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  • Jonny Glynn

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    The Seven Days of Peter Crumb de Jonny Glynn - Portobello Books, 2007

    Les sept jours de Peter Crumb - traduit de l'anglais par Alain Defossé - Panama, janvier 2008

     

     

    Toute humanité gardée

     

    The Seven Days of Peter Crumb a l’ambition de remonter aux origines du mal et de la noirceur humaine, ici incarnée par un anti-héros dont la schizophrénie s’inscrit dans le texte lui-même. Des bribes d’humanité subsistent pourtant dans le parcours chaotique (sur sept journées, on l’aura compris) de Peter Crumb – dont on notera le patronyme, qui évoque automatiquement, en anglais, l’émiettement et la désagrégation, l’idée d’un morcellement en lien direct avec la dualité qui l’habite. Car avant d’être un individu à la merci de pulsions meurtrières (avec lesquelles on fera connaissance dans le détail), Peter est aussi un homme en souffrance, pathétique et désespéré, dont les crimes sont gratuits mais indispensables à l’évolution du récit.


    Le roman n’est pas ici un grand défouloir complaisant (comme pourraient le paraître certains romans d’Irvine Welsh ou American Psycho de Brett Easton Ellis) et même si quelques passages sembleront insoutenables à certains lecteurs, autant dire qu’on a vu pire… Car chaque épisode durant lequel la folie l’emporte sur la raison s’explique et les égarements de Peter s’apparentent à des passages à l’acte inévitables. Par ailleurs, sur le plan narratif, la dérive existentielle du héros est contrôlée, soutenue par une trame ultra construite, étayée par des rebondissements soigneusement préparés et une écriture qui parvient à donner l’illusion d’un discours intérieur obsessionnel crédible, en total accord avec le personnage. Brutalité et compassion, horreur et mélancolie se côtoient et s’entrecroisent sans répit, à l’image de Peter Crumb, qui ne cesse de changer de masque et de se désolidariser ou non de l’espèce humaine, dont il parle souvent dans des termes peu flatteurs.


    La plongée dans cet univers mental terrifiant n’est pas un éloge de la folie mais permet d’illustrer la nature fluctuante du bien et du mal, des notions qui se posent ici en termes relatifs. La lecture n’est pas de tout repos, il faut l’avouer (même si le roman s’avale d’une traite) mais reste fortement conseillée, car elle permet de se confronter à ses propres démons et errances, et de faire connaissance avec une construction littéraire qui exerce à la fois de la fascination, de la répulsion, mais qui met aussi à l’épreuve notre aptitude à l’empathie.
    Blandine Longre

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  • Chercheuse en herbe

    7d146740f90ba58861ea9a8b29b977b9.jpgJe découvre le blog d'une "chercheuse en herbe et en littérature", spécialisée dans le masculin/féminin. L'auteure, Caroline Scandale, est professeure documentaliste, titulaire d'un Master II Lettres spécialité Masculin/Féminin et travaille entre autres sur : La sorcière, héroïne de romans-jeunesse contemporains : pour quelles images des femmes ?

    Elle propose entre autres de nombreuses présentations de romans qui mettent en valeur le féminin, nous fait part de ses recherches et de ses lectures théoriques.

    http://sorcieres-jeunesse.hautetfort.com/


    Nous partageons aussi quelques lectures, dont l'excellent ouvrage de Georges-Claude Guilbert, C'est pour un garçon ou pour une fille ? La dictature du genre (éditions Autrement) - que j'ai oublié d'ajouter à mes livres de chevet !

    article en ligne www.sitartmag.com/genres.htm

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  • Amourons-nous

     En écho à la note précédente...

    68774185523c58bb52b86292d64f3a9e.jpgAmourons-nous de Geert De Kockere et Sabien Clement
    traduit du néerlandais par Daniel Cunin
    Editions du Rouergue, DoAdo Image, 2007 (réédition)

     

    La syntaxe des corps
    « Quand je et tu ne font pas nous, Les cinq sens n’ont plus de sens. »

    De même qu’une large part des albums de bande dessinée ne sont pas destinés à la jeunesse, l’album illustré n’est pas forcément un medium réservé aux plus jeunes lecteurs. En effet, ce bel ouvrage poétique, tendre et facétieux, qui traite en toute liberté de l’amour physique et des relations entre deux corps amoureux qui se sont découverts et ont appris à se connaître n’est pas à strictement parler un « album pour la jeunesse » et pose évidemment la question du destinataire ; c’est en réalité un album tout court, chose suffisamment rare pour être soulignée, publié dans une collection dite « ado » : le destinataire reste donc flou et fluctuant, ce qui rend la tâche d’indiquer un âge exact quasiment impossible… Certains diront « à partir de 15 ans », d’autres 13, d’autres encore penseront que rien ici ne peut heurter la sensibilité d’un enfant – même si la trame narrative risque fort de ne pas interpeller les plus jeunes ou de ne pas répondre à leur horizon d’attente.

    De courts poèmes de Geert De Kockere complètent les étonnantes illustrations de Sabien Clement, jeune illustratrice flamande, des dessins déstructurés qui débordent du cadre des pages et emplissent l’espace, tout en laissant suffisamment de place au texte pour se déployer et les accompagner très harmonieusement. Les mots sont ici en symbiose avec les scènes amoureuses, à l’instar des corps qui se mêlent et s’emmêlent, s’allongent et se retournent, changent allègrement de position, se combinent et se conjuguent.

    « On fait l’amour / Comme les mots font la langue », écrit l’auteur : l’exploration langagière coïncide naturellement avec l’exploration du corps de l’autre, quand volupté et désirs sont inséparables des sentiments, quand l’amour et l’érotisme riment aussi avec humour :


    « Tête en bas
    Ne sois pas si tête en l’air
    Et saisis le sens de tout
    Même si tout est sens dessus dessous. »

     

    Pas de grands vers lyriques ou romantiques racontant d’impossibles amours ou célébrant l’inaccessibilité de l’être aimé dans ce recueil (même si l’autre demeure quoi qu’il en soit un merveilleux mystère et un éternel puzzle qu’on ne se lasse pas d’essayer de décrypter), mais une poésie accessible, sereine et légère, très suggestive et sans tabou, qui fête au contraire la joie de se trouver avec le partenaire que l’on a choisi, de pouvoir goûter à deux aux plaisirs des corps et des émotions, et d’apprécier la durabilité et la richesse de cette relation. Un ouvrage à lire et à relire, seul ou en duo, et dont il faut souligner l’originalité, tant dans la démarche que dans le style graphique déstructuré ; un album résolument libertin qui se démarque de la froideur des «manuels» d’éducation sexuelle (certes utiles, mais qui ont leurs limites) en proposant une approche esthétique et émotionnelle susceptible de toucher davantage le lecteur adolescent, et ce en déculpabilisant le rapport au corps, tout en insistant sur la seule vertu qui soit : l’amour. A mettre en tout cas entre toutes les mains adultes ou suffisamment matures (quel que soit l’âge en définitive) pour apprécier l’ensemble à sa juste valeur…
    Blandine Longre (mars 2007)

    http://www.lerouergue.com/

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  • Traduire, c'est d'abord lire...

    120c185e5f358f6f77fbdea3adc3b69f.jpgLe dernier n° de la revue Citrouille propose un intéressant dossier intitulé D'une langue à l'autre. Parmi d'autres articles consacrés à la traduction, Madeline Roth, de la librairie L’Eau Vive, s'entretient avec Daniel Cunin, traducteur de littérature néerlandaise.

    Quelques extraits :

    " Traduire, c’est d’abord lire. Pour traduire, il faut être un bon lecteur, et maîtriser sa langue maternelle à l’écrit - puisqu’un traducteur traduit par principe une langue étrangère dans sa propre langue. Ensuite, il y a tout un travail d’écriture. Les écoles de traduction enseignent souvent et la traduction et l’interprétariat, mais il s’agit de deux métiers bien différents : un très bon interprète n’est pas forcément quelqu’un qui excelle à écrire dans sa langue maternelle. Chez moi, la tentation de la traduction est venue naturellement à partir du moment où j’ai eu envie de partager certains textes néerlandais avec des amis français. (...) Traduire me permet de concilier mes deux passions : la lecture et l’écriture, et d’en vivre, certes sans rouler sur l’or."

    " Un traducteur est quelqu’un qui écrit, mais il n’a ni le souci de la page blanche - que n’a pas, je pense, le véritable écrivain-, ni le souci de créer à partir de rien. Quelqu’un a emprunté le chemin avant lui. Son travail ne consiste pas pour autant à simplement restituer plus ou moins correctement un texte ; l’essentiel à mon sens est d’obtenir en français un texte vivant, un texte qui dise ce que dit le texte original. La traduction n’affecte en rien l’original, puisque celui-ci continue son existence propre. (...) Il faut accepter que la traduction vive une vie autonome."

    Lire l'entretien et découvrir le numéro

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  • Déconstruire les stéréotypes ?

    7f2ee483ee159b9fc13957fa5d1737ba.jpgLe premier prix lab-elle 2007 jury adultes a été décerné le 7 novembre à l'Université de Genève à Un bon point pour Zoé, de Peter H. Reynolds (Milan).

    L'association suisse lab-elle – "laboratoire pour elle" - a pour objectif d’œuvrer pour une attention soutenue aux potentiels féminins dans le domaine de la littérature enfantine et de rendre visibles les albums allant dans ce sens.
    On lit sur leur site : "Afin de permettre à chacun et à chacune de faire des choix qui ne soient pas dictés par les stéréotypes de genre, il est important de proposer aux enfants des albums qui contiennent des représentations d'hommes et de femmes, de garçons et de filles, non figés dans des rôles cloisonnés. De tels livres, même rares, existent !"

    Je n'ai rien contre la déconstruction des stéréotypes et l'égalité dans tous les domaines (bien au contraire) et la démarche mérite d'être soulignée. Il reste que je suis partagée... Je me dis qu'en instrumentalisant ainsi un domaine qui reste avant tout littéraire et artistique, en multipliant les étiquettes (dans ce cas, littéralement, en proposant un autocollant à placer sur les ouvrages sélectionnés, indiquant "Album attentif aux potentiels féminins"), on risque aussi de cloisonner davantage... et de moins tenir compte (voire d'oublier) d'autres critères (esthétiques, graphiques, narratifs, rapports texte-images et subversions des genres ou clichés littéraires...), qui restent essentiels. Signaler que certains ouvrages abordent des thématiques qui vont dans le sens d'un progrès procède d'une démarche évidemment louable, et je ne remets pas en cause le bien-fondé du travail de Lab-elle, mais je m'interroge sur les dérives possibles de ces étiquetages, qui peuvent inciter à choisir un livre sur ce seul critère et à construire, justement, de nouveaux stéréotypes... tout en insistant là encore sur la fonctionalité de tel ou tel ouvrage, au détriment de ses qualités propres.

    En parlant de stéréotype... le choix d'une fillette en rose sur le logo ci-dessus reste étonnant. L'association s'explique ainsi : "Reste le ROSE, couleur souvent décriée car massivement associée de manière peu valorisée au féminin. C'est justement pour cela que le rose a été délibérément retenu. En effet, le but du label est de mettre en évidence les potentiels féminins à travers toutes les catégories de personnages: fille, garçon, femme et homme. Il s’agit clairement d’une action de discrimination positive envers le féminin. Dès lors, pourquoi ne pas le faire avec du rose, mais décliné de manière positive?"

    Si on veut. Se réapproprier une couleur qui est déjà associée, traditionnellement au féminin... ? Choix paradoxal... qui pourrait même desservir le projet en ayant l'effet inverse. Pourquoi pas les couleurs de l'arc-en-ciel ? Car "Il s’agit clairement d’une action de discrimination positive envers le féminin " ?  J'avoue que la discrimination positive en général n'est pas ma tasse de thé. D'où ces réticences, probablement, qui n'engagent que moi.

    Qu'il existe (voir les travaux d'Anne Dafflon Novelle, chercheuse) des asymétries entre héros et héroïnes, est une évidence, mais ce constat : "les enfants des deux sexes préfèrent lire des histoires avec un personnage de leur propre sexe." me paraît, par expérience, sujet à controverse... Tout dépend (justement) de la qualité de l'ouvrage (et dans ce cas, le lecteur se moque bien de savoir si le héros est fille ou garçon) mais aussi des "passeurs" (bibliothécaires, parents, libraires, enseignants, médias...), qui peuvent eux aussi véhiculer des stéréotypes et autres valeurs sexistes... Et là encore, la démarche est paradoxale, car si on pousse la logique, le vrai progrès ne serait-il pas, justement, d'inciter les enfants à lire des livres avec des héros ou des héroïnes, indifféremment... ? (et ils le font déjà souvent).

     

    http://www.lab-elle.org/

     

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  • Aventuriers du monde

    Les éditions MONDE GLOBAL lancent une nouvelle collection de romans pour la jeunesse intitulée AVENTURIERS DU MONDE, des "romans pour s’ouvrir au monde et rêver la planète."

    2b0f4292cd732afa0ac79e3e36266165.jpgTitres à paraître en novembre 2007
    Embrouille en brousse
    de Yves Pinguilly
    Faut pas tuer les goélands
    de Jocelyne Sauvard
    et les suivants...
    La caresse du tigre et autres racontars
    de Christine Beigel
    Pour qui siffle le Motocki
    de Ouaga Bellé Danaï

    "Chaque lecteur étant exceptionnel", les romans se répartissent en deux "tranches d'âge" : ALTO (tous ceux, qui, entre 10 et 110 ans, aiment les histoires…) et MEZZO (tous ceux, qui, entre 8 et 88 ans, aiment les histoires...)
    La collection est dirigée par Jocelyne Sauvard, et Christian Epanya, illustrateur, est chargé de la direction artistique des titres.
    Les jeunes éditions du Monde Global ont érigé la « globalisation » en principe, non pas à la manière nos géopoliticiens matérialistes ou autres experts en économie mondiale, mais en favorisant une approche humaniste et pluriculturelle fondée sur le partage, l’échange et la découverte – d’idéaux, de points de vue, d’artistes, d’écrivains ou de représentations. Cette maison, créée par des universitaires français et canadien d'origine africaine, propose déjà plusieurs ouvrages qui s’inscrivent dans cette démarche – romans, recueils de contes, albums ou essais ; des réalisations qui rassemblent des auteurs et des illustrateurs venus de plusieurs coins du monde, travaillant de conserve.

    Les éditions seront présentes au salon du livre de Montreuil.

    www.mondeglobal.com/

    www.jocelynesauvard.fr

    www.yvespinguilly.fr/

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  • Mon nom est Salma

    En écho à la note précédente, j'ai eu envie de mettre en avant un roman paru récemment en français, qui traite de l'exil mais aussi des violences auxquelles sont confrontées les femmes dans certains pays (ou parfois tout près de chez nous), pour peu qu'elles s'écartent du chemin qu'on leur a tracé... parmi ces persécutions, le "crime d'honneur" fait de nombreuses victimes.

    On trouvera des informations sur le site de l'association ICAHK (International Campaign Against Honour Killings), qui explique que selon l'ONU, plus de 5000 femmes et filles sont tuées chaque année par leurs proches dans ce cadre précis. L'association GRAF (Groupe Asile et Femmes), quant à elle, milite pour un "Droit d'asile pour les femmes persécutées en tant que femmes."

     

    91b77f7d2abe1218b7cb274bf5645241.jpgMon nom est Salma, de Fadia Faqir
    (traduit de l'anglais par Michele Herpe -Voslinsky, Editions Liana Levi, 2007 / My name is Salma, Doubleday, 2007)

     

    De Salma à Sally et vice-versa

    C’est après un long périple que Salma, petite bergère bédouine, arrive en Grande-Bretagne et devient Sally, laissant derrière elle une autre vie qu’elle ne peut pourtant se résoudre à oublier et qui la hante, en dépit de son « intégration » en apparence réussie dans le pays d’accueil. Sa vie à l’anglaise, qu’elle nous conte d’une voix fluide et épurée, est rythmée par son travail de couturière, par quelques rencontres masculines, par les cours de littérature qu’elle suit avec ténacité, par ses amitiés – avec Parvin, jeune anglaise d’origine pakistanaise qui a fui la maison familiale pour éviter un mariage arrangé, ou avec Gwen, une vieille dame érudite. Mais le sentiment de solitude et la culpabilité qui l’habitent, ainsi que la sensation d’être «amputée» d’une partie d’elle-même, font resurgir les souvenirs, qui la ramènent inexorablement à la fille qu’on lui a enlevée à la naissance, seize ans plus tôt, à l’homme qui l’a séduite puis violée, à la prison où elle a vécu plusieurs années à seule fin d’échapper à la fureur de son frère, à son séjour au Liban…

    Des détours mémoriels qui viennent s’entrelacer au temps présent – une narration chaotique, qui progresse par à-coups, allusions et indices : le récit, volontairement éclaté, recouvre diverses époques de son existence. Aussi, le lecteur endosse le rôle d’observateur mais aussi d’enquêteur – en reconstruisant peu à peu le parcours kaléidoscopique de Salma, qui ne dévoile les choses qu’avec une grande parcimonie, tout en s’étonnant des mœurs occidentales (qu’elle critique avec autant de lucidité que certains traits orientaux), du racisme ordinaire, de l’exploitation des plus déshérités – des passages souvent cocasses qui mettent le doigt sur les paradoxes et les dysfonctionnements de nos sociétés démocratiques.

    a5d68827a1953d21e86d1ecba068a3e9.jpgL’auteure dénonce évidemment la condition des femmes d’orient, confrontées à l’obscurantisme religieux et au poids des traditions qui perdurent au-delà des frontières, et insiste sur le fait que le salut passe nécessairement par l’instruction et la lecture ; mais c’est d’abord la difficulté d’être en exil, d’être « autre » qui l’emporte sur tout le reste : Salma a bien du mal à se métamorphoser en Sally, à « s’ajuster », et elle commet nombre de bévues, même si la liberté dont elle jouit est inestimable à ses yeux. Malgré tout, mérite-t-elle d’être encore en vie ? Comment peut-elle vraiment devenir Sally avec son statut d’étrangère et sa peau sombre?

    Salma oscille dans un entre-deux (culturel, affectif, spatial et temporel) qui rappellera d’autres romans tout aussi réussis (de Chitra Divakaruni ou de Maggie Gee) ; l'auteure capte admirablement la schizophrénie de l'exil, cette douleur d’être « double » et d’appartenir à deux mondes divergents qui ont tant de mal à se rapprocher : une situation qui brouille le concept d’identité et crée de multiples incertitudes dans l’esprit déjà déraciné du personnage. Roman poignant, pudique et intelligent, qui joue avec nos émotions tout en se préservant de toute mièvrerie ou de tout pathos larmoyant, My name is Salma tient de la tragédie ordinaire et lointaine, le beau récit d'un déracinement et d’un déchirement, entre Orient et Occident. (B. Longre)

     

    Fadia Faquir, jordanienne et britannique, fait entre autres partie du conseil d'administration de Al-Raida, une revue féministe publiée par l'Université Américaine de Beyrouth.

    http://www.fadiafaqir.com/

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  • Nos amis les Yapous...

    Le volume 3 de Yapou, betail humain de Shozo Numa, est en librairie depuis le 15 novembre (éditions Désordres). Oeuvre majeure de la littérature japonaise, livre total, démesuré, fresque échevelée considérée par Yukio Mishima comme « le plus grand roman idéologique qu’un Japonais ait écrit après-guerre ». Voici ce que je disais du premier tome.

    Yapou, bétail humain, volume 1 (traduit du japonais par Sylvain Cardonnel)

    L'homme dominé, l'écrivain dominant...

    "In the struggle for survival, the fittest win out at the expense of their rivals because they succeed in adapting themselves best to their environment." (Charles Darwin)

    "J'avais beau comprendre qu'une oeuvre échappât à son auteur, je ne pouvais m'empêcher d'en être troublé." (Shozo Numa)

     

    b1c8f556a02c83ab4057c89bd5a8d02a.jpgLe grand oeuvre de Shozo Numa paraît en français : les éditions Désordres, décidément à l'avant-garde d'une littérature libérée de ses tabous (après David Wojnarowicz, Kathy Acker ou Peter Sotos) ont fait le pas.

    Roman fleuve d’abord publié en feuilleton à partir de 1956 dans la revue japonaise Kitan Club, Yapou, bétail humain appartient à la veine littéraire masochiste ; il fut composé pour servir de formidable exutoire à des pulsions que Shozo Numa est loin de renier et qui sont nées quand, tout jeune soldat, il fut fait prisonnier et « placé dans une situation qui me contraignait à éprouver un plaisir sexuel aux tourments sadiques que me faisait subir une femme blanche. » ; une « déviance » qui n’appartient donc qu’à lui, indissociable de son histoire personnelle, une expérience intime pourtant surdéterminée par son appartenance au peuple japonais... Car l'écrivain voit le Japonais comme un être modelé par un perpétuel sentiment d’infériorité, sentiment exacerbé par un contexte géopolitique spécifique, dans un Japon d’après-guerre vaincu, humilié et soumis à la mainmise occidentale. « Le caractère divin de l’empereur (…) était soudain détruit. C’est sans doute cette désillusion qui se transforma en moi en excitation masochiste. » explique-t-il dans sa postface à l’édition japonaise de 1970.

    L'auteur prend toutefois ses distances avec l'époque et c’est dans un monde imaginaire (quoique...) qu'il a choisi d’ancrer son récit : au XLe siècle, dans l’Empire des cent soleils (EHS – de l’anglais « Empire of Hundred Suns »), une société interplanétaire régentée par une aristocratie dont les caractéristiques (blanche, anglophone et féminine…) font essentiellement écho aux fantasmes de soumission de l’auteur. Au plus bas de l’échelle du vivant, les Yapous, matière première animée, intelligente, destinée à satisfaire les moindres besoins et désirs des blancs d’EHS : un bétail indispensable à la bonne marche de l’empire, aussi nécessaire, par analogie, que les esclaves africains pouvaient l’être dans les états sudistes des Etats-Unis ; à la différence que cette exploitation systématique et institutionnalisée du Yapou n’est nullement considérée, par les habitants d’EHS, comme un « necessary evil » (un mal nécessaire, euphémisme employé par nombre d’Américains pour justifier l'esclavage), mais comme un état de fait «naturel» reposant sur une distinction biologique de taille… la peau « jaune » des Yapous. Sur EHS, les esclaves noirs eux-mêmes jouissent de droits et de privilèges interdits aux Yapous…

    Science-fiction, donc, mais qui s’appuie sur des données contemporaines et/ou historiques connues ; un genre délibérément choisi pour la grande liberté idéologique et littéraire qu’il présuppose ; et Shozo Numa évoque ce monde (utopique et dystopique - selon sa position en tant que lecteur) avec érudition, élaborant une description savante et quasi encyclopédique de chaque facette de cette société ultra-hiérarchisée et policée (sur le modèle de la Rome Antique, du Japon impérial ou de l’impérialisme britannique…), des sciences aux arts, des moeurs à la politique… Panorama foisonnant permettant à l’écrivain de coucher sur le papier tous ses fantasmes scatologiques, masochistes, sexuels – des plus sordides aux plus cocasses… des plus dérangeants aux plus conventionnels. Car les Yapous (descendants des Japonais, on aura compris le glissement phonologique) sont tout, sauf humains et, de toutes les formes et tailles, font office de jouets sexuels, de meubles «viandeux», de sanitaires (une obsession qui traverse l'ouvrage) ou de sacs à main, de vomitoires ou de jouets miniatures, de mères porteuses (libérant ainsi les femmes blanches de l’esclavage de la maternité et expliquant la "révolution féminine"), et on en passe, l’imagination de l’auteur se montrant sans bornes dans ce domaine.

    En dépit de son caractère (prétendument) scientifique et ethnologique (entretenu par le biais d'archives, d'extraits littéraires, d'ouvrages théoriques, de notes de bas de page, de renvois multiples, etc. bien entendu inventés de toutes pièces), Yapou reste un roman : la découverte progressive de ce monde hors nomes s’effectue par le biais de deux personnages dont la fonction naïve s’apparente à celle d’un Gulliver ou à celle des narrateurs des Lettres persanes – procédé certes classique mais néanmoins efficace : tout débute quand Clara, une jeune Allemande, et son fiancé japonais, Rinichiro, assistent à la chute d’un engin spatial… à l’intérieur de l’ovni, ils découvrent Pauline Jansen, une aristocrate d’EHS ; lors d’un voyage dans le temps, cette dernière s’est laissée distraire par la dextérité de son cunnilinger télépathe (« une sorte de meuble vivant dont la principale fonction est de contenter les femmes qui dorment seules »...) et a perdu le contrôle de son appareil. Mais Pauline, maîtresse femme, prend bien vite les choses en main, comprenant que Clara et son "Yapou" appartiennent à l’époque « anhistorique » (ère précédant la conquête de l’espace) et qu'ils n’ont pas nécessairement conscience de leurs différences respectives…

    Elle invite Clara à visiter son monde et là, les privilèges reviennent à la blanche jeune fille et la yapounisation à Rinichiro, un "beau" spécimen de Yapou d'origine qu’il va falloir conditionner… Les métamorphoses successives (physiques et psychologiques) que les deux explorateurs (malgré eux) vont subir (ou peu à peu accepter, dans le cas de Clara) se déroulent sur moins de vingt-quatre heures, mais sont analysées de manière si détaillée que le lecteur, à défaut de les accepter, les assimile sans mal. Là réside la force de cet ouvrage, qui nous transporte d’un monde à l’autre sans que l’on s’étonne outre mesure des retournements que l’auteur fait subir à notre conscience. Les valeurs humanistes que nous connaissons se voient renversées en totalité, à grande échelle... rien de surprenant à ce que Sade et Jonathan Swift, chantres du renversement, soient de la partie, en tant que sources d’inspiration récurrentes et explicites : Yapous et Yahoos (ces créatures primitives que l’on rencontre dans le dernier voyage de Gulliver) ne se ressemblent pas (les capacités intellectuelles des premiers les placent à l’opposé des second) mais l’analogie homophonique existe bel et bien… De même, le leitmotiv scatologique (certains Yapous apprennent, dès l'enfance, à se délecter des déjections "sacrées" des Blancs, qui peuvent désormais satisfaire sans gêne leurs besoins en public tout en nourissant leurs Yapous...) nous renvoient aux grands textes de la littérature sado-masochiste, tandis que d’autres scènes semblent tout droit sorties du monde de Brobdingnag (le combat entre Yapous pygmées par exemple) ; la relative indépendance dont jouissent les Yapous géants (destinés pour la plupart à devenir des montures), qui grandissent à l’écart des « dieux blancs » sur la planète Titan, paraît pour partie calquée sur l’existence des Houyhnhnms (des chevaux très rationnels) que côtoie Gulliver. On pourrait établir de nombreux autres parallèles... il suffit de dire que Yapou, bétail humain, vaste métaphore de la condition japonaise, s’inscrit dans la veine des grands romans philosophiques et il serait erroné de prendre au pied de la lettre tout ce que prétend l’écrivain…

    L’écriture de ce roman lui a apporté, il est vrai, un vaste espace de liberté et lui a permis « d’apaiser » sa « soif », de donner un cadre à sa vision très personnelle de la volupté et du plaisir, ainsi qu’il le confesse ; mais au-delà de sa fonction d’exutoire sexuel et psychologique, fonction liée au souci d’explorer l’image en négatif que le peuple japonais a de lui-même et entretient depuis des décennies (en particulier à travers le sentiment d’infériorité qu’éprouverait, plus ou moins consciemment, tout Japonais face à l’occident sadique incarné par ces femmes blanches omnipotentes), cette œuvre pléthorique se lit de diverses façons tandis que les interprétations se télescopent ou se superposent : les questions politiques soulevées par l’auteur (en particulier sa réflexion continue sur l’impérialisme anglo-saxon, qu’il soit territorial, linguistique, économique…) possèdent par exemple des résonances très contemporaines : « La civilisation blanche occidentale a hérité de l’esprit de la Grèce antique, société qui reposait sur le travail des esclaves. Cette psychologie de dominants s’est développée le temps que dura la colonisation-domination des populations de couleur. C’est elle qui préside à l’aliénation des Yapous sur EHS. » Similairement, le féminisme extrême et volontairement exagéré qui traverse l’œuvre (bien qu’accessoire – et inventé pour que la société EHS puisse être en adéquation avec les pulsions masochistes de l’écrivain) ravira nombre de lecteurs par ce qu’il nous apprend indirectement de la société patriarcale actuelle, faisant prendre conscience de son absurdité et de son injustice – et même si telle n’était pas l’intention originelle de l’auteur, le procédé du retournement, associé à l'amplification et au grossissement de certains traits (jusqu’au grotesque — procédé dont usait si bien l'écrivain Edogawa Rampo, en particulier dans ses nouvelles du genre ero-guro, comme La chenille ou La chaise humaine...), met en lumière nombre de ces dysfonctionnements.

    La terrifiante acceptation des Yapous (certes conditionnés dès l’enfance à vénérer les Blancs) fait écho à la passivité politique ou à la mollesse de l’engagement d’une majorité de groupes humains soumis à des volontés individuelles tyranniques – comme si les souffrances engendrées par une soumission non choisie procuraient cependant un plaisir d'une intensité telle que rien ne pourrait convaincre les victimes de changer de condition. L’auteur est suffisamment modeste (cela participe-t-il du "gène de servitude" que posséderait, selon le narrateur, tout japonais ?...) pour ne rien dire de ses engagements dans la sphère du collectif, résumant son œuvre à une tentative individuelle de survie, destinée à un petit nombre de lecteurs ; mais à l’évidence, il ne fait nul doute que le bouillonnement d’idées que procure la lecture ne peut laisser le lecteur indifférent à ces questions qui se dessinent en filigrane. On voit ainsi comment l’œuvre peut échapper à son auteur, sur de nombreux plans.
    Un autre paradoxe frappe aussi (que l’on retrouve dans l’interdépendance de la relation sado-masochiste) : l’assujettissement du Yapou, créature à qui l’on nie toute humanité, exploitée de toutes les manières imaginables, s'accompagne d’un pouvoir illimité ; l’auteur l’a saisi lorsqu’il parle de « la suprématie du Yapou », sans qui la société d’EHS ne serait pas ce qu’elle est… Une société totalitaire dont les valeurs sont susceptibles de révulser, sans pour autant perdre de sa capacité à nous fasciner, justement par ce qu’elle contient de repoussant…

    A l’heure où nous achevons la lecture de ce premier tome (le deuxième est à paraître d’ici quelques mois – il faudra faire preuve de patience) Clara, qui a succombé, sans trop se faire prier, au confort et aux charmes libertins de la très idéale communauté des nobles d'EHS, a enfin admis consciemment que son fiancé n’est en définitive qu’un Yapou et elle s’apprête à le dresser ; de son côté, Rinichiro, sur lequel le processus de yapounisation semble fonctionner à merveille, s'abandonne peu à peu à sa nouvelle condition, tout en étant nimbé d'ironie cosmique... C'est ainsi qu'en dépit de ses aspects sulfureux (et réjouissants), cette fresque romanesque inégalable mais très ambiguë ne présente que peu de danger : nous nous distançons sans mal de l'univers rêvé par Shozo Numa, qui reste personnel et singulier, en partie par le biais du grotesque et d’une très saine ironie, engendrée par le caractère assurément superficiel et souvent risible de nombre de personnages – marionnettes blanches, jaunes et noires (très paradoxalement) soumises au bon vouloir de leur créateur…   Blandine Longre (novembre 2005)

    Les éditions Désordres

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  • Le langage de la déesse

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    Le langage de la déesse, Marija Gimbutas
    (traduit de l'anglais par Valérie Morlot-Duhoux et Camille Chaplain
    Préface de Jean Guilaine, Editions des femmes, 2005)

     

    "La relation est directe entre le statut de la femme dans un pays et la manière dont les chercheurs y conçoivent leurs travaux sur ces questions. (...) Pourquoi l’œuvre si importante, quelles que soient les critiques qu’on peut lui faire, de Marija Gimbutas, la spécialiste universellement connue et citée de la Déesse-Mère (...), n’est-elle pas traduite en français ?" David Haziot (nov. 2004)

     

    Le monde perdu de la déesse

    La parution de cet ouvrage érudit, jusqu’alors ignoré du public français, est un événement éditorial qui mérite d’être souligné. Les travaux de Marija Gimbutas (1924-1991), éminente archéologue américaine d’origine lituanienne, ont certes soulevé nombre de controverses parmi les chercheurs, tout en encourageant certains mouvements sectaires (pseudo païens) ou des courants extrémistes du féminisme nord atlantique à propager des visions le plus souvent fantasmatiques de la déesse-mère.
    La préface éclairante de Jean Guilaine étouffe toute tentation polémique en admettant que certaines thèses avancées par l’archéologue doivent être nuancées, mais il rend aussi hommage au travail colossal de classification puis de formulation d’hypothèses, ainsi qu’au décloisonnement disciplinaire qui préside à l’ensemble. Marija Gimbutas a en effet jeté des ponts entre différents champs d’investigation, en mêlant à sa quête archéologie, symbolisme, ethnologie et mythologie. Une quête méthodique et organisée, qui n’a rien d’une rêverie, et qui passe par la recension d’environ deux mille œuvres ou objets préhistoriques, du paléolithique au néolithique (entre 7000 et 3500 avant notre ère), et par une approche comparative très instructive, faisant apparaître, au fil des chapitres, nombre d’analogies et de points de convergence entre des formes et des motifs picturaux, figuratifs ou géométriques, pourtant glanés sur des objets (usuels ou cultuels) retrouvés en divers lieux (Anatolie, Espagne, Hongrie, Pologne, France, Grande-Bretagne ou Moyen-Orient…).

    A travers l’étude de ces ornements (animaux anthropomorphes, lignes, enroulements, zigzags, chevrons…) Marija Gimbutas avance l’idée qu’ils ne furent pas placés là comme de simples décorations et qu’ils répondaient à des fonctions précises ; ils sont les signifiants d’un langage à décrypter (« un alphabet métaphysique ») dont il faut retrouver les signifiés pour entendre ce qu’ils ont à nous dire d’un culte en osmose avec la nature, commun à de nombreux peuples, géographiquement étendu : celui de la déesse-mère et de ses avatars, mère nourricière, autofertile, source de vie, de mort et de régénération, capable d’autogestation. Un culte qui supposerait une autre forme d’organisation (matrilinéaire, voire gynécocratique) de sociétés « égalitaires » - plus tard (à partir du IVe siècle avant notre ère) écrasées par les invasions de tribus indo-européennes puis par les cultes tyranniques et les panthéons patriarcaux qui se sont succédé, de la mythologie grecque au christianisme, et qui ont tenté d’effacer toute trace des croyances anciennes.

    Belle utopie passéiste et imaginaire ? Ou bien nostalgie pour un monde perdu, ancré dans une authentique réalité historique, et qu’il nous reste à retrouver ? L’existence d’une société ancienne matriarcale est contestée, souvent très âprement, il faut le dire, et quand bien même le culte d’une déesse-mère serait attesté, cela ne signifierait pas pour autant que les femmes auraient dominé cette société, même si elles en étaient la force initiale, car créatrices de vie.
    Il reste qu’en lisant cet ouvrage encyclopédique, de belle facture (qui ne devrait pas rebuter les néophytes), on a envie d’adhérer à la thèse pluridisciplinaire de l’archéologue, qui transcende les frontières et les époques. Ses conclusions sont souvent très convaincantes, car précédées de classifications rigoureuses, de descriptions précisionnistes et d’interprétations qui font sens : une démarche assurément scientifique et rationnelle qu’il semble difficile de rejeter en bloc.

    Blandine Longre
    (février 2006)

    http://www.desfemmes.fr

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  • Portraits de Famille

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    Portraits de famille de Gérard Rollando et Marie-Astrid Bailly-Maître, Larousse, 2007

    Ce bel ouvrage n'est pas un livre de photographie comme les autres... Les dizaines de portraits en question ont pourtant été réalisés en studio, mais dans des conditions très particulières (sur lesquelles le photographe animalier s'explique en fin d'ouvrage). Un travail qui mérite que l'on s'y attarde, car Gérard Rollando a su capter ce qui fait l'essence même de chaque animal - et même si les enfants (car ce livre est aussi fait pour eux) auront tendance à trouver des "ressemblances" entre certains animaux et des personnes de leur entourage, la sobriété (non dépourvue d'humour) des commentaires qui accompagnent les photographies n'en font pas, justement, des bêtes de foire... et ne cherchent nullement à les humaniser. Une démarche appréciable.

    Pour en savoir plus http://portraitsdefamille.uniterre.com/ 

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  • Lectures achevées et en cours...

    Parmi les ouvrages lus ces dernières semaines, en voici quelques-uns… Je n’ai pas écrit sur tous (ou pas encore) mais je les recommande vivement à la lecture, ça coule de source !

     

    *** Fiction

    Silences de Catherine Leblanc (Les Découvertes de la Lucioles, 2007) - un beau recueil de nouvelles, chez un petit éditeur à découvrir. article en ligne

    Chicago, je reviendrai de Gisèle Bienne (Médium de l’école des loisirs 2007) article en ligne 
    j'ajoute que Gisèle Bienne est aussi l'auteure d'un de mes "livres de chevet"...

    Paranoid Park de Blake Nelson (traduit de l'anglais par Daniel Bismuth, Hachette Littératures 2007) - le fameux roman dont Gus Van Sant s'est inspiré pour le film du même nom. Un bon roman pour grands ados et adultes, qui relate les tourments d'un jeune homme, seul face à un secret qui pèse lourd.

    La Rivière d'Annie Saumont, vu par Anne Laure Sacriste (Editions du chemin de fer 2007) - une nouvelle illustrée dont je reparlerai certainement.

    Faut-il croire les mimes sur parole ? de Céline Robinet (Au Diable Vauvert, 2007) - excellent recueil - Article en ligne

    *** Inclassables

    Imagier de Cécile Holveck (R-Editions 2007) - un "imagier" pour grands.

    Le chien de Nourreev d'Elke Heidenreich et Michael Sowa (traduit de l'allemand par Christine Lecerf, éditions Sarbacane)

    Le Mur, mon enfance derrière le rideau de fer, de Peter Sís (traduit de l’anglais par Alice Marchand, Grasset, 2007)

     

    *** Jeunesse

    8a81a1ba8a12eac35a0dc0b619b17037.jpgYllavu de Gambhiro Bhikkhu, illustrations de Samuel Ribeyron (Hongfei, 2007) j'en parle ici

    ça devait arriver de Gaëtan Dorémus (éditions Belize)

    Pas cochon de Christine Beigel (Gautier-Languereau)

    Mais qui a volé le maillot de la Maîtresse en maillot de bain ? de Lilas Nord et Carole Chaix (Après la lune jeunesse)

    Thésée  d'Yvan Pommaux (L'école des loisirs) - un bel album grand format.

    Le village aux mille trésors de Véronique Massenot et Joanna Boillat (Gautier-Languereau)

     

    *** Lectures en cours… à des stades plus ou moins avancés, que je livre en vrac...

    Servais des Collines d’Anne Percin (éditions Oskar 2007)

    Entre dieu et moi, c’est fini de Katarina Mazetti (Gaïa 2007)

    Van Gogh – la biographie signée David Haziot , qui vient de paraître dans la collection Folio Biographie.

    Boris Vian et moi de Lou Delachair (Exprim' Sarbacane)

    Quoi de neuf chez les filles, entre stéréotypes et libertés de Christian Baudelot et Roger Establet (Nathan, l'enfance en questions)

    If you liked school, you'll love work de Irvine Welsh (J. Cape 2007) auteur dont je recommande TOUS les livres... dont Une ordure, qui vient de paraître en poche.

    Le 3e tome (paru ce mois) de la série signée Stephenie Meyer, composée de Fascination, Tentation et Hésitation (Hachette roman jeunesse, collection Black Moon, traduit de l’anglais par Luc Rigoureau) – je le lis dans sa version anglaise, of course (Twilight, New Moon, Eclipse). Incontournable quand on a commencé le premier tome... (il suffit de me parler de vampires pour que je me laisse tenter...)

    Je ne dresse pas la liste de ceux qui attendent.

    Pour finir, quelques mots sur...

     

    aa3d7c113af70341bd31a9cf7bc89430.jpgMon cher ennemi de Yang Zhengguang, traduit du chinois et annoté par Raymond Rocher et Chen Xiangrong, Bleu de Chine, 2007

    Lao Dan, un vieux paysan qui se morfond auprès de son fils célibataire endurci (bon garçon soumis à son tyran de père), cherche à pallier son ennui et redonner un sens à sa vie… il s’invente pour cela un ennemi, sans raison apparente, et son choix se porte sur Zhao Zhen, trafiquant de femmes (entre autres), dont les affaires florissantes agacent le vieil homme. Mais le jour où Zhao Zhen revient accompagné d’une jeune femme d’une province voisine, Lao Dan se met en tête de marier son fils et les rapports de force se voient bouleversés… Entre farce tragi-comique et fable absurde, Mon cher ennemi relate une suite de mésaventures (certes entrecoupée de succès éphémères) qui se concentre sur un personnage entêté, à l’esprit tordu, cocasse et irritant à souhait. Tout se déroule à huis clos ou presque, dans ce court roman satirique et pourtant très réaliste, qui en dit long sur les idiosyncrasies et les caprices de l’esprit humain, qui a toujours besoin d'un "autre" pour se définir. B. Longre (novembre 2007)

    http://www.bleudechine.fr/

     

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  • Les éditeurs font fête

    Plusieurs éditeurs ont répondu à l'invitation des éditions Passage piétons et des éditions de L’Œil d’or

    Afin de fêter la fin 2007,  une quarantaine de maisons d’édition indépendantes investissent la Halle saint-pierre, musée d'art brut, d'art singulier et d'art populaire (très agréable à visiter - surtout sa librairie).
    Cette réunion informelle donne lieu à la création d’une librairie éphémère où se mêlent fictions, livres d’artistes, ouvrages jeunesse, essais et objets livresques.
    Quatre artistes présentent leurs estampes au sein d’une exposition intitulée Sans gravité : Sarah d’Haeyer (Lille), Julie Maret (Marseille), Katrin Stangl (Allemagne) et Aurélie Pagès (Paris).

    du 12 décembre au 8 janvier 2008
    Halle saint Pierre 2 rue Ronsard, 75018 Paris M° Anvers
    www.hallesaintpierre.org


    d4cc32b074077babd7d4cc0ece40b09b.jpgL’Œil d’or, petite maison d'édition fondée en 1999, revendique le coup de cœur et propose cinq collections : Essais & Entretiens, Fictions & Fantaisies, Formes & figures, Mémoires & miroirs et Plaisirs & Paresses. Quelques livres jeunesses y côtoient des essais sur la danse ou la littérature, des témoignages, des livres de cuisines et du Mark Twain : l’Œil d’or s’est en effet lancé dans la traduction ou retraduction de toute l’œuvre. L'une de ces publications, Journal d'Adam et d'Eve - ou la bible revisitée sous la plume satirique de Twain - vaut le détour.
    www.loeildor.com

    Passage piétons,
    fondée en 1998 par Isabel Gautray, graphiste et vidéaste, mène une recherche sur les liens entre l'image, essentiellement la photographie, et le texte, deux déclencheurs de l'imaginaire, de rêveries ou de réflexions.  passagepietons@wanadoo.fr


    Seront présents, entre autres, L'Atelier du poisson soluble, le Chemin de fer, La Dragonne, Nuit myrtide, Points de suspension ou Ritagada. Cette dernière maison, créée par Sarah d’Haeyer (et nommé ainsi en l'honneur de Sainte Rita, patronne des causes désespérées, et de la fraise tagada !) propose des ouvrages résolument atypiques, tels que ceux-ci :

     

    659030f526e107de53b2baddd3c859fa.jpgLes Bons d’absence de Monsieur Théodore, récoltés par Marie Bouchacourt, Ritagada, 2007

    Monsieur Théodore « passe le plus clair de son temps à ne pas être là »… Aussi déploie-t-il des trésors d’imagination à fabriquer des mots d’excuse (pour la plupart bonnes…) réunis dans cet ouvrage inclassable ; on trouvera ici tous les bons d’absence possibles, du plus classique au plus absurde, du plus amusant au plus poétiquement surprenant. Ainsi, Monsieur Théodore était absent parce qu’il « a revécu des temps anciens », parce qu’on « l’a invité à danser », ou encore parce que « sa pince à linge a refusé de le laisser sortir »… Chaque bon est mis en scène visuellement, des illustrations qui rappellent par bien des aspects l’art naïf, le surréalisme (en accord avec les textes) – des dessins faussement enfantins, entre peinture et croquis, esquisse et crayonnage. Un petit livre que l’on ne se lasse pas de feuilleter et grâce auquel on oubliera que le temps passe et qu’on est peut-être attendu quelque part… L’occasion d’emprunter à Monsieur Théodore l’un de ses précieux bons d’absence… B. Longre (2007)

     

    e5fefe56ffd0330b449f32e92533eaab.jpgBouilles de Sarah d’Haeyer, Co-édition L’œil D’Or, Ritagada, 2005

    De la nostagie...

    Il est des objets qui n’évoquent rien pour les autres mais que l’on conserve ou dont on se souvient avec émotion, des jouets qui ont pu jouer un rôle essentiel, de substitution ou de consolation, fonctionnant comme talisman, porte-bonheur, et qui se rappellent à notre mémoire comme la trace fragile du temps révolu de l’enfance.
    Serait-ce l’idée qui a présidé à l’élaboration de ce bel ouvrage inclassable ? Bouilles, collection hétéroclite de jouets, est certes destiné aux plus jeunes, mais les aînés le feuillètent avec joie et nostalgie mêlées, des sentiments renforcés par l’usure marquée des jouets photographiés, et délibérément mise en exergue (à travers le choix des angles de prises de vues et les gros plans) par Sarah d’Haeyer, artiste-à-tout-faire et fondatrice de Ritagada, très joliment désignée comme « maisonnette d'édition ».
    Les quelques trente jouets qui composent l’ouvrage ont une histoire, que Sarah d’Haeyer ne nous raconte pas, une manière de nous inciter à faire travailler l'imagination, à se laisser porter par ce qu’ils nous dissimulent et nous révèlent tout à la fois ; car chacun de ces jouets, de Rosita la giraffe en plastique à Paca le perroquet de tissu, a accompagné une enfance singulière qui pourrait tout aussi bien être la nôtre. Et peu importe que la peinture de Madame Babouchka et ses filles soit un peu écaillée, qu'Otto le chien ait été rafistolé, que l’âne Pedrolino n’ait pas deux yeux semblables, ou que la poupée Litchi ait perdu de son lustre, ces petites imperfections sont là pour rappeler l’érosion du temps qui passe inscrivant chaque objet dans une histoire muette et unique.
    On ne peut alors s’empêcher de rapprocher cet ouvrage de Mémoires d’un Ours (Arléa) un bref roman dans lequel Françoise Carré donne la parole à un jouet aimé puis délaissé, un ours en peluche qui tâche d’accepter son destin : « Je ne serai plus que l’image, charmante, désuète, de sa petite enfance (…) Et parmi ses souvenirs, je m’appliquerai, ardemment, à devenir Son souvenir.» B. Longre (2006)

     

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  • Nourritures littéraires

    Soif de livres, faim de lectures. Ainsi s'intitule le salon du livre de Cluses qui se déroule du 22 au 25 novembre.

    "Esperluette 2007 abordera ces rapports entre écriture, nourriture et boisson, de la gourmandise des mots et des mets en passant par l'exploration littéraire des lieux où l'on mange et où l'on boit, restaurants, bistrots, cuisine... "

    Seront entre autres présents Pierre Autin-Grenier (voir ici pour plus d'informations), Alain Chiche (voir son site), ou Christine Beigel qui vient de faire paraître, en tant que directrice de collection chez Après la lune jeunesse, un premier Zalboum intitulé : Mais qui a volé le maillot de la Maîtresse en maillot de bain ? (dont je parlerai très prochainement) de Lilas Nord et Carole Chaix (elle aussi invitée à Cluses), qu'il faut vite découvrir.

    Tous les autres auteurs

    Le programme

    Cuisine et littérature font souvent bon ménage et la thématique est fréquemment abordée. J'ai souvenir d'un excellent numéro de la revue La pensée de Midi qui abordait le sujet : La cuisine, un gai savoir (2004). mais mon "livre de cuisine" préféré reste toutefois celui-ci :

    35ab99ce5edf120d0708cf20c3ebbc13.jpg

     

    Jardins et Cuisines du Diable, Le plaisir des nourritures sacrilèges
    de Stewart Lee Allen
    - traduit de l'anglais par Sébastien Marty (titre original : In the devil's Garden)
    Autrement - 2004

    Un appétit d’enfer… sur les traces des nourritures interdites

    Même les moins gourmands des lecteurs aimeront ces jardins et cuisines et prendront goût aux diableries… Tout est ici délectable : le savoir encyclopédique de l’auteur, son humour, omniprésent, et son talent pour capter l’attention de nos esprits et de nos corps plus que rassasiés. Cet ouvrage, loin d'être une énième compilation de recettes, se lit comme un roman ou une suite d’histoires : véritable aventure des sens et de l'esprit, Jardins et cuisines du Diable est une merveilleuse fresque culinaire, sociale et humaine, un parcours qui traverse les époques et se joue des frontières, à la découverte des nourritures terrestres, des habitudes de table ou des aliments interdits ou diabolisés à un moment ou à un autre dans l’histoire de l’humanité.

    A travers nombre d’anecdotes historiques, de mythes ou de légendes, d’analyses littéraires (de Margaret Atwood à Gogol, en passant par Joyce ou Aristophane), ethnologiques, voire géopolitiques (avec entre autres l'affaire du cochon haïtien...) et de récits de ses propres pérégrinations, Stewart Lee Allen élabore une étude (presque exhaustive), qui nous mène de la Rome antique aux Aztèques, du monde musulman aux confins du Canada ; le fil conducteur, on s’en doutait, consistant à classer les interdits, us et coutumes alimentaires par péché… Les sept péchés capitaux, tels qu’ils sont énoncés par les chrétiens, constituent en effet un excellent point de départ, l’introduction précisant très justement que « l’histoire de la nourriture ne peut être dissociée de la notion de tabou alimentaire. ».

    En vrac, et pour nous mettre en appétit, nous apprenons tout ce qu’il faut savoir sur : le fameux « fruit défendu » (certainement pas une pomme…), l’art de lire l’avenir dans les abats de cochon d’Inde, les horrifiants menus que s’imposaient les saintes, divers aphrodisiaques (dont le chocolat, véritable viagra pour le marquis de Sade), la terrible discrimination dont les catholiques frappèrent (entre autres choses) la si belle tomate, les pratiques dites géophagiques ou encore les dangers que le « pain mollet » représentait aux yeux des aristocrates français, si le peuple se mettait en tête d’en consommer…(le pain constituant « un parfait baromètre des névroses françaises » !). Mais les groupes humains chez lesquels on répertorie le plus grand nombre d’interdits alimentaires sont assurément les Hindous et les Juifs traditionalistes (qui « partagent surtout le sentiment profond d’un lien entre nourriture, pureté et moralité. »), même si l’auteur retrace aussi dans le détail les discriminations alimentaires entretenues par les Américains (en particulier à l’égard des… Indiens et des Noirs.) Car la nourriture est aussi « mère de toutes les exclusions » ou encore un formidable « outil de contrôle » : « malgré le fossé technologique qui sépare l’Amérique d’aujourd’hui de la Sparte antique, le principe reste le même : créer une classe ouvrière idéale en contrôlant son alimentation »… et l’invention du fast-food en est un exemple flagrant.

    Toute nourriture, absorbée ou non, possède sa symbolique et sa fonction, inextricablement liées à une culture singulière, et au-delà des anecdotes, l’ouvrage prend peu à peu l’allure d’un véritable manuel ethnologique, catalogue intelligent et raisonné de l’inventivité humaine (en particulier à travers quelques recettes étonnantes), mais aussi des intolérances et du racisme : « Je suis ce que je mange et, si vous ne mangez pas comme moi – ou si vous n’aimez pas ce que je mange – vous êtes mon ennemi. », glose l’auteur, montrant par là comment la nourriture peut aussi galvaniser le repli identitaire et s'inscrire dans des mouvements de rejet de l'altérité. Et si Stewart Lee Allen ne cesse de mettre son érudition à contribution, c’est en grande partie pour dénoncer joyeusement à la fois les interdits alimentaires et les idées reçues – à la source de toute intolérance – et pour mieux défendre le respect mutuel des convives ainsi que la liberté de manger à sa guise : « Le plus grand plaisir de l’homme ne consiste-t-il pas précisément à enfreindre les règles ? »
    Blandine Longre

     

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  • Les doudous et nous

    84119d5b5071ce352b16817016c24fc8.jpgL'an passé, Véronique Puech, journaliste, en cours décriture de l'ouvrage ci-contre, me contactait (merci à Jérôme) afin que je lui donne mon point de vue sur la place du doudou dans la littérature jeunesse.

    Doudou or not Doudou de Véronique Puech et Chantal Van Tri, Ramsay.
    4e de couv : Parce que les doudous sont de véritables baromètres affectifs, cette réjouissante enquête révèle la " doudouisation" du monde. Pour en savoir davantage

    Pour ma part, je reproduis ici quelques questions-réponses entre Véronique et moi, qui apparaissent en partie sous forme de témoignage dans le dit ouvrage.

     

     

    Le thème du doudou dans la littérature jeunesse est-il de plus en plus présent ? Et pourquoi ? Certaines maisons d’éditions y sont-elles plus sensibles ? 

     

    Cela fait maintenant plusieurs années que dans les ouvrages ou les magazines destinés aux plus petits (3-5 ans), mettant en scène des personnages de la même tranche d’âge, la présence du doudou est incontournable, même s’il n’apparaît qu’à l’arrière-plan des récits, dans les illustrations par exemple : plus personne ne discute l’idée qu’il fait maintenant partie intégrante du quotidien des jeunes enfants, qu’il est un compagnon de chaque instant, et ce que l’on voit dans ces albums reflète des situations bien réelles, le lecteur pouvant ainsi immédiatement s’identifier aux personnages. On retrouve ces ouvrages chez la plupart des éditeurs ayant des collections pour petits, entre autres chez Kaléidoscope (Le Doudou de bébé vampire d’Alain Brion, Le crocovoleur de doudous d’Aude Picault, etc.), chez Nathan (T'choupi a perdu Doudou de Thierry Courtin, Le doudou de Siyabou de  Françoise Bobe et Claire Le Grand etc.), dans des magazines (comme Popi, dont le titre est justement le nom d’un singe doudou…), mais aussi chez Flammarion, à l’Ecole des Loisirs, chez Hachette, etc. etc.

    Cette abondance est relativement récente (une quinzaine d’années environ), et montre avec quelle attention les auteurs ont observé les lecteurs potentiels et le monde de l’enfance en général – dont le doudou  est indissociable ; en fait, le doudou appartient à la grande famille des thématiques récurrentes que sont celles du loup, des terreurs enfantines, de l’amitié, etc.; et si multiplication des ouvrages il y a, elle s’explique aussi par le fait que la littérature jeunesse connaît un incroyable essor depuis quelques années.

     

    Le doudou symbolise l’enfance, mais c’est aussi un objet. Contraint-il les auteurs à décliner le sujet autour d’actions récurrentes, est-ce un frein à l’imaginaire ou les auteurs le dépassent-ils facilement ?

     

    6dc9e364d61e2734b52e0531773f9ab5.jpgAbondance ne rimant pas nécessairement avec originalité, un nombre impressionnant d’ouvrages proposent des trames narratives quasi identiques, tournant pour la plupart autour du doudou égaré puis retrouvé ; de la même façon, le doudou est fréquemment associé à des histoires qui relatent des peurs (du noir, de la nuit, des monstres sous le lit, etc.) et il endosse alors sa traditionnelle fonction rassurante. Plus un thème est rebattu, plus il est difficile de subvertir des normes implicites, mais quand un auteur y parvient, le résultat est souvent heureux ; certains auteurs introduisent des variantes, quand le personnage de l’enfant est remplacé par un animal petit ou gros, comme dans L’Epopée de l’hippopotame amoureux (Francis Nibart et Rachel Aubert - L’atelier du poisson soluble), où c’est l’énorme doudou qui part à la recherche de la petite fille rêvée ; ou bien quand le doudou n’est plus ni une peluche ni un vieux chiffon, mais un petit jeu électronique comme dans Mon beau tomatchou de Claire Ubac – ce qui n’empêche pas la petite Lola de s’y attacher. La différence peut aussi se jouer au niveau graphique et visuel, en témoigne un ouvrage tels que L’est où l’doudou d’Lulu ? (Michèle Moreau, Martine Bourre, Alex Grillo - Didier Jeunesse), accompagné d’un CD et présenté à la manière d’un petit opéra – en dépit d’une histoire très simple (tout est dans le titre) l’ouvrage est bien conçu et se démarque d'autres ouvrages.

     

    Il me semble qu’on est passé d’histoires d’enfants avec leur doudou à des histoires de doudous où l’on trouve évidemment des enfants ; cette évolution vous semble t-elle plus porteuse d’inspiration ?

     

    C’est exact, la parole est maintenant donnée au doudou, qui devient un personnage à part entière et, quand c’est le cas, les récits prennent des tournures inattendues, comme dans Chonchon, une histoire de Christian Bruel (éditions Etre), où le doudou est au centre du récit et non l’enfant, qui n’apparaît qu’au dénouement. Ajoutons que l’histoire gagne beaucoup à être illustrée par Sophie Dutertre, dont les gravures sur bois confèrent à l’ensemble une texture brute mais en parfaite résonance avec les attitudes figées de l’ours en peluche, auquel le récit donne paradoxalement vie.

    Quand les doudous s’humanisent, il arrive que les enfants n’aient plus le premier rôle, ils peuvent parfois être même absents du récit ; ainsi, dans Le doudou des camions poubelles d’Ati (T. Magnier), la petite Lucie, dès le début, se débarrasse de son doudou, un petit singe orange qui se retrouve à la poubelle, puis dans le camion qui l’emmène au centre de tri, où il échappe de justesse à un grand four pour être finalement recueilli par les éboueurs… Le doudou est ici narrateur de sa propre aventure mais aussi un guide pour l’enfant-lecteur, à qui l’auteur offre en sus une petite « leçon » environnementale.

    La notion de doudou peut par conséquent être prétexte à traiter de tout autre chose, et permet d’aborder des thèmes plus complexes tout en restant finalement proche du jeune lecteur, grâce au personnage doudou ; dans Du rififi chez les doudous (de Fabienne Séguy & Yann Fastier, Editions du Rouergue), ce sont les thèmes croisés du racisme et de l’intolérance qui sont mis en relief ; dans Méchante (Nadja, L’Ecole des loisirs), la poupée maléfique incite la petite héroïne à jouer de mauvais tours aux autres enfants, mais, en réalité, elle n’est là que pour incarner la part de mal que nous portons en chacun de nous et l’album tient davantage de la fable morale, la poupée n’étant qu’un catalyseur d’agressivité.

     

    Le doudou et la littérature. Plus féminin que masculin chez les auteurs ?

     

    Pas à ma connaissance en tout cas (en témoignent les auteurs cités précédemment) ; en littérature jeunesse (et en littérature tout court aussi) la dichotomie du genre semble aujourd’hui largement dépassée, hormis dans des registres très marqués – et l’on trouve autant d’auteures que d’auteurs écrivant de la science-fiction, du polar, ou des histoires de doudous… Par contre, la question du sexe des doudous pourrait être un champ d’investigation innovant…  Les anciennes controverses portant sur le sexe des anges seraient ainsi mises au goût du jour !

     

     « Doudou oblige », ces histoires ont-elles un âge limite chez les jeunes lecteurs ?

     

    On trouve encore quelques références aux doudous dans des histoires pour plus grands, par exemple dans Le pays du bout du lit (Alexandre Révérend, Gallimard Jeunesse, Giboulées) un roman conseillé à partir de 11 ans, où l’un des personnages que le jeune héros rencontre lors de son périple est un doudou plutôt déplaisant.
    Ce n’est pas nécessairement la thématique qui compte, mais plutôt le « comment », et tout dépend du traitement, de la polysémie du texte, des niveaux de lectures déployés, des concepts envisagés, de la qualité des illustrations : Le Doudou méchant de Claude Ponti fait partie de ces livres qui transcendent les tranches d’âge, de même que Bouilles, de Sarah d’Hayer (Ed. l’œil d’or – Ritagada), dans lequel l’artiste propose une collection de jouets hétéroclites, photographiés individuellement ; chacun de ces personnages porte la trace du temps passé et a été un jour le doudou de quelqu’un : inévitablement, l’album est transgénérationnel, même si la résonance émotionnelle diffèrera pour chaque lecteur, en fonction de son âge ou de son histoire. Mémoires d’un Ours (de Françoise Carré, Arléa) est un autre livre que j’apprécie particulièrement, un bref roman qui n’est pas destiné à de jeunes lecteurs, même si l’auteure y donne la parole à un jouet aimé puis délaissé, un ours en peluche qui tâche ensuite d’accepter son destin. A travers ce récit, où l’ours demeure à jamais le symbole d’une enfance perdue puis retrouvée par le biais du souvenir nostalgique, l’on voit combien l’objet doudou peut encore inspirer, même tardivement.

     

    Vos préférences ?

     

    Je préfère les ouvrages qui justement sont dans l’écart, car c’est là que peut se déployer l’imaginaire d’un auteur, engendrant le plaisir du lecteur, jeune ou moins jeune. Les livres à pure finalité utilitariste (éducative, pédagogique), où le récit ne sert qu’à mettre en avant des règles de vie préformatées, m’intéressent moins – à moins que les illustrations y soient particulièrement originales, pouvant alors contrebalancer le classicisme narratif. Il y a tant d’histoires éculées de doudous perdus, d’enfants qui ont du mal à accepter la séparation (lors de l’intégration scolaire en particulier) que là encore, c’est le « comment » qui prime et qui fait toute la différence : comment l’auteur parvient (ou non) à s’écarter des productions précédentes. Le Panier à doudou de Françoise Bobe et Cyril Hahn (Les albums du père castor) est par exemple beaucoup plus amusant qu’un très conventionnel Lulu Grenadine sauve les doudous (Laurence Gillot et Lucie Durbiano, Nathan). Mais j’aime surtout les livres pour lesquels il n’y a pas de limite d’âge – des livres frontières, difficiles à étiqueter, impossibles à classer , comme certains que je cite précédemment.

     

    D’après tous les ouvrages que vous avez pu lire, y a-t-il chez  les doudous des traits de caractères communs qui ressortent, ou sont-ils uniques à l’image des enfants qui les possèdent ?

     

    e2fc44ca54f23788b0b922587f601188.jpgL’éventail est large, et l’on trouve de tout : du doudou très classique, généralement muet,  qui accompagne docilement l’enfant dans sa vie de tous les jours, à la poupée un peu rebelle, voire terrifiante (lire Barbirella de Marc Séassau et Sylvia Dupuis, Magnard) ; dans Le peuple doudou (L’Ecole des loisirs), Olivier de Solminihac s’est lui amusé à écrire un petit traité d’anthropologie doudou – mais qui n’engage que lui et son jeune narrateur ! Un loup, d’un ouvrage à l’autre, d’un illustrateur ou d’un auteur à l’autre, ne sera jamais le même, et il en va pareillement pour le doudou – toujours unique pour l’enfant qui s’y attache comme pour l’auteur qui en parle. 

    Que dire des écritures anglophones à ce sujet ?

     

    De nombreux ouvrages pour petits sont traduits de l’anglais, les auteurs et illustrateurs étant très prolifiques sur le sujet ; on en trouve plusieurs dans la catalogue des éditions Kaléidoscope par exemple - Le Doudou perdu de Russell Ayto et Ian Whybrow, Bébé Canard et le doudou tout doux d'Amy Hest et Jill Barton, Thibaud le timide et le voleur de doudous de John Prater, ou encore, dans la série des Elmer, de David McKee Elmer et le doudou perdu ; il y a aussi Linus,  l’un des personnages de la célèbre bande dessinée Peanuts de Charles M. Schulz, que l’on ne voit jamais sans son doudou, et à qui l’on doit justement l’expression « security blanket » ; paradoxalement, il n’y a pas en anglais d’équivalent pour le terme générique « doudou » (on parlera de « ted », de « teddy », de « soft toy » , de « security blanket » ou « blankie », et plus rarement de « lovie »)…

    (B. Longre, septembre 2006)

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  • De la critique

    f91877b89e1a5ffd288c5165df6a15bc.jpgJ'ai récemment découvert cette note sur le blog de Vincent Cuvellier, auteur jeunesse (pour plus d'informations, lire l'entretien en ligne et cet article).

    "Alors voilà une critique de mon nouveau livre... houlà, ils m'aiment pas, eux ! ça fait dix livres qu'ils me démolissent!  j'aime particulièrement le: "L’intérêt éducatif indéniable de ce roman, est malheureusement contrebalancé par le style littéraire employé. Pour aborder ce thème important, l’auteur a choisi de s’adresser aux enfants dans un vocabulaire très familier, truffé de gros mots, qu'il considère être le leur... "

    et l'auteur de donner ce lien : www.choisirunlivre.com/fiche_lecture.php5?livre_id=9286 qui mène sur le site intitulé "Choisir un Livre".

    En réaction à son post, Anne Percin, elle aussi auteure jeunesse, écrit :

    cf34330f7e966e52110128e4565cdb26.jpg" Salut Vincent ! je me sens tout à fait solidaire, ayant subi la même attaque de la part de ces mystérieux "critiques". www.choisirunlivre.com/fiche_lecture.php5?livre_id=7881 
    article où j'ai appris avec stupeur que mon roman était une sorte de traité de la masturbation masculine, écrit dans une langue "très relâchée". Et l'auteur de ce commentaire (ChB = Christine Boutin ?) de citer dans son article les deux ou trois seules phrases qui pouvaient voir en effet quelque chose de cru, tout le reste étant, de l'avis général, très pudique... Bref. Là où j'ai ri, c'est en lisant leur critique au sujet de mon 2eme roman..."

    Que des lecteurs lambdas donnent leur point de vue sur des ouvrages qu'ils ont lus n'a rien de gênant en soi, au contraire (la diversité de la critique est source de débat), mais que ces personnes qui ne signent pas leurs commentaires (les recensions sont signées par des initiales) s'érigent en "prescripteurs" ou critiques littéraires (on les retrouve en "prescripteurs" plus ou moins officiels sur un site de vente en ligne bien établi sur la toile) laisse dubitatif...

    Justement, qui sont ces "mystérieux" auteurs qui ne signent pas leurs avis ? Sur leur site, on trouve cette brève présentation : "Parents, bibliothécaires, enseignants, près de 30 personnes toutes actives auprès des enfants. Les comités de lecture sont présents en province et à Paris."
    Leur motivation ? "Donner le goût de lire ! Répondre à la demande croissante de conseils des parents et des éducateurs en général, ainsi que des enfants, en les informant sur le contenu des livres qui paraissent."

    Autant dire qu'on reste sur sa faim. Par ailleurs, il suffira de lire quelques-unes de leurs prétendues critiques, émaillées de jugements à l'emporte-pièce et adoptant un ton moralisateur d'un autre âge (j'ose espérer...) pour se faire une idée de leur ouverture d'esprit, de leur professionnalisme et de la rigueur de leurs analyses.

     

    Quelques exemples en vrac (voir aussi ceux qu'a relevés Vincent), d'ouvrages que je pense bien connaître.

    4047e4eece67cb801e8a1cbbb9d2e1d1.jpgSur On n'aime pas les chats de François David et Géraldine Alibeu (Sarbacane), voici ce que "CHB" nous dit, "Cette fable sur l'intolérance et la différence est difficile d'accès pour les enfants. Elle fait référence à des situations qu'ils ignorent. Les illustrations sont agressives et expriment une grande violence. Les adultes comprendront le message mais peuvent choisir de le transmettre par d'autres moyens moins perturbants. "

    Illustrations "agressives" ? C'est un point de vue... Mais en quoi ? Sur quels arguments se fonde ce jugement ? "perturbant" ? De savoir que le racisme épidermique est une absurdité ?

    Pour ma part, j'ai dû passer à côté de quelque chose en lisant cet admirable album, dont je parle ici : www.sitartmag.com/chats.htm
    (Quelle inconscience de l'avoir partagé avec mes enfants !)

     

    Sur Jeu Mortel de Moka (Medium de l'école des loisirs), voici ce qu'on lira (cette fois signé par "HB")
    "La violence des situations, le manque de respect d’autrui ainsi que la volonté de blesser avec cruauté celle qui n’est pas de son milieu social, pour en arriver au meurtre, ne permettent pas de donner à lire ce livre aux adolescents (...) l’absence de culpabilité, de remords ou de pardon devant le meurtre, ne peuvent laisser le lecteur indifférent. Même si l’actualité nous en donne parfois une telle image, les adolescentes ne sont pas aussi perverses."

    Ah bon ? Honte sur moi, qui l'ai conseillé ici : www.sitartmag.com/moka.htm 

     

    Plus fort encore (et là, on dépasse le cadre de la simple morale pour atteindre des sommets dignes des censeurs américains dont je parlais précédemment), sur Lady, ma chienne de vie de Melvin Burgess, paru chez Gallimard (Scripto), et qui obtient un zéro pointé (si ! Ils osent !)
    "Il est inadmissible qu'un ouvrage de ce type, faisant l'apologie des plus bas instincts, soit le "nec plus ultra" proposé par cette nouvelle collection, présentée avec éloge par l'éditeur qui nous annonce des grands textes de qualité. On reste très mal à l'aise, pensant que les adolescents méritent mieux !

    "CHB" termine en beauté : "A ne pas acheter, à oter des bibliothèques et à mettre à la poubelle."
    (tant qu'à faire, l'auteur de cette charmante diatribe devrait peut-être ajouter qu'il faudrait y jeter aussi l'auteur et brûler le tout).

     

    Je ne vais pas plus loin, parce que j'en ai un peu assez de perdre mon temps à lire des textes aussi pathétiques, et parce qu'on aura saisi quelles valeurs sous-tendent ses pseudo analyses, qui véhiculent une vision réductrice de l'enfance, de l'adolescence et de la littérature (encore faudrait-il qu'ils sachent ce qu'on entend par là). Allez, juste une dernière, histoire de rire de la (touchante ? Alarmante, plutôt) naïveté de lecteurs/commentateurs anonymes, assez dévoués pour nous transmettre leur bonne parole.

    5ac6c442a5270db6dc3db41b4afa49fc.jpgA propos de Je me marierai avec Anna de Thierry Lenain (illustré par Aurélie Guillerey, chez Nathan Jeunesse, Première Lune)
    "Dans cette histoire, la mère n’a pas une attitude constructive du tout : elle ne sanctionne rien et n’explique pas pourquoi deux filles ne peuvent pas se marier ensemble. Elle contente de se mettre en colère, puis de confectioner un gâteau au chocolat pour se faire pardonner. Quant au père, il ne va même pas expliquer à sa fille pourquoi deux femmes ne peuvent pas avoir d’enfant ni seule ni ensemble! Et Cora ne s’est pas sentie comprise par ses parents. Ce livre n’apporte aucune réponse à l’enfant qui se trouve dans une situation analogue, ni à celui qui ne la vit pas personnellement... ni aux adultes qui chercheraient une explication afin d'aider un enfant. "

    Merci à "IV" pour cette lecture certainement sincère, mais en tout cas si naïve que même de très jeunes lecteurs ont compris qu'il fallait aller au-delà des apparences. (et je passe sur les allusions chargées de relents homophobes - car justement, le sujet n'est pas celui que l'on croit...) J'en parle ici : www.sitartmag.com/thierrylenain.htm

     

    Pour les parents démunis (qui sont apparemment la cible de "Choisir un livre"), un conseil : faire confiance aux sites suivants (liste non-exhaustive) et à leurs publications.

    http://lsj.hautetfort.com

    La Joie par les livres

    Pour finir, un conseil à Vincent Cuvellier : qu'il tâche de soigner son français (ça suffit, les "gros mots" !) dans ses prochains livres, histoire de voir si c'est pour cette seule raison qu'ils ont pris ses textes en grippe...  Quant aux autres ouvrages victimes de ce comité de vigilance, que leurs auteurs n'hésitent pas à se manifester...

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  • Littérature et (tentatives de) censure - 2

    Suite à ma note qui concernait la Banned Books Week organisée par l'ALA afin de sensibiliser l'opinion américaine aux diverses pressions que subissent les bibliothèques (en particulier les départements jeunesse et ado) ou les enseignants de littérature, quelques informations supplémentaires sur les ouvrages "incriminés" et les lobbies qui remettent en cause la liberté d'expression.

    On peut consulter le site d'une organisation baptisée la "Library Patrons Of Texas" : des utilisateurs des bibliothèques texanes qui affirment être opposés à toute censure, ce qui ne les empêche pas de recenser en ligne les ouvrages qui ne devraient pas se trouver sur les rayons jeunesse des bibliothèques publiques... selon eux, les contribuables devraient pouvoir approuver le choix des ouvrages proposés au prêt et contrôler les achats des bibliothécaires... A défaut, ils se contentent d’informer le public (très subjectivement, on l'imagine) et proposent en ligne des exemples d’ouvrages qu’ils ont pris la peine de lire afin d'en extraire et de citer tous les passages propres à corrompre les lecteurs (qu’ils aient 3 ou 16 ans…) ; les objections les plus fréquentes concernent, on s'en doute, la sexualité, les termes injurieux, le blasphème ou encore les familles recomposées… On l’aura compris, ce ne sont pas les éventuelles qualités littéraires ou documentaires des ouvrages discriminés qui retiennent l’attention de ces citoyens vigilants (et plein de bonne volonté, il faut le reconnaître).
    Attention, la consultation de ce site peut s'avérer néfaste... Justement, l'association demande aux internautes de bien réfléchir avant de consulter les fiches des ouvrages répertoriés ("PLEASE BE ADVISED that some of the following excerpts contain profanity, explicit sexual content and graphic violence") et aux utilisateurs de moins de 18 ans de ne pas consulter leurs pages !

    4f5d621ef545c4a7d78aa803b16f4483.jpgUn exemple de "fiche", histoire de voir jusqu’où certains poussent le vice... : It’s Perfectly Normal, Changing Bodies, Growing Up, Sex, and Sexual Health  – un célèbre ouvrage documentaire destiné aux 10-14 ans, qui ose parler de sexualité (et d’homosexualité, grand dieu !), de reproduction et de puberté, sans même « citer une seule fois le mariage »…  www.librarypatrons.org/book.asp?ID=39

    Un autre exemple amusant, la façon dont sont relevés les jurons dans un roman ado-adulte (The Perks of Being a Wallflower de S. Chbosky) : "Swirlie, A**holes, F**king, Hell, A**hole, smear the queer, cut and hunky, blow queen, knocked up, J****, b***hy dyke, bulls**t, bulls**t, Jesus, S**t, “I swear to G**, took a dump, blow job, F**k, f**ked-up, J****, F**king, G**, f**king freak, Faggot, G**, Faggot, Bulls**t, G**, F**k, F**k you, F**k you, f**king bastard, Pr**k, Hell, Pu**y, J****, Pu**y, A**hole, G**, Hell"

    Un autre site du même acabit, tenu par une association qui a choisi de s'appeler très puérilement PABBIS, "Parents against bad books in schools" (ouh les vilains livres!). Ils proposent entre autres un manuel du parfait petit censeur (ou comment intervenir si un ouvrage choque la sensibilité des parents) www.pabbis.com/news.htm
    De quoi donner des idées à certains... ?

    Pire encore, on ira jeter un coup d'oeil à www.factsonfiction.org/ où les banques de données vont jusqu'à indiquer le nombre exact de profanités, de baisers ou d'attitudes "négatives" que l'on peut trouver dans des dizaines d'ouvrages (de Dahl à Twain en passant par Bradbury et London... sans parler des albums.) Là non plus, pas l'ombre d'un point de vue sur la qualité littéraire des ouvrages (hormis les "comportements positifs" de certains personnages)

    Ce ne sont que quelques exemples (plutôt savoureux) du puritanisme exacerbé auquel doivent souvent faire face les enseignants ou les bibliothécaires américains. Nous n'en sommes pas là, mais on peut lire ce qui est arrivé récemment au Livre de L'Hiver de Rotraut Susanne Berner (La Joie de Lire) www.snuipp.fr/spip.php?article4691 

     

    dc6d61471ab064ab2309e3f18627cb66.jpgDans un autre genre, mais toujours à propos de la liberté d'expression et de création, on s'inquiétera de l'affaire Camino 999 (roman de Catherine Fradier) qui est relatée sur deux sites http://www.rue89.com/2007 et http://passouline.blog.lemonde.fr/ainsi que sur le site de l'éditeur mis en cause.

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  • La vie rêvée de mademoiselle S.

    12a34c9355af42cc1a4cafc9a960d0c5.jpg

    La vie rêvée de Mademoiselle S. roman de Samira El Ayachi, dans la collection Exprim des éditions Sarbacane.

    Rêver pour vivre et vice-versa

    Entre deux eaux, Salima a bien du mal à réconcilier son présent et ce qu’elle éprouve (et laisse rarement sortir) – ses frustrations, sa lassitude face aux pressions qui viennent de toutes parts, ou tout ce qu’elle n’ose espérer vivre un jour. Fille d’immigrés marocains, issue d’un milieu modeste, la jeune lycéenne de terminale, pétrie de contradictions, semble ne plus savoir quelle route emprunter : certes, elle reconnaît la valeur de son travail scolaire et ses camarades lui en savent gré (profitant de « la » bonne élève comme bouée de sauvetage), tout comme ses professeurs (qui peuvent compter sur elle quand les autres les désespèrent…), mais Salima reste pourtant lucide sur la finalité de ce qu’elle apprend au lycée. Simultanément, cette étiquette d’élève brillante et consciencieuse (« dans le système, attrapée docile », dit-elle) lui pèse tout autant que certains rituels familiaux qui l’ennuient ou les incitations à « continuer ainsi » de ses parents qui veulent lui assurer le meilleur avenir possible. Alors, quoi faire ? Chercher un petit boulot ? Entrer dans la vraie vie ? Oui, mais comment ?

    Lire la suite...

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  • Salons

    Quelques rendez-vous à retenir

    3cc0d3fd2046ebbde211c044442e93c1.jpgLe 8è salon PETITE EDITION JEUNE ILLUSTRATION se tiendra du 9 au 11 novembre au Château de Saint-Priest (69), une manifestation qui est devenue un rendez-vous des amoureux des livres de jeunesse et de l’univers de l’édition indépendante. L'occasion de croiser les univers de petites maisons d’édition novatrices et d’illustrateurs originaux.

    a8b26216dbd20979b81054db7548e6b2.jpgL’association L’autre livre organise, en partenariat avec le Secours populaire, le 5ème Salon de L’autre livre, sur le thème de la solidarité, du vendredi 7 au dimanche 9 décembre 2007 de 10h à 20h, à la Maison des métallos (94 rue JP Timbaut, Paris 11e). Une centaine d'éditeurs présents. dont l'Atelier du gué
    Plus d'informations.

    604d88341250e537491d16f73a9efb12.jpgDu 28 novembre au 3 décembre 2007, Salon du  livre et de la presse jeunesse de montreuil.
    Invité cette année, le Royaume-Uni.
    Site officiel

    Lien permanent 0 commentaire 0 commentaire
  • Salon du livre de Lyon - quelques éditeurs

    Place aux Livres ! salon National du Livre en Région, réunit depuis quelques années tous les professionnels de la chaîne du livre : auteurs, éditeurs et libraires qui s’unissent pour offrir aux Lyonnais la plus belle librairie de la Cité. Fort de son succès en 2003, 2004, 2005 et 2006 le Salon du Livre prend de l’ampleur et poursuit son ouverture aux régions francophones, entamée en 2006 avec la participation du Québec.
    Lyon, du 9 au 11 novembre 2007 - Place Bellecour
    http://www.salonlivrelyon.com

    Plusieurs éditeurs venant d'autres régions sont invités, dont les éditions du Chemin de fer, qui proposent des ouvrages soignés, qui allient art et littérature, D'un Noir si Bleu, éditeur de nouvelles, ou encore les éditions du Jasmin, spécialisée en jeunesse, mais pas seulement... Quelques présentations d'ouvrages qui méritent le détour, ci-dessous.

     

    ce7b1aa68b0ad77a4f2de9049972aab3.jpgOn a marché sur la tête de Marie Le Drian, vu par Raphaël Larre, Editions du chemin de fer, 2006

    Les éditions du chemin de fer ont la particularité de proposer des textes de fiction d’excellente qualité, accompagnés d’illustrations ; des ouvrages format poche qui mettent en vis à vis deux univers expressifs, l’un langagier, l’autre visuel, parfois contrastés ou d’autres fois en symbiose, comme ici avec les croquis décalés de cimetières de Raphaël Larre ; Albert-Léonard, un vieux célibataire, a en effet décidé, de son vivant, d’organiser ses funérailles. Il fait appel à une entreprise de pompes funèbres moderne et organisée, qui lui envoie une commerciale chargée de monter le contrat… La narration est à la première personne mais ce court récit enlevé, un long dialogue ponctué de réflexions en aparté d’Albert-Léonard pourrait tout aussi bien être adapté pour le théâtre. La naïveté, la circonspection et l’étonnement du futur décédé face aux complexités inattendues de cet arrangement amusent beaucoup et la froideur détachée (toute professionnelle) de l’employée permet de mettre en exergue l’acidité et l’ironie qui se dégage de la démarche même du « vieux gars ». Une nouvelle pour plaisanter d’un sujet grave et rire des absurdités des vivants face à la mort. B. Longre (mars 2007
    http://www.chemindefer.org

     

    819aa456d0c643cc4ea9c1e7a6e06fb7.jpgLa Mosaïque du fou de Sylvie Huguet, D’un Noir si bleu, 2006

    En dix nouvelles, Sylvie Huguet nous fait traverser bien des mondes intimes, et rencontrer des personnages solitaires qui tous ont en commun un certain penchant morbide, une tendance à se rapprocher inéluctablement des portes de la folie ou à y sombrer sans espoir de rémission. La plus terrifiante de toutes est peut-être Le Cri, le récit d’une emprise, quand la fascination (fatale) que le narrateur éprouve pour le célèbre tableau de Munch l’incite à se rendre à Oslo. D’autres récits, souvent en lien avec l’art, basculent dans le fantastique ou l’hallucinatoire, telle La dernière toile ou Agonie. On s’arrêtera aussi sur une série de brefs tableaux intitulée Névroses, qui illustre différentes pathologies, en écho avec Camouflage, l’histoire d’un effondrement psychique. Des histoires grinçantes ou glaçantes, mais toujours réjouissantes, qui parlent avec finesse de l’angoisse d’être humain et de celle de la mort, toujours présente en creux, au cœur des choses. B. Longre (déc. 2006)
    http://dnsb.chez-alice.fr

     

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    Papa-barque de Magali Turquin et Yan Thomas - Editions du Jasmin, 2007

    Papa invisible

    Magali Turquin, qui dédie cet album à son « père pardonné », donne ici la parole à un enfant « né sans papa ». C’est en tout cas ce que prétend la mère, bien décidée à élever seule son petit garçon. Mais celui-ci n’est pas dupe, et pour combler le vide qu’il ressent, il s’invente l’histoire d’un « papa seul », un papa-barque qui aurait « une ancre énorme à la place du cœur », un poids qui l’empêcherait d’avancer et de venir le retrouver. Dans l’incapacité de se confier à sa mère, il se parle à lui-même, s’interroge sur l’absence et le manque, sur l’histoire de ses parents... Lire la suite
    http://www.editions-du-jasmin.com

     

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  • Revue Brèves n° 83

    aa605ea5d9346ddd3129a07f433265d9.jpgA l’occasion des Belles Etrangères 2007, la revue BRÈVES présente deux écrivains libanais.

    RACHID EL-DAÏF témoigne du dynamisme d’une littérature qui puise à la fois dans le patrimoine arabe et dans une large ouverture aux cultures du monde ; une nouvelle inédite, traduite de l’arabe par Franck Mermier.
    ZEINA ABIRACHED, illustratrice et créatrice de bandes dessinées conjugue la recherche graphique et le témoignage sur la vie des habitants à Beyrouth pendant la guerre. Elle capte ainsi des petits moments de vie au centre de la grande histoire.

     

    Ce numéro revient aussi sur le dossier Nouvelle-Zélande et poursuit le dialogue entamé au cours des Belles Etrangères 2006 avec « Retour au pays du long nuage blanc » avec PATRICIA GRACE dont on lira deux nouvelles inédites et un entretien. Patricia Grace, née en 1937, encore peu connue en France (un seul roman est paru en 1993 aux éditions Arléa, Potiki) écrit depuis près de trente ans. Voici ce que je disais (il y a quelques années en arrière...) de son roman Cousins (paru en 1992 en Nouvelle-Zélande).

     

    af00ae6c856014b0abcb50bce4b637fe.jpgCousins de Patricia Grace (Penguin NZ / The Women's Press)

    Trois cousines aux parcours différents mais partageant des racines communes : Mata, élevée dans un orphelinat, déracinée, séparée de sa famille maori, passive et résignée ; Missy, qui grandit sur les terres de sa grand-mère malgré le rejet de cette dernière, mais qui sauvera l'honneur de son clan ; enfin, Maraketa, choyée et servie, prisonnière des espoirs de la famille, mais prête à tout pour s'échapper.
    Ce roman retrace les histoires de trois femmes, des Maoris avant d'être néo-zélandaises. Patricia Grace, première auteure maori à avoir été publiée en 1975 (Waiariki), tisse ses récits autour de sa culture, ses rituels et ses chants, mais aussi autour de la douleur et des difficultés à vivre d'un peuple souvent oublié et rejeté. Les différents récits se séparent et se recoupent, et les chemins de ces trois femmes se croisent si subtilement qu'on a parfois le sentiment de lire des nouvelles. Ces histoires féminines ne sont pas sans rappeler les romans de la Canadienne Margaret Atwood (par la façon dont sont analysées les relations entre les personnages), les nouvelles de l'Indo-Américaine Chitra Divakaruni (la difficulté de vivre entre deux cultures), ou encore les romans de Toni Morrison (dans le traitement des relations entre les communautés, les oppresseurs et les opprimés) : une littérature qui dépasse les frontières néo-zélandaises et maoris, et qui nous parle de l'humain.

    Patricia Grace

    voir la présentation de Brèves n° 79 - à l'occasion des Belles étrangères 2006

    voir la présentation de Brèves n° 82

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  • Miniatures

    b89654156e86ebb3b79ae93ac126d4f4.jpgMiniatures de Youssouf Amine Elalamy - Editions Hors'champs (Casablanca)
    prix 12 €, Maroc 65 dh

    Portraits collés

    Recueil atypique et stimulant, Miniatures se compose de cinquante portraits hétéroclites, graves et/ou légers, de brefs tableaux vivants qui renforcent l'idée shakespearienne de l'existence comme une scène (l'auteur avouant en introduction aimer "l'idée d'un livre qui se donne en spectacle") sur laquelle se démènent des personnages pathétiques, amusants, effrayants ou tragiques, à tous les âges de la vie, issus de toutes catégories sociales : on y croise une comédienne obnubilée par le rôle d'Ophélie au point d’en mourir, un journaliste partageant une cellule avec de "vrais" criminels, le seul "trash artist" marocain, un jeune publicitaire sans scrupules, une institutrice battue par son mari et qui maltraite à son tour ses élèves, un enseignant islamiste "hypocrite pratiquant", un foetus ignorant du sort social qui l'attend, une secrétaire qui rêve de romantisme, une fillette que son grand frère rejoint la nuit, un "diplômé-chômeur", un cyber-dragueur, une jeune prostituée, un apprenti kamikaze qui rêve d'un glorieux destin... La société marocaine est ici passée au crible d'une plume acide et réjouissante, faussement neutre, et la satire n'est jamais loin, même lorsque l'auteur se contente de raconter très factuellement, avec un détachement délibéré, et d'accumuler des visions juxtaposées dévoilant avec acuité l'absurdité du monde et les contradictions de la condition humaine en général.

    Saynètes satiriques teintées d'un cynisme amusé, ces Miniatures de Youssouf Amine Elalamy révèlent donc les petits et les grands dysfonctionnements d'un monde entre tradition et modernité, saturé d'images contradictoires et de miroirs déformants, un monde qui oscille entre désespoir (lié au chômage, à la misère sexuelle, aux rapports faussés entre les hommes et les femmes...) et enthousiasme pour des progrès technologiques factices qui apportent un réconfort dérisoire et purement matérialiste ; l'auteur, ne pouvant prendre parti pour l'un ou pour l'autre, rejette avec la même intelligence et la même force à la fois les hypocrisies de l'obscurantisme traditionnel et la misère morale et/ou sociale qui l'accompagne, et la vision d'une humanité manufacturée et posée sur papier glacé — à l'image de Rochdi, ce golden boy qui imite maladroitement le modèle américain, de Btissam, une étudiante qui, ayant posé pour la couverture d'un magazine féminin, est maintenant prise au piège de sa propre image, ou de Soraya, qui "ne peut survivre sans porter de masque", victime d'une "crise de masquillage aiguë"...

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  • Anna K. de Marti Rossello

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    Anna K. de Marti Rossello
    traduit du catalan par Marie-José Castaing, éditions Tinta Blava.

    Anna K. existe-t-elle ?

    Quel mystère recèle le nom de famille laconique de l'héroïne éponyme ? Le lecteur sera-t-il à même de percer l’énigme ou bien l'auteur lui en livrera-t-il la clé ? D'emblée, ce nom tronqué est une incitation, une tentation. Il arrive parfois que ce qu'évoque la combinaison d’un simple prénom et d’un patronyme épouse à la perfection les caractéristiques du personnage ainsi nommé : Anna K. est sans nul doute tout aussi fascinante que sa dénomination et l'ouvrage, qui retrace par le menu l'existence tour à tour mouvementée et paisible de cette création littéraire hors normes, se présente comme une biographie intime et une fresque familiale déjantée, entre domesticité domptée et romanesque débridé.

    Profondément hybride, proche et lointaine, affreusement quelconque et pourtant captivante, Anna K. résiste à toute tentative d’enfermement dans un résumé ; disons que l’intégralité du roman repose sur l'histoire d'une famille marquée par un incontrôlable fatum et dont les péripéties tragi-comiques, loufoques et sauvages valent bien celle des mythiques Atrides...

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