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"Un livre doit être un danger", disait Cioran...

c327aaf8c1cc900c879a714c0cf71a51.jpgLes grands médias ont rarement l'occasion de parler de littérature jeunesse, et la plupart n'y connaissent pas grand-chose - mais quand ils le font (à l'occasion du Salon de Montreuil, une fois l'an), on aimerait qu'ils la traitent sur le même plan que les autres littératures... Et non comme une "production" à part. En effet, certains auront peut-être lu un article paru dans Le Monde des livres du vendredi 30 novembre, qui s'intitule "Un âge vraiment pas tendre - Mal-être, suicide, maladie, viol... Pourquoi les livres destinés aux adolescents sont-ils si noirs ?"

Déjà, ces premiers mots en ont fait bondir plus d'un... (éditeurs, auteurs, bien sûr, mais aussi lecteurs), car tout est dit dans le titre : l'idée obsolète, idéal d'un autre temps, qu'il existerait un âge "tendre" ; puis l'énumération de termes qui ressemblent ici à des "gros mots" (auxquels il ne faudrait surtout pas associer l'idée de jeunesse...) et enfin, une question qui aussitôt se fait affirmation... Le ton est donné et l'article va dans le sens d'un "protectionnisme" qui semble faire un retour en force... (pour ne pas parler des velléités de censure de certains), d'autant plus dommageable que la littérature dont il est ici question s'adresse aux adolescents (et non à des "enfants") - une littérature hybride, que les adultes eux-mêmes (quand ils passent outre les préjugés) ont souvent grand plaisir à lire - et que les adolescents, selon leur maturité (qui n'a rien à voir avec l'âge...), peuvent tout lire, on le sait.

Sur le fond, l'article remet en cause l'existence de romans (oui, des oeuvres de fiction) qui, selon la journaliste et ses interviewés, véhiculeraient des valeurs faussées, désespérantes, malsaines et bien sombres, et qu'ils ne reflèteraient pas le réel... ni les adolescents d'aujourd'hui. Qui a dit que la littérature devait ressembler au réel, voire se calquer sur lui ? Et quand elle renvoie à la réalité (on pense aux romans dits "miroirs") la littérature devrait-elle absolument s'y plier ? On se rend vite compte que la journaliste ne s'est fdff22e76faecb6798a750ea92584e54.jpgpas penchée sur les textes et leurs qualités narratives, langagières, esthétiques, imaginaires, etc. et s'est contentée de remettre en cause des "thématiques" (qui, on le sait, sont toujours les mêmes, le plus souvent inhérentes à la condition humaine) - ce qui, en soi, est bien réducteur quand il s'agit de littérature.

Dans un article pour la revue Citrouille, j'écrivais (il y a bientôt 2 ans) : "il reste qu’une attente très adulte voudrait faire autre chose de cette littérature et lui conférer une incontournable finalité utilitariste ; il arrive de regretter l’absence de visée éducative, citoyenne ou d’exemplarité dans certains romans "

D'après l'article : "les spécialistes le disent, Marcel Rufo en tête : la plupart des adolescents vont bien. C'est "un âge de conquête" (La Vie en désordre. Voyage en adolescence, Anne Carrière, 258 p., 18,50 €), plein d'élan et d'enthousiasme, où le bonheur est possible. Mais ce bonheur adolescent n'est pas relayé par les médias ou la littérature." Comment ? La littérature aurait l'audace de ne pas se mettre au service de la société en ne relayant pas le "bonheur adolescent" ?!

On voit comment d'aucuns souhaiteraient instrumentaliser la littérature et en faire autre chose - des guides de savoir-être ou des manuels de survie, par exemple, ou encore des romans édifiants. Et pourtant, la journaliste écrit aussi :"La littérature jeunesse semble proposer de plus en plus de "leçons de vie" destinées à aider les lecteurs face à une situation donnée : divorce, mort d'un proche..." Et là, on ne comprend plus rien... Hormis le fait que que cet article est construit sur une somme de contradictions : on reproche à certains romans pour ados d'être des « reportages » qui donneraient des « leçons de vie », tout en demandant aux livres de devenir les instruments d’un bonheur qui reflèterait davantage le « réel »…  (et l'obligation au bonheur... ?) Jolie confusion et bel amalgame entre réalité et fiction...

La catharsis, pourtant vieille comme le monde (et surtout depuis les premiers rituels dramatiques), paraît désormais oubliée... alors que ses effets devraient rassurer les adultes qui pensent qu'il faudrait mieux "protéger" les adolescents (qui, on  le sait, préfèrent se plonger dans un livre - de préférence "malsains" - plutôt que de jouer à des jeux vidéos ou que de télécharger des films X via l'internet - je sais, c'est réducteur, mais c'est aussi la réalité). Relisons ce qu'écrivait Annie Roland, psychothérapeute (voir l'intégralité de son analyse dans la Revue Citrouille), dont les propos éclairants concernent aussi les adultes, semble-t-il :

"Ces romans génèrent un effet cathartique chez l’adolescent confronté à l’insoutenable réalité psychique de ses pulsions, c’est-à-dire qu’ils ont un effet « libérateur ». Lire une histoire, s’identifier au héros même quand il est en souffrance ne signifie pas que l’adolescent va reproduire les mêmes actes. L’acte de lire introduit la possibilité de sublimer sa propre souffrance, comme si le héros endossait momentanément la problématique du lecteur."

 

Suite à la parution de cet article du Monde, quelques réactions d'auteurs :

"Je déteste ce formatage rampant que l'on voudrait appliquer à la littérature jeunesse ! Actes Sud publie des textes forts. ce sont eux qui provoquent un mouvement, eux qui resteront (pas les textes insipides, qui parait-il correspondraient mieux aux jeunes d'aujourd'hui)" - Catherine Leblanc

 

"Il y a quelques mois, une enseignante m'écrivait ses doutes concernant l'étude, dans sa classe, d'un de mes romans (les murs bleus), pensant que certaines scènes étaient trop violentes pour ses élèves. Je lui avais répondu que ça n'était évidemment pas à moi de juger de mon propre roman et que j'étais sans doute la personne la moins bien placée pour en parler. Mais que, de toute manière, personne ne pouvait jamais savoir l'impact d'un livre sur un lecteur ou une lectrice, et que c'était ça, le risque du vivant ! Et si elle voulait à tout prix "protéger" ses élèves, il ne fallait plus rien leur proposer en lecture...
Je pense aussi ceci  : nous  vivons dans un monde hypocrite, avec un retour effrayant à un ordre moral. Les filles peuvent bien se faire violer en étant mineure. Des ados peuvent bien voir leur copain se foutre en l'air, se shooter à mort ou partir à la dérive... Mais surtout, qu'on n'en parle pas ! Comme si, en le taisant, on l'effaçait. Or ce silence et ce refus de voir la réalité en face font bien plus de ravages que de mettre le doigt dessus, même si ça fait mal." Cathy Ytak (dont le roman L'ombre d'Adrien est mis en cause dans l'article)

 

« Cette polémique est bien sûr consternante. Or, elle me touche intimement : je me sens sur la liste des suspects, vu que mon premier livre mettait en scène la tentation suicidaire d'un adolescent. Je trouverais fort déplacé et imbécile qu'un journaliste vienne me déclarer au nez, sans rire, que le roman en question était autre chose que de la littérature , et qu'on me soupçonne d'avoir voulu je ne sais quel effet de miroir fonctionnel, je ne sais quel démagogue et complaisant étalage de pulsions morbides en vue de séduire des adolescents  (…) La crypto-censure cul-bénie à l'oeuvre dans cet article est alarmante : bientôt, faudra-t-il interdire aux adultes de lire les auteurs déprimants, Céline , Cioran, Thomas Bernhardt, Georges Hyvernaud, Elfriede Jelinek, sous prétexte que ces auteurs-là ne montrent pas assez que le bonheur est possible ? Mais dans quel monde vivons-nous donc ? Un monde de slogans publicitaires ? » Fabrice Vigne.

e1c240729d1fdee4eeeb6017b978b4e9.jpgFabrice Vigne est l'auteur, entre autres, des Giètes (Photos de Anne Rehbinder, T.Magnier, photoroman, 2007), à propos duquel A-M. Mercier écrivait dans Sitartmag : "Mais à qui s’adresse-t-il ? A la jeunesse, comme l’indique la collection, et la mention de la loi de 1949 en page de garde ? A la vieillesse à qui il tend un miroir fidèle mais point trop désespérant. Aux autres ? A tous, pourrait-on dire, tant il mêle les âges et les temps. Et plus précisément à ceux qui aiment regarder les images et au-delà des images, entendre les sons, saisir les voix qui se croisent et lire entre les lignes, aux amoureux de Flaubert, donc ?"

 

Quant à l'article, on le trouve ici
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-983787,0.html

 

Lien permanent Catégories : Edition, Littérature jeunesse 19 commentaires 19 commentaires

Commentaires

  • Merci Blandine de cet article, bien construit et très bien formulé. l'as-tu envoyé en Monde ?

  • Tout ceci est vraiment affligeant. Heureusement que je ne lis pas Le Monde ! Je crois qu'il existe une tendance lourde, qui n'est pas nouvelle au demeurant, qui consiste à vouloir "protéger" les adolescents (et les enfants). Au nom d'une conception très mécaniste de l'esprit, on fait comme si la simple exposition à des conduites jugées dangereuses (ou inappropriées) allait leur donner l'idée de les adopter. Il y va aussi du mythe de la virginité - dont n'importe quel individu lucide côtoyant des jeunes sait bien qu'elle n'est qu'un mythe. C'est en adhérant à ce genre de chimères que l'on se voile la face devant tout le bruit et la fureur de ces âges. Pire, je pense que cela encourage la dissimulation, la rupture de communication avec les adultes. La bien-pensance est une invitation à l'auto-censure hypocrite, une machine à fabriquer des perversions.
    Je ne dis pas qu'il faut se comporter avec les enfants ou les ados comme avec les adultes, mais mon expérience de père m'a toujours démontré que le mensonge, la dissimulation ou la tricherie n'engendrent rien de bon.
    Par voie de conséquence, une littérature édulcorée me semble la pire des menaces : créer un "pacte" d'hypocrisie réciproque, enfermer les jeunes dans le secret des choses pas toujours reluisantes qu'ils trouvent en contournant les images d'Epinal, sur internet et ailleurs. En plus, c'est vraiment faire injure à leur intelligence et à leur capacité à trier. Comment les rendre capable de séparer le vrai du faux, le valable du véreux, la nuance du manichéisme, etc., si on hygiénise leur expérience morale ?
    Enfin bon, je ne suis pas sûr pour ma part qu'on assiste tant que ça à un retour de l'ordre moral. Simplement, les forces hostiles aux changements sociaux ont accru leur virulence parce qu'en face les opprimés et les minoritaires ne veulent plus se taire.

  • L’article du Monde ne présentait qu’une seule opinion : celle du pédopsychiatre Marcel Rufo, confirmée par une sémiologue dont j’ai oublié le nom. Deux « experts » autoproclamés, c’est un peu court pour se permettre d’asséner des conclusions sur l’air du temps. Ah ! L’air du temps… Cette substance que des universitaires confinés dans leur milieu – relisons David Lodge ! – croient pouvoir sentir mieux que les autres. Je suis moi-même sorti de l’université, et j’ai été journaliste, je crois parler en connaissance de cause. Comme souvent dans la presse francophone (contrairement à la presse anglo-saxonne, quoi qu’en disent ceux qui ne la lisent jamais), la journaliste du Monde a donné à son article l'allure d’un pamphlet, quitte à susciter des droits de réponse offusqués. Elle aurait été mieux inspirée de mener davantage d’entretiens, de rencontrer d’autres points de vues, à commencer par ceux des éditeurs visés ! Et ensuite d’en rendre compte – ce que l’on attend des journaux... L’article du Monde avance des arguments intéressants mais se trompe de procès. Veut-on cantonner la dureté des passions humaines aux héros de la mythologie ? Avons-nous peur de nous-mêmes au point de vouloir construire une image idéale de l’enfance ?... Je me refuse à entrer dans un débat sur l’innocence supposée des adolescents (ou des enfants). Je pense, en revanche, que deux siècles d’humanisme (pour faire court) ont sorti les rejetons du dédain et de la misère affective, pour en faire des "personnes". Les romanciers sincères qui en font les personnages de leurs livres ne font que prolonger cette évolution salutaire. C'est la grandeur de la littérature. Du reste, oublie-t-on que ces auteurs ont d'abord été des enfants?... J’ajouterai une remarque plus personnelle. J’ai quarante ans. Lorsque j’étais adolescent, j’ai recherché avidement dans la littérature, dans les romans, des fragments de vérité, qu’ils soient lueurs d’espoir ou indices du contraire. Je ne me souviens pas en avoir trouvé beaucoup dans la littérature, fort maigre, que l’on destinait à l’époque aux adolescents... Aujourd’hui, par exemple, à mon neveu qui se pose des questions sur son goût pour les garçons, je peux offrir J’apprends l’allemand (Denis Lachaud, Actes Sud Junior) ou Qui suis-je ? (Thomas Gornet, L’école des loisirs), des romans écrits d'une seule voix. Et je me réjouis de cette possibilité. Quant au courrier que la Commission de surveillance a adressé à Actes Sud Junior, il porterait à rire, s’il n’était une nouvelle expression de l’obsolescence pathétique qui caractérise cette officine.

  • Je partage votre indignation.
    J'aimerais pourtant ajouter qu'il me semble - mais je ne suis pas une pro de la littérature jeunesse - que l'on fait de moins en moins de place au rêve. Est-ce qu'un Dhôtel aujourd'hui serait édité s'il était inconnu ? Et où ? En jeunesse, en adulte ? Les frontières sont tellement poreuses et les étiquettes si vite apposées...

  • Pour rassurer Fabrice Vigne, je dirais que sous sommes nombreux dans la ligne de mire...
    Il me semble aussi que l'auteur de cet article s'est montré(e) tout à fait partielle dans ce qui se veut une "analyse" de la littérature pour adolescents. Dire et laisser dire que les ados sont privés de leur "part de rêve", à l'époque du règne des sorciers, c'est carrément un mensonge éhonté, historique !
    L'article "oublie" de citer les très nombreux romans qui entraînent les jeunes lecteurs dans un monde féérique, ils se multiplient et prennent tant d'ampleur qu'il m'arrive souvent de me demander si tous les ados des années 2000 ne finiront pas par avoir cette même culture, faite de féérie, d'autres mondes, et pour qui les trolls et les elfes font partie du vocabulaire commun. Je précise que c'est un constat que je fais en tant que profeseur de collège.
    Je ne sais pas comment André Dhotel s'en serait sorti, mais ce qui m'inquiète plus, c'est que, si on en juge par les propos tenus dans cet article, Charles Dickens n'aurait sans doute pas eu droit à la parole...
    Je suis heureuse qu'en marge des univers parallèles de la littérature jeunesse, dominée par la tendance Potter d'une part, et par la "littérature-pour-filles" d'autre part (à savoir : cheval-danse-nightclub-boyfriend), il existe une AUTRE littérature.
    Plus visible par les adultes, certes (jusqu'à déclencher leurs foudres), plus lisible par eux, aussi.
    Pour finir, citons René Char : "Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience"...

  • Bravo pour cette analyse de l'article (que je trouve hélas plus claire et mieux argumentée que le droit de réponse des éditeurs).
    Ce qui m'a fait bondir, c'est le manque de fond statistique dans l'argumentation du Monde. Il y aurait "trop" de romans sombres, et "seulement" quelques bons romans pas suicidaires. Des a priori qui ne reflètent en rien la réalité, d'une part éditoriale, et surtout commerciale. Il suffit d'observer brièvement un rayon ado de la Fnac ou autre, pour se rendre compte que 90% des titres mis en avant ont pour objectif de formater joyeusement les jeunes en futures Bridget Jones ou futurs GI Joe. Petite culotte en étendard ou la fleur au fusil, cela n'a pas l'air de choquer les psy...

  • Bien sûr - et évidemment.
    Une question annexe pourrait cependant être posée : pourquoi, quand on veut publier pour les "jeunes gens", s'emmerder soi-même avec la loi de 49 en affirmant que ce qu'on édite s'y conforme ? La littérature "pour grands adolescents" ne serait-elle pas davantage à son aise en "premier segment" de l'édition adulte ? Personne n'irait lui chercher des noises à cet endroit. Et cela n'empêcherait nullement les libraires et bibliothécaires jeunesse (non soumis à la loi de 49) de la proposer aux adolescents qui s'adressent à eux. Adolescents qui me semblent être souvent aujourd'hui davantage de jeunes adultes que de grands enfants…

  • En effet ! Cependant, j'ai aussi l'impression que les collections de littérature "pour ados", chez certains éditeurs jeunesse, accueillent souvent de "jeunes auteurs" que l'on ne remarquerait peut-être pas dans le torrent de la production romanesque. Comme si le segment "ados" devait être un vivier pour la jeune littérature plutôt qu'un terrain réservé à la littérature pour jeunes... Mais l'on va reparler de la profusion française, des frontières qui s'estompent... Quoi qu'il en soit, la loi française de 49 devrait être abrogée, voilà tout.

  • @ > Stéphane

    Je pense comme vous que cette loi devrait être abrogée. Mais, effectivement, pas pour répondre, de mauvaise manière, à la question posée par la place de la "littérature pour ados" et de ce qu'elle recouvre en réalité. Cette loi doit être abrogée parce qu'elle n'a pas lieu d'être même si on exclut les collections pour grands ados du champ de l'édition jeunesse. Comme vous le dites : elle doit être abrogée, voilà tout :-)

  • "c'est le manque de fond statistique dans l'argumentation du Monde. Il y aurait "trop" de romans sombres, et "seulement" quelques bons romans pas suicidaires. "

    Evidemment... il y a tant de romans qui paraissent - il est ridicule de se fonder sur 3 ou 4 lectures pour en tirer des vérités générales... Tout comme il est ridicule d'ériger des barrières entre les "genres" : il existe des romans "miroirs" ancrés dans le réel qui peuvent aussi faire rêver, des romans fantasy qui ont des effets miroirs et dans lesquels le lecteur s'identifiera parfois davantage aux personnages, il m'arrive aussi de lire des ouvrages dits de "pink lit" (pour "filles"...) très intelligents et pas si mièvres que cela, et des thrillers très sombres qui abordent le suicide, proposent des personnages approfondis et possèdent de vraies qualités... Bref, il suffit d'analyser les ouvrages avec un peu de recul (sans se lancer dans de pseudo spéculations psycho-sociologiques), et de les examiner comme des oeuvres littéraires avant tout.
    Par ailleurs, il est facile d'attaquer le roman, alors qu'on s'interroge moins sur le manga, par exemple, qui propose des univers parfois bien sombres et des scénarios répétitifs, dont la lecture peut devenir addictive...
    Quant à la loi, elle est obsolète - il me semblait que les ouvrages n'étaient plus examinés par la commission ?

  • En tout cas - je cite le Navire - les éditeurs semblent n'être plus tenus de lui soumettre les ouvrages. Le dépôt à la BNF suffi, à la commission d'aller y chercher ce qui la chagrine.

  • Finalement, je trouve que cet article du Monde aura au moins le mérite d'ouvrir le débat, et de permettre à des choses intéressantes de se dire en réponse !
    A propos de la loi sur les publications jeunesse, voilà le texte de l'article 2. (Modifié par Loi n°54-1190 du 29 novembre 1954 art. 1 (JORF 1er décembre 1954).

    "Les publications visées à l'article 1er ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques.
    Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse. "

    Bon, je crois que j'ai déjà choisi le thème de mon prochain roman. Ce sera l'histoire d'un paresseux menteur, qui se débine après avoir volé des sous à ses parents et débauché sa copine...
    J'ai tout bon ?
    Cathy, démoralisatrice de jeunesse et parfois elle-même démoralisée face à la loi.
    Mais comment peut-on faire pour que cette loi-là soit abolie ?

  • Merci Cathy de l'avoir rappelée ici - 1954... 2007... à part "inspirer ou entretenir des préjugés ethniques", le texte est parfaitement absurde et dépassé. On dirait un cours de morale des années... 1950, justement !
    (le terme que je préfère, "démoraliser"... )

    Par ailleurs, est-il plausible d'imaginer que la commission lit (ou même feuillette...) tous les ouvrages qui paraissent ? Je crois que c'est lorsque des associations ou des parents qui alertent la commission que celle-ci se penche sur les ouvrages, non ?

    pour info, un article intéressant sur la question de la censure en bibliothèque
    http://bbf.enssib.fr/sdx/BBF/frontoffice/1999/03/document.xsp?id=bbf-1999-03-0044-005/1999/03/fam-dossier/dossier&statutMaitre=non&statutFils=non

    et lire aussi
    http://www.sne.fr/1_sne/liberte_depublier.htm

  • On me signale (merci Pascale) un article signé Hélène Ramdani, éditrice du Navire en pleine ville

    http://bibliobs.nouvelobs.com/2007/12/14/litterature-jeunesse-l-offensive-de-la-morale

    Je ne partage pas toutes ses idées mais ceci donne là encore à réfléchir (je lui réponds en ligne)

  • Pour contribuer au débat, nous venons de mettre en ligne une archive de Citrouille. Un article paru en juin 1998 : Famille, je te hais ? :

    http://lsj.hautetfort.com/archive/2007/12/15/famille-je-te-hais.html

  • Contre-attaquons ! Proposons à tous les auteurs jeunesse une pétition demandant l'abrocation de la loi de 49 !
    Je suis sûr que beaucoup nous suivraient et que cette demande relayée par les médias aurait l'avantage de relancer le débat.

    Michel Piquemal
    auteur jeunesse

  • Merci Michel. Peut-être une idée à transmettre à la Charte, entre autres ? L'article tiré des archives de Citrouille (note du 15 décembre) fournit déjà une bonne argumentation sur le sujet.

  • Cathy, ton prochain livre a l'air super bien, j'adore le sujet :-)

  • "Les livres les plus durs sont parfois, justement, ceux dont on a le plus besoin."

    Ce qu'on peut lire sur le blog d'Irène Delse
    http://www.irenedelse.com/2007/12/18/qui-a-peur-de-thierry-magnier/

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