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albums

  • D'album en album

    Quelques albums dont je tâcherai de parler prochainement, mais dont je recommande d'emblée la lecture.

    Regarde !
    de Christine Beigel, illustré par Carole Giblas-Odin. - Mouton-Cerise, 2008

    Un Pantin
    M.P. Rivière et Elisabeth Brami - Océan jeunesse, 2008

    Catalogue de parents pour les enfants qui veulent en changer
    de Claude Ponti - Ecole des loisirs, 2008

    Au coin du fourneau
    d'Adrienne Barman, La Joie de lire, 2008

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     pantin.jpgcatalogueponti.jpgadrienne.jpg

     

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  • Tour d’horizon

    tgornet3.jpgDe nombreuses lectures achevées et peu de temps pour en parler ces jours… Je tiens néanmoins à en dire quelques mots.

     

    Du côté des romans, j’ai lu Je n’ai plus 10 ans (Neuf de l’Ecole des loisirs), de Thomas Gornet, dont j’aime beaucoup le ton et le style minimaliste – entre naïveté et sagacité. Dans ce récit en apparence paisible, ancré dans le quotidien, la parole candide, souvent littérale, du jeune narrateur est constamment en décalage avec les tensions ténues qui affleurent ; sa grande solitude face au monde adulte (qui rejette, parfois par déni, parfois en pensant agir pour son bien, les amorces de dialogue que le garçon tente de mettre en place) est palpable tout au long du roman, tout comme son désarroi. On pourra lire sur Sitartmag l’article que Madeline Roth consacre à ce roman destiné à un large lectorat.

     

    http://thomasgornet.blogspot.com/

     

    http://www.ecoledesmax.com/portail/

     

     

    amoureuxgrave.jpgAmoureux grave d’Élisabeth Brami et de Philippe Lopparelli (T. Magnier, collection Photoroman) met en scène, avec une grande finesse, une autre solitude : celle d’un jeune homme, le temps d’un week-end – une solitude soudain troublée par l’arrivée d’e-mails dont l’expéditeur reste anonyme. Paul est un personnage très vraisemblable, construit avec soin, et l’on se sent proche de lui dès les premières pages ; il souffre d’être « la honte de la famille » parce que littéraire dans une famille de scientifiques, de devoir cacher ses angoisses à sa mère envahissante et de supporter des pulsions, pourtant fort naturelles, qui le mettent mal à l’aise. À travers l'étrange dialogue qui s’instaure via l’écran, Paul retrouve un semblant d’espoir – ou du moins de quoi avancer, temporairement. La manière dont Élisabeth Brami a su intégrer les photographies de Philippe Lopparelli au cœur même du récit est très habile et permet de souligner davantage encore leur présence. J’invite à lire le point de vue de Joannic Arnoi, plus élaboré que le mien.

     

    Dans la même collection, on peut lire Les Giètes de Fabrice Vigne (qui se « réjouissait » ici de ce que certains « critiques » avaient pu en dire…), avec des photos d’Anne Rehbinder, ou encore Derrière le rideau de pluie de Guillaume Le Touze, photographies Michel Séméniako.

     

    atlantis.jpgDans un tout autre genre, j’ai lu le premier tome de la série Atlantis, L’Héritière, écrit à quatre mains par Christine et Madeleine Féret-Fleury (Hachette romans). L’écriture est d’une grande précision et l’histoire de la jeune Adel, qui s’enfuit de l’orphelinat où elle est maltraitée, est bien menée, ponctuée de multiples références à la littérature d’aventure, entre autres à Jules Verne. On apprécie le suspense, toujours ménagé, et la narration alternée –  le parcours d’Adèle, entre deux mondes (le réel et un univers parallèle qui intrigue d'emblée), et la quête d’un inconnu prêt à tout pour mettre la main sur la fillette. Des énigmes, de multiples rebondissements, beaucoup d'inventivité, et une héroïne dont la naïveté première n'amenuise en rien ses côtés batailleurs.

    On peut lire un extrait en ligne.

     

     

    hof.jpgQuant à Une petite chance, de Marjolijn Hof (traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Seuil jeunesse, collection Chapitre), cela faisait un moment que je souhaitais en parler. Un roman à la fois grave et léger, très audacieux dans son propos. On y découvre une petite fille aux prises avec des angoisses qu’elle tente d’apaiser en échafaudant des stratégies déroutantes, qui témoignent pourtant d’un sens logique étonnant. Une façon comme une autre de conjurer la mort possible de son père médecin, porté disparu. D’aucuns verront là une morbidité qui ne devrait pas avoir sa place en en littérature jeunesse… Est-il utile de répéter que la mort et son lot d’angoisses sont communs à tous ? Rien de malsain, en tout cas, dans ce court roman dont la justesse de ton est fort appréciable, car au-delà de la « thématique », l’auteure a donné vie à un personnage complexe, loin de tout stéréotype, que l’on découvre intimement à travers de nombreux dialogues bien menés et de menues anecdotes d’un quotidien qui se voit soudain bouleversé. 

     

     

    jturin.jpgJustement, j’ai sous les yeux un ouvrage qui a retenu mon attention : Ces livres qui font grandir les enfants, de Joëlle Turin (Didier jeunesse, collection Passeurs d’histoires). L’auteure développe nombre d’analyses pointues à partir d’un matériau d’une grande richesse : l’album jeunesse. Contrairement à ce que le titre pourrait laisser entendre, il n’est nullement question d’ouvrages didactiques ou formatés, mais de livres qui « ne s’embarrassent pas d’intentions pédagogiques explicites, de principes éducatifs affirmés et trop évidents, de propos lénifiants censés protéger le jeune lecteur de tout traumatisme. » Des albums dont les niveaux de lecture multiples font qu’ils sont pétris d’implicite : tout en donnant du plaisir au lecteur (enfant ou plus grand…), ils sont susceptibles de susciter nombre d’émotions et de questionnements, en lien direct avec le quotidien, mais aussi de participer au développement de la vie psychique et de l’imaginaire de chacun. L’auteure a choisi quelques grands thèmes (le jeu, les peurs, les « grandes questions » - la vie, la mort, les origines - les relations avec autrui, les chagrins) autour desquels elle bâtit ses analyses, toujours à l’aune d’albums représentatifs et tous différents les uns des autres (de Claude Ponti à Anaïs Vaugelade, en passant par Beatrix Potter ou Quentin Blake), nécessairement singuliers, sans jamais instrumentaliser son objet d’étude : les livres, écrit-elle entre autres, ne sont pas « des outils thérapeutiques », mais des « œuvres artistiques ». Et on lui en sait gré.

     

     

    annees70.jpgÀ propos d’album, et pour finir en beauté, un grand format que je recommande tout particulièrement : le dernier-né de Claudine Desmarteau, Mes années 70 (Panama), qui donne sacrément envie de (re)descendre dans la rue, de clamer « peace and love » ou d’écouter du Janis Joplin… L’impertinence salutaire et l’humour vivifiant de ce revival se goûtent sans modération et l’auteure, qui parle d’expérience, a l’habileté de mêler souvenirs personnels (sa garde-robe, ses lectures, ses goûts et ses activités, etc.) et thèmes plus vastes (libération de la femme, interdits et progrès sociaux, mode et musique, politique, etc.) ; une façon d’offrir une fresque variée, entre documentaire très subjectif et album de famille, qui met en avant la culture, au sens large du terme, caractéristique de l’époque. La drôlerie de l’ensemble permet de toucher un vaste lectorat - certains pourront revivre leur enfance en partie, d’autres (plus jeunes), n’en reviendront pas de découvrir qu’il est possible de survivre sans mangas ni mp3, affublés de sous-pulls synthétiques et entourés d’affreux papiers peints orange… c’est à eux que l’album, (où l’auteure ne craint pas de représenter des corps nus ou des hippies le joint au bec) s’adresse avant tout (« Quand j’avais ton âge, c’était les années 70 »).

     

    http://www.desmarteau.fr/index.html

     

     

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  • Déclinaisons du silence

    L’enfant silence, de Cécile Roumiguière et Benjamin Lacombe
    Seuil jeunesse, 2008

    Litli Soliquiétude, de Catherine Leblanc et Séverine Thevenet
    Editions Où sont les enfants ? 2008

    enfantsilence3.jpgUne enfant choisit de se taire afin de protéger ceux dont elle craint d’être séparée : ses géniteurs, parfois doux, souvent féroces, qu’elle associe à des loups et qu’elle retrouve le soir après l’école dans une tanière tantôt chaleureuse, tantôt hostile. Un silence choisi, à défaut de pouvoir trouver d’autres armes. Un silence refuge assumé et entêté, pour ne pas avoir à trahir ceux qui la maltraitent et la privent en partie d’enfance. Un silence prison (tel qu’il s’incarne dans la cage qui revient dans certaines illustrations) qui, paradoxalement, attire l’attention sur la fillette et sur ce qu’elle tait, et qui inquiète la maîtresse - « alors le matin, parfois, on l’assoit devant une dame qui sent bon la banane et le pain grillé. » Mais là encore, elle ne sait que dire, ni comment. Le mutisme de la petite fille (qui, sous les pinceaux de Benjamin Lacombe, apparaît le visage grave, tandis que ses grands yeux tristes et fatigués « boivent le monde ») est mis en mots avec simplicité par Cécile Roumiguière, une simplicité qui n’exclut pas la poésie et la complexité des émotions qui traversent ce récit poignant. Les illustrations, d’une grande finesse, s’accordent aux mots sans les singer, les interprétant et les complétant avec originalité, enrichissant le texte touffu - malgré son apparente limpidité.

    Car cet album raconte un dilemme difficile à résoudre, même vu de l’extérieur, une histoire de résilience et d’étouffement, d’une souffrance qui demeurerait invisible si l’on n’acceptait pas de s’y pencher. Le mérite de l'ouvrage est de proposer un regard suffisamment détaché - qui n’empêche par l’empathie - sur le parcours de l’enfant, permettant ainsi d’en saisir toutes les facettes : il y a certes une victime, identifiable, mais ses bourreaux ne sont pas rejetés en bloc et l’on comprend, à travers quelques phrases seulement, que ces derniers ne sont pas les monstres qu’on pourrait penser. Et si l’enfant n’a que son silence à offrir au départ, c’est pour dire aussi combien elle a peur pour eux.

    litli3.jpgLe silence de Litli, petite marionnette qui explore le monde en solitaire, à sa manière, est d’une tout autre nature - un silence paisible en apparence, même si Litli (son nom signifie « petit » en islandais) se réveille d’abord dans un univers terne et gris, en noir et blanc. Elle se lève malgré tout et part à la recherche d’autre chose, d’un ailleurs en couleurs. Un voyage initiatique parsemé de dangers, de fissures, voire de gouffres, que la petite parvient cependant à franchir, comme si une petite voix intérieure la soutenait régulièrement dans sa quête. Car l’histoire de Litli est d’abord silencieuse, une succession de photographies lumineuses de Séverine Thevenet, que la marionnette Litli a accompagnée jusqu’en Islande. Les mots économes de Catherine Leblanc, qui apparaissent de temps à autre en surbrillance sur quelques-unes des pages - des mots qui guident et incitent le petit personnage à aller de l’avant, à ouvrir les yeux sur le monde - sont venus se superposer plus tard, non pas pour troubler le silence d’un récit en images qui aurait presque pu se suffire à lui-même, mais pour lui donner une résonance nouvelle.

    « Seuls les mots de Catherine Leblanc ont su faire leur place : ils ouvraient de nouvelles portes dans mes images et dans l’histoire », explique celle qui se dit « mariographe », refusant de choisir entre la photographie et les marionnettes, deux passions qu’elle est parvenue à conjuguer dans ce beau livre. Des mots qui se font leur place mais savent aussi se taire quand il le faut. La « soliquiétude », sous-titre de l’album ? Un néologisme qui sonne juste, un terme qui combine solitude et quiétude, « la tranquillité douce de celui qui marche et fait naître le monde en chemin. » Le mutisme pour mieux dire les choses, un texte réduit au minimum afin de laisser parler le silence et de ne pas empiéter sur le territoire des photographies qui se succèdent.

    Dans chacun de ces deux albums dont la démarche esthétique est fort différente l'une de l'autre, les parcours respectifs de l’enfant et de Litli ne sont pas similaires au prime abord, mais le silence (apaisant ou étouffant) et la place des mots (libérateurs ou alliés) sont au cœur de chacun d’eux, en lien avec une renaissance au monde et à la vie (« Viens au monde », disent les mots à Litli, qui redécouvre enfin les couleurs). Une vie devenue grise et sans éclats pour la marionnette, une vie qui n’en était plus une pour l’enfant silence, qui se contentait de murmurer quelques lettres, à l’image des petits pas indécis de Litli au tout début de son aventure. Des albums qui disent l’indicible avec délicatesse, et qui rappellent que tous nous tendons peut-être, en fin de compte, à la quiétude.

    (B. Longre)

    http://www.cecileroumiguiere.com

    http://www.benjaminlacombe.com

    http://ousontlesenfants.hautetfort.com

    http://catherineleblanc.blogspot.com

    http://shashi.club.fr/index.html

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  • Révolution porcine… affreuse, sale et méchante ?

    Sept petits porcelets de Dorothée De Monfreid, Gallimard jeunesse, 2008

    Révolution porcine… affreuse, sale et méchante ?


    Dorothée de Monfreid, que l'on connaît entre autres à travers ses romans publiés à L'école des loisirs (dont l'excellent Croquepied), s’en donne ici à cœur joie pour brouiller les pistes narratives et proposer un joyeux panachage intertextuel, le récit s'inspirant ouvertement de contes bien connus : les allusions aux Sept petits chevreaux ou aux Trois petits cochons, déjà contenues dans le titre, ont été habilement déguisées et "digérées" par l'auteure, qui offre la vision moderne d'une famille nombreuse dont le quotidien se résume à un invraisemblable chaos. Monsieur et Madames Porc "enragent" d'avoir à contenir leurs sept porcelets, qui se comportent comme des... cochons et transforment leur maison en véritable porcherie... "Il y a de la boue sur les fauteuils, de la vieille purée séchée par terre, des meubles cassés, des traces de chocolat sur les murs, des giclées de soupe jusqu'au plafond. Et en plus, ça sent souvent mauvais."

    329039523.jpgSans parler de la pollution sonore émise par la tribu tout entière, la maison résonnant des cris et des insultes qui fusent sans discontinuer. Logique, se disent les humains, les porcs sont des porcs... tout en prenant conscience des parallèles à établir entre cette famille cochon et les familles humaines : les parents débordés, irrités à longueur de journée par une progéniture dénuée de savoir-vivre, distribuent sans compter fessées et brimades, tandis que les enfants, de plus en plus désobéissants, aimeraient bien se débarrasser de ceux qu'ils considèrent comme des tyrans en puissance qui leur imposent d’intolérable limites : "Non, vraiment, on ne peut plus supporter d'être traités de cette manière." s'exclame l’aîné (à l'allure plutôt inquiétante), instigateur d'un complot qui, dans les grandes lignes, détourne les aventures du Petit Poucet : "On va abandonner les parents dans la forêt."

    Le texte ne manque pas de cocasserie, mais demeure indissociable des illustrations qui l'accompagnent, dans lesquelles sont contenues plusieurs parties du récit. Petit ou grand, chacun y trouve son compte et l’on s'amuse tout autant des délirantes facéties des jeunes cochons livrés à eux-mêmes (qui, bientôt, sans autorité pour les guider, font de leur maison le décor d'un huis-clos digne de Sa Majesté des mouches) que l’on comprend, à demi-mots, les belles « leçons » éducatives et démocratiques suggérées par le récit ; récit qui s'apparente à la célèbre fable politique de George Orwell, La ferme des animaux... Un pur régal, à déguster de préférence en famille…
    © B. Longre

    Cet ouvrage a d'abord paru aux éditions Bréal en 2004.

    D'autres ouvrages "cochons"

    Pas cochon ! de Christine Beigel, Illustrations d’Anna Karlson - Gautier-Languereau

    Copains comme cochons de Jean-François Dumont - Flammarion, Albums du père castor

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  • Albums à foison

    Je croule sous les albums estampillés jeunesse (qui restent néanmoins accessible aux plus grands…la preuve, je les lis) et manque de temps pour en parler dans le détail – en attendant des articles plus élaborés, quelques présentations en vrac, assorties de liens qui permettront de prolonger les découvertes.

    832708378.jpgD’abord la découverte d’un album réjouissant chez Textuaire (voir Krochnouk Karapatak de Julien Martinière, publié par le même éditeur), intitulé La Ville en chantier : l’auteure, Anne Moreau , y met en scène deux petits personnages dans un décor qu’ils construisent peu à peu, à partir d’objets récupérés qu’ils recyclent à leur façon. Inventivité graphique, mise en page travaillée, élaboration d’un univers poétique singulier qui permet de dépasser la simple thématique environnementale : tout y est. Un album muet, pour tous. Le plus : des fiches jeux à télécharger ici, pour prolonger l'aventure des deux bâtisseurs.

    361865855.jpgPlus classique, mais pas moins réussi : Thésée, d’Yvan Pommaux (L’école des Loisirs). Le mythe, « fabuleuse histoire d’amour, de peur et de fureur », est ici fidèlement retranscrit, raconté dans le détail (depuis la conception du héros jusqu’à l’évocation de sa vie future), accompagné par des illustrations qui oscillent, comme souvent avec l’auteur, entre bande dessinée et album, et proposent des personnages très vraisemblables. Un glossaire complète ce bel album grand format.

     

    1583691272.jpgDu côté du conte, j’ai aimé Pourquoi personne ne porte plus le caïman pour le mettre à l’eau (le Sorbier) : non seulement le texte est signé Blaise Cendrars (extrait de ses Petits contes nègres pour les enfants des blancs, datant de 1928) mais les illustrations déstructurées de Merlin ajoutent à la cocasserie de l’ensemble , tout en étant particulièrement ouvragées.
    Les éditions du Sorbier offrent des contes appréciables, comme ceux de la collection Au berceau du monde.

     

     

    1905048608.jpgJ’avais déjà eu l’occasion de présenter d’autres contes, publiés aux éditions espagnoles OQO. Avec Le grand livre des portraits d’animaux, de Svjetlan Junakovic, un vrai livre d’artiste, on entre dans une autre dimension : l’auteur s’est approprié des toiles de maîtres pour les recréer à sa manière – les humains étant ici remplacés par des animaux, aussi expressifs que les modèles d’origine, qui conservent les costumes d’époque : babouin, brebis, lapine, bouc, tortue ou hippopotame peints par un… plagiaire (ou presque !) de talent, qui a su respecter les techniques de Vermeer, Rembrandt ou David. Un beau livre qu’on ne se lasse pas de parcourir. http://www.oqo.es/sj/

    576077482.jpgDes contes encore, mais cette fois « en balade » : des textes signés Cathy Ytak , illustrés par Joëlle Gagliardini, Simon Kroug et Corinne Salvi, publiés aux éditions La cabane sur le chien, et qui ont la particularité de proposer des destinations et itinéraires de randonnées : des promenades que l’on peut effectuer dans le Jura ou bien se contenter de découvrir à travers des histoires fantaisistes, au cours desquelles on croise un Lamartine fort mélancolique (!), un renardeau distrait ou des lutins en quête de paix.

     

    1710638202.jpgChez un autre éditeur indépendant, Balivernes, vient de paraître un album inspiré par une aventure bien réelle qu’ont suivie l’auteure, Lenia Major et l’illustratrice, Sandrine Lhomme : la naissance d’oisillons dans une jardinière suspendue à la fenêtre d’un immeuble. Cela donne Devant chez moi, l’histoire d’un petit garçon qui s’attache à la tourterelle venue pondre puis élever ses petits sous son nez. Les illustrations originales (entre collage, dessin, et emploi de divers matériaux) accompagnent un texte joyeux, abordable dès 4 ou 5 ans.

    1042223472.jpgSignalons aussi la parution, aux éditions du Jasmin, d’un livre qui n'est pas à proprement parler un album (il ne raconte pas d'histoire mais incite plutôt à la rêverie) : Le jardin du calligraphe, de Françoise Joire, auteure-illustratrice et conteuse. Sur le même principe que ses Arabalphabêtes, abécédaire sur le thème des animaux, ce nouveau livre propose une déambulation graphique botanique : aromates, arbres, fruits ou fleurs sont écrits en arabe, chaque terme étant retravaillé pour évoquer la forme de la plante choisie. Des fioritures en pointillés qui restent sobres et agréables à l’œil.

    615119262.jpgDans un tout autre registre, on saluera le retour de l’affreuse Constance - Après Constance et Miniature et l’expérience traumatisante de la pension, la fillette met un navire sens dessus dessous dans Constance et les Pirates de Pierre Le Gall et Eric Heliot (Hachette jeunesse). Quant aux éditions Usborne, elles surfent elles aussi sur la vague piratesque avec A bord d’un bateau pirate de S. Courtauld et B. Davies (pour les petits, une aventure-documentaire), auquel on préfèrera Fenêtre sur un bateau pirate de Rob Loyd Jones et Jörg Mühle – chaque page propose de multiples rabats permettant de découvrir l’intérieur des navires ou les fonds marins. Un ouvrage aux illustrations réussies, qui a bénéficié des conseils d’un expert du Musée Maritime de Londres.

    Pour finir, on ira voir du côté de L’enfant silence de Cécile Roumiguière (qui nous en avait déjà donné un bel avant-goût), illustré par Benjamin Lacombe (Seuil jeunesse) , d’Au feu les pompiers j’ai le cœur qui brûle de Christine Beigel et Elise Mansot (Gautier-Languereau) et de Lilia de Nadine Brun-Cosme, illustré par Anne Brouillard (éditions Points de suspension), trois livres dont je reparlerai.

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  • Beaux albums

    Editions Anna Chanel

    2091310183.jpgUn nouvel éditeur jeunesse publie trois albums grand format signés Nathalie Collon, qui s’est associée, pour chacun d’eux, à un illustrateur différent. Créées par Nathalie Allemand et Philippe Collon, la maison est née en 2006 « d’un désir de transmettre, une réflexion sur le monde qui nous entoure, ses valeurs, ses différences. Une petite pointe de philosophie, de la magie, de l’émotion, de la poésie », et propose des contes « modernes et philosophiques inspirées des sagesses du monde. »

    Une rencontre entre un rhinocéros (forcément imposant, mais surtout vantard) et une petite fleur (forcément fragile, mais sereine) est le point de départ de La Fleur et le Rhinocéros (illustré par Edwina Cosme), une fable sur l’amitié mais aussi sur les masques que nous revêtons pour être à la hauteur d’une réputation. Dis-moi Nanouka, finement illustré par Jennifer Trican, égrène les émotions qui peuvent naître dans le cœur de chacun (les rires, les pleurs, les joies, les colères, etc.) et mettent en scène des enfants de tous les coins du monde, tandis que Et mon cœur est immense tient davantage du recueil poétique – succession de tableaux (signés Florent Espana), accompagnant des textes délicats, certes moins accessibles au jeunes lecteurs que les précédents. Un joli départ pour une aventure éditoriale et artistique à laquelle nous souhaitons de perdurer. B.Longre

    http://editionsannachanel.com

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  • Petite métaphysique manchote

    En attendant de nouveaux articles, voici ce que je disais d'Ôsolémio de Lydia Devos et Kot Kit Lo (Editions Points de Suspension, 2005)

     

    Petite métaphysique manchote

    "Dors, la beauté de la rose est sans pourquoi !"

    d0eca06e6e352f4f9bfbb4c4c5376909.jpgA quoi pensent les manchots ? Cet ouvrage entend aborder la question, même s'il n'apporte pas nécessairement de réponses tranchées aux questionnements d'Ôsolémio ; celui-ci est un petit manchot singulier qui, l'hiver venu, ne peut se résoudre à rejoindre le groupe de ses congénères serrés les uns contre les autres pour se protéger du froid et dormir en paix. Tant de questions se bousculent dans son jeune esprit, qu'à force de les poser à haute voix, il réveille les autres manchots, allant jusqu'à en secouer certains afin d'obtenir des réponses à ses cogitations : "Pourquoi y a-t-il tout ce qu'il y a ? Pourquoi n'y a-t-il pas rien ?" demande, avec obstination, Ôsolémio (qui fait écho, sans le savoir, à Leibniz). Les autres ne semblent pas enclins à partager ses questionnements existentiels mais lui répondent malgré tout, d'abord avec mauvaise grâce (n'oublions pas qu'on les empêche de dormir...), puis en prenant un peu d'intérêt à l'affaire qui secoue le jeune manchot ; l'un des premiers à répondre invoque une instance divine, indiscutable ("Par la grâce de Dieu"), une réponse malheureuse (personne, bien entendu, n'étant d'accord) qui provoque bientôt un grande bataille, les coups remplaçant immédiatement les arguments verbaux... Du coup, Ôsolémio décide de faire les questions et les réponses, découvrant ainsi le libre-arbitre à travers sa capacité de penser par lui-même : "Si rien ni personne ne peut me dire ce que je fais là, c'est donc à moi d'en décider !"

    Beau récit d'affirmation de soi, ode à la curiosité, Ôsolémio prône aussi l'autonomisation de la pensée dès le plus jeune âge - l'auteure (professeure de philosophie) s'étant inspirée de Leibniz, de Hölderlin et de Heidegger pour composer ce texte accessible qui renferme cependant une vaste complexité philosophique. Plusieurs collections philosophiques destinées aux enfants sont nées ces derniers temps, mais ce sont généralement des ouvrages de genre documentaire ou des guides qui leur sont proposés, le plus souvent ancrés dans la réalité, et même s'ils possèdent nombre de qualités, ils ne peuvent esthétiquement rivaliser avec cet album qui combine à la fois fiction et création, le travail langagier et conceptuel de Lydia Devos et les créations picturales de Kot Kit Lo (tous deux auteurs de Coâ Encore ! chez le même éditeur) - une réalisation qui ne se veut pas délibérément pégagogique ou éducative, et qui fait la part belle à la poétique.

    Le format classique de l'album ne le laisse pas nécessairement voir au premier abord, mais les toiles de Kot Kit Lo forment en réalité une fresque continue, composée de mouvements calculés, de courbes et de vagues, en totale harmonie avec le milieu naturel supposé des manchots et avec l'esprit de corps de la petite communauté, qui vit en bonne entente, solidaire quand vient le grand froid de la nuit : "Ils s'enroulent sur eux-mêmes comme la coquille de l'escargot (...) ils dessinent sur le sol une belle spirale." — une réalisation géométrique dont la perfection est soudain réduite à néant quand les manchots se mettent à s'opposer les uns aux autres et à se bagarrer. Mais l'on se surprend aussi à voir dans les gracieux mouvements du pinceau sur la toile (dont le grain a été habilement conservé par l'impression de belle qualité) les circonvolutions cérébrales et les méandres vertigineux de l'esprit en général, rejoignant ainsi les questionnements d'Ôsolémio. Ce dernier a la témérité de s'interroger sur l'être et le non-être ("pourquoi quelque chose existe plutôt que rien ?") - une question qui taraude assurément les enfants - et à montrer, par son chant final (bientôt repris par les autres manchots), que la poésie ou l'art sont peut-être les seules manifestations de l'esprit humain permettant de dépasser ces questions. © Blandine Longre

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  • Déconstruire les stéréotypes - BIS

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    Suite à ma note concernant l'association Lab-elle, j'ai reçu plusieurs réactions, dont celle d'Anne Dafflon Novelle, Docteure en psychologie de l’Université de Genève, à l'origine du projet. Réactions qu'elle m'autorise à publier sur ce blog.

     

    Je vous remercie pour votre message et pour vos commentaires sur l'association lab-elle dans votre blog.

    Juste quelques petites réactions.

    1) Vous avez entièrement raison quand vous soulignez qu'il ne faut pas oublier d'autres critères essentiels à propos de la littérature enfantine, comme esthétiques, graphiques, narratifs, rapports texte-images, etc. C'est aussi ce que nous essayons de faire au sein de notre commission de lecture comptant 9 membres, dont 4 sont professionnel-le-s du livre. Pour être très précise, si un album n'est pas attentif aux potentiels féminins, même s'il est d'excellente qualité d'un point de vue littéraire, il ne sera pas labellisé. A l'opposé, si un album est attentif aux potentiels féminins, mais qu'il est d'une piètre qualité en lien avec les critères mentionnés plus haut (esthétiques, graphiques, narratifs), il ne sera pas labellisé non plus.


    2) Vous semblez dubitative sur le fait que les enfants préfèrent avoir accès à un personnage de leur propre sexe. Il s'agit pourtant d'un fait mis en évidence à travers des recherches scientifiques. Cela ne signifie pas que les enfants ne vont pas apprécier une histoire avec un personnage principal du sexe opposé, mais durant l'enfance, les phénomènes de projection et identification qui sont à l'oeuvre entre l'enfant qui lit et le personnage principal sont facilités lorsque ces deux cibles sont du même sexe. De même, il a été mis en évidence que l'estime positive que l'on a de soi-même dépend en partie du fait d'avoir à sa disposition des modèles valorisés de personne de son propre sexe. Ainsi à l'évidence, les filles sont défavorisées comparativement aux garçons en lien avec la littérature enfantine. Voilà la raison de cette action de discrimination positive en faveur du féminin !

    3) Le choix de la couleur rose est à l'origine de bien des remarques et commentaires. Etait-ce un bon choix ou un mauvais choix ? Je pense qu'il nous faudra davantage de recul pour répondre à cette question. En effet, l'association souffle sa première bougie aujourd'hui. Mais, ce choix aura au moins eu le mérite de susciter le débat et de faire parler du projet ! 

    Pour terminer, je voudrais vous signaler que tout le monde peut proposer un ou des livres qui seraient susceptibles d'être labellisés. Par conséquent, si vous avez lisez des albums correspondant à notre projet, n'hésitez pas à nous le faire savoir ! Il y a une procédure sous
    http://www.lab-elle.org/label/ Merci d'avance.
    Anne Dafflon Novelle

    Publication
    Filles-garçons, socialisation différenciée ? - Sous la direction d'Anne Dafflon Novelle - Collection "Vie-sociale", Presses universitaires de Grenoble, 2006
    http://www.unige.ch/presse/

     

    Pour conclure, nous partageons les mêmes préoccupations mais ne sommes pas forcément d'accord sur les moyens à mettre en oeuvre pour combattre les inégalités... Il n'en reste pas moins que le projet Lab-elle reste unique en son genre et mérite d'être connu.

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  • Déconstruire les stéréotypes ?

    7f2ee483ee159b9fc13957fa5d1737ba.jpgLe premier prix lab-elle 2007 jury adultes a été décerné le 7 novembre à l'Université de Genève à Un bon point pour Zoé, de Peter H. Reynolds (Milan).

    L'association suisse lab-elle – "laboratoire pour elle" - a pour objectif d’œuvrer pour une attention soutenue aux potentiels féminins dans le domaine de la littérature enfantine et de rendre visibles les albums allant dans ce sens.
    On lit sur leur site : "Afin de permettre à chacun et à chacune de faire des choix qui ne soient pas dictés par les stéréotypes de genre, il est important de proposer aux enfants des albums qui contiennent des représentations d'hommes et de femmes, de garçons et de filles, non figés dans des rôles cloisonnés. De tels livres, même rares, existent !"

    Je n'ai rien contre la déconstruction des stéréotypes et l'égalité dans tous les domaines (bien au contraire) et la démarche mérite d'être soulignée. Il reste que je suis partagée... Je me dis qu'en instrumentalisant ainsi un domaine qui reste avant tout littéraire et artistique, en multipliant les étiquettes (dans ce cas, littéralement, en proposant un autocollant à placer sur les ouvrages sélectionnés, indiquant "Album attentif aux potentiels féminins"), on risque aussi de cloisonner davantage... et de moins tenir compte (voire d'oublier) d'autres critères (esthétiques, graphiques, narratifs, rapports texte-images et subversions des genres ou clichés littéraires...), qui restent essentiels. Signaler que certains ouvrages abordent des thématiques qui vont dans le sens d'un progrès procède d'une démarche évidemment louable, et je ne remets pas en cause le bien-fondé du travail de Lab-elle, mais je m'interroge sur les dérives possibles de ces étiquetages, qui peuvent inciter à choisir un livre sur ce seul critère et à construire, justement, de nouveaux stéréotypes... tout en insistant là encore sur la fonctionalité de tel ou tel ouvrage, au détriment de ses qualités propres.

    En parlant de stéréotype... le choix d'une fillette en rose sur le logo ci-dessus reste étonnant. L'association s'explique ainsi : "Reste le ROSE, couleur souvent décriée car massivement associée de manière peu valorisée au féminin. C'est justement pour cela que le rose a été délibérément retenu. En effet, le but du label est de mettre en évidence les potentiels féminins à travers toutes les catégories de personnages: fille, garçon, femme et homme. Il s’agit clairement d’une action de discrimination positive envers le féminin. Dès lors, pourquoi ne pas le faire avec du rose, mais décliné de manière positive?"

    Si on veut. Se réapproprier une couleur qui est déjà associée, traditionnellement au féminin... ? Choix paradoxal... qui pourrait même desservir le projet en ayant l'effet inverse. Pourquoi pas les couleurs de l'arc-en-ciel ? Car "Il s’agit clairement d’une action de discrimination positive envers le féminin " ?  J'avoue que la discrimination positive en général n'est pas ma tasse de thé. D'où ces réticences, probablement, qui n'engagent que moi.

    Qu'il existe (voir les travaux d'Anne Dafflon Novelle, chercheuse) des asymétries entre héros et héroïnes, est une évidence, mais ce constat : "les enfants des deux sexes préfèrent lire des histoires avec un personnage de leur propre sexe." me paraît, par expérience, sujet à controverse... Tout dépend (justement) de la qualité de l'ouvrage (et dans ce cas, le lecteur se moque bien de savoir si le héros est fille ou garçon) mais aussi des "passeurs" (bibliothécaires, parents, libraires, enseignants, médias...), qui peuvent eux aussi véhiculer des stéréotypes et autres valeurs sexistes... Et là encore, la démarche est paradoxale, car si on pousse la logique, le vrai progrès ne serait-il pas, justement, d'inciter les enfants à lire des livres avec des héros ou des héroïnes, indifféremment... ? (et ils le font déjà souvent).

     

    http://www.lab-elle.org/

     

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