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critique

  • Atopia, Eric Bonnargent

    atopia.jpgATOPIA, PETIT OBSERVATOIRE DE LITTÉRATURE DÉCALÉE 
    Éric Bonnargent

    Préface d’Antoni Casas Ros
    Le Vampire Actif, 2011

    "Dans cet ouvrage, Éric Bonnargent nous livre un regard singulier et volontairement subjectif sur une trentaine d’œuvres marquantes des XXe et XXIe siècles, écrites par des auteurs de plus de vingt nationalités différentes qui ont la particularité de s’organiser autour de personnages évoluant en atopia ou non-lieu. À travers dix grandes thématiques où se manifeste ce concept, l’auteur imagine des rencontres originales et des mises en écho entre les textes de Stig Dagerman, André Gide, Cormac McCarthy, B.S. Johnson, Sébastien Doubinsky, R.D. Brinkmann, Roberto Bolaño pour ne citer qu’eux."

    pour se procurer l'ouvrage

    Pour lire un entretien avec Eric Bonnargent, par Anne-Françoise Kavauvea

    Eric Bonnargent sévit aussi sur L'Anagnoste, en compagnie de Marc Villemain.

    http://www.vampireactif.com/

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  • Quand les rois étaient des reines

    nabilnaoum5.jpgMoi, Toutankhamon, reine d’Egypte
    De Nabil Naoum
    traduit de l'arabe (Egypte) par Luc Barbulesco
    (Actes Sud, 2005)


    "Le roman n'examine pas la réalité mais l'existence (...) le champ des possibilités humaines." - Milan Kundera, L'Art du roman



    Le titre de ce saisissant roman offre déjà quelques clefs sur l’univers intimiste dans lequel le lecteur pénètre prudemment pour bientôt se trouver happé par le récit de la narratrice éponyme, personnage par essence hybride, inspirant d'abord une crainte mêlée d'admiration ; car (qui oserait en douter ?) c’est l’authentique Toutankhamon qui nous parle, et son récit obsédant a traversé les siècles après qu’elle l’a livré aux murs de sa prison : il est parvenu jusqu’à nous par le biais de la prose tour à tour audacieuse ou lyrique de Nabil Naoum.

    Le roman, certes ancré dans l’histoire de l’Égypte ancienne (dont on sait en réalité peu de choses, hormis ce que les tombeaux ont livré), retrace un destin invérifiable, que nulle source ne pourra venir confirmer ou infirmer – mais, à défaut d’être véridique, tout y est hautement vraisemblable, le romancier ayant déployé son imagination, en toute liberté, pour pallier les incertitudes de l’histoire. Il réinvente Tout, fille d’Amenothep et sœur d’Akhenaton (le roi rebelle qui remit en vogue le dieu Aton au détriment d’Amon), élevée comme un garçon, installée sur le trône à neuf ans ; pour se voir, à dix-huit ans, brutalement écartée de ce rôle masculin, créé de toutes pièces par sa mère et le grand vizir. Après avoir été le dieu vivant, sur lequel nul mortel ne peut poser le regard à moins d’y être autorisé, Tout-Nefret, enceinte de plusieurs mois, est jetée dans une fosse obscure tandis qu’un jeune prêtre est sacrifié pour servir de dépouille royale ; car un « roi » ne peut concevoir et encore moins enfanter, et devient gênant quand il s’obstine à vouloir mener une grossesse à terme…

    Dans sa dernière demeure, la jeune femme relate l’histoire de sa brève existence sur le point de s’achever par le poison – se confiant à des interlocuteurs invisibles ou absents, sa fidèle servante Senou (est-elle présente ?) ou son amant, Horemheb, celui qui l’aurait trahie.

    On trouve là des lamentations, il est vrai, mais étayées de souvenirs entrelacés, permettant à Tout de revivre tous les instants remémorés avant de mourir ; elle revient sans relâche sur son amour et sa haine mêlés, dirigés contre Horemheb, le chef des armées, celui qui l’a ouverte au plaisir des sens pour mieux la tromper ensuite, celui qui fut l’un des seuls à deviner que sous le costume du roi, se cachait une toute jeune fille.

    Le récit progresse par circonvolutions, retours et brusques avancées, par digressions temporelles, d’un souvenir à l’autre, au fil des sentiments souvent contradictoires éprouvés par la jeune Tout-Nefret (du désespoir à l’exaltation, de la fierté à la générosité, de l’abnégation de soi à la honte, etc.) – un mouvement de la pensée débarrassé de toute chronologie, qui se déploie au rythme des paradoxes d’un esprit subtil qui atteint peu à peu des vérités essentielles, et apprend à rejeter ce qui n’est qu’illusion – le pouvoir, les richesses et la vénalité de ceux qui ont pu commettre l'ultime trahison. Seule compte maintenant la vie nouvelle qu’elle abrite en elle (et pourtant condamnée). Le personnage grandit et s’affirme, et si elle s’écarte ainsi des lamentations et d’Horemheb, faisant preuve vis-à-vis de lui d’un cynisme montant, c'est bien grâce à ses multiples réminiscences : l’analyse du passé l’incite à dresser un bilan détaché de cette liaison secrète : « Comme les voies du souvenir sont curieuses… toutes les fois où je m’y suis enfoncée, j’ai découvert qu’elles étaient peuplées de mille détails, comme un rêve… Comme si le passé était plus clair que le présent… », confie-t-elle, comprenant que ces retours en arrière lui ont permis de se faire l’observatrice lucide et a posteriori d’événements sur lesquels elle n’avait aucune prise par le passé.

    Moi, Toutankhamon, reine d’Egypte est surtout un hymne à la féminité qui revendique son droit au plaisir charnel et au pouvoir, refuse la domination masculine et le paternalisme brutal des hommes ; un récit parcouru de révélations existentielles et de judicieux commentaires (évidemment très contemporains) sur les relations entre les sexes, la place réelle des femmes dans la société (en définitive, bien peu nous sépare de l'Égypte ancienne), et sur les faiblesses et les paradoxes de la tyrannie et de la virilité masculines : « j’ai compris à quel point tu craignais la mort. La violence est l’expression de la crainte, comme la cruauté. », constate la reine, s’adressant à Horemheb l’absent ; ou encore : «les hommes ne connaîtront pas la vérité de l’amour tant qu’ils ne seront pas libérés de leur crainte de notre supériorité. » Des traits de caractère qu’elle retrouvait chez le « frère » tant admiré, Akhenaton, si prompt à libérer les femmes et à les protéger, contrairement aux autres hommes... Cette exaltante réécriture de l’histoire (qui n’est pas sans rappeler l'épique roman de David Haziot, Elles) sert la cause des femmes et prône une égalité nécessaire, montrant combien l’histoire, la « grande », peut se faire mensongère quand elle est écrite par des hommes : « les chroniques des règnes sont pleines d’hypocrisie et de mensonges », affirme la narratrice, sachant qu’ils « graveront sur la pierre le récit des victoires illusoires que je n’ai pas remportées. » Les traces laissées par l’histoire seraient-elle donc semblables au verbiage fleuri d’Horemheb, amant volage tentant de se disculper de ses multiples absences ? Au contraire, seules la poésie (l’une des passions de Tout) et la littérature libéreraient la vérité du joug masculin et lui redonneraient la place qui lui revient. C’est donc le langage, libérateur, qui conduit Tout-Nefret à se révolter contre les manipulations passées et à entrer en subversion (contre l’ordre établi, les carcans religieux, moraux, politiques, etc.), délaissant pour un temps son désespoir (qui lui a toutefois fait prendre conscience que « Tout va à son extinction. ») ; en se souvenant de sa liaison avec un autre homme, Ta’ou, elle analyse désormais finement pourquoi les autres ont pu voir en elle un danger: « il [Ta’ou ] voyait en moi cette aspiration à me libérer de toute servitude (…) le pouvoir de s’émanciper de l’emprisonnement de l’idée d’éternité, imposée par tous les rites minutieux du culte et de l’embaumement. » ; et plus loin, elle lègue à sa fille (et à travers elle, à toutes les filles à venir au monde), ce message d’exultation : elle « reviendra à la vie dans le ventre d’une autre femme , et elle se verra alors en possession de toute la terre. »

    Nabil Naoum ne se targue pas d’être historien, mais paradoxalement, Moi, Toutankhamon, reine d’Égypte dépasse sans mal ces ouvrages pseudo-historico-romanesques faciles et rébarbatifs sur l'Égypte ancienne, auxquels le public s'est malheureusement habitué. Cet ouvrage unique appartient plutôt à la catégorie des grandes œuvres entêtantes et atemporelles, où l’acte langagier, dans son urgence, participe à un mouvement libérateur, où chaque mot s'impose au lecteur et participe d'un cheminement humain irremplaçable.

    B. Longre (sept. 2005)

    http://www.actes-sud.fr/index.htm


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  • Rien de gratuit

    glu.jpgGlue, d'Irvine Welsh
    traduit de l’anglais par Laura Derajinski - Au Diable Vauvert, 2009 (2001 Jonathan Cape)

     

    Décidément, on est en droit de se demander si Irvine Welsh se lassera un jour des cités écossaises et de leurs populations déshéritées, que les auteurs littérairement corrects oublient souvent... Après un roman qui narrait les souffrances d'un policier purement haïssable (Une ordure), l'auteur revient à ses premières amours, dans la droite lignée du fameux Trainspotting ou du moins connu Marabou stork nigthmares, pour le pire et le meilleur.


    Là encore, Welsh décrit l'existence de gens qui ne penseraient même pas à s'acheter un bouquin (et encore moins l'un des siens) et l'histoire en elle-même n'a rien que de très ordinaire : le récit d'une quadruple amitié, de l'enfance (difficile, on s'en doute) à la trentaine (non moins difficile, mais pour d'autres raisons), des années 70 à notre époque. Carl Ewart (futur DJ) est un peu rêveur, grand timide, le seul à avoir eu un père capable de l'élever ; Billy Birrel, le plus solide des quatre, a la tête sur les épaules (futur boxeur) ; Andrew Galloway, le malchanceux de la bande, est entraîné malgré lui dans une spirale désastreuse (futur junkie) ; et enfin, Terry Lawson, obsédé sexuel, intellectuellement limité mais fidèle en amitié (futur loser). Les quatre amis vivent de multiples aventures sordides (hooliganisme, chasse aux filles, beuveries diverses, petits cambriolages ou larcins et vacances à l'étranger) et tentent de faire vivre des rêves, quand ils parviennent à en avoir, pour toujours se retrouver face à la glaçante réalité.

     

    Au-delà de l'excellente structure narrative (toujours élaborée avec soin, l'auteur donnant la parole à de multiples personnages) et du charme du langage (l'écriture mime encore les caractéristiques phonétiques du milieu décrit), on retiendra surtout la démarche sociale de l'ensemble : Irvine Welsh affirme que ce qu'il raconte correspond bien à une réalité occultée, celle de toute une partie de la population écossaise (on pourrait élargir à la Grande-Bretagne) qui vit dans un dénuement matériel et culturel inimaginable ; un quart-monde qui a ses propres lois (le père de Carl les lui énonce très souvent), comme la fidélité en amitié... Une substance incroyablement tenace (de la glue) qui lie les quatre copains, même lorsque leurs vies prennent des directions différentes.

     

    Glue est ainsi la peinture hyperréaliste (on retrouve le penchant de l'auteur pour le grotesque) et crue d'un univers en marge, où tout ce qui représente l'autorité, de l'école à la police en passant par les pompiers, est nié, rejeté ; une fresque sociale et humaine qui prouve que le talent de Welsh pour observer puis retranscrire ne s'est pas émoussé. Il est vrai toutefois que son incapacité à décrire avec le même talent le reste du monde au-delà de la cité écossaise est un sérieux handicap pour son inspiration et que certains chapitres peuvent apparaître comme de la (bonne) redite. Et cependant, il est difficile de se lasser de ces romans tant les dialogues y sont truculents, tant l'humour y est toujours aussi noir et tant l'amour du romancier pour ses personnages transparaît tout du long ; et lorsque l'on a dépassé le stade de la provocation (scatologie et pornographie), on perçoit les aspects symboliques de l'ensemble qui nous font dire que rien de ce que Welsh écrit n'est gratuit... 

     

    (B. Longre)

     

    www.audiable.com

    www.irvinewelsh.net

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  • De la critique

    22520100961460M.gifLa lecture de cette 4e de couv. et du sommaire me donne envie d'aller jeter un oeil à cet ouvrage. La critique comme activité subjective, forcément, même s'il faut parfois faire taire sa subjectivité et aborder les textes avec un certain détachement - un pré-requis, à mon humble avis, qui permet d'éviter de nombreuses dérives.

    "La critique n'est pas seulement une activité intellectuelle ou artistique neutre : en elle se révèle l'ambivalence de notre rapport aux autres, dans notre façon de dialoguer avec eux et/ou de les affronter. Cette duplicité tient au fait que la critique se présente comme une posture intellectuelle alors même qu'elle est aussi toujours une réaction affective et émotionnelle. Plus profondément encore, elle renvoie à notre façon de percevoir et de comprendre une oeuvre qu'un autre, témoignant ainsi d'un talent qui révèle sa différence et sa distinction, a créée. Que fait la critique face à cette manifestation du pouvoir de créer ? Elle dévoile en tout cas ce que nous sommes (ou non) à même de recevoir et de restituer."

    Que fait la critique ? de Frédérique Toudoire-Surlapierre, éditions Klincksieck, 2008
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  • Le jeu de l’amour et des incertitudes

    Autant en emporte la femme d'Erlend Loe - traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud - Gaïa, collection taille Unique 2005 / Parution en poche : 10-18, mars 2008

    Le jeu de l’amour et des incertitudes
    De la difficulté de vivre à deux – de la difficulté d’être soi-même.

    2142328917.jpgPrésentation audacieuse pour ce deuxième roman du Norvégien Erlend Loe traduit en français, après Naïf (paru lui aussi en 10-18) : des entrées numérotées, signe, en surface, d’un parcours balisé, d’un récit maîtrisé et d’un enchaînement narratif connu d’avance – un ordonnancement chronologique qui est un leurre car le narrateur, dont les doutes et les hésitations, les anxiétés et les incertitudes presque maladives ne cessent d’imprégner le récit, fait plutôt penser à ces autistes qui ont un besoin vital de repères, de jalons répétitifs et rassurants pour avoir la sensation de posséder quelque contrôle sur une existence et un monde angoissants.
    Une personnalité sans relief, des désirs informulés (en apparence presque inexistants), le sentiment d’être en décalage, une platitude et une circonspection qui marquent sa crainte de s’impliquer plus avant dans ses rapports avec les autres : ce portrait au départ peu flatteur du protagoniste central, soudain livré aux assauts amoureux de Marianne, dont la fantaisie est contagieuse, évolue au fur et à mesure que la relation entre les deux jeunes gens se transforme et s’amplifie, au point de devenir essentielle. Ils ne peuvent bientôt plus se passer l’un de l’autre, en dépit des querelles et des sautes d’humeur, des lubies ou des blessures qu’ils s’infligent mutuellement. Car si la fantasque et très épicurienne Marianne n’est pas toujours commode, il est vrai, le jeune homme, avec sa cohorte de doutes et de questionnements qui frisent parfois l’absurdité, n’est pas plus facile à vivre. Les malentendus – pourtant sans gravité et donnant lieu à des scènes loufoques – abondent et le narrateur comprend qu’il n’est pas si simple de vivre à deux, d’autant que Marianne s’est très naturellement installée chez lui, sans qu’il l’y ait invitée…

    Et pourtant, ce qu’elle éprouve pour lui sera réciproque, il le veut : « la présence soudaine de Marianne entre ces murs était, en un sens, foncièrement ahurissante (…) Je fus saisi par une fâcheuse sensation de précarité. (…) Je me décidai à tomber raide dingue amoureux d’elle. Voilà. J’allais même commencer pas plus tard que le jour d’après. » Mais il ne suffit pas de le décider pour éprouver un sentiment… et le narrateur s’interroge sans répit sur ses actes et ses pensées, renâclant à se persuader de l’authenticité de son amour : « je pinaillais en permanence sur des choses totalement superflues au regard de ce grand amour que nous étions en train de construire. » Plus loin, alors que Marianne l’a quitté (pour quelques jours) après une dispute : « je reconnaissais que je m’illusionnais en croyant que je n’avais pas besoin d’elle (…) j’étais surtout inquiet de ne pas pouvoir identifier ce que j’éprouvais comme étant du sentiment amoureux (…) Or juste avant de m’endormir, je me suggestionnais qu’il s’agissait néanmoins de sentiment amoureux.» On verra dans ce passage torturé l’illustration même des troubles existentiels du narrateur ; bientôt, il perd son travail et Marianne lui propose de partir en voyage – un périple spécial, unique et sans précédent : « des vacances durant lesquelles tout ne sera qu’expériences (…) et la voilà repartie à ressasser qu’il vaut mieux être en voyage qu’arriver à destination… » L’errance ferroviaire qui va suivre est tout aussi originale et imprévisible que les liens qui se font et se défont entre les deux personnages, et l’on se prend à s’imaginer être à leur place, entre insouciance et gravité, légèreté et grands sentiments, même si c’est Marianne qui mène le jeu dans lequel son amoureux se laisse emporter, opposant une résistance boudeuse peu efficace.

    Cette histoire d’amour à la fois familière et atypique, piquante et singulière du premier au trois centième épisode, forme un roman pittoresque, ponctué d’événements ou de conversations cocasses qui oscillent entre absurde et idiosyncrasies - grâce aussi à quelques personnages secondaires gentiment ridicules ou farfelus (dont Nidar-Bergene, amie de Marianne et adepte de la thérapie par le cristal…). Mais au-delà de l’humour omniprésent (renforcé par la naïveté - toute relative - du narrateur, Autant en emporte la femme appartient à ce nouveau genre littéraire nommé le «naïvisme»), c’est à une quête identitaire que nous convie Erlend Loe, à travers le portrait ce personnage qui ne cesse d’avancer, en dépit de ses incertitudes, dans sa connaissance de lui-même, remettant au goût du jour le célèbre précepte socratique…
    © B. Longre

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  • Un prix pour Indridason

    1752539332.jpgLe 6e prix du Polar européen du Point a été décerné à Arnaldur Indridason pour son roman L'Homme du lac, paru chez Métailié. Il a été remis le 27 mars dernier, lors de l''inauguration du 4e festival Quais du polar de Lyon.

    Je n'ai pas lu ce dernier (pourquoi ? par manque de temps, tout simplement...) mais avais aimé La Cité des jarres et La Femme en vert, publiés chez le même éditeur.

    La Cité des Jarres d'Arnaldur Indridason - traduit de l’islandais par Eric Boury - Métailié, 2006 (Points Seuil 2006)

    Une grande famille...

    Le monde littéraire islandais reconnaît en Arnaldur Indridason un excellent auteur de romans noirs. La Cité des Jarres se présente comme une enquête palpitante, rondement menée par l’inspecteur Erlendur – en réalité pas aussi désordonné ou antipathique qu’il n’y paraît, peut-être un peu enclin à régulièrement s’endormir tout habillé et à ne pas se soucier de sa tenue débraillée ; mais Erlendur est un investigateur efficace et cela se sait à Reykjavik. L’atmosphère pluvieuse et franchement hostile, ses difficultés familiales (les visites impromptues de sa fille Eva Lind, droguée notoire) ne l’empêchent cependant pas de rebondir avec détermination à chaque nouvelle étape de son enquête, qui le mène dans le passé douteux d’un dénommé Holberg, un vieil homme que l’on vient de retrouver mort dans un appartement humide ; un meurtre « typiquement islandais » d’après Sigurdur Oli, collègue d’Erlendur, « un truc dégoûtant, gratuit »… jusqu’à ce que l’inspecteur retrouve, caché au fond d’un tiroir, une énigmatique photographie en noir et blanc, représentant la tombe d’une fillette morte à quatre ans. Et tandis que ses équipiers voudraient simplifier cette affaire, lui s’obstine et persévère, convaincu que c’est en fouillant dans le passé que l’on élucidera les troubles du présent.

    Trente ans plus tôt, Holberg aurait été accusé de viol, puis innocenté, un fait essentiel que lui apprend Marion Briem, une collègue maintenant à la retraite… La reconstitution du passé n’est pas de tout repos, mais Erlendur ne cède devant aucune difficulté, quitte à croiser en chemin nombre d’individus peu reluisants et à bouleverser pas mal de vies, dont la sienne : « Erlendur avait lu un jour que le passé était une terre étrangère et il l’avait bien compris. (…) Cependant, il n’était pas prêt à faire table rase du passé. » Les doutes qui peuvent l’abattre font rarement surface, excepté lorsqu’il se confie à Eva Lind, sa fille qui semble peu à peu se rapprocher de lui : « Voilà le genre d’enquête que c’est. Elle est semblable à un esprit malfaisant qui aurait été libéré. (…) Rien d’autre qu’un foutu marécage. »

    415935132.jpgLe récit connaît peu de pauses et l’enchaînement narratif, singulièrement alerte (rien à voir avec les polars lancinants et malhabiles du romancier suédois Henning Mankell), fait intervenir une pléthore de protagonistes, brossant dans le même temps une intéressante fresque de la population islandaise, toutes classes sociales confondues. L’enquête demeure approfondie et vraisemblable du début à la fin et explore en particulier les relations entre parents et enfants (un thème annoncé par les tensions qui président à la relation entre Erlendur et sa fille), les thèmes croisés de la filiation, de la déstructuration familiale et de la recherche génétique — on se souvient peut-être que le pays fait fonction de grand laboratoire dans ce domaine, depuis l’implantation, dans les années 1990, de la société islando-américaine DeCode Genetics, chargée de recenser, rassembler et analyser les données génétiques et généalogiques de tous les Islandais, une population (moins de trois cent mille habitants, il faut le souligner) idéalement homogène depuis la colonisation de l’île, au XIe siècle ; une expérience scientifique qui a suscité bien des controverses depuis que le gouvernement islandais a donné son autorisation en 1998, ce qui n’empêche pas certains habitants d’être en totale opposition…

    L’auteur ne donne pas ici un point de vue personnel explicite sur cette expérimentation à grande échelle – mais expose indirectement ses dangers potentiels mais aussi ses bénéfices, en faisant dire à Erlendur, qui s’adresse à l’une des responsables du « centre d’étude du génome» (ainsi rebaptisé dans le roman…) : « Vous êtes les dépositaires de tous ces secrets-là. Les vieux secrets de famille. Les tragédies, les deuils et les morts, tout cela parfaitement classé dans les ordinateurs. Des histoires familiales et individuelles. (…) Vous conservez tous ces secrets et pouvez les ressortir à volonté. »… © B. Longre

    Lire l'article de Pascale Arguedas

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  • Cassé (Kurt Cobain)

    db5ea4606bfc624ef170307d41a5928c.jpgLecture hautement recommandable...

    Cassé (Kurt Cobain), de Christophe Paviot - Naïve, 2008

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  • Parutions confidentielles...

    66834e95008e1815bbfa6d4392297791.jpgLu sur le blog de Myriam Gallot, à propos de Rescapés ordinaires de Laurence Barrère (D'un Noir si Bleu) et de 100% chimique, de Doeschka Meijsing (Le castor astral) : "Leurs publications récentes sont restées confidentielles, j'ai beau chercher sur le web, les critiques littéraires sont muettes." Elle cite ensuite Catherine Goffaux-Hoepffner, bibliothécaire du département Langues et Littérature de Lyon : "La production des éditeurs indépendants se trouve de plus en plus submergée sous les nouveautés des grandes et moyennes maisons dont le nombre a été multiplié par cinq au cours des trois dernières décennies. Tandis que simultanément les lecteurs effarouchés et la critique désemparée se focalisent sur un nombre de plus en plus réduit de titres."

    Un constat lucide qui incitera, on l'espère, les lecteurs à emprunter des chemins moins fréquentés... Il reste que Myriam, dont je recommande vivement le blog (ne serait-ce que pour la finesse de ses analyses et la qualité de ses choix) a su se pencher sur ces deux ouvrages ici.

    Parutions confidentielles... à qui la faute ?

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