 Jeux d'enfants de Jonathan Trigell
Jeux d'enfants de Jonathan Trigell
(traduit de l'anglais par Isabelle Maillet)
 Gallimard, Série Noire
En 26 épisodes, de A à Z, Jonathan Trigell fait le récit des tribulations du "garçon A", relâché après plusieurs années de prison. Enfermé depuis l'enfance pour un crime que nous devinons abominable, il ne connaît rien du monde extérieur et, comble de l'ironie, c'est la police qui veille sur lui après sa libération : pour lui éviter d'être reconnu par la presse à scandales et d'être livré à la vindicte populaire, on lui fournit une nouvelle identité, un logement et un travail de livreur. Le "garçon A" (ainsi désigné lors de son jugement, pour le distinguer de son complice, le "garçon B") s'appelle maintenant Jack, et fait ses premiers pas en tant que citoyen libre à l'âge de 24 ans, en sachant que la moindre erreur lui vaudra d'être emprisonné à nouveau.
Jack est inévitablement déstabilisé mais sa réinsertion semble d'abord bien se dérouler. Tony, un éducateur qui l'a pris sous son aile alors que Jack n'était qu'un enfant, s'est installé non loin de son protégé et le rencontre régulièrement : l'amitié qu'ils partagent s'est muée en une relation père-fils gratifiante pour Tony et salvatrice pour Jack. Sur son lieu de travail, le jeune homme est confronté à des expériences toutes neuves : l'amitié (son coéquipier, Chris, l'adopte rapidement et les autres employés ne tardent pas à le considérer comme un des leurs) et l'amour (lui qui n'a jamais connu de femmes auparavant). Bien sûr, personne, excepté Tony, ne connaît son passé et son histoire singulière, et le poids du mensonge et de ses fautes devient insupportable.
 Le récit de cette réinsertion peu commune (Jack ne perd jamais de vue que les tabloïds sont à sa recherche) est palpitante, et narré de telle façon que ce n'est que progressivement que le lecteur est mis au fait du crime commis par Jack lorsqu'il n'était qu'un enfant. Ainsi, un chapitre sur deux est dédié au passé troublé du protagoniste : l'enfance d'un petit garçon maltraité par ses pairs, délaissé par ses parents, l'implacable système judiciaire (Jack, à quelques mois près, aurait pu être jugé comme un enfant...), le cynisme des psychologues chargés de le suivre (et, accessoirement, de le faire avouer un crime auquel il ne comprend rien), les épreuves infligées par l’univers carcéral... Tout est recensé, exploré, examiné à la loupe, avec compassion, certes, mais surtout avec un réalisme qui ne s’embarrasse pas de réponses toutes faites.
Le récit de cette réinsertion peu commune (Jack ne perd jamais de vue que les tabloïds sont à sa recherche) est palpitante, et narré de telle façon que ce n'est que progressivement que le lecteur est mis au fait du crime commis par Jack lorsqu'il n'était qu'un enfant. Ainsi, un chapitre sur deux est dédié au passé troublé du protagoniste : l'enfance d'un petit garçon maltraité par ses pairs, délaissé par ses parents, l'implacable système judiciaire (Jack, à quelques mois près, aurait pu être jugé comme un enfant...), le cynisme des psychologues chargés de le suivre (et, accessoirement, de le faire avouer un crime auquel il ne comprend rien), les épreuves infligées par l’univers carcéral... Tout est recensé, exploré, examiné à la loupe, avec compassion, certes, mais surtout avec un réalisme qui ne s’embarrasse pas de réponses toutes faites.
Jonathan Trigell montre comment une victime peut devenir un coupable et réciproquement, comment les enfants peuvent recourir à des jeux cruels pour tromper leurs souffrances, et comment un petit garçon a pu devenir un "monstre", une erreur de la nature, et ainsi détruire la vision idyllique que la société a créé de ce temps de l'innocence. En filigrane, l’auteur accuse une société plus prompte à punir qu'à comprendre, où il est plus aisé de pointer du doigt que pardonner ou de remonter à la source d'un crime.
Ce premier roman mérite des encouragements pour l'intensité des sentiments qu'il renferme et la profondeur de la réflexion engagée ; de même, la construction narrative, qui laisse planer l'ambiguïté — on ne cessera de se demander si Jack est capable d'assumer sa nouvelle existence et le flottement identitaire qui lui a été imposé — est habile, et brosse un portrait sans complaisance d'un jeune homme que sa vaillance ne suffira peut-être pas à sauver.
B. Longre
Le nouveau roman de l'auteur, Cham, a paru en anglais en juillet dernier.
 Il se souvient aussi de ses deux amis, Amolak, partisan de Gandhi, et Shantanou, qui admire Subhash Chandra Bose "Netaji", farouche indépendantiste aux alliances ambiguës. Kishore, lui, est partagé entre ses deux amis et ne sait s'il doit prendre parti, tandis que pour aider sa mère qui vit dans une grande pauvreté, il est forcé de se plier à l'autorité de ses oncles, de petits commerçants mesquins qui soutiennent le Rassemblement hindou... Kishore revient par la pensée à ces mois difficiles mais exaltants qui ont précédé la partition de l'Inde, se remémorant ses dilemmes et les scènes de massacres du mois d'août 1946 : "Ils se trompent lourdement, ceux qui croient que les hindous et les musulmans peuvent s'unir et vivre ensemble. (...) une ânerie monumentale. Shantanou et Amolak, tous les deux l'ont fourvoyé, c'est seulement maintenant qu'il parvient à y voir clair." Et l'auteure de réécrire certaines pages de l'histoire indienne sans jamais se départir d'un profond sens de l'autodérision. Pour preuve, la déception et le dégoût ressentis par Kishore lors du cinquantenaire de l'Indépendance, quand son fils, au lieu de lui offrir le drapeau aux couleurs de l'Inde (signe du nouvel idéalisme de Kishore), fait encore une fois preuve d'un mauvais goût prononcé pour les "signes extérieurs de richesse", en offrant à son père une... voiture. Un épisode parmi d'autres, permettant à Alka Saraogi de mettre en place une réflexion sur l'Inde actuelle et de dresser un bilan sans fard de ce pays hybride, entre occidentalisation, consumérisme outrancier et tiers-monde, une société où les plus riches côtoient les plus pauvres : "Cette partition trop chère payée, avec des centaines de milliers de morts(...). Et cette guerre avec des gens qui parlent la même langue (...). Ces budgets de défense faramineux pour monter une armée (...) alors qu'aujourd'hui encore les rues de Calcutta grouillent de lépreux, de mendiants, de femmes et d'enfants nus et affamés." pense Kishore.
Il se souvient aussi de ses deux amis, Amolak, partisan de Gandhi, et Shantanou, qui admire Subhash Chandra Bose "Netaji", farouche indépendantiste aux alliances ambiguës. Kishore, lui, est partagé entre ses deux amis et ne sait s'il doit prendre parti, tandis que pour aider sa mère qui vit dans une grande pauvreté, il est forcé de se plier à l'autorité de ses oncles, de petits commerçants mesquins qui soutiennent le Rassemblement hindou... Kishore revient par la pensée à ces mois difficiles mais exaltants qui ont précédé la partition de l'Inde, se remémorant ses dilemmes et les scènes de massacres du mois d'août 1946 : "Ils se trompent lourdement, ceux qui croient que les hindous et les musulmans peuvent s'unir et vivre ensemble. (...) une ânerie monumentale. Shantanou et Amolak, tous les deux l'ont fourvoyé, c'est seulement maintenant qu'il parvient à y voir clair." Et l'auteure de réécrire certaines pages de l'histoire indienne sans jamais se départir d'un profond sens de l'autodérision. Pour preuve, la déception et le dégoût ressentis par Kishore lors du cinquantenaire de l'Indépendance, quand son fils, au lieu de lui offrir le drapeau aux couleurs de l'Inde (signe du nouvel idéalisme de Kishore), fait encore une fois preuve d'un mauvais goût prononcé pour les "signes extérieurs de richesse", en offrant à son père une... voiture. Un épisode parmi d'autres, permettant à Alka Saraogi de mettre en place une réflexion sur l'Inde actuelle et de dresser un bilan sans fard de ce pays hybride, entre occidentalisation, consumérisme outrancier et tiers-monde, une société où les plus riches côtoient les plus pauvres : "Cette partition trop chère payée, avec des centaines de milliers de morts(...). Et cette guerre avec des gens qui parlent la même langue (...). Ces budgets de défense faramineux pour monter une armée (...) alors qu'aujourd'hui encore les rues de Calcutta grouillent de lépreux, de mendiants, de femmes et d'enfants nus et affamés." pense Kishore. Alka Saraogi est née en 1960 à Calcutta et y habite. Elle compte parmi les jeunes auteurs de langue hindie les plus importants d’aujourd’hui. Son premier livre – un recueil de nouvelles – a été publié en 1996. Son premier roman, qui se déroule dans la communauté de riches commerçants Marwari, a rencontré un grand succès en Inde comme à l’étranger, où il a été traduit en plusieurs langues (dont l’anglais, par elle-même, sous le titre Kalikatha via Byepass), et s’est vu décerner, entre autres prix, celui de la Sahitya Akademi pour le roman de langue hindie en 2001. (source : CNL)
Alka Saraogi est née en 1960 à Calcutta et y habite. Elle compte parmi les jeunes auteurs de langue hindie les plus importants d’aujourd’hui. Son premier livre – un recueil de nouvelles – a été publié en 1996. Son premier roman, qui se déroule dans la communauté de riches commerçants Marwari, a rencontré un grand succès en Inde comme à l’étranger, où il a été traduit en plusieurs langues (dont l’anglais, par elle-même, sous le titre Kalikatha via Byepass), et s’est vu décerner, entre autres prix, celui de la Sahitya Akademi pour le roman de langue hindie en 2001. (source : CNL) Promenade à travers les âges qui ne se cantonne pas au seul Occident, cet ouvrage revendique un érotisme « affirmatif et civilisateur » et entend revenir sur quelques idées reçues, en proposant une lecture intelligente et lucide d'un phénomène qu'on ne saurait réduire à la simple sexualité, à l'assouvissement immédiat du désir ou aux pulsions des uns ou des autres. Car l'histoire de l'érotisme est avant tout « celle de ses représentations » artistiques (de l'art figuratif à la littérature, de la musique au cinéma) – dont nombre d'exemples parsèment ces pages. De l'Eros antique à l'Eros contemporain, Pierre-Marc de Biasi offre un vaste panorama émaillé d'anecdotes et d'analyses passionnantes. Et de conclure que deux ennemis menacent aujourd'hui l'érotisme en tant que « vecteur de culture, de liberté collective et d'épanouissement individuel » : une pornographie « de masse », envahissante et médiocre, soumise à la loi du marché (dont la devise serait « tout, tout de suite »), et « l'inquisiteur barbu, le jeteur d'anathèmes et de fatwas, la figure millénaire du censeur iconoclaste » dont le retour en force en inquiète plus d'un. L'ouvrage s'achève sur un abécédaire, florilège d'extraits littéraires « en proie à la fièvre d'Eros », de Diderot à Baudelaire, d'Ovide à Pierre Louÿs, d'Anaïs Nin à Bataille, de Sade à Claudine Galléa, qui incitera à prolonger l’exploration. B. Longre
Promenade à travers les âges qui ne se cantonne pas au seul Occident, cet ouvrage revendique un érotisme « affirmatif et civilisateur » et entend revenir sur quelques idées reçues, en proposant une lecture intelligente et lucide d'un phénomène qu'on ne saurait réduire à la simple sexualité, à l'assouvissement immédiat du désir ou aux pulsions des uns ou des autres. Car l'histoire de l'érotisme est avant tout « celle de ses représentations » artistiques (de l'art figuratif à la littérature, de la musique au cinéma) – dont nombre d'exemples parsèment ces pages. De l'Eros antique à l'Eros contemporain, Pierre-Marc de Biasi offre un vaste panorama émaillé d'anecdotes et d'analyses passionnantes. Et de conclure que deux ennemis menacent aujourd'hui l'érotisme en tant que « vecteur de culture, de liberté collective et d'épanouissement individuel » : une pornographie « de masse », envahissante et médiocre, soumise à la loi du marché (dont la devise serait « tout, tout de suite »), et « l'inquisiteur barbu, le jeteur d'anathèmes et de fatwas, la figure millénaire du censeur iconoclaste » dont le retour en force en inquiète plus d'un. L'ouvrage s'achève sur un abécédaire, florilège d'extraits littéraires « en proie à la fièvre d'Eros », de Diderot à Baudelaire, d'Ovide à Pierre Louÿs, d'Anaïs Nin à Bataille, de Sade à Claudine Galléa, qui incitera à prolonger l’exploration. B. Longre Sans parler de la pollution sonore émise par la tribu tout entière, la maison résonnant des cris et des insultes qui fusent sans discontinuer. Logique, se disent les humains, les porcs sont des porcs... tout en prenant conscience des parallèles à établir entre cette famille cochon et les familles humaines : les parents débordés, irrités à longueur de journée par une progéniture dénuée de savoir-vivre, distribuent sans compter fessées et brimades, tandis que les enfants, de plus en plus désobéissants, aimeraient bien se débarrasser de ceux qu'ils considèrent comme des tyrans en puissance qui leur imposent d’intolérable limites : "Non, vraiment, on ne peut plus supporter d'être traités de cette manière." s'exclame l’aîné (à l'allure plutôt inquiétante), instigateur d'un complot qui, dans les grandes lignes, détourne les aventures du Petit Poucet : "On va abandonner les parents dans la forêt."
Sans parler de la pollution sonore émise par la tribu tout entière, la maison résonnant des cris et des insultes qui fusent sans discontinuer. Logique, se disent les humains, les porcs sont des porcs... tout en prenant conscience des parallèles à établir entre cette famille cochon et les familles humaines : les parents débordés, irrités à longueur de journée par une progéniture dénuée de savoir-vivre, distribuent sans compter fessées et brimades, tandis que les enfants, de plus en plus désobéissants, aimeraient bien se débarrasser de ceux qu'ils considèrent comme des tyrans en puissance qui leur imposent d’intolérable limites : "Non, vraiment, on ne peut plus supporter d'être traités de cette manière." s'exclame l’aîné (à l'allure plutôt inquiétante), instigateur d'un complot qui, dans les grandes lignes, détourne les aventures du Petit Poucet : "On va abandonner les parents dans la forêt." Pour l'anecdote (et en lien avec l'idée de
Pour l'anecdote (et en lien avec l'idée de