des auteurs ! Avec leurs baskets puantes, leurs ticheurtes sales qui s'empilent au pied du lit et leur pot de gel mal refermé sur le rebord de la baignoire, oui oui ! Et en plus, ils ramènent leurs copains à la maison et vident le frigo en deux secondes et demie.

    Mon conseil du jour : Mettez-vous en dispo un an ou deux, et expérimentez pour de vrai la vraie vie d'auteur jeunesse. Levez-vous à cinq heures du matin pour aller dans un bahut à l'autre bout de la France, écrivez dans l'autobus et le train, couchez dans des hôtels pas toujours reluisants, comparez la cantine scolaire du lycée professionnel Louis Blériot à Trappes avec celui du collège Jean Moulin à Albert (oui ça existe, c'est dans la Somme), revenez épuisée, demandez-vous pourquoi tant de fatigue et puis repensez à un certain sourire, un certain regard, une certaine hésitation dans la voix, ce petit instant de grâce qui aura duré moins de temps qu'il n'en faut à un ado pour vider votre frigo.
    A ce moment-là vous apparaîtra peut-être le pourquoi des choses, et enfin vous aurez une toute petite idée du métier d'auteur jeunesse.
    Peut-être.

  • Cher monsieur Korkos. Pour moi être "auteur" n'est pas un métier, c'est tout. Et être "auteur jeunesse", encore moins.
    Dont acte.

  • CQFD

  • Désolée de ne pas être intervenue entre-temps – journée un peu surchargée…
    Je vais tâcher de répondre à tous ces commentaires parfois tendus…

    Concernant Les Giètes et le reproche qui lui est fait plus haut, je suis assez d’accord avec Joannic (« Ne souffre-t-on pas justement de cloisons générationnelles trop étanches ? « ) et avec Alain, qui dit « les souvenirs d'une personne âgée qui fait référence à des événements historiques peuvent intéresser des collégiens. » - tout dépend du traitement de la thématique. Le comment dire prime sur le quoi dire … En même temps, il me semble que Jack Chaboud revient aussi sur l’idée que la collection Photoroman n’est pas réellement « jeunesse » (si l’on entend par-là un lectorat de moins de 13 ans) et pour en avoir lu quelques titres, je suis d’accord – il est vrai aussi que c’était seulement la 2e fois que le prix Rhône-Alpes incluait un ouvrage « jeunesse ».

    @ Nathalie : merci de votre témoignage. Certains parleront en effet d’exploitation « marketing » (ou « mercatique », puisqu’il faut parler français… !) et j’avoue que jusqu’à ces dernières années, les doubles publications ne me convainquaient pas toujours, mais je crois néanmoins qu’elles permettent donner une double chance aux romans qui se situent à la frontière.
    Cela se fait parfois en France, timidement – et l’inverse est possible : Tout ira bien, roman de K. Davrichewy paru chez Arléa en 2004, sort ces jours dans la collection medium de l’école des loisirs (« les adultes n’ont pas manqué de le lire, mais beaucoup d’adolescents aussi… d’où la réédition dans la collection medium », nous dit l’éditeur.). Mais l’idée est intéressante et un éditeur jeunesse peut parfaitement décider de faire paraître un roman et de le faire diffuser en « adulte » avec une autre couv.


    @ Sébastien (l’indécrottable pessimiste !): il y a certainement un problème de circuit du livre – la surproduction et les moyens de diffusion amenant les libraires à crouler sous les livres… dont certains qui ne restent que très peu de temps sur les étals. En revanche, les relais (libraires spécialisés, bibliothèques, enseignants, prix qui ne sont pas seulement des coups médiatiques, aussi) en jeunesse permettent une longévité exceptionnelle. Quant aux médias dits « classiques », ils sont en partie responsables (et pourtant, rares sont ceux qui parlent de littérature jeunesse ! A quand une rubrique jeunesse dans le Magazine littéraire ? On y parle bien polar ou SF, il me semble…)

    Concernant le rôle de l’éducation nationale – Sébastien a lancé l’idée suivante : « par sa pédagogie aberrante de la littérature qui dégoûte n'importe quel gamin normalement constitué de la lecture - en en faisant un champ d'investigation impossible et évalué ! - en est en grande partie responsable. »
    Je crois qu’il faut se méfier des généralisations (je schématise : les profs sont nuls / les auteurs jeunesse glandouillent) et parler du système (distinct des individus) et des instructions officielles : l’analyse des situations énonciatives (à titre d’exemple), d’accord, jusqu’à un certain point – quand l’entrée dans les textes se fait uniquement pas de tels biais, on détourne forcément du plaisir de la lecture des élèves qui n’aiment peut-être déjà pas lire. J’ai connu des enseignants passionnées (en tant qu’élève et enseignante aussi…), qui savaient transmettre ce plaisir en variant les approches et les démarches, bref, en donnant ce goût s’il n’était pas déjà là. J’en ai connu certains qui enseignaient le latin ou le grec comme des mécaniques et d’autres qui savaient retenir l’attention.

    De même, quand je vois ce qu’on donne à lire à mes enfants collégiens cette année (trois mois de lecture de la bible en 6e… et un roman jeunesse dont je tairai le titre), je me rassure en me disant qu’eux, au moins, ont la chance d’avoir autre chose à se mettre sous la dent… A mon fils qui voulait savoir s’ils allaient lire les Fourberies de Scapin dans son intégralité (hormis les deux extraits proposés), l’enseignante a répondu que ce serait inutile (car ils ne seraient « évalués » que sur ces deux extraits… - ça se passe de commentaire…) Des dérives dont les enseignants ne sont pas forcément responsables, tant ils sont focalisés sur les programmes – et tant mieux quand certains parviennent à se dégager de ces contraintes sans fin… mais je ne généralise pas, car je sais à quel point le métier est éreintant.


    En même temps, je ne vois pas en quoi les auteurs jeunesse qui viennent à la rencontre des lecteurs dans les établissements scolaires seraient responsables… que certaines interventions ne se déroulent pas bien, c’est fort possible (après tout, dès qu’il y a interaction humaine, les conséquences restent imprévisibles…), mais dans l’ensemble, les rencontres, si elles sont préparées et s’inscrivent dans un projet, sont toujours des moments enrichissants, qui donnent aux jeunes un autre regard sur l’écriture, la lecture et l’écrivain rencontré.
    C’est en tout cas ce que je ressens quand je lis le blog de Cathy Ytak sur ses rencontres avec les lycéens allemands (entre autres) ou quand d’autres auteurs me parlent de leurs ateliers d’écriture, dans quel que milieu que ce soit.

    @ Anne : Etre auteur ne serait pas une profession ? Un métier ? Dans ce cas, et si ce doit être une activité annexe, un « loisir », qu’on ne les paye plus ! (Et qu’on arrête aussi de payer les musiciens, les comédiens, et tous ces artistes qui vivent sur le dos des autres… ? Et je ne parle même pas des traducteurs…) je blague, mais j’avoue avoir du mal à saisir… Il y a peut-être trop d’interventions en milieu scolaire, c’est ce que tu entends ? Il me semble que ce sont les enseignants qui les invitent, non ?

    @ Joannic : il ne me semble pas avoir lu sur ce blog que les enseignants transformaient les ados en « analphabètes téléphages » (Anne infirme une affirmation qui n’a pas été faite - car l'attaque de Sébastien ne concernait pas les enseignants mais le système lui-même...). En revanche, je pense, comme vous, qu’il « importe non de superviser mais d'accompagner. » les adolescents dans leurs lectures, que leur curiosité a su se libérer de certains tabous qui existaient il y a encore 20 ans - et c'est tant mieux.

  • Pensée d'une lectrice jeunesse, ni auteur ni éditeur ni professeur, simple passante dans ce brouhaha ambiant : si les gens se prenaient un peu moins au sérieux, leur vie prendrait soudain un tournant plus harmonieux. Bon dimanche à tous.

  • et bien moi ça me plait ce débat !

    avez-vous vu des discussions aussi passionnées, virulentes, réactives sur la littérature générale ? Non !
    On a quelques critiques qui font la pluie et le beau temps, quelques grands lecteurs qui soutiennent des livres sur leur blog ou leurs revues, et la plupart des autres qui lisent ce qu'il faut lire pour être dans l'air du temps

    mais des auteurs qui s'interpellent, discutent, refont le monde sur le net, non. Alors, rien que pour ça, ça vaut le coup la littérature jeunesse !

    Moi, mon credo c'est d'écrire, que ce soit pour jeunes ou pour vieux, de trouver les mots un à un, de continuer à chercher sans penser que c'est pour moi seule et que je suis complètement autiste, alors je suis heureuse d'avoir trouvé un espace de publication dans les collections jeunesse

  • Par rapport à ce que disent Anne Percin et Cathy Ytak, je connais de petites maisons d'éditions comme Ritagada Nuit Myrtide Vedrulla Corridor Editions (dont j'ai acheté les livres car je trouve qu'ils ont du "mérite"), qui ont des problèmes de diffusion avec les librairies. Il faut associer les livres à des rayons "jeunesse, littérature, poésie" ou autres. Alors que leurs livres d'images sont souvent associables à plusieurs catégories. Souvent leurs livres sont plus pour des adultes que pour des enfants, tout en étant des albums ou des contes. C'est un problème. Chacun sa définition du livre jeunesse et du livre pour adulte. Pour ma part, je pense que l'édition alternative est bien plus intéressante et bien plus touchante que l'édition générale.

  • Pascale - brouhaha ? pas tant que cela, à mon avis. Les commentaires que je lis ici sont d'une autre teneur que ce qu'on trouve sur de nombreux blogs (et je ne dis pas cela parce que je gère cet espace :-) des mots qui incitent à la réflexion, même si certains sont plus passionnés ou virulents que d'autres. Se prendre au sérieux ? Pourquoi pas, si l'on est passionné... !


    Catherine - merci de ta visite et de tes remarques. Effectivement, la littérature jeunesse propose parfois des espaces de parole plus ouverts, une liberté plus grande, peut-être car certaines choses ne sont pas figées et restent floues... ou encore à définir - en mouvement perpétuel !

    Soxy - merci de votre message. Je connais les maisons d'édition que vous mentionnez (dont Ritagada que j'apprécie) et l'édition "alternative" ou indépendante est certes un lieu d'innovation. Mais pour ma part, je n'ai pas envie de dresser de nouvelles barrières... les petits éditeurs publient des livres auxquels il faut donner davantage de visibilité quand ils sont de qualité, mais les grandes maisons publient aussi d'excellentes choses... je suis la première à soutenir des initiatives qui sortent des sentiers battus, mais ce n'est pas en opposant les uns aux autres que l'on rendra service aux livres, aux auteurs ou à la littérature.
    En revanche, je suis d'accord sur un point : les bibliothèques ou les librairies ont des rayons, des petites cases ou chaque livre doit trouver sa place... à quand un rayon "inclassable" ?? Il y a des romans ou des ouvrages qui apparaissent en rayon jeunesse alors qu'ils auraient davantage leur place dans un rayon "généraliste", par exemple. Et vice-versa...(le cas des romans jeunes adultes / grands ados). Sinon, à chacun de se montrer curieux...

  • Je pense que Soxy voulait dire que sa sensibilité était plus attirée par l'édition alternative. Je ne pense pas qu'il voulait dire que les grandes éditions ne diffusent que de mauvais livres.
    Par ailleurs, je remarque que beaucoup de gens aiment "dans l'idée" l'édition alternative car elle est novatrice différente etc, mais qu'il est rare "concrètement" que ces mêmes personnes utilisent leur moyen pour les aider à une meilleure visibilité.
    Blandine, en tant que "première à soutenir les actions qui sortent des sentiers battus", je trouve que Sitartmag n'offre franchement pas une grande vitrine à l'édition indépendante par exemple. Je n'ai pas trouvé beaucoup de liens allant vers leur site et je vois que c'est largement incomplet.
    C'est un décalage entre les idées prônées et les actions.
    Comme tant d'autres.

  • Benjamin

    Merci pour votre petite leçon de morale… c’est charmant. Je ne sais pas qui vous êtes (vive l'anonymat !) ni de quels éditeurs indépendants / alternatifs vous voulez parler (vu qu’il y a à prendre et à laisser, c’est comme tout…)

    Quelques rectifications que je souhaite apporter à votre commentaire qui est tout sauf exact et qui pourrait être considéré comme de la provocation si j'avais l'esprit mal tourné, ou si j'étais mal lunée ce soir.

    Premièrement : Sitartmag n’est pas une « vitrine » - nous n’avons rien à vendre, ni en magasin, ni en stock ! - et encore moins d’une catégorie d’éditeurs… (vous confondez certainement avec d'autres sites)

    Deuxièmement, nous n’avons jamais prétendu être exhaustif (quand vous trouvez cela « largement incomplet. ») - nous parlons de ce que nous voulons, quand nous le voulons bien.

    Troisièmement : à titre d'exemple, vous n’aurez peut-être pas vu le logo Lekti-écriture qui mène sur ce collectif d’éditeurs indépendants directement depuis la page d’accueil… essayez pour voir, le lien fonctionne.

    Et pour finir, laissez-moi vous énumérer les éditeurs dont les noms apparaissent en page d’accueil de Sitartmag en ce mardi 8 avril 2008 (je sais, ça risque d'être longuet - les autres peuvent zapper) , car soit vous le faites exprès, soit vous n'avez pas les yeux en face des trous. (ou, peut-être, êtes-vous éditeur ou auteur - ou copain de ces derniers - de livres dont nous n'aurions pas parlés ?)

    Au diable Vauvert, Actes sud, Organic, les Moutons électriques, le Cherche-midi , Flammarion, éditions Kimé, Mercure Liquide revue, La Martinière, Thames & Hudson, éditions du Jasmin, Luc Pire, éditions Motus, L’Ecole des Loisirs, les 400 coups, La Musardine, La Navire en pleine ville, Delcourt, José Corti, Denoël, Editions du Sonneur, éditions Amsterdam, Le Rouergue, L'Âge d'Homme…

    sans parler de Rhubarbe, Verdier, Luce Wilquin, Le Chèvre-Feuille étoilée, Fayard, Lansman, Jacqueline Chambon, Rivages, le Temps qu’il fait, Albin Michel, 10-18, Métailié, Arlée, Non lieu, L'Amourier, B. Campiche Gallimard, La Table Ronde, Après la lune, Filaplomb, Fourre-tout, Le castor Astral, Panama, Le mot et le reste, Gaïa, Agone, les Syrtes, Allia, Aden, les Impressions Nouvelles, qui faisaient partie de notre dernière sélection et sont encore en « vitrine » sur la page actus http://www.sitartmag.com/xbooknouveaux.htm

    Quant à ce blog, c’est kif-kif.

    Bref. Je vous laisse séparer le bon grain de l’ivraie, vu que là, je commence à sérieusement fatiguer - pour ne pas dire autre chose.

  • Concernant les réactions à mon propos concernant l'ouvrage de Fabrice Vigne, je voudrais préciser ma pensée : ce n'est pas le fait de prendre une histoire de vieillard, de maison de retraite... qui me pose un problème s'il paraît dans une collection jeunesse, car tous les sujets peuvent être abordés dans cette littérature, je suis l'éditeur de Maryvonne Rippert (homosexualité adolescente, racisme anti gitan...), Frédérique Lorient (pédophilie)...
    Le problème, c'est que l'auteur ménage dans son texte une entrée - et parfois une sortie - pour ses jeunes lecteurs. Et je suis désolé, je n'ai pas trouvé l'entrée dans "Les Giètes", dont l'auteur déclare lui même qu'il s'en est peu préoccupé.
    Quant au juré du jury du prix Rhône-Alpes (je ne connais pas le jury, bien qu'étant membre du conseil d'administration de l'ARALD, ce qui est assez rigolo), il ne parle pas du livre, mais des interventions scolaires de l'auteur dans des classes, ça me semble manquer de rigueur au plan du raisonnement. Et je ne parle pas de ceux qui prennent part à la discussion sans avoir lu le livre.
    Guillaume Guéraud est effectivement un grand écrivain, pour reprendre un autre avis, la preuve, il arrive à faire peur à des écrivains de polar adultes."
    Votre dévoué.
    Jack Chaboud

  • Je suis bien d’accord avec Jack Chaboud, et je le trouve encore trop bienveillant. Je ne suis pas, quant à moi, « interloqué », par l’attribution d’un prix Jeunesse à ce monsieur Fabrice Vigne, je suis révolté, choqué, écoeuré.
    Comment ! Il a l’ingénuité d’avouer qu’il a écrit son livre « sans se soucier de l’âge de son lecteur », et le voilà récompensé pour cela ?
    Quel cynisme, quelle provocation ! C’est à croire qu’il est copain avec les membres du jury ? Peut-être même qu’il l’a réclamé, son prix ! En plus de cela, c’est un parasite qui fait des interventions scolaires ! Quelle image monstrueusement déformée de la littérature jeunesse donne-t-il aux classes qu’il rencontre, ce malfaisant ? Ce faux « auteur » ? Il n’y a pas de justice dans ce pays. Cet usurpateur marche sur les plates-bandes des VRAIS auteurs jeunesse, authentiques professionnels de la profession, qui expliquent bien comme il faut aux ados ce qu’ils doivent lire, et comment le lire, en fléchant portes d’entrée et portes de sortie, « attention, ici homosexualité, ici racisme anti-gitan ».
    Il n’est certes pas la peine de se salir à lire son livre ignoble et source de malentendus, qui ne donne aux ados en guise de personnage-miroir, qu’un octogénaire (sic ! comment s’y retrouveraient-ils, les pauvres ? Ils NE SAVENT PAS qu’ils vont vieillir un jour), ni de perdre son temps à essayer de comprendre sa démarche d’écriture (http://www.fonddutiroir.com/blog/?p=8). Ce qu’il faut, c’est réclamer la démission collective du jury de l’ARALD et exiger des excuses publiques de Fabrice Vigne.
    Bien à vous,
    Fabrice Vigne

  • Bonjour Fabrice
    Je comprends votre réaction ; en revanche, je ne crois pas que J. Chaboud vous ait accusé de "copinage" ou de "parasitisme"... ni même d’être un usurpateur. Je crois même qu’il ne vous met pas du tout en cause vous, en tant qu’auteur, et qu’il donne simplement son avis sur l’attribution d’un prix – et je reconnais que la collection photoroman tend davantage vers la littérature générale que vers la jeunesse (quelle que soit la définition que l’on donne à cette niche éditoriale… tellement fluctuante). Pour ma part, je soutiens que les ados peuvent tout lire, à eux d'apprendre à se débrouiller à entrer dans les livres plus difficiles ou moins formatés que d'autres, à se forger leur propre expérience de lecteur - que ces livres soient édités ou non sous le label "jeunesse".
    Je n’ai pas lu votre roman (quelle honte !) mais d’autres dans la collection (et c’est aussi pour cela que je pointe vers l’article d’Anne-Marie Mercier, qui l’avait apprécié).
    Quant aux propos d’Anne Percin sur les interventions en milieu scolaire, ils n’engagent qu’elle, évidemment, et j’y ai déjà répondu, en même temps que d’autres.

  • Je n'ai pas lu les autres commentaires pour me faire ma propre idée, mais j'ai lu ces deux livres. Les Giètes c'est en effet un livre qui pour moi ne s'adresse pas vraiment à des adolescents, à vrai dire étant moi même une ado, je n'ai pas réussit à trouver de l'intérêt à ce court roman. On s'y ennuit, on s'y perd et on ne s'y retrouve pas dans les personnages...
    et oui je ne comprends pas comment un tel livre à pu se retrouver chez un éditeur jeunesse car il est clair que c'est un roman de littérature générale qui s'adresserait plus à des personnes du même âge que le narrateur...

    Je ne veux pas mourir gibier même sans dire s'il méritait ou non le prix, est ce que j'appelle un véritable roman jeunesse. D'une part parce que c'est un personnage adolescent et d'autre part parce qu'il évoque un phénomène d'aujourd'hui, commis souvent par des adolescents en Amérique...Il s'agit d'un livre qui se déroule au présent.
    Les romans où une personne adulte évoque ses souvenirs d'enfance ou de jeunesse n'est pas pour moi synonyme de littérature jeunesse. D'ailleurs à t-on vu déja des autobiographies d'auteurs en romans jeunesse ? Lorsque Pagnol écrit La gloire de mon père, même s'il évoque son enfance, ce n'est certainement pas un roman jeunesse...
    enfin peut-être que pour les autobiographies c'est une autre histoire...

  • Merci beaucoup pour ce témoignage et ces impressions de lecture. Je comprends qu'un lecteur ado va plus facilement s'identifier à un personnage de son âge. En même temps, je crois qu'on peut s'intéresser à des personnages qui ne nous correspondent pas forcément dans le réel, et qui n'auront donc pas nécessairement le même âge ni les mêmes préoccupations - une façon d'éviter les cloisonnements. les livres sont un peu comme des amis - on ne les choisit pas en fonction de leur âge... enfin, il me semble !

  • c'est vrai, on ne choisit pas un livre en fonction de l'âge mais pour ma part je n'ai jamais vu de livres pour ados où le personnage principale était un homme de plus de soixante ans...déja lorsqu'il a + de 25 ans, on le publie en littérature générale...donc pour moi Les Giètes devait être dans la littérature générale...

  • LIRADO : « je n'ai jamais vu de livres pour ados où le personnage principal était un homme de plus de soixante ans ».

    Hem hem ! J'en ai écrit un (désolé de faire ma publicité) qui s'appelle "En attendant Éliane", paru en son temps chez Syros puis repris en Pocket. Le héros et sa soeur jumelle sont nés en… 1927 !

    Si j'en parle, ce n'est pas pour que vous vous précipitiez vers votre librairie, car l'ouvrage est pour l'heure épuisé (mais connaîtra bientôt une réédition). C'est parce que ce bouquin fut un vrai succès d'édition, lu d'abord par des ados de 4ème ou 3ème et ensuite par des enfants de CM2. En tant que parasite, j'ai fait des centaines d'interventions à propos de ce livre. Et accessoirement, il reçut le prix du livre jeunesse aux salons du livre de Brive et de Montréal.

    Un livre jeunesse, ce n'est pas un livre qui met obligatoirement en scène un enfant ou un ado. Ce peut être un livre dans lequel une personne âgée raconte ses souvenirs. Et alors il se passe un phénomène étrange : le lecteur s'identifie à la fois au héros "enfant d'hier" et au héros "vieillard d'aujourd'hui".

    Cette rencontre littéraire l'amène ensuite à regarder les personnes âgées avec un oeil nouveau, au delà de la classique relation petit-enfant/grand-parent. Et avec un peu de chance, si la curiosité est au rendez-vous, c'est un nouveau type de dialogue qui s'instaure.

    Si le livre pour ados est le plus souvent un livre-miroir dans lequel le lecteur part à la recherche de lui-même, il ne faudrait pas le réduire à ce rôle. Un roman, c'est aussi une ouverture vers les autres. Qu'ils aient 7 ou 77 ans.

  • Pour Fabrice Vigne,

    Je pense être resté, le plus honnêtement possible, dans le champ du débat (sauf pour le jury, mais ce n'est pas votre problème),j'aurais souhaité que vous y demeuriez.
    Sincèrement.
    Jack Chaboud

    PS Avez-vous lu Maryvonne Rippert et Frédérique Lorient ?
    Je suis étonné des jugements portés sur des livres qu'on n'a pas, lu et qui permettent avec aisance de les discréditer... à son profit.

  • Où donc, cher Jack Chaboud, voyez-vous un champ de débat ? Je ne vois que deux individus arborant des égratignures narcissiques (pour vous, un manque de reconnaissance de la part de l'Arald ou d'autres, pour moi une susceptibilité épidermique lorsqu'on me chicane sur des questions extra-littéraires - au fait, je n'aime pas qu'on décide à ma place ce qui est "mon problème" ou non) qui, tel un couple divorcé se déchirant la garde de l'enfant (adolescent ?), se balancent à la figure des arguments pathétiquement symétriques. Car vous me reprochez, littéralement, ce que je vous reprochais : de discréditer un livre que vous n’avez pas lu à l’occasion d’un plaidoyer pro-domo. L'autre est un repoussoir aux livres qu'on défend - rien à voir avec un débat. Si un "débat" doit réellement avoir lieu, je suis votre homme. En attendant ce jour, la présente écume est assez peu intéressante, et on ne devrait penser, in fine, qu'à ce qu'éprouvent les enfants de divorcés. Si mademoiselle "Lirado" n'aime pas mes Giètes, alors là, d'accord, je m'incline humblement, et n'ai rien à ajouter.

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