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Monde des livres

  • Le Monde des Livres répond

    Suite à la publication d'un article intitulé "Un âge vraiment pas tendre" - Monde des livres du 30-11-07 - que nous avions été nombreux à commenter sur ce blog, le Monde des Livres du 21 décembre donne la parole aux éditeurs et aux auteurs dans un article intitulé "La noirceur contestée des livres de jeunesse"

    www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-991706@51-957428,0.html

    Merci en tout cas à tous ceux qui ont participé à ces discussions - les commentaires restent ouverts !

    On peut aussi lire l'article de Hélène Ramdani, éditrice du navire en pleine ville.
    http://bibliobs.nouvelobs.com/2007/12/14/litterature-jeunesse-l-offensive-de-la-morale

    Débat sur la littérature pour adolescents avec Marion Faure, Mariette Darrigrand, Thierry Magnier, Annick Lorant-Joly et Marie-Aude Murail dans l'émission Du grain à moudre, sur France Culture, le vendredi 21 décembre, de 17h à 18h.

     

    PS
    Je tiens cependant à rectifier : la journaliste du Monde m'attribue certains propos signés Annie Roland, psychothérapeute, que je m'étais contentée de citer. Voici le passage dans son contexte initial :
    La catharsis, pourtant vieille comme le monde (et surtout depuis les premiers rituels dramatiques), paraît désormais oubliée... alors que ses effets devraient rassurer les adultes qui pensent qu'il faudrait mieux "protéger" les adolescents (qui, on  le sait, préfèrent se plonger dans un livre - de préférence "malsains" - plutôt que de jouer à des jeux vidéos ou que de télécharger des films X via l'internet - je sais, c'est réducteur, mais c'est aussi la réalité). Relisons ce qu'écrivait Annie Roland, psychothérapeute (voir
    l'intégralité de son analyse dans la Revue Citrouille), dont les propos éclairants concernent aussi les adultes, semble-t-il : "Ces romans génèrent un effet cathartique chez l’adolescent confronté à l’insoutenable réalité psychique de ses pulsions, c’est-à-dire qu’ils ont un effet « libérateur ». Lire une histoire, s’identifier au héros même quand il est en souffrance ne signifie pas que l’adolescent va reproduire les mêmes actes. L’acte de lire introduit la possibilité de sublimer sa propre souffrance, comme si le héros endossait momentanément la problématique du lecteur."

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  • "Un livre doit être un danger", disait Cioran...

    c327aaf8c1cc900c879a714c0cf71a51.jpgLes grands médias ont rarement l'occasion de parler de littérature jeunesse, et la plupart n'y connaissent pas grand-chose - mais quand ils le font (à l'occasion du Salon de Montreuil, une fois l'an), on aimerait qu'ils la traitent sur le même plan que les autres littératures... Et non comme une "production" à part. En effet, certains auront peut-être lu un article paru dans Le Monde des livres du vendredi 30 novembre, qui s'intitule "Un âge vraiment pas tendre - Mal-être, suicide, maladie, viol... Pourquoi les livres destinés aux adolescents sont-ils si noirs ?"

    Déjà, ces premiers mots en ont fait bondir plus d'un... (éditeurs, auteurs, bien sûr, mais aussi lecteurs), car tout est dit dans le titre : l'idée obsolète, idéal d'un autre temps, qu'il existerait un âge "tendre" ; puis l'énumération de termes qui ressemblent ici à des "gros mots" (auxquels il ne faudrait surtout pas associer l'idée de jeunesse...) et enfin, une question qui aussitôt se fait affirmation... Le ton est donné et l'article va dans le sens d'un "protectionnisme" qui semble faire un retour en force... (pour ne pas parler des velléités de censure de certains), d'autant plus dommageable que la littérature dont il est ici question s'adresse aux adolescents (et non à des "enfants") - une littérature hybride, que les adultes eux-mêmes (quand ils passent outre les préjugés) ont souvent grand plaisir à lire - et que les adolescents, selon leur maturité (qui n'a rien à voir avec l'âge...), peuvent tout lire, on le sait.

    Sur le fond, l'article remet en cause l'existence de romans (oui, des oeuvres de fiction) qui, selon la journaliste et ses interviewés, véhiculeraient des valeurs faussées, désespérantes, malsaines et bien sombres, et qu'ils ne reflèteraient pas le réel... ni les adolescents d'aujourd'hui. Qui a dit que la littérature devait ressembler au réel, voire se calquer sur lui ? Et quand elle renvoie à la réalité (on pense aux romans dits "miroirs") la littérature devrait-elle absolument s'y plier ? On se rend vite compte que la journaliste ne s'est fdff22e76faecb6798a750ea92584e54.jpgpas penchée sur les textes et leurs qualités narratives, langagières, esthétiques, imaginaires, etc. et s'est contentée de remettre en cause des "thématiques" (qui, on le sait, sont toujours les mêmes, le plus souvent inhérentes à la condition humaine) - ce qui, en soi, est bien réducteur quand il s'agit de littérature.

    Dans un article pour la revue Citrouille, j'écrivais (il y a bientôt 2 ans) : "il reste qu’une attente très adulte voudrait faire autre chose de cette littérature et lui conférer une incontournable finalité utilitariste ; il arrive de regretter l’absence de visée éducative, citoyenne ou d’exemplarité dans certains romans "

    D'après l'article : "les spécialistes le disent, Marcel Rufo en tête : la plupart des adolescents vont bien. C'est "un âge de conquête" (La Vie en désordre. Voyage en adolescence, Anne Carrière, 258 p., 18,50 €), plein d'élan et d'enthousiasme, où le bonheur est possible. Mais ce bonheur adolescent n'est pas relayé par les médias ou la littérature." Comment ? La littérature aurait l'audace de ne pas se mettre au service de la société en ne relayant pas le "bonheur adolescent" ?!

    On voit comment d'aucuns souhaiteraient instrumentaliser la littérature et en faire autre chose - des guides de savoir-être ou des manuels de survie, par exemple, ou encore des romans édifiants. Et pourtant, la journaliste écrit aussi :"La littérature jeunesse semble proposer de plus en plus de "leçons de vie" destinées à aider les lecteurs face à une situation donnée : divorce, mort d'un proche..." Et là, on ne comprend plus rien... Hormis le fait que que cet article est construit sur une somme de contradictions : on reproche à certains romans pour ados d'être des « reportages » qui donneraient des « leçons de vie », tout en demandant aux livres de devenir les instruments d’un bonheur qui reflèterait davantage le « réel »…  (et l'obligation au bonheur... ?) Jolie confusion et bel amalgame entre réalité et fiction...

    La catharsis, pourtant vieille comme le monde (et surtout depuis les premiers rituels dramatiques), paraît désormais oubliée... alors que ses effets devraient rassurer les adultes qui pensent qu'il faudrait mieux "protéger" les adolescents (qui, on  le sait, préfèrent se plonger dans un livre - de préférence "malsains" - plutôt que de jouer à des jeux vidéos ou que de télécharger des films X via l'internet - je sais, c'est réducteur, mais c'est aussi la réalité). Relisons ce qu'écrivait Annie Roland, psychothérapeute (voir l'intégralité de son analyse dans la Revue Citrouille), dont les propos éclairants concernent aussi les adultes, semble-t-il :

    "Ces romans génèrent un effet cathartique chez l’adolescent confronté à l’insoutenable réalité psychique de ses pulsions, c’est-à-dire qu’ils ont un effet « libérateur ». Lire une histoire, s’identifier au héros même quand il est en souffrance ne signifie pas que l’adolescent va reproduire les mêmes actes. L’acte de lire introduit la possibilité de sublimer sa propre souffrance, comme si le héros endossait momentanément la problématique du lecteur."

     

    Suite à la parution de cet article du Monde, quelques réactions d'auteurs :

    "Je déteste ce formatage rampant que l'on voudrait appliquer à la littérature jeunesse ! Actes Sud publie des textes forts. ce sont eux qui provoquent un mouvement, eux qui resteront (pas les textes insipides, qui parait-il correspondraient mieux aux jeunes d'aujourd'hui)" - Catherine Leblanc

     

    "Il y a quelques mois, une enseignante m'écrivait ses doutes concernant l'étude, dans sa classe, d'un de mes romans (les murs bleus), pensant que certaines scènes étaient trop violentes pour ses élèves. Je lui avais répondu que ça n'était évidemment pas à moi de juger de mon propre roman et que j'étais sans doute la personne la moins bien placée pour en parler. Mais que, de toute manière, personne ne pouvait jamais savoir l'impact d'un livre sur un lecteur ou une lectrice, et que c'était ça, le risque du vivant ! Et si elle voulait à tout prix "protéger" ses élèves, il ne fallait plus rien leur proposer en lecture...
    Je pense aussi ceci  : nous  vivons dans un monde hypocrite, avec un retour effrayant à un ordre moral. Les filles peuvent bien se faire violer en étant mineure. Des ados peuvent bien voir leur copain se foutre en l'air, se shooter à mort ou partir à la dérive... Mais surtout, qu'on n'en parle pas ! Comme si, en le taisant, on l'effaçait. Or ce silence et ce refus de voir la réalité en face font bien plus de ravages que de mettre le doigt dessus, même si ça fait mal." Cathy Ytak (dont le roman L'ombre d'Adrien est mis en cause dans l'article)

     

    « Cette polémique est bien sûr consternante. Or, elle me touche intimement : je me sens sur la liste des suspects, vu que mon premier livre mettait en scène la tentation suicidaire d'un adolescent. Je trouverais fort déplacé et imbécile qu'un journaliste vienne me déclarer au nez, sans rire, que le roman en question était autre chose que de la littérature , et qu'on me soupçonne d'avoir voulu je ne sais quel effet de miroir fonctionnel, je ne sais quel démagogue et complaisant étalage de pulsions morbides en vue de séduire des adolescents  (…) La crypto-censure cul-bénie à l'oeuvre dans cet article est alarmante : bientôt, faudra-t-il interdire aux adultes de lire les auteurs déprimants, Céline , Cioran, Thomas Bernhardt, Georges Hyvernaud, Elfriede Jelinek, sous prétexte que ces auteurs-là ne montrent pas assez que le bonheur est possible ? Mais dans quel monde vivons-nous donc ? Un monde de slogans publicitaires ? » Fabrice Vigne.

    e1c240729d1fdee4eeeb6017b978b4e9.jpgFabrice Vigne est l'auteur, entre autres, des Giètes (Photos de Anne Rehbinder, T.Magnier, photoroman, 2007), à propos duquel A-M. Mercier écrivait dans Sitartmag : "Mais à qui s’adresse-t-il ? A la jeunesse, comme l’indique la collection, et la mention de la loi de 1949 en page de garde ? A la vieillesse à qui il tend un miroir fidèle mais point trop désespérant. Aux autres ? A tous, pourrait-on dire, tant il mêle les âges et les temps. Et plus précisément à ceux qui aiment regarder les images et au-delà des images, entendre les sons, saisir les voix qui se croisent et lire entre les lignes, aux amoureux de Flaubert, donc ?"

     

    Quant à l'article, on le trouve ici
    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-983787,0.html

     

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  • Droit de réponse

    Je reproduis le texte que Jeanne Benameur, Claire David (directrices de la collection “D'une seule voix”), François Martin, éditeur & Thierry Magnier, directeur d'Actes Sud Junior, ont écrit en réponse à l'article du Monde évoqué ci-dessus, qui s'en prend entre autres à la dite collection :

    Il n'y a pas d'âge pour la littérature. Une bonne fois. Cycliquement se pose cette question rebattue de l'âge. Nous le savons, personne ne bronche plus lorsque l'habitude a été prise de considérer un texte comme étant “pour la jeunesse”. Qui s'interrogerait aujourd'hui sur la légitimité de Molière ou de Victor Hugo à être lus dans les collèges ? Pourtant, Mme Rimbaud s'offusquait que le professeur d'Arthur lui ait donné à lire Les Misérables ! Rions.
    Et ça continue.
    Aujourd'hui on voudrait rabaisser la littérature contemporaine à “un travail de reporters en âges troubles, tentant de se mettre dans la tête d'un ado”.
    Non. Les œuvres incriminées ne sont pas ce qu'on voudrait nous faire passer pour du fait divers aguicheur.
    Petite mise au point. Il ne s'agit pas dans la collection “D'une seule voix” de récits mais de monologues intérieurs, d'une parole, n'en déplaise à Marion Faure. Et c'est une différence d'importance. Encore faut-il prendre le temps de lire vraiment.
    Et surtout, ces monologues sont des textes d'auteurs.
    Cela veut dire que chaque mot en a été pesé, qu'un écrivain a passé du temps de sa vie à faire advenir ce qui peut être partageable, universel, quel que soit l'âge. Ce sont ces voix que nous voulons faire entendre dans cette collection. Des voix d'auteurs comme Wajdi Mouawad, Catherine Zambon, Malin Lindroth, et nous ne laisserons pas dire qu'ils entraînent le lecteur dans des univers “malsains”… Parce que nous estimons qu'ils ont fait œuvre.
    L'adolescence, pas plus que l'enfance, n'a d'âge. C'est bien là la difficulté.
    Il y a des lecteurs qui seront toujours arrêtés par certains textes et cela n'est pas une question de date de naissance. D'autres ont lu à un “âge” supposé précoce des œuvres qu'on ne leur réservait pas.
    Les êtres humains ne sont pas réductibles à leur carte d'identité. Décidément.
    La vigilance extrême qui est la nôtre porte sur le texte. Toute souffrance se réfléchit dans la littérature qui permet de prendre le recul nécessaire pour l'envisager, voire la dévisager. Les émotions les plus intenses, nous pouvons les éprouver sans craindre qu'elles ne broient notre réalité si, et seulement si, elles ont été travaillées par la création. Lorsque des spectateurs vont voir couler le Titanic, ils paient leur place pour pleurer et non pas se noyer (ne serait-ce que dans leurs larmes… !). Claude Simon a très justement écrit dans Orion aveugle que jamais aucun incendie allumé dans un livre n'avait mis le feu à une maison.
    Nous le croyons.
    Nous croyons aussi que les jeunes filles et les jeunes gens sont intelligents et qu'ils ont droit à la littérature.
    Ils savent faire la différence entre la place de voyeur qui leur est largement offerte dans les médias et celle de lecteur.
    Lire permet d'être sujet, visionnaire et non spectateur. Libre. C'est peut-être pour cela que les livres sont toujours les premiers attaqués lorsqu'une société installe la peur comme moteur des relations humaines.
    Un article tel que celui paru dans Le Monde ne peut que légitimer les discours obscurantistes qui visent à entraver et réduire le travail de tous les passeurs de livres : libraires, bibliothécaires, enseignants.
    Lire est un risque.
    Editer est un risque. Nous sommes fiers de l'assumer.
    Vient ensuite le temps de l'échange, autre pari, vital, que Dolto entre autres a rappelé.
    Les livres ne sont pas obligatoires.
    Ils sont nécessaires à toute pensée qui se construit.

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