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françoise robin

  • Le langage des fleurs... tibétaines

    La Controverse dans le jardin aux fleurs de Langdün Päljor - fable traduite du tibétain et annotée par Françoise Robin, éditions Bleu de Chine.

    Le langage des fleurs...

    1949109236.jpgCe court texte met en scène une polémique, au premier abord amusante et anecdotique, soulevée par les fleurs de Lampe de Turquoise, une vieille femme qui prend soin de son jardin avec une attention toute maternelle ; elle n’intervient pas immédiatement dans le débat, mais préfère d’abord y assister et écouter chaque intervenant, en se disant avec circonspection : « si cette querelle se concluait de façon heureuse, cela servirait assurément d’exemple à tous. » C’est donc une fable qu’a composée Langdün Päljor, sous la forme d’une discussion argumentée, et dans laquelle les questions soulevées s’incarnent dans les différentes fleurs présentes : l’orgueilleuse rose trémière, qui revendique son incomparable beauté et ainsi sa suprématie sur toutes les autres variétés florales (« Mon vert feuillage, large et abondant / Symbolise l’ombrelle des dirigeants puissants. »), le sage pélargonium, qui tâche de ramener la rose à plus de tolérance, mais qui bien vite est rabroué par la clématite, l’opportuniste, qui se range avec flagornerie du côté de la rose (celle-ci lui procure une tige à laquelle grimper), puis « l’intelligente » pensée qui propose aux honnêtes Six-pattes (les abeilles) de départager les fleurs…
    Les allusions politiques sont ici à peine déguisées, et c’est la plus raisonnable des fleurs, la pensée, qui analyse subtilement la situation :

    « Si la trémière menace les foules égales à l’origine,
    Et que plus tard on la reconnaît comme notre ornement suprême,
    Elle nous tyrannisera tous, nous les humbles »

    La leçon politique nous concerne tous, justement, à plus ou moins grande échelle, et il revient à chaque lecteur de l’interpréter en fonction de sa propre expérience. L’on sent bien que l’écrivain cherche à illustrer des comportements humains universels, il reste que le contexte tibétain laisse aussi entendre que Langdün Päljor énonce quelques vérités qui concernent directement les dirigeants chinois, leurs querelles pseudo idéologiques et les intrigues de palais qui engendrèrent entre autres la fameuse « Révolution culturelle ». Il exprime aussi l’idée que l’harmonie pluriculturelle est possible entre les peuples qui cohabitent et que tous se valent, quelles que soient leurs singularités, des valeurs humaines exprimées par le biais des abeilles, qui appellent à la fraternité : « …évertuez-vous à assurer la prospérité du jardin / Par le cordial engagement d’entraide mutuelle. » Des mots qui renvoient à ce que Lampe de Turquoise exprime dès le début : « Ce sentiment de joie vient de ce que les multiples fleurs (…) ravissent tous les esprits. »
    Ce beau plaidoyer pour l’harmonie entre les peuples et pour la diversité tient une place privilégiée dans l’histoire littéraire d’une région du monde où le taux d’alphabétisation est extrêmement faible — sans parler de l’histoire mouvementée d’une culture que tente d’étouffer un gouvernement chinois obnubilé par l’idée d’uniformité nationale. Cette fable est en effet le premier texte de fiction qui fut publié au Tibet après la Révolution Culturelle, dans la première revue littéraire de langue tibétaine (Art et littérature du Tibet). Sa publication en français peut donc être considérée comme un petit événement éditorial – les autres textes traduits du tibétain, peu nombreux, appartenant à la littérature classique. Et pourtant, ainsi que l’indique Françoise Robin (traductrice et enseignante de langue et littérature tibétaines à l’INALCO) dans son introduction plus que bienvenue, « la sphère littéraire contemporaine est active au Tibet. Et nous ne le savons pas. » Nul doute que cette parution incitera à se pencher davantage sur une culture méconnue (hormis ses aspects religieux, qui ne font cependant pas tout.)

    On sait combien la censure peut être source d’inventivité, les auteurs devant se résoudre à exprimer leur pensée par des voies détournées, de manière plus ou moins heureuse : Langdün Päljor, figure de proue et défenseur de la culture tibétaine, use du procédé conventionnel mais toujours efficace de l’allégorie avec talent, dans une langue limpide et raffinée qui alterne prose et versification (de beaux passages dont la fonction métaphorique n’est pas qu’ornementale…) entre classicisme et modernité. © B. Longre

    1892687278.jpgwww.bleudechine.fr/

    Françoise Robin est aussi la traductrice des Contes facétieux du cadavre (avec la collaboration de Klu rgyal tshe ring) Bilingue tibétain-français (Langues et Mondes, L’Asiathèque), de L'Artiste tibétain et de La Fleur vaincue par le gel de THÖNDRUPGYÄL (Bleu de Chine).

    Les éditions Bleu de Chine ont un catalogue à découvrir absolument, qui comprend quelques textes traduits du tibétain. On trouvera en page d'accueil de leur site les "8 revendications pour Pékin". Ils publient également un ouvrage collectif (dirigé par Alain Bouc, Marie Holzman et Claude Meuriset) intitulé L'Envers des médailles J.O. de Pékin 2008, qui dénonce l'imposture que ces jeux sont devenus...

    "La Charte de l’Olympisme est discrète sur les Droits de l’Homme car un grand nombre de pays représentés les violent. Néanmoins les principes fondamentaux exprimés en début de texte affirment l’objectif de « promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine». Ils ajoutent que l’esprit olympique « exige la compréhension mutuelle, l’esprit d’amitié, de solidarité et de fair play ». (Extrait de la 4e couv.)

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