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littérature - Page 11

  • L'Amourier - Lectures en ligne

    7ef3128995185f621a61c8e2f2624938.jpgLes éditions de l'Amourier, en sus de leurs parutions habituelles, proposent depuis peu des textes à télécharger gratuitement depuis leur site Internet, des livres du fonds en relation avec leur actualité éditoriale. Deux textes sont déjà disponibles : Je est un autre de Joël Clerget et Comme des pas qui s'éloignent d'Alain Freixe (qui vient par ailleurs de publier Dans les ramas.)
    On peut aussi lire en ligne le dernier numéro de Basilic, la gazette de l'Association des Amis de l'Amourier (dont un exemplaire de la version papier est adressé gratuitement, dès parution, à chaque acheteur). Dans le numéro 28, on découvrira de courts textes inédits de Marie-Claire Bancquart, Jean-Marie Barnaud, Jérôme Bonnetto, et Claudine Galea.

     

    Chez ce même éditeur, je suis en train d'achever Si j'ai une âme, de Vincent Peyrel, un récit captivant dont je reparlerai prochainement.

    http://amourier.com

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  • Promouvoir la lecture... autrement.

    ef325a972e6b832884cdc66cb78b09ce.jpgLa littérature est avant tout une affaire de mots. Il reste que les auteurs et/ou les éditeurs empruntent parfois des voies atypiques pour annoncer ou accompagner la sortie de leurs ouvrages, s'appropriant des supports jusqu'alors réservés au cinéma ou à la musique. A titre d'exemple, Antoine Dole, dont le roman Je reviens de mourir paraît en janvier aux éditions Sarbacane dans la collection Exprim, propose en ligne une bande-annonce qui  familiarisera le lecteur potentiel à l'univers de son récit, qu'il présente comme une "fable noire sur la collision de deux trajectoires "

     
    Pour l'auteur, cette démarche va de pair avec le contenu et la forme de son roman ; voici ce qu'il en dit : "De plus en plus la jeune littérature puise ses influences dans la musique, le cinéma, les séries télés. L'impact populaire bouscule les préjugés élitistes et intellectuels. Les codes changent, évoluent : l’écriture devient orale, dans la trajectoire d’un métissage urbain et culturel où les récits se construisent dans une dynamique poétique et organique. Langue fracturée, reconstruite, libérée, décomplexée : le verbe, mué en véritable outil générationnel, s’acoquine à la culture du bitume, implacable et cassante, pour en traduire l’essence. (...) Dans ce nouveau paysage éditorial, les éditions Sarbacane et la collection Exprim’ font un travail singulier, basé sur des textes urbains nourris de ces énergies." Dans le même esprit, la musique n'est jamais absente des romans Exprim, avec une bande-son qui "inaugure chacun de leurs ouvrages, reflet de la rythmique des différents univers qui cadencent la collection."

    35665ff77d5ea4bf372c3891e651bea4.jpgMême si elle n'est pas encore développée en France, l'idée de la bande-annonce littéraire n'est pas nouvelle - elle nous vient surtout des USA, où les éditeurs estiment que les "booktrailers" permettent de s'attirer un public plus large et incitent à lire davantage. Ainsi, on trouvera en ligne la bande-annonce du premier roman d'Alexandra Sokoloff, The Harrowing (St Martins Press, à paraître en français), un clip réalisé à l'occasion de la parution en poche, qui restitue bien l'atmosphère du roman, sans trop en dire (contrairement à la plupart des trailers cinématographiques, qui donnent l'impression de visionner le film en accéléré). Là encore, les choses sont suggérées et titillent la curiosité du lecteur/spectateur, sans forcément imposer une "lecture" (pas plus qu'une 4e de couverture, en tout cas.)

    http://fr.youtube.com/watch?v=bFpRLP_2J1A

     

    af06afa90260cac3ca1fc53415650653.jpgD'autres auteurs proposent des présentations originales, sous forme de puzzle narratif, comme Virgile Durand, dont le premier roman, Ces gens-là, paraît chez Plon en janvier. En allant sur www.myspace.com/virgiledurand, on découvre que chacun de ses personnages possède une page myspace, une façon de prolonger leur virtualité sur la toile, au-delà du récit lui-même.

    C'était déjà le cas de l'auteur Will Davis, qui a créé une page pour Jaz et une autre pour Al, les personnages de My Side of the Story (Bloomsbury), et de Cynthia Leitich Smith, auteure de Tantalize (Candlewick), avec ses personnages Kieren et Quincie (des pages plus élaborées que les précédentes, qui trompent habilement de nombreux internautes croyant avoir à faire à de "vraies" personnes...). Des prolongements de l'ordre du divertissement, évidemment, mais qui révèlent aussi comment la littérature parvient à investir d'autres supports, et à s'en nourrir, tout en brouillant les pistes, parfois, entre le réel et le virtuel. Il est fort possible que ces promotions d'un nouveau genre se populariseront rapidement. Du côté des bandes-annonces européennes, les Italiens et les Espagnols ont déjà lancé le mouvement depuis quelque temps (voir ici ou ).

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  • Autour des mots - 2

     Des ouvrages qui nous racontent la vie des mots.

    615a56849b12dccaec63563a4b335a7f.jpgAux petits oignons ! d’Orlando de Rudder, Larousse

    Ce dictionnaire sous-titré « cuisine et nourriture dans les expressions » témoigne à la fois de la vitalité et de la richesse de notre langue, et de la qualité jamais démentie de la collection « Le souffle des mots », dans laquelle d’Orlando de Rudder signe aussi In Vino Veritas. L’auteur, justement, affirme d’emblée son amour des bonnes choses, qu’elles soient littéraires ou culinaires – « la nourriture de l’esprit est comme celle du corps » - et on trouvera ici de quoi être rassasié. Chaque entrée (ingrédients, plats, mais aussi ustensiles ou manière de cuisiner) de cet amusant dictionnaire débute sur une explication étymologique, puis suivent les expressions elles-mêmes, métaphores et images anciennes ou encore usitées au quotidien. L’érudition de l’auteur paraît sans limites et les multiples anecdotes ou les ébauches de recettes qu’il affectionne rendent la lecture forcément savoureuse. © B. Longre

    Lire aussi : Jardins et Cuisines du Diable, Le plaisir des nourritures sacrilèges de Stewart Lee Allen.

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  • Lectures achevées et en cours...

    Une nouvelle sélection parmi les ouvrages et les découvertes de ces dernières semaines.

    *** Fiction

    4a58a02f4b7c2c5da68c395fed7043e7.jpgLa Rivière d'Annie Saumont, vu par Anne Laure Sacriste (Editions du chemin de fer 2007) - une très belle nouvelle illustrée dont je parle ici.

    La Cité de sable de Bruno Doucey (Ed. Rhubarbe, 2007) www.sitartmag.com/bdoucey.htm

    Un autre recueil de nouvelles, Vivre intensément repose, signé Valère Staraselski (Editions La passe du vent) www.sitartmag.com/vstaraselski2.htm

    Servais des Collines d'Anne Percin (éditions Oskar 2007) - un roman passionnant (article et entretien avec l'auteure en ligne)

    Entre dieu et moi, c’est fini de Katarina Mazzeti (Gaïa 2007) - excellent roman ados-adultes dans lequel on rencontre une nouvelle héroïne adolescente qui mérite le détour, Linnea.

    Boris Vian et moi de Lou Delachair (Exprim' Sarbacane) - un article est en préparation...

     

    *** Inclassable

    Tingo, Drôles de mots, drôles de mondes d'Adam Jacot de Boinod (traduit de l’anglais par Jean-Baptiste Dupin, 10-18)

     

    *** Jeunesse

    f9ac535449cab805ceed6762eedbf8a4.jpgça devait arriver de Gaëtan Dorémus (éditions Belize)

    Pas cochon de Christine Beigel (Gautier-Languereau)

    Mais qui a volé le maillot de la Maîtresse en maillot de bain ? de Lilas Nord et Carole Chaix (Après la lune jeunesse)

    Le village aux mille trésors de Véronique Massenot et Joanna Boillat (Gautier-Languereau)

    tous les articles sont en ligne sur la page jeunesse de Sitartmag.

    *** Lectures en cours… à des stades plus ou moins avancés.

    5b3bdc4d9ed40459d4ee6a07039a54d6.jpgPremières heures au paradis de Hafid Aggoune - à paraître en janvier chez Denoël.

    Cassé (Kurt Cobain) de Christophe Paviot - à paraître en janvier chez Naïve.

    Faut pas tuer les goélands de Jocelyne Sauvard - paru dans la collection Aventuriers du monde (Monde Global), que je présente ici.

    Les Ostrogoths de Martine Pouchain - Editions les 400 coups

    Le Voyage de Poéma de Cécile Roumignière et Claire Delvaux (Tipik, Magnard), un roman que l'on peut apprécier à partir de 6-7 ans.

    Si j'ai une âme de Vincent Peyrel (L'Amourier)

    Des vaches dans les prés de Lydia devos et Arnaud Madelénat (Points de suspension)

     

    Je ne dresse pas la liste de ceux qui attendent (leur tour viendra !)

    Pour finir, quelques mots sur...

    702489d7f8d636af7f67b8d5e1703c45.jpgImagier de Cécile Holveck, R-Editions, 2007

    Ne nous fions pas au titre de ce petit album légèrement rectangulaire aux pages cartonnées, conçu à la façon d'un imagier pour tout-petits ; justement, l'ouvrage introduit un décalage délibéré entre le support choisi et le contenu proposé, entre le trait simpliste des illustrations volontairement malhabiles (qui rappellent des dessins d’enfants) et l’histoire qui s’y déroule : tout part pourtant de l’enfance (personnage agenouillé près de deux jouets) pour aussitôt passer à la puberté – les premières menstrues qui gouttent sur le sol – continue sur la découverte du corps qui se modifie – examen de son sexe dans un grand miroir – pour s’achever sur une scène qui semble témoigner de l’acceptation de ces transformations. Ce travail atypique bouscule nos certitudes, s’interroge sur une transition-rupture somme toute naturelle et, dans le même temps, on admire la capacité de l’auteure (artiste plasticienne) à mêler si étrangement contenu et forme et à les rattacher à l’idée d’enfance non seulement via le format, qui n’a rien de gratuit, mais aussi via le narratif. B. Longre (décembre 2007)

    www.rhinoceros-etc.org
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  • Homosexualités dans le roman jeunesse

    Certains romans pour ados ou "jeunes adultes" abordent désormais ouvertement la "question" homosexuelle, en mettant sur le devant de la scène des personnages en quête identitaire, qui s'interrogent et se cherchent, ou qui assument déjà leur orientation sexuelle. Certes, ce sont des romans avant tout, mais il reste intéressant de se pencher sur une thématique relativement nouvelle - qui témoigne entre autres de la disparition progressive de certains tabous (en particulier dans le domaine de la littérature pour la jeunesse), et montre que la littérature aussi évolue avec son temps.
    Un ouvrage, signé Renaud Lagabrielle, intitulé Représentations des homosexualités dans le roman français pour la jeunesse, (L’harmattan, « Logiques sociales – études culturelles », 2007) vient de paraître sur le sujet, à partir d'un corpus de 30 ouvrages (ce qui paraît peu). Joannic Arnoi l'a lu et recensé sur son blog, tout en déplorant le fait que dans ce travail, "le traitement thématique l’emporte nettement sur toute autre perspective", que Renaud Lagabrielle tienne "un discours très général pour lequel les livres ont une fonction presque exclusivement illustrative" et que l'auteur semble parfois amené "à se comporter en censeur." On lira avec attention son analyse, ses réserves argumentées et ses critiques précises, qui, justement, soulèvent entre autres le problème de l'instrumentalisation de la littérature à des fins didactiques.
    Sur le même blog, on trouvera aussi des présentations d'ouvrages et une bibliographie non exhaustive de romans abordant cette thématique, classés par tranches d'âge.

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  • A paraître en 2008

    42d6f07907548ee85244c5a5ea8d9601.jpgPas raccord, de Stephen Chbosky
    traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Blandine Longre
    Roman Exprim, éditions Sarbacane, avril 2008

    Oui, je sais, il va falloir patienter...

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  • De la fessée

    Pour ou contre la fessée ? Cette enquête m'a rappelé un album qui ne tranche pas sur le sujet mais le traite avec intelligence, humour et finesse.

     

    Le conte du prince en deux, Ou l’histoire d’une mémorable fessée
    Olivier Douzou et Frédérique Bertrand (Seuil jeunesse)

     

    La fessée, entre réalité et fiction.

    Une mère d’élève est interviewée devant l’école de son fils – et se prend si bien au jeu que l’enfant craint d’être en retard… Interrogée sur un sujet éducatif (la fessée), elle ne peut résister au besoin de formuler longuement son avis et se lance dans une véritable diatribe anti-violence : ses idées envahissent la page, les mots s’entassent et se percutent, tandis que l’enfant tente d’attirer l’attention de cette mère trop bavarde, qui continue cependant de s’insurger contre cette pratique d’un autre temps – l’occasion pour elle d’exprimer son admiration pour le modèle suédois (« En suède, la fessée est sévèrement réprimandée et c’est une bonne chose… »). Mais l’on comprend que les belles théories et les bonnes intentions de la maman ne tiennent pas longtemps quand elle se retrouve aux prises avec la réalité…

    479e0ec603a5ce5c30e6e42af75f07b1.jpgA l’école (que le petit a pu rejoindre malgré tout... avec un peu de retard) s’enchaînent des paroles d’enfants, beaucoup plus réalistes face à cette pratique qu’ils subissent : ils échangent leur propre expérience de la fessée (« c’est terrible », « je crie juste avant que ça tombe »…), puis un petit garçon entreprend de raconter Le Conte du prince en deux à la classe : le ton change, les illustrations et les décors aussi et ce récit inséré, volontairement absurde, prend des allures allégoriques et désuètes affirmées, tout en condamnant ouvertement la pratique du châtiment corporel, les peurs qu’il provoque et le sentiment d'injustice qu'il engendre.

    Ce superbe album met dos à dos, très concrètement, mythe et réalité, par le biais du récit à tiroir : un excellent moyen de s’interroger sur la violence physique et les comportements adultes parfois irréfléchis et que l'on croit appartenir à un autre temps – mais qui perdurent envers et contre tout. Les auteurs ont cependant la sagesse de ne pas imposer leur point de vue ; de ne pas culpabiliser les adultes, de dédramatiser la pratique de la fessée pour ne pas donner aux enfants l'impression d'être uniquement des victimes, tout en les laissant s'exprimer ; mais il est certain que les jeunes lecteurs retiendront avant tout les mots des petits élèves et s’identifieront aisément à eux. Par le biais de l’humour Olivier Douzou et Frédérique Bertrand ont su éviter les ornières de la morale et même si la question, assurément complexe, demeure en suspens, ils fournissent au moins l’occasion d’en débattre ! © Blandine Longre

     

    Les plus grands pourront aller lire Le Traité du fouet du Général F-Amédée Doppet aux éditions A Rebours. qui parle (entre autres...) "De la nécessité de changer les peines qu’on inflige à l’enfance et à la jeunesse"... nous étions en 1788 !

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  • Le Monde des Livres répond

    Suite à la publication d'un article intitulé "Un âge vraiment pas tendre" - Monde des livres du 30-11-07 - que nous avions été nombreux à commenter sur ce blog, le Monde des Livres du 21 décembre donne la parole aux éditeurs et aux auteurs dans un article intitulé "La noirceur contestée des livres de jeunesse"

    www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-991706@51-957428,0.html

    Merci en tout cas à tous ceux qui ont participé à ces discussions - les commentaires restent ouverts !

    On peut aussi lire l'article de Hélène Ramdani, éditrice du navire en pleine ville.
    http://bibliobs.nouvelobs.com/2007/12/14/litterature-jeunesse-l-offensive-de-la-morale

    Débat sur la littérature pour adolescents avec Marion Faure, Mariette Darrigrand, Thierry Magnier, Annick Lorant-Joly et Marie-Aude Murail dans l'émission Du grain à moudre, sur France Culture, le vendredi 21 décembre, de 17h à 18h.

     

    PS
    Je tiens cependant à rectifier : la journaliste du Monde m'attribue certains propos signés Annie Roland, psychothérapeute, que je m'étais contentée de citer. Voici le passage dans son contexte initial :
    La catharsis, pourtant vieille comme le monde (et surtout depuis les premiers rituels dramatiques), paraît désormais oubliée... alors que ses effets devraient rassurer les adultes qui pensent qu'il faudrait mieux "protéger" les adolescents (qui, on  le sait, préfèrent se plonger dans un livre - de préférence "malsains" - plutôt que de jouer à des jeux vidéos ou que de télécharger des films X via l'internet - je sais, c'est réducteur, mais c'est aussi la réalité). Relisons ce qu'écrivait Annie Roland, psychothérapeute (voir
    l'intégralité de son analyse dans la Revue Citrouille), dont les propos éclairants concernent aussi les adultes, semble-t-il : "Ces romans génèrent un effet cathartique chez l’adolescent confronté à l’insoutenable réalité psychique de ses pulsions, c’est-à-dire qu’ils ont un effet « libérateur ». Lire une histoire, s’identifier au héros même quand il est en souffrance ne signifie pas que l’adolescent va reproduire les mêmes actes. L’acte de lire introduit la possibilité de sublimer sa propre souffrance, comme si le héros endossait momentanément la problématique du lecteur."

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  • La Joie par les livres rejoint la BnF

    b6ef5f3c3ea9553eab9341827f29f926.jpgLe conseil d’administration de la Bibliothèque nationale de France a approuvé l’intégration à la BNF des équipes et des activités de l’association "Les amis de la Joie par les livres", à compter du 1er janvier 2008. L’association, créée en 1972, a pour mission de "favoriser la promotion de la lecture publique au sein de la jeunesse, d’entreprendre toutes activités et expériences de création ou d’expression reliées à la lecture des jeunes, de conduire des actions contractuelles dans son domaine de compétences", et développe quatre types d’activités : la gestion d’un centre de ressources "Centre national du livre pour enfants La Joie par les livres", et d'un portail documentaire www.lajoieparleslivres.com, des publications consacrées à la production éditoriale pour la jeunesse et à la lecture des enfants et des jeunes, des formations pour les professionnels et les médiateurs du livre jeunesse, des actions de coopération, en particulier internationales, etc.

    e6b4589f03c8c163d90b642526c7655d.jpgLa Joie par les livres publie, entre autres, La revue des livres pour enfants

    Dernier numéro paru : n° 237, novembre 2007
    Sélection annuelle (incontournable !)

    une sélection de plus de 800 titres parmi les presque 10.000 reçus au Centre de ressources entre septembre 2006 et septembre 2007, dans un numéro tout en couleurs avec la reproduction des couvertures de chaque titre, qui intègre une nouveauté cette année : une sélection de films disponibles pour les bibliothécaires.
    La Revue des livres pour enfants est consultable en texte intégral depuis le premier numéro de 1965, sauf les deux dernières années de parution.

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  • Histoire de l'érotisme

    81c764209b2ad5b45752660e1b7142f6.jpgPour l'anecdote (et en lien avec l'idée de "censurer"  ou interdire des lectures aux jeunes lecteurs, histoire de les "protéger") j'ai reçu l'autre matin Histoire de l'érotisme, de l'Olympe au cybersexe (de Pierre-marc de Biasi, collection Découvertes Gallimard) ; or, l'ouvrage est entouré d'un fin bandeau de papier rouge indiquant : "Ce livre n'est pas destiné au jeune public"... je ne sais ce que l'éditeur (dont on comprend toutefois la prudence, vu le climat actuel) entend exactement par "jeune public" (c'est très vague.. 0-10 ans, 0-14 ans ??) mais il est certain que les ados, sans se jeter dessus (les illustrations parlent d'elles-mêmes mais le contenu reste relativement érudit) l'ouvriront s'ils tombent dessus. Je trouve ceci plutôt amusant, quand on sait quel type de fichiers les collégiens équipés de téléphones portables téléchargent et s'échangent au quotidien... A la rigueur, ils feraient mieux d'ouvrir cet ouvrage qui, au moins, possède certaines qualités esthétiques, les reproductions d'oeuvres d'art qu'il contient n'ayant pas la violence des images qui agressent habituellement l'oeil et l'esprit.

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  • 40 écrivains de langue hébraïque en 2008

    Invité d’honneur du salon du livre de Paris 2008, Israël sera représenté par 40 auteurs de langue hébraïque : Elie Amir, Aharon Appelfeld, Gabriela Avigur-Rotem, Benny Barbash, Ron Barkaï, Orly Castel-Bloom, Lizzie Doron, Israël Eliraz, Haïm Gouri, Michal Govrin, David Grossman, Amir Gutfreund, Alon Hilu, Shifra Horn, Miron C. Izakson, Sayed Kashua, Judith Katzir, Etgar Keret, Alona Kimhi, Ron Leshem, Savyon Liebrecht, Mira Maguen, Edna Mazya, Sami Michaël, Agi Mishol, Rutu Modan, Eshkol Nevo, Rony Oren, Amos Oz, Israël Pincas, Igal Sarna, Aaron Shabtai, Meir Shalev, Zeruya Shalev, Youval Shimoni, Ronny Someck, Zvi Yanaï, Avraham B. Yehoshua, Nurit Zarchi, Boris Zaidman.

    http://www.salondulivreparis.com/

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  • Rutu Modan

    Rutu Modan, auteure BD et illustratrice renommée en Israël, fonde en 1995, avec quatre autres dessinateurs (dont Batia Kolton), une maison d’édition à Tel Aviv : Actus Tragicus. Elle a recu, en 1997, le Year Award qui récompense une jeune artiste et l’Award de la meilleure illustratrice pour enfants du Youth Department of the Israël Museum en 1998. Elle a publié plusieurs histoires dont deux sur des scénarios d'Etgar Keret.

    Energies bloquées de Rutu Modan, traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas Delpuech, Actes Sud BD.

    Histoires de familles…

    Les six récits qui composent ce recueil ont été publiés entre 1998 et 2003 : des échantillons, en somme, du travail graphique et littéraire de Rutu Modan, artiste israélienne jusqu’alors inconnue en France, et qui signe aussi les illustrations d'un ouvrage jeunesse, Fou de Cirque.
    2be603e4f4f4e9fbbd92e1668e1d07c8.jpgDu strict point de vue de l’illustration, il serait vain de chercher une homogénéité dans ce florilège (un aspect encore plus flagrant dans Substance Profonde de l’artiste amie Batia Bolton, publié simultanément dans cette collection) et c’est plutôt du côté des thèmes abordés et des préoccupations auctoriales que l’on trouvera matière à parler d’harmonie : troubles psychiques ou affectifs, familles déconstruites ou recomposées, individus brisés par les carcans des règles sociales et collectives, espoirs avortés... L’auteure décrit et reproduit les perturbations de microcosmes qui lèvent le voile sur des dysfonctionnements à plus grande échelle. C’est le cas de Jamili, qui s’inscrit ouvertement dans le contexte sociopolitique israélo-palestinien, en mettant en scène la rencontre émouvante, point nodal du récit, d’une jeune infirmière fiancée à un imbécile (raciste de surcroît) et d’un terroriste palestinien qui s’automutile lors d’un attentat raté : deux individus que tout sépare et qui, dans un autre contexte, auraient pu s’unir.

    Dans Retour à la maison, une autre jeune femme, Méli, attend le retour hypothétique d'un époux pilote, disparu au Liban six ans plus tôt, tandis que Max, amoureux d’elle, tente de la convaincre de l'impossibilité d'un retour ; mais le beau-père de Méli se nourrit de cette attente et quand, un jour d’été, un avion non-identifié survole la plage du kibboutz, le vieil homme est convaincu que c’est celui de son fils… jusqu’à ce que l’armée de l’air intervienne. Les personnages, gauches et naïfs, sont représentés sur un fond uniforme, un ciel trop bleu pour être vrai, sur lequel se superposent soudain des avions de chasse puis les fumées grossièrement crayonnées qui émanent de la carcasse de l’appareil abattu. Le ciel redevenu bleu, la réalité d’une violence aveugle, caricaturale, s’évapore elle aussi, laissant de nouveau place à l’illusoire espérance.

    Ailleurs, c’est en huis-clos que se déroulent les événements ; ainsi Energies bloquées relate le drame d’une femme abandonnée par son mari et qui subvient aux besoins de ses deux filles grâce à un don étrange (« des pouvoirs curatifs dans les mains. De l’électricité qui guérit toutes les maladies »), mais l’ambiance familiale n’inspire pas le bonheur, les deux jeunes femmes exploitant la passivité dépressive de leur mère. Même chose dans Jadis, le long récit d’une quête familiale et affective ; un roman d’apprentissage, en quelque sorte, se déroulant dans un hôtel à thèmes tenu par deux sœurs dont les parents sont morts dans un incendie.
    Hormis la mise en images d’une nouvelle d’Etgar Keret, Bitch, le clou du recueil demeure L’assassin culotté (The Panty Killer), une tragi-comédie policière délivrée sur le mode parodique : le meurtrier en question, non content de poignarder des innocents, les ridiculise en affublant leur tête de leur culotte… Là encore, une histoire de famille est à la source de l’intrigue, une relation mère-fille qui tourne mal. La violence est ici tournée en dérision, comme pour exorciser ses ravages (bien réels en Israël), et demeure bel et bien omniprésente tout au long de ce talentueux album. © Blandine Longre

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  • Loi 49

    Afin de contribuer au débat sur la littérature ados ci-dessous, le blog de la revue Citrouille a mis en ligne un article paru en juin 1998 : Famille, je te hais ? Il y est question de l'ADV (Alliance pour les Droits de la vie, lobby anti-IVG & euthanasie) qui, en 1998 (est-ce encore le cas aujourd'hui ?) "alertait" régulièrement les autorités de la publication de livres jeunesse qu'ils jugeaient "immoraux", car proposant des scènes de "pornographie, de pédophilie, d'homosexualité, de violence" (on aura compris de quel genre d'association il est question... On imagine que leur définition de la pornographie doit être très éloignée de la nôtre...), plus particulièrement dans certains ouvrages de l'Ecole des loisirs... ! Plus intéressant, l'article (téléchargeable en pdf) aborde aussi la question de la loi de 1949, la distinction qu'il faudrait bien faire entre littérature jeunesse (les moins de 12 ans) et littérature ado et propose une solution très simple.

    b58699647a8169b003d06d1c400192af.jpg
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  • Le cerveau à l’endroit

    " J’ai tout lu. Tout. Ça m’a remis le cerveau à l’endroit, ça l’a nettoyé de toute cette crasse, autour et dedans", dit l'un des personnages de Bis Repetita (pièce de Philippe Touzet - éditions Espaces 34), relatant son expérience de la prison alors qu'il n'était qu'un tout jeune homme.

    Article en ligne

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  • "Un livre doit être un danger", disait Cioran...

    c327aaf8c1cc900c879a714c0cf71a51.jpgLes grands médias ont rarement l'occasion de parler de littérature jeunesse, et la plupart n'y connaissent pas grand-chose - mais quand ils le font (à l'occasion du Salon de Montreuil, une fois l'an), on aimerait qu'ils la traitent sur le même plan que les autres littératures... Et non comme une "production" à part. En effet, certains auront peut-être lu un article paru dans Le Monde des livres du vendredi 30 novembre, qui s'intitule "Un âge vraiment pas tendre - Mal-être, suicide, maladie, viol... Pourquoi les livres destinés aux adolescents sont-ils si noirs ?"

    Déjà, ces premiers mots en ont fait bondir plus d'un... (éditeurs, auteurs, bien sûr, mais aussi lecteurs), car tout est dit dans le titre : l'idée obsolète, idéal d'un autre temps, qu'il existerait un âge "tendre" ; puis l'énumération de termes qui ressemblent ici à des "gros mots" (auxquels il ne faudrait surtout pas associer l'idée de jeunesse...) et enfin, une question qui aussitôt se fait affirmation... Le ton est donné et l'article va dans le sens d'un "protectionnisme" qui semble faire un retour en force... (pour ne pas parler des velléités de censure de certains), d'autant plus dommageable que la littérature dont il est ici question s'adresse aux adolescents (et non à des "enfants") - une littérature hybride, que les adultes eux-mêmes (quand ils passent outre les préjugés) ont souvent grand plaisir à lire - et que les adolescents, selon leur maturité (qui n'a rien à voir avec l'âge...), peuvent tout lire, on le sait.

    Sur le fond, l'article remet en cause l'existence de romans (oui, des oeuvres de fiction) qui, selon la journaliste et ses interviewés, véhiculeraient des valeurs faussées, désespérantes, malsaines et bien sombres, et qu'ils ne reflèteraient pas le réel... ni les adolescents d'aujourd'hui. Qui a dit que la littérature devait ressembler au réel, voire se calquer sur lui ? Et quand elle renvoie à la réalité (on pense aux romans dits "miroirs") la littérature devrait-elle absolument s'y plier ? On se rend vite compte que la journaliste ne s'est fdff22e76faecb6798a750ea92584e54.jpgpas penchée sur les textes et leurs qualités narratives, langagières, esthétiques, imaginaires, etc. et s'est contentée de remettre en cause des "thématiques" (qui, on le sait, sont toujours les mêmes, le plus souvent inhérentes à la condition humaine) - ce qui, en soi, est bien réducteur quand il s'agit de littérature.

    Dans un article pour la revue Citrouille, j'écrivais (il y a bientôt 2 ans) : "il reste qu’une attente très adulte voudrait faire autre chose de cette littérature et lui conférer une incontournable finalité utilitariste ; il arrive de regretter l’absence de visée éducative, citoyenne ou d’exemplarité dans certains romans "

    D'après l'article : "les spécialistes le disent, Marcel Rufo en tête : la plupart des adolescents vont bien. C'est "un âge de conquête" (La Vie en désordre. Voyage en adolescence, Anne Carrière, 258 p., 18,50 €), plein d'élan et d'enthousiasme, où le bonheur est possible. Mais ce bonheur adolescent n'est pas relayé par les médias ou la littérature." Comment ? La littérature aurait l'audace de ne pas se mettre au service de la société en ne relayant pas le "bonheur adolescent" ?!

    On voit comment d'aucuns souhaiteraient instrumentaliser la littérature et en faire autre chose - des guides de savoir-être ou des manuels de survie, par exemple, ou encore des romans édifiants. Et pourtant, la journaliste écrit aussi :"La littérature jeunesse semble proposer de plus en plus de "leçons de vie" destinées à aider les lecteurs face à une situation donnée : divorce, mort d'un proche..." Et là, on ne comprend plus rien... Hormis le fait que que cet article est construit sur une somme de contradictions : on reproche à certains romans pour ados d'être des « reportages » qui donneraient des « leçons de vie », tout en demandant aux livres de devenir les instruments d’un bonheur qui reflèterait davantage le « réel »…  (et l'obligation au bonheur... ?) Jolie confusion et bel amalgame entre réalité et fiction...

    La catharsis, pourtant vieille comme le monde (et surtout depuis les premiers rituels dramatiques), paraît désormais oubliée... alors que ses effets devraient rassurer les adultes qui pensent qu'il faudrait mieux "protéger" les adolescents (qui, on  le sait, préfèrent se plonger dans un livre - de préférence "malsains" - plutôt que de jouer à des jeux vidéos ou que de télécharger des films X via l'internet - je sais, c'est réducteur, mais c'est aussi la réalité). Relisons ce qu'écrivait Annie Roland, psychothérapeute (voir l'intégralité de son analyse dans la Revue Citrouille), dont les propos éclairants concernent aussi les adultes, semble-t-il :

    "Ces romans génèrent un effet cathartique chez l’adolescent confronté à l’insoutenable réalité psychique de ses pulsions, c’est-à-dire qu’ils ont un effet « libérateur ». Lire une histoire, s’identifier au héros même quand il est en souffrance ne signifie pas que l’adolescent va reproduire les mêmes actes. L’acte de lire introduit la possibilité de sublimer sa propre souffrance, comme si le héros endossait momentanément la problématique du lecteur."

     

    Suite à la parution de cet article du Monde, quelques réactions d'auteurs :

    "Je déteste ce formatage rampant que l'on voudrait appliquer à la littérature jeunesse ! Actes Sud publie des textes forts. ce sont eux qui provoquent un mouvement, eux qui resteront (pas les textes insipides, qui parait-il correspondraient mieux aux jeunes d'aujourd'hui)" - Catherine Leblanc

     

    "Il y a quelques mois, une enseignante m'écrivait ses doutes concernant l'étude, dans sa classe, d'un de mes romans (les murs bleus), pensant que certaines scènes étaient trop violentes pour ses élèves. Je lui avais répondu que ça n'était évidemment pas à moi de juger de mon propre roman et que j'étais sans doute la personne la moins bien placée pour en parler. Mais que, de toute manière, personne ne pouvait jamais savoir l'impact d'un livre sur un lecteur ou une lectrice, et que c'était ça, le risque du vivant ! Et si elle voulait à tout prix "protéger" ses élèves, il ne fallait plus rien leur proposer en lecture...
    Je pense aussi ceci  : nous  vivons dans un monde hypocrite, avec un retour effrayant à un ordre moral. Les filles peuvent bien se faire violer en étant mineure. Des ados peuvent bien voir leur copain se foutre en l'air, se shooter à mort ou partir à la dérive... Mais surtout, qu'on n'en parle pas ! Comme si, en le taisant, on l'effaçait. Or ce silence et ce refus de voir la réalité en face font bien plus de ravages que de mettre le doigt dessus, même si ça fait mal." Cathy Ytak (dont le roman L'ombre d'Adrien est mis en cause dans l'article)

     

    « Cette polémique est bien sûr consternante. Or, elle me touche intimement : je me sens sur la liste des suspects, vu que mon premier livre mettait en scène la tentation suicidaire d'un adolescent. Je trouverais fort déplacé et imbécile qu'un journaliste vienne me déclarer au nez, sans rire, que le roman en question était autre chose que de la littérature , et qu'on me soupçonne d'avoir voulu je ne sais quel effet de miroir fonctionnel, je ne sais quel démagogue et complaisant étalage de pulsions morbides en vue de séduire des adolescents  (…) La crypto-censure cul-bénie à l'oeuvre dans cet article est alarmante : bientôt, faudra-t-il interdire aux adultes de lire les auteurs déprimants, Céline , Cioran, Thomas Bernhardt, Georges Hyvernaud, Elfriede Jelinek, sous prétexte que ces auteurs-là ne montrent pas assez que le bonheur est possible ? Mais dans quel monde vivons-nous donc ? Un monde de slogans publicitaires ? » Fabrice Vigne.

    e1c240729d1fdee4eeeb6017b978b4e9.jpgFabrice Vigne est l'auteur, entre autres, des Giètes (Photos de Anne Rehbinder, T.Magnier, photoroman, 2007), à propos duquel A-M. Mercier écrivait dans Sitartmag : "Mais à qui s’adresse-t-il ? A la jeunesse, comme l’indique la collection, et la mention de la loi de 1949 en page de garde ? A la vieillesse à qui il tend un miroir fidèle mais point trop désespérant. Aux autres ? A tous, pourrait-on dire, tant il mêle les âges et les temps. Et plus précisément à ceux qui aiment regarder les images et au-delà des images, entendre les sons, saisir les voix qui se croisent et lire entre les lignes, aux amoureux de Flaubert, donc ?"

     

    Quant à l'article, on le trouve ici
    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-983787,0.html

     

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  • Droit de réponse

    Je reproduis le texte que Jeanne Benameur, Claire David (directrices de la collection “D'une seule voix”), François Martin, éditeur & Thierry Magnier, directeur d'Actes Sud Junior, ont écrit en réponse à l'article du Monde évoqué ci-dessus, qui s'en prend entre autres à la dite collection :

    Il n'y a pas d'âge pour la littérature. Une bonne fois. Cycliquement se pose cette question rebattue de l'âge. Nous le savons, personne ne bronche plus lorsque l'habitude a été prise de considérer un texte comme étant “pour la jeunesse”. Qui s'interrogerait aujourd'hui sur la légitimité de Molière ou de Victor Hugo à être lus dans les collèges ? Pourtant, Mme Rimbaud s'offusquait que le professeur d'Arthur lui ait donné à lire Les Misérables ! Rions.
    Et ça continue.
    Aujourd'hui on voudrait rabaisser la littérature contemporaine à “un travail de reporters en âges troubles, tentant de se mettre dans la tête d'un ado”.
    Non. Les œuvres incriminées ne sont pas ce qu'on voudrait nous faire passer pour du fait divers aguicheur.
    Petite mise au point. Il ne s'agit pas dans la collection “D'une seule voix” de récits mais de monologues intérieurs, d'une parole, n'en déplaise à Marion Faure. Et c'est une différence d'importance. Encore faut-il prendre le temps de lire vraiment.
    Et surtout, ces monologues sont des textes d'auteurs.
    Cela veut dire que chaque mot en a été pesé, qu'un écrivain a passé du temps de sa vie à faire advenir ce qui peut être partageable, universel, quel que soit l'âge. Ce sont ces voix que nous voulons faire entendre dans cette collection. Des voix d'auteurs comme Wajdi Mouawad, Catherine Zambon, Malin Lindroth, et nous ne laisserons pas dire qu'ils entraînent le lecteur dans des univers “malsains”… Parce que nous estimons qu'ils ont fait œuvre.
    L'adolescence, pas plus que l'enfance, n'a d'âge. C'est bien là la difficulté.
    Il y a des lecteurs qui seront toujours arrêtés par certains textes et cela n'est pas une question de date de naissance. D'autres ont lu à un “âge” supposé précoce des œuvres qu'on ne leur réservait pas.
    Les êtres humains ne sont pas réductibles à leur carte d'identité. Décidément.
    La vigilance extrême qui est la nôtre porte sur le texte. Toute souffrance se réfléchit dans la littérature qui permet de prendre le recul nécessaire pour l'envisager, voire la dévisager. Les émotions les plus intenses, nous pouvons les éprouver sans craindre qu'elles ne broient notre réalité si, et seulement si, elles ont été travaillées par la création. Lorsque des spectateurs vont voir couler le Titanic, ils paient leur place pour pleurer et non pas se noyer (ne serait-ce que dans leurs larmes… !). Claude Simon a très justement écrit dans Orion aveugle que jamais aucun incendie allumé dans un livre n'avait mis le feu à une maison.
    Nous le croyons.
    Nous croyons aussi que les jeunes filles et les jeunes gens sont intelligents et qu'ils ont droit à la littérature.
    Ils savent faire la différence entre la place de voyeur qui leur est largement offerte dans les médias et celle de lecteur.
    Lire permet d'être sujet, visionnaire et non spectateur. Libre. C'est peut-être pour cela que les livres sont toujours les premiers attaqués lorsqu'une société installe la peur comme moteur des relations humaines.
    Un article tel que celui paru dans Le Monde ne peut que légitimer les discours obscurantistes qui visent à entraver et réduire le travail de tous les passeurs de livres : libraires, bibliothécaires, enseignants.
    Lire est un risque.
    Editer est un risque. Nous sommes fiers de l'assumer.
    Vient ensuite le temps de l'échange, autre pari, vital, que Dolto entre autres a rappelé.
    Les livres ne sont pas obligatoires.
    Ils sont nécessaires à toute pensée qui se construit.

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  • Quelques titres pour 2008 & sorties poches

    f1de6369937d8b99068d9c96af0edbbf.jpgEn ligne sur Sitartmag, quelques articles portant sur des romans à paraître début 2008.

    Les sept jours de Peter Crumb de Jonny Glynn (Panama)
    dont je parle déjà sur ce blog, plongée dans un univers mental déroutant.

    Du sang dans la sciure de Joe R. Lansdale (éditions du Rocher)
    Un roman lu il y a quelques années, en dont j'attendais la parution en français.

    Quant aux poches, plusieurs ouvrages dont nous avions déjà parlés : Fils unique de Stéphane Audéguy (Folio), Train 8017 d’Alessandro Perissinotto (Folio Policier), La neuvième vie de Louis Drax de Liz Jensen (J'ai Lu, février 2008), La vie aux aguets de William Boyd (Points Seuil, février 2008), Cahiers de la guerre et autres textes de Marguerite Duras (Folio, mars 2008), La joueuse d'échecs de Bertina Henrichs (Livre de poche, février 2008), Fenêtres sur rue de Jon McGregor (Rivages 2008), Samedi de Ian McEwan (Folio).

    Tous les articles sont ici  www.sitartmag.com/xbooknouveaux.htm

     

    c9f2e5f59520b641dd30e5f7f3a7e26d.jpgJe recommande aussi la lecture de La Langue du mensonge de Andrew Wilson (traduit de l'anglais par Françoise du Sorbier), aux éditions Albin Michel, que j'avais lu en anglais.

    présentation de l'éditeur
    Adam Woods est un jeune diplômé en histoire de l’art. Gordon Crace, un vieillard excentrique, collectionneur d’art, qui vit reclus depuis vingt dans un somptueux palais vénitien en ruines. Entré au service de Crace en tant que secrétaire, Adam est fasciné par cet érudit capricieux et secret. Commence alors entre ces deux personnages un étrange jeu de confessions intimes d’où surgit le spectre de l’ancien amant de Crace, mort à vingt ans en 1967. Meurtre ? Suicide ? Adam, qui nourrit le rêve secret d’écrire la biographie de Crace, décide de connaître coûte que coûte la vérité sur cette disparition, enfreignant dangereusement les règles du jeu... un thriller vénéneux et subtil dans la lignée de Patricia Highsmith où Andrew Wilson excelle à faire vaciller toutes nos certitudes.
    http://www.albin-michel.fr

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  • Le Grognard

    Le numéro 4 du Grognard, revue littéraire trimestrielle, vient de paraître.

    au sommaire

    Goulven le Brech : Entretien sur Jules Lequier
    Jules Lequier : La Feuille de charmille
    Paul-Henry Vincent : Sagesse des fous
    Erik Petiteau : Erotisme urbain
    Mitch Abidor : American rebels : Lysander Spooner
    Vanessa Trendel : A Venir
    Stéphane Beau : Contingences 7 & 8
    Serge Muscat : L'Homme satisfait et l'homme qui cherche
    Pascale Arguedas : Graine de chant
    Alain Boyer : Alliances
    Gustave Mandamour : Lettre à Aglaé Vadet
    Pascale Arguedas, Stéphane Beau, Michel Vanoosthuyse : Du côté des livres

    30d765a1b244e79da316a94c9c792bc1.jpgJe reproduis ici leur présentation : Loin des modes et des avants gardes, des esprits de chapelle et du parisianisme, tous les trimestres, Le Grognard vous propose une sélection de textes originaux et de trésors oubliés. Résolument inactuel, Le Grognard affiche ouvertement sa nostalgie pour les revues mythiques du 19e siècle : La Plume, La Revue Blanche, Le Mercure de France… mais aussi pour certaines revues anarchistes fortement teintées d'idéologie individualiste telles que L'En dehors, L'Unique, L'Ordre Naturel, La Mêlée
    Sur le fond ? Le Grognard n'a pas de limites. Les seules exigences qu'il s'impose sont : curiosité, ouverture d'esprit, respect des différences et refus des discours verbeux et autres jargons branchés. Au programme de chaque numéro : des articles de fond, des extraits de livres juste parus ou à paraître, des entretiens, des poèmes, des chroniques, des critiques de livres...

    http://pagesperso-orange.fr/legrognard/ouverture.htm 

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  • Blogosphère

    4094149f4535c6cccc65cf0b781e3c5e.jpg

    Ce blog a été sélectionné par La Blogosphère de TV5 Monde. Fiche de présentation
    Tous les blogs de la sélection littérature à consulter.

     

    Mais aussi par le site Un blog par jour
    http://inclassable.typepad.com/un_blog_par_jour/littraires/index.html

     

    On peut retrouver mon blog sur la veille littéraire du CNL - mise à jour en temps réel ou presque.
    http://www.centrenationaldulivre.fr/spip.php?page=sedna

    Ou encore sur le site Weblettres - portail de l'enseignement des lettres
    http://www.weblettres.net/sommaire.php?entree=20&rubrique=134

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  • Prix Collidram - 2007-2008

    Un éveil à la lecture du théâtre contemporain

    Comment aborder un texte théâtral, l'analyser, en rendre compte ? Quelles sont les différentes méthodes de lecture ? Qu'est-ce que la littérature théâtrale, ses tendances actuelles, son histoire récente ? Du texte à la représentation, quels écarts ?


    Grâce au prix Collidram, organisé par l'ANETH, des élèves de collèges ZEP et « Ambition réussite » découvrent une littérature vivante, souvent méconnue, et en rencontrent les auteurs et les acteurs.

    abfc91f86df75c658a5833dd4788f6d5.jpgIls lisent cinq pièces sélectionnées et se réunissent en comités de lecture pour en choisir une. Ils décernent un prix à l'auteur, doté de 2500 euros. Les groupes constitués se fixent des enjeux en suivant différentes étapes : lecture des textes, discussion, et sélection. Les collégiens sont invités à trouver leurs « outils », leurs « entrées » pour aborder la littérature dramatique contemporaine : comment parler d'une pièce ? Comment parvenir à restituer son identité ? Comment se forger un avis et en fonction de quels éléments ?

    Pour 2007-2008, huit classes de colléges de la région Île-de-France (le prix sera étendu au niveau national les années suivantes) choisiront leur lauréat parmi les 5 pièces suivantes sélectionnées - ouvrages qui ne sont pas nécessairement estampillés  "jeunesse" et dont on appréciera la diversité.

    Bouge plus ! de Philippe Dorin - Les Solitaires Intempestifs

    Jojo au bord du monde de Stéphane Jaubertie - Éditions Théâtrales Jeunesse

    Une journée de Paul de Dominique Richard - in Théâtre en court 2, Éditions Théâtrales Jeunesse

    Louise / les ours de Karin Serres - L'École des loisirs

    Kardérah de René Zahnd - Bernard Campiche Éditeur

    http://www.aneth.net/

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  • Un coeur de pierre...

    Stoneheart de Charlie Fletcher, traduit de l'anglais par Laurence Kiefé - Hachette Jeunesse 2007

    10a47a1b5e863d73b2818fd25224978a.jpg"Le jour où George brise la statue d'un dragon, il est loin de se douter qu'il a réveillé une épouvantable malédiction. Statues malfaisantes, gargouilles et sculptures inquiétantes prennent vie. Une course-poursuite terrifiante est lancée dans Londres car tous ces êtres maléfiques n'ont plus qu'un seul but : tuer George. Commence alors pour le jeune garçon une quête vertigineuse pour trouver Stoneheart, le Cœur de pierre."

    Roman fantastique, d’apprentissage et d’aventure qui se déroule sur une seule journée, Stoneheart regorge d’inventivité. Une oeuvre complexe, érudite et palpitante, que les lecteurs adultes prendront autant de plaisir à explorer que les plus jeunes (à partir de 11-12 ans). Charlie Fletcher était l'un des invités du Salon du livre jeunesse de Montreuil Site officiel

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  • Petite métaphysique manchote

    En attendant de nouveaux articles, voici ce que je disais d'Ôsolémio de Lydia Devos et Kot Kit Lo (Editions Points de Suspension, 2005)

     

    Petite métaphysique manchote

    "Dors, la beauté de la rose est sans pourquoi !"

    d0eca06e6e352f4f9bfbb4c4c5376909.jpgA quoi pensent les manchots ? Cet ouvrage entend aborder la question, même s'il n'apporte pas nécessairement de réponses tranchées aux questionnements d'Ôsolémio ; celui-ci est un petit manchot singulier qui, l'hiver venu, ne peut se résoudre à rejoindre le groupe de ses congénères serrés les uns contre les autres pour se protéger du froid et dormir en paix. Tant de questions se bousculent dans son jeune esprit, qu'à force de les poser à haute voix, il réveille les autres manchots, allant jusqu'à en secouer certains afin d'obtenir des réponses à ses cogitations : "Pourquoi y a-t-il tout ce qu'il y a ? Pourquoi n'y a-t-il pas rien ?" demande, avec obstination, Ôsolémio (qui fait écho, sans le savoir, à Leibniz). Les autres ne semblent pas enclins à partager ses questionnements existentiels mais lui répondent malgré tout, d'abord avec mauvaise grâce (n'oublions pas qu'on les empêche de dormir...), puis en prenant un peu d'intérêt à l'affaire qui secoue le jeune manchot ; l'un des premiers à répondre invoque une instance divine, indiscutable ("Par la grâce de Dieu"), une réponse malheureuse (personne, bien entendu, n'étant d'accord) qui provoque bientôt un grande bataille, les coups remplaçant immédiatement les arguments verbaux... Du coup, Ôsolémio décide de faire les questions et les réponses, découvrant ainsi le libre-arbitre à travers sa capacité de penser par lui-même : "Si rien ni personne ne peut me dire ce que je fais là, c'est donc à moi d'en décider !"

    Beau récit d'affirmation de soi, ode à la curiosité, Ôsolémio prône aussi l'autonomisation de la pensée dès le plus jeune âge - l'auteure (professeure de philosophie) s'étant inspirée de Leibniz, de Hölderlin et de Heidegger pour composer ce texte accessible qui renferme cependant une vaste complexité philosophique. Plusieurs collections philosophiques destinées aux enfants sont nées ces derniers temps, mais ce sont généralement des ouvrages de genre documentaire ou des guides qui leur sont proposés, le plus souvent ancrés dans la réalité, et même s'ils possèdent nombre de qualités, ils ne peuvent esthétiquement rivaliser avec cet album qui combine à la fois fiction et création, le travail langagier et conceptuel de Lydia Devos et les créations picturales de Kot Kit Lo (tous deux auteurs de Coâ Encore ! chez le même éditeur) - une réalisation qui ne se veut pas délibérément pégagogique ou éducative, et qui fait la part belle à la poétique.

    Le format classique de l'album ne le laisse pas nécessairement voir au premier abord, mais les toiles de Kot Kit Lo forment en réalité une fresque continue, composée de mouvements calculés, de courbes et de vagues, en totale harmonie avec le milieu naturel supposé des manchots et avec l'esprit de corps de la petite communauté, qui vit en bonne entente, solidaire quand vient le grand froid de la nuit : "Ils s'enroulent sur eux-mêmes comme la coquille de l'escargot (...) ils dessinent sur le sol une belle spirale." — une réalisation géométrique dont la perfection est soudain réduite à néant quand les manchots se mettent à s'opposer les uns aux autres et à se bagarrer. Mais l'on se surprend aussi à voir dans les gracieux mouvements du pinceau sur la toile (dont le grain a été habilement conservé par l'impression de belle qualité) les circonvolutions cérébrales et les méandres vertigineux de l'esprit en général, rejoignant ainsi les questionnements d'Ôsolémio. Ce dernier a la témérité de s'interroger sur l'être et le non-être ("pourquoi quelque chose existe plutôt que rien ?") - une question qui taraude assurément les enfants - et à montrer, par son chant final (bientôt repris par les autres manchots), que la poésie ou l'art sont peut-être les seules manifestations de l'esprit humain permettant de dépasser ces questions. © Blandine Longre

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  • Du pain et des livres...

    921064f5bd24971c5d911ecc849fe7c1.jpg"Moi si j'avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi pain et un livre. Et depuis ce lieu où nous sommes, j'attaque violemment ceux qui ne parlent que revendications économiques sans jamais parler de revendications culturelles : ce sont celles-ci que les peuples réclament à grands cris. Que tous les hommes mangent est une bonne chose, mais il faut que tous les hommes accèdent au savoir, qu'ils profitent de tous les fruits de l'esprit humain car le contraire reviendrait à les transformer en machines au service de l'état, à les transformer en esclaves d'une terrible organisation de la société."

    Federico Garcia Lorca (extrait du Discours à la population de Fuentes Vaqueros, Grenade, en septembre 1931)
    Je n'ai pas trouvé de références à une publication éventuelle de ce texte - mais les commentaires à cette note nous éclairent !

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  • Entretien & article - Anne Percin

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    Savoir, plutôt que "croire"

    À première vue, le nouveau roman d’Anne Percin est bien différent, voire aux antipodes du précédent (Point de côté) : il s’agit là d’un roman historique, fresque vivante, foisonnante, érudite et très vraisemblable d’une Renaissance tumultueuse telle qu’elle est vécue, l’espace de deux années (fin 1532- début 1535), par Servais, jeune lyonnais que son père imprimeur, adepte d’Erasme, envoie faire des études à Paris afin de réaliser par procuration son propre rêve d’érudition.  (B. Longre)

    A découvrir sur Sitartmag, la suite de l'article portant sur Servais des Collines d'Anne Percin (éditions Oskar), suivi d'un entretien avec l'auteure.

    www.sitartmag.com/annepercin2.htm

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  • Continents noirs

    Collection lancée en 2000, comptant aujourd'hui 41 titres, dirigée par Jean-Noël Schifano (romancier, critique, traducteur, entre autres, d'Umberto Eco), Continents Noirs propose des ouvrages contemporains d’écrivains (pour la plupart francophones) originaires d'Afrique Noire.

    Il est parfois dommage d'ériger des cloisons entre les écritures, car un écrivain, peu importent ses origines, est d'abord un écrivain ; et pourtant, les écritures africaines, dans leur diversité (le pluriel du titre de la collection en témoigne), comportent des similitudes ; d'abord, le phénomène est récent, comme l'explique si bien Jean-Noël Schifano : "Ils [ces écrivains] appartiennent, jusqu'au XXe siècle compris, à des littératures orales millénaires — quand le livre des continents noirs est le plus jeune du monde : l'âge d'un homme, celui par exemple du Sénégalais Léopold Sédar Senghor." Pour le directeur de la collection, ce mouvement possède aussi des spécificités langagières méritant d'être explorées et un dynamisme narratif demandant à être reconnu ; et seul un regroupement à part entière (comme ici une collection, ou des éditions, celle du musée Dapper par exemple) est à même de renforcer cette reconnaissance ainsi que l’impact de ces œuvres sur un lectorat avide de nouveauté.
     

    La noce d'Anna de Nathacha Appanah - Gallimard, Continents Noirs, 2005

    La mère-fille

    18175880caefecdf766a03473d4fe80d.jpgAlors que sa fille Anna est sur le point d’épouser un homme «tristement parfait», une mère fait le tour et le bilan des années écoulées, revient sur ses relations avec une fille qu’elle aime mais qu’elle ne comprend pas toujours. Une fille qui se donne des allures de « bourgeoise », qui a fait « des études de chiffres » - contrairement à elle, romancière à plein temps, un peu bohême, ouverte sur le monde et ses différences, mère célibataire depuis l’âge de vingt ans. Elle a toutefois décidé de ne pas gâcher la « noce d’Anna », de s’adapter à la situation, de jouer le jeu des faux-semblants (« Je serai comme elle aime que je sois. »), de se résigner à observer les préparatifs de loin et à rester sur la touche, tout en prenant conscience de ce qui la sépare de sa fille « vieux jeu » : « on dirait que c’est elle la mère, qu’elle m’enseigne et me transmet une certaine idée de la famille, des valeurs traditionnelles et immuables », ajoutant cependant : « quand ma fille me fait sa leçon sur la vie, je la ferme et je souris. » - respectant les choix d'Anna et sachant bien, en femme rompue à la vie, qu’on ne peut empêcher les autres de se forger leurs propres expériences, quitte à les voir s’effondrer ensuite.

    Elle ne peut se parler qu’à elle-même, en silence, et comparer son existence à celle de sa fille, énumérant les divergences qui creusent peu à peu un gouffre entre les deux femmes, sans pourtant éradiquer les sentiments éprouvés de part et d'autre. Originaire de l’île Maurice, le pays qu’elle a définitivement quitté vingt-cinq ans plus tôt, la narratrice se souvient entre autres de son départ en terre étrangère : « Je n’avais que dix-sept ans et je sautillais d’impatience », alors qu’au même âge, « Anna était une fille sage, rangée, mesurée ». Elle repense aussi longuement à Matthew, le père d’Anna, à leur aventure londonienne et à son départ pour le continent africain qui le fascinait.

    Plongée dans ses réminiscences, elle regarde avec toute la distance que lui dicte son sens critique ce qui se passe le jour du mariage, vivant ces moments comme des séquences quasi irréelles, avec aussi un peu d’irritation : « le prêtre dit les mots qu’il faut, les mots des films, les mots mis en scène. », pour s’absenter à nouveau dans ses pensées ; la narration ne cesse d’osciller avec légèreté entre flux intérieur et événements extérieurs, finalement peu importants. Un roman où se lisent tour à tour la sérénité d’une femme qui sait où trouver son bonheur et la fougue de sa jeunesse passée – un roman doux-amer dont en emporte nécessairement quelques images avec soi.
    B. Longre (décembre 2005)

     

     

    Un reptile par habitant de Théo Ananissoh (Gallimard, Continents Noirs, 2007)

    L'Afrique et ses traitres.

    4a3cf0159366e1ccc6932e7759175bbf.jpgNarcisse, petit professeur de lettres, séducteur invétéré, passe la nuit avec Joséphine quand Edith (la maîtresse de tout le monde, qu’il fréquente depuis peu) l’appelle, affolée. Il la rejoint chez elle et découvre le corps ensanglanté d’un haut fonctionnaire du régime togolais, le colonel Katouka, venu rendre « visite » à la jeune femme ; cette dernière prétend ne rien avoir vu ou entendu et demande à Narcisse de l’aider. Il hésite, s’agite, prend peur puis refuse. Pourquoi faire appel à lui, précisément, alors qu’elle le connaît si peu ? Pourquoi sa petite vie jusqu’alors tranquille devrait-elle être perturbée, voire bouleversée, par une affaire qui ne le concerne pas ? Edith contacte alors le sous-préfet de la ville (un autre de ses amants), qui prend les choses en main, et Narcisse, bon gré mal gré, se voit forcé de l’aider à se débarrasser de l’encombrant cadavre.
    Les jours suivants, rien ne transpire de l'incident, comme si la disparition du colonel était passée inaperçue dans les hautes sphères du pouvoir. Mais Narcisse, angoissé, devient vite obsédé par cet épisode qui ne quitte plus ses pensées ; son implication indirecte le met en danger, et il s’interroge sur la nature de ce crime – meurtre passionnel (Edith serait-elle coupable ?) ou règlement de compte politique ? – tout en tâchant d’en apprendre davantage.

    Sous ses allures de sombre vaudeville, dans lequel Narcisse serait le dindon de la farce, et sous ses airs de roman noir, Un reptile par habitant se lit aussi comme une fable politique exposant la violence sourde qui régit tout un pays et la corruption qui imprègne la société – selon Zupitzer, un collègue de Narcisse, «L’Afrique grouille de traîtres, comme un animal pourri de vermine» : la trahison politique, d’abord, qui est explicitement développée, mais qui semble aussi avoir contaminé la sphère privée, comme l’illustre le personnage central : Narcisse ne cesse de papillonner d’une femme à l’autre, de tromper allègrement Joséphine, et de « consommer » Edith ou Chantal, l’une de ses élèves, sans éprouver le moindre remords, prenant du plaisir dès qu’il le peut.

    Il a beau se tourmenter sur le rôle qu’il a joué malgré lui dans la disparition de Katouka (que l’on croit ensuite en fuite et qui est bientôt accusé d’avoir fomenté un complot contre l’Etat), il en oublie rarement ses rendez-vous amoureux et ne change pas ses habitudes. On prend plaisir à suivre les déboires du pauvre Narcisse, souvent pathétique, sans conteste dépassé par les événements, paralysé par ses peurs , qui tente de les apaiser en se réfugiant autant que possible entre les cuisses des femmes.

    Comme dans Lisahohé, précédent roman de l'auteur, où il était déjà question de meurtre et de morale politique, l’écriture reste lisse, sans fioritures, et va droit au but. A l’image de Zupitzer, le professeur d’histoire, qui n’y va pas par quatre chemins pour expliquer à Narcisse ce qu’il pense de l’Afrique ; Zupitzer, le seul à avoir, semble-t-il, percé à jour les dysfonctionnements du continent, une « porcherie » ; le seul à tenir des propos lucides et cohérents (malgré tout obsessionnels) sur l’impureté de leur pays, les politiciens véreux, le sexe sale et sans amour et les décennies de violence qui singularisent l’histoire africaine ; le seul à ne pas rejeter la faute sur les seuls colonisateurs, à dénoncer la position passive d'une Afrique éternellement victime, et à tenir des discours en accord avec ses actes, aussi terribles soient-ils, en opposition avec ceux qui se contentent de parler dans le vide. L’auteur, retranché derrière ses personnages, n’impose aucune morale, mais encourage le lecteur à examiner les faits sous cet angle original, à s’interroger sur la véritable nature du mal, qui n’est pas toujours là où on l’attend. Un meurtre est-il excusable quand il s’agit de d’éradiquer une injustice et de redonner un sens au combat politique ? Où se situe la véritable justice et qui doit la rendre ? Dans ce court roman déstabilisant et génériquement inclassable (en dépit des apparences...), les questions en suspens s’entrechoquent en filigrane, sans didactisme appuyé, toujours de manière ambivalente et décalée, laissant la voie libre à plusieurs interprétations, certes dérangeantes, mais qui ont le mérite de susciter des prolongements dans l'esprit du lecteur.
    B. Longre (février 2007)

    du même auteur : Lisahohé (Gallimard, Continents Noirs, 2005) - chronique en ligne

     

    Pour aller plus loin : www.gallimard.fr/collections/continents_noirs.htm

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  • Déconstruire les stéréotypes - BIS

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    Suite à ma note concernant l'association Lab-elle, j'ai reçu plusieurs réactions, dont celle d'Anne Dafflon Novelle, Docteure en psychologie de l’Université de Genève, à l'origine du projet. Réactions qu'elle m'autorise à publier sur ce blog.

     

    Je vous remercie pour votre message et pour vos commentaires sur l'association lab-elle dans votre blog.

    Juste quelques petites réactions.

    1) Vous avez entièrement raison quand vous soulignez qu'il ne faut pas oublier d'autres critères essentiels à propos de la littérature enfantine, comme esthétiques, graphiques, narratifs, rapports texte-images, etc. C'est aussi ce que nous essayons de faire au sein de notre commission de lecture comptant 9 membres, dont 4 sont professionnel-le-s du livre. Pour être très précise, si un album n'est pas attentif aux potentiels féminins, même s'il est d'excellente qualité d'un point de vue littéraire, il ne sera pas labellisé. A l'opposé, si un album est attentif aux potentiels féminins, mais qu'il est d'une piètre qualité en lien avec les critères mentionnés plus haut (esthétiques, graphiques, narratifs), il ne sera pas labellisé non plus.


    2) Vous semblez dubitative sur le fait que les enfants préfèrent avoir accès à un personnage de leur propre sexe. Il s'agit pourtant d'un fait mis en évidence à travers des recherches scientifiques. Cela ne signifie pas que les enfants ne vont pas apprécier une histoire avec un personnage principal du sexe opposé, mais durant l'enfance, les phénomènes de projection et identification qui sont à l'oeuvre entre l'enfant qui lit et le personnage principal sont facilités lorsque ces deux cibles sont du même sexe. De même, il a été mis en évidence que l'estime positive que l'on a de soi-même dépend en partie du fait d'avoir à sa disposition des modèles valorisés de personne de son propre sexe. Ainsi à l'évidence, les filles sont défavorisées comparativement aux garçons en lien avec la littérature enfantine. Voilà la raison de cette action de discrimination positive en faveur du féminin !

    3) Le choix de la couleur rose est à l'origine de bien des remarques et commentaires. Etait-ce un bon choix ou un mauvais choix ? Je pense qu'il nous faudra davantage de recul pour répondre à cette question. En effet, l'association souffle sa première bougie aujourd'hui. Mais, ce choix aura au moins eu le mérite de susciter le débat et de faire parler du projet ! 

    Pour terminer, je voudrais vous signaler que tout le monde peut proposer un ou des livres qui seraient susceptibles d'être labellisés. Par conséquent, si vous avez lisez des albums correspondant à notre projet, n'hésitez pas à nous le faire savoir ! Il y a une procédure sous
    http://www.lab-elle.org/label/ Merci d'avance.
    Anne Dafflon Novelle

    Publication
    Filles-garçons, socialisation différenciée ? - Sous la direction d'Anne Dafflon Novelle - Collection "Vie-sociale", Presses universitaires de Grenoble, 2006
    http://www.unige.ch/presse/

     

    Pour conclure, nous partageons les mêmes préoccupations mais ne sommes pas forcément d'accord sur les moyens à mettre en oeuvre pour combattre les inégalités... Il n'en reste pas moins que le projet Lab-elle reste unique en son genre et mérite d'être connu.

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  • Un tarif postal livres et revues

    Appel pour un tarif postal livres et revues, que je transmets ici.

    Organisé par l’Atelier du Gué éditeur, maintenu depuis plusieurs mois par la Coordination des indépendants du livre, l’appel pour un tarif postal « Livres et revue », a reçu un très large soutien du grand public et des professionnels, avec près de 8 000 signataires. Depuis trois mois, le dossier a été pris en main par de très nombreux députés, de toutes tendances politiques confondues.

    Pour comprendre la démarche www.lekti-ecriture.com/bloc-notes/index.php/tag/La%20Poste

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  • Ecritures théâtrales d'Europe

    4c74a8f09067da5a87cd1349861fd99b.jpgLes Editions Théâtrales (en co-édition avec le Scérén-CNDP), viennent de publier une Anthologie critique des auteurs dramatiques européens (1945-2000), élaborée par Michel Corvin. A l'occasion de cette publication, ce dernier propose une conférence le jeudi 6 décembre 2007 à 19h00 au Petit Odéon (Théâtre de l'Europe, Place de l'Odéon, 75006 Paris).
    Entrée libre sur réservation au 01 44 85 40 44.
    Il évoquera cinquante ans d’écritures théâtrales européennes, une vision vivante de l’effervescence de la littérature dramatique du vieux continent.

    L'ouvrage est présenté ici www.sitartmag.com/25ans.htm

    www.editionstheatrales.fr

    L'Anthologie ne concerne que des auteurs non-francophones, dont Howard Barker, Edward Bond, Bertolt Brecht, Martin Crimp, Rainer Werner Fassbinder, Jon Fosse, Rodrigo Garcia,  Evgueni Grichkovets, Lee Hall, Peter Handke, Sarah Kane, Dea Loher, Heiner Müller, Lars Noren, John Osborne, Pier Paolo Pasolini, Harold Pinter, Biljana Srbljanovic, Tom Stoppard, Matéi Visniec, ou Arnold Wesker, pour n'en citer que quelques-uns...

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  • Dea Loher

    Les relations de Claire de Dea LOHER, traduit de l’allemand par Laurent Muhleisen, L'Arche, 2003

    Chacun cherche sa vie

    La pièce aurait tout simplement pu s’intituler "Claire", si les autres personnages qui gravitent autour de la protagoniste éponyme ne prenaient pas autant de place à mesure qu’avance l’intrigue, envahissant son espace : sa sœur Irène et son beau-frère Gottfried, des petits-bourgeois qui reprochent à Claire sa marginalité, son amoureux Tomas, brocanteur, la maîtresse de ce dernier, Elisabeth, professeure en préretraite – à son grand désespoir – et Georg, un médecin que Claire rencontre à l’hôpital.
    La jeune trentenaire vient de faire un grand pas sur le chemin de sa quête existentielle en quittant un travail ingrat – rédactrice de modes d’emploi pour appareils électroménager ! – pour mieux trouver un sens à sa vie ; ou plutôt, elle s’est fait renvoyer, mais exprès, et va trouver sa sœur Irène pour lui demander de l’argent : « Claire a toujours pensé à l’envers, dormir le jour et se lever la nuit comme si elle vivait sur l’autre moitié de la planète. », déclare Irène, qui se complaît dans une existence superficielle, tandis que son mari, Gottfried, condamne de plus en plus ce vide – il travaille dans une banque…. Tomas, lui, explique qu’on « l’appelle le vide-poubelles. Je fais le commerce d’objets puants, démodés, cassés, disloqués. (…) je vis des ordures des autres. (…) Je sonde les entrailles des biographies humaines. » Il est vrai que les vies étriquées d’Irène et de Gottfried réveillent la franche désapprobation de Claire, qui dit à sa sœur, parlant de leur frère mort d’une overdose : « Oui, mais il ne l’a pas fait par désespoir, mais parce qu’il était heureux d’exister, parce qu’il savourait cette ivresse, oui il était accro à l’extase, ce que tu ne peux pas comprendre, il n’avait pas peur de la vie, lui, pas comme toi, qui avant chaque orgasme avale un tranquillisant.»

    Dans le même temps, on apprend que Tomas a une aventure secrète avec Elisabeth qui, comme Claire, ne cesse de remettre sa vie en question. Les relations de Claire avec les autres, on l’aura compris, ne sont pas simples, de la même façon que les relations de Claire avec elle-même manquent de clarté, tandis qu’elle se pose les questions que nous sommes tous susceptibles de nous poser : « Et je me demande où est ma place, à l’intérieur de cette problématique d’ensemble, de ce système global, où tout est plus ou moins interdépendant. Et donc moi aussi j’en dépends. Où est ma place et quelle est ma contribution à la résolution des problèmes qui vont nous occuper, disons, dans le millénaire à venir. »
    Elle franchit un nouveau pas dès lors qu’elle décide de se rendre utile et de passer à l’acte en offrant son corps en bonne santé à la science, inventant ainsi une nouvelle forme de prostitution (« pharmapute »), une proposition qui laisse le médecin, Georg, légèrement sceptique.

    C’est une vision bien sombre de l’humain que l’auteure allemande propose ici ; dans le même temps, Les relations de Claire est une fable de l’engagement, quel qu’il soit, amoureux, professionnel ou bien humanitaire ; la version pervertie d’un existentialisme qui ne peut se vivre que dans la mort, geste ultime de Claire pour enfin pouvoir se rendre utile, pour qu’enfin son existence ait un but. Chaque personnage se cherche, certains se trouvent, d’autres non et la pièce est une série sans fin, semble-t-il, de prévarications, d’hésitations, de questionnements, une suite de variations sur la vacuité et la futilité de l’existence – qui pousse ainsi chaque être à se mieux définir : une réussite en terme d’écriture, Les relations de Claire pousse le lecteur dans ses retranchements en lui montrant combien l’absurdité de la condition humaine (évoquée dans les passages avec le « chinois », un personnage qui pousse les situations vers l’absurde) ne peut se transcender que dans la mort ou le pessimisme. La drôlerie de certaines situations est en réalité feinte, piégée, et même si le regard de la dramaturge se fait acéré et sans pitié pour ses personnages, Dea Loher fait certainement passer son message, même s’il faut pour cela faire preuve de cruauté.
    ©Blandine Longre

    L'auteure

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  • Biljana Srbljanovic

    Supermarché (suivi de La chute), de Biljana Srbljanovic, L'Arche, 2001

     

    Grande surface supranationale cherche citoyens...

    Supermarché, sous-titré "soap opera", se déroule sur une semaine, sept jours particuliers qui ne forment en réalité qu'une seule et unique journée paraissant se répéter sans fin ; c'est du moins ainsi que l'enchaînement temporel est perçu par l'un des personnages : Leo Schwartz, directeur d'une école "pour les étrangers" dans une petite ville autrichienne ; nous savons qu'il y vit depuis treize ans, exilé de sa terre natale, un pays de l'Est. Britta, journaliste local, lui rend visite un lundi matin car il souhaite l'interviewer sur un sujet rebattu, la chute du mur, dont l'anniversaire est imminent. Leo, lui, voudrait que Britta s'intéresse à son passé et il l'incite à lire un dossier intitulé " Léonid Crnojevic, Dossier", un récapitulatif de ses activités dissidentes à l'Est, puis invite le journaliste à revenir le lendemain. La deuxième journée débute en tous points comme la première et l'on comprend vite que Leo est bien le seul à se croire un mardi... Et ainsi de suite. "Un terrible complot. J'ai l'impression de vivre tout le temps un seul et même jour" déclare Leo, le mercredi. Une impression qui se fait certitude, mais qui ne touche que Leo, les autres protagonistes repartant tous à zéro chaque matin.

    Dans le même temps, l'on suit ces derniers, tout occupés à régler des affaires qui apparaissent plutôt sordides, ou du moins d'une monotonie désespérante, un ennui qui se reflète dans la structure même de la pièce. Il y a les professeurs Müller et Mayer (amants en secret), Gamin, un élève qui semble porter en lui toutes les horreurs que des adultes peuvent infliger aux enfants (et qui s'en vante) et Diana, la fille du directeur, mi-vamp, mi-gamine. Le rôle qu'elle joue respire l'ambiguïté et comme son père, l'on ne parvient pas à savoir si ce qu'elle déclare avec effronterie est vrai ou inventé.

    Perdu dans ce "trou du temps" qui l'anéantit, accablé par le comportement et les mensonges des autres, et les siens propres, Leo perd peu à peu toutes ses illusions, une révélation qui précède celle du lecteur/spectateur, à qui il ne restait plus que Leo comme repère stable (étant le seul à réaliser le dérèglement chronologique) et qui le perd lui aussi. Car plus l'on avance dans cette semaine à jour unique, plus la détérioration sociale s'intensifie, représentée par la dégradation psychologique, morale et mentale des personnages ; la folie et l'obscénité gagnent du terrain et les personnages ne jouent plus du tout leur rôle réglé à l'avance. L'on sent que l'auteur s'est plu à composer ces variations sur le thème du quotidien qui sort des rails, des situations qui s'aggravent en cascade et où la mort et les fausses tragédies font bientôt irruption ; désormais incontrôlables, les personnages, comme des élèves indisciplinés, semblent ainsi ne plus vouloir obéir à leur créatrice, et l'intrigue se dépouille du réalisme de départ, de la rigueur scolaire de la première scène et nous plonge dans l'absurdité et le grotesque : ces dernières journées sont un total chaos, pervers et scabreux, durant lesquelles les masques de l'hypocrisie tombent, et se révèle enfin le vrai visage de l'être humain : stéréotypé, à l'imaginaire étriqué, qui rêve de l'Amérique et qui vit dans le "supermarché" mondial où toutes les barrières politiques ont été abolies (le fameux mur, entre autres), sans pour autant y trouver un bonheur individuel ou une harmonie politique.

    Mais un soap-opéra n'en serait pas un sans le traditionnel "Happy end", qui clôture cette pièce où l'allégorie n'est jamais bien loin : on assiste alors, médusés, à des scènes de réconciliations, de rabibochage général, des retrouvailles qui ne sont pourtant que d'ironiques mascarades, truffées de faux attendrissements et de tendresse truquée, où la perversité, toujours présente, ne se lit plus que dans les gestes. Une pièce engagée et critique, qui ne manque ni d'humour, ni de sarcasme bien pesé.
    © Blandine Longre

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