Tonton Zéro de Roland Fuentès, Mini Syros 2008
Dans ce court roman qui se déroule le temps d’une excursion en montagne, un jeune garçon pose un regard tendre, étonné et parfois lucide sur son oncle, grand naïf que tous ont surnommé « Zéro » pour sa maladresse, son côté gaffeur et ses idées lunaires. Malchanceux, cet adulte que les autres voient encore comme un enfant a pourtant bien des qualités, que le narrateur semble être malgré tout le seul à apprécier, sans porter de jugement hâtif. Le sens pratique n’est certes pas son fort, mais lui, au moins, croit à l’existence de Plavnik, l’ami intime et imaginaire de son neveu… Un joli texte atypique qui met en scène une relation touchante, où les rôles s’inversent en permanence, et qui interroge finement sur la nature même de l’enfance.
Rendez-vous d’Elisa Géhin, Le poisson soluble, 2008
Ce petit livre carré qui se présente sous la forme de pochette (forcément surprise) amusera les enfants et étonnera les plus grands. Car cette «histoire à rebondissements dépliables» et transformable au fil de la lecture (et du dépliage, donc) est-elle vraiment un livre ? Parlons plutôt de jeu narratif astucieusement conçu, qui propose un récit évolutif tant au niveau des images (dont la découverte se fait peu à peu) que du texte (sur le mode du cadavre exquis), une histoire par conséquent presque impossible à raconter, sauf pour dire qu’il y est question d’amour, de petits animaux et de quelques monstres… Une réalisation réjouissante (fournie avec le mode d’emploi…), à découvrir sans tarder.
Le maïs de Luisa de Sophie Cottin et Amandine Piu, Petit à petit, 2008
Dans la collection « Marmitontaine et Tonton » des éditions petit à petit, on trouve Les pâtes de Francesca (Viva la pasta !), Le riz de Ly (Faisons danser les grains de riz !) et ce dernier album, qui nous emmène, après l’Italie et le Vietnam, au Mexique ; là, une jeune guide, Luisa, propose plusieurs plats relativement faciles à réaliser et pour la plupart savoureux - comme les fajitas au bœuf, le cocktail de poisson crus marinés, ou encore le riz à la mexicaine. Mais plus qu’un simple manuel gastronomique énumérant les recettes, ce livre aux illustrations foisonnantes et bigarrées est aussi prétexte à faire voyager le lecteur, qui découvre un peuple (détails historiques, du quotidien, des cartes, quelques mots d’espagnol ponctuent l’ensemble…) par le biais de sa cuisine, dont le maïs, « cadeau des dieux » pour les mayas, est la base. Un joli album à ranger dans la cuisine, forcément.
Bou et les 3 Zours d’Elsa Valentin et Ilya Green, Poisson soluble, 2008
« L’était une fois une petite Bou qui livait dans la forest avec sa maïe et son païe.
Un jour, elle partit caminer dans la forest pour groupir des flores.
— Petite Bou, ne t’élonge pas troppe, lui dirent sa maïe et son païe.
— Dakodak, respondit Bou. »
Et ainsi de suite… Bou rencontre le piaf, le scargot, la flore mini piquinote, etc. jusqu’à la casa des zours… La trame de l’histoire, on la connaît, mais la variante imaginée par Elsa Valentin et illustrée avec humour et candeur par Ilya Green est savoureuse à souhait, dans ce langage à la fois enfantin, joueur et très savant, que l’enfant lecteur décryptera sans mal, tandis que les plus grands s’amuseront à reconnaître archaïsmes, emprunts (à l’espagnol, à l’italien, à l’anglais…), à distinguer les registres de langue et à décortiquer les néologismes polysémiques (qui rappellent par instants l’imaginaire d’un Claude Ponti), comme cette chaise «confordouillette » qui « se bricassa » sous le poids de la fillette. On ne se lasse pas de citer le texte, qui se déguste mieux s’il est lu à haute voix.
Emily the Strange, Voir c’est décevoir, de Rob Reger, Seuil jeunesse, 2008
La très gothique Emily revient dans un petit album intelligent, en rouge, noir et blanc, comme à l’accoutumée, et dont l’atmosphère forcément strange et troublante doit cependant beaucoup au thème abordé : la vision, qu’elle passe par le regard (un mécanisme complexe présenté avec cocasserie) ou les miroirs (aux reflets mouvants…), modifiée par l’ombre et/ou la lumière, par divers déplacements ou changements de perspective. Il n’y pas de trame narrative à proprement parler, seulement une succession de saynètes ponctuées d’adages qui posent d’intéressantes questions («Emily voit les yeux fermés », « l’étrangeté est dans le regard », « Exister c’est croire »…) où Emily, philosophe en herbe, se met en scène pour illustrer de diverses manières à quel point la vision subjective est forcément illusoire et fluctuante.
Au feu les pompiers j’ai le cœur qui brûle, de Christine Beigel et Élise Mansot, Gautier-Languereau, 2008
Quand Rose, une sage vieille dame, aperçoit Isidore Valentin Brû, pompier de son état, dans le poste de télévision, c’est le coup de foudre. Comment rencontrer ce héros ? Rose n’hésite pas une seconde et, prétextant avoir perdu son chat, appelle les pompiers… Isidore intervient mais semble plutôt intimidé et ému par cette dame qui a demandé à ce que ce soit lui et pas un autre qui vienne lui porter secours. Quand il s’en va, Rose se met à l’attendre… vainement, semble-t-il. Elle se morfond, s’affaiblit, perd le goût de vivre, des mois durant. Ce bel album grand format dont les aplats bariolés, presque naïfs, sont en harmonie avec le texte, tour à tour chaleureux et mélancolique, ne nous donne que le point de vue de Rose, mais cela suffit à nous convaincre de l’authenticité de cette histoire d’amour ; et puisque les Valentin Brû (on comprend mieux l’allusion quand on sait que l’auteure a un faible pour l’œuvre quenienne) sont apparemment destinés à épouser des femmes d’âge mûr, le tout s’achèvera sur une happy ending très satisfaisante, pour le lecteur comme pour les protagonistes - qui n'auront peut-être pas "beaucoup d'enfants", selon la formule consacrée, mais vivront un amour très très chaud !
A propos de Au feu les pompiers j’ai le cœur qui brûle, on ira aussi lire ce qu'en pense Sylvie.
L’enfant et le buffle, de Muriel Carminati et Daniela Cytryn, Le Sorbier, collection Les Ethniques, en partenariat avec Amnesty International, 2008
Après une collaboration avec Jocelyne Sauvard pour Aïssata et Tatihou, Daniela Cytryn illustre avec un même soin un nouvel album aux éditions du Sorbier, dans une collection qui prône l’ouverture sur le monde en proposant des récits qui sensibilisent le lecteur à des situations ou des événements qui ne lui sont pas toujours familiers. Un pays africain en guerre pour Aïssata et Tatihou, la Birmanie pour cet Enfant et le buffle, un pays où il ne fait pas bon vivre si l’on tient compte du mépris des dirigeants pour la population qu’ils maltraitent, emprisonnent ou laissent mourir. La Birmanie, que l’on découvre à travers le regard d’Aung Kyaw Kyaw, jeune garçon très attaché au buffle que son père a pourtant décidé de vendre. Il s’enfuit, part à la recherche de l’animal et revient bredouille pour trouver son village vidé de ses habitants, «réquisitionnés» pour construire une route. Au-delà de la difficulté de vivre sous un régime dictatorial, une certaine plénitude préside malgré tout à l’ensemble, peut-être discernable dans l’attitude résignée des adultes, que l’auteure ne se permet pas de juger, et dans la beauté des images.
B. Longre (juin-juillet 2008)
http://www.syros.fr/nouveautes.asp
http://rolandfuentes.hautetfort.com/
http://www.poissonsoluble.com/
http://ellecause.hautetfort.com/
http://danielacytryn.ultra-book.com/
Où est passé Mozart ? d’Ariane Buhbinder - Lansman, 2008
Ces articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 241 de 
Le petit poucet de Caroline Baratoux - illustrations Vincent Fortemps - Collection Heyoka – Actes sud papiers,
Les inséparables de Colas Gutman
Une enfant choisit de se taire afin de protéger ceux dont elle craint d’être séparée : ses géniteurs, parfois doux, souvent féroces, qu’elle associe à des loups et qu’elle retrouve le soir après l’école dans une tanière tantôt chaleureuse, tantôt hostile. Un silence choisi, à défaut de pouvoir trouver d’autres armes. Un silence refuge assumé et entêté, pour ne pas avoir à trahir ceux qui la maltraitent et la privent en partie d’enfance. Un silence prison (tel qu’il s’incarne dans la cage qui revient dans certaines illustrations) qui, paradoxalement, attire l’attention sur la fillette et sur ce qu’elle tait, et qui inquiète la maîtresse - « alors le matin, parfois, on l’assoit devant une dame qui sent bon la banane et le pain grillé. » Mais là encore, elle ne sait que dire, ni comment. Le mutisme de la petite fille (qui, sous les pinceaux de Benjamin Lacombe, apparaît le visage grave, tandis que ses grands yeux tristes et fatigués « boivent le monde ») est mis en mots avec simplicité par Cécile Roumiguière, une simplicité qui n’exclut pas la poésie et la complexité des émotions qui traversent ce récit poignant. Les illustrations, d’une grande finesse, s’accordent aux mots sans les singer, les interprétant et les complétant avec originalité, enrichissant le texte touffu - malgré son apparente limpidité.
Le silence de Litli, petite marionnette qui explore le monde en solitaire, à sa manière, est d’une tout autre nature - un silence paisible en apparence, même si Litli (son nom signifie « petit » en islandais) se réveille d’abord dans un univers terne et gris, en noir et blanc. Elle se lève malgré tout et part à la recherche d’autre chose, d’un ailleurs en couleurs. Un voyage initiatique parsemé de dangers, de fissures, voire de gouffres, que la petite parvient cependant à franchir, comme si une petite voix intérieure la soutenait régulièrement dans sa quête. Car l’histoire de Litli est d’abord silencieuse, une succession de photographies lumineuses de Séverine Thevenet, que la marionnette Litli a accompagnée jusqu’en Islande. Les mots économes de Catherine Leblanc, qui apparaissent de temps à autre en surbrillance sur quelques-unes des pages - des mots qui guident et incitent le petit personnage à aller de l’avant, à ouvrir les yeux sur le monde - sont venus se superposer plus tard, non pas pour troubler le silence d’un récit en images qui aurait presque pu se suffire à lui-même, mais pour lui donner une résonance nouvelle.
Le bufflon blanc de Fabienne Thiéry et Judith Gueyfier, Rue du monde, 2008
Le Prix Collidram (que
Du côté du théâtre joué, signalons Je vois des choses que vous ne voyez pas, un conte musical de Geneviève Brisac, jusqu'au 18 juillet à la 
Un débat animé se déroule en ce moment
Pour ne citer que quelques lectures récentes (et je vais en oublier au passage, c'est certain) éditorialement destinés aux lecteurs de 8-11 ans mais que nombre de lecteurs plus âgés prendront plaisir à lire : Une petite chance de Marjolin Hof (traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Chapitre, Seuil jeunesse), Ma pomme d'Olivier de Solminihac (Mouche de l'école des loisirs), Tonton Zéro de Roland Fuentès (Mini Syros), Les inséparables de Colas Gutman (Neuf de l'école des loisirs), Un cow-boy dans les étoiles de Claire Mazard (Chapitre, Seuil jeunesse). Sans parler des ouvrages de fantasy, d'aventure ou d'évasion qui paraissent... et qui ne sont pas forcément moins bons ou plus méprisables que les précédents.
À paraître en juin 2008
Les ogres pupuces
Mascarade de Sacha et Nancy Huston
Alice pour le moment de Sylvain Levey
Ceux qui ont dit NON, nouvelle collection aux éditions
Ici, plutôt que de proposer un documentaire, la directrice de collection a opté pour la forme romanesque ; chaque ouvrage comprend donc une fiction historique, complétée par un dossier qui permet d'établir de vrais liens entre les luttes du passé et celles du présent. Ainsi, le roman de Bruno Doucey (poète, romancier, essayiste et éditeur aux éditions Seghers), Victor Jara : non à la dictature, est suivi d'un texte qui relate le combat d'Aung San Suu Kyi, qui s'oppose à la junte militaire de son pays, la Birmanie, tout comme Jara (1932-1973) dénonçait la répression militaire au Chili. De même, le dossier qui suit Victor Hugo : non à la peine de mort, signé Murielle Szac, permet de découvrir d'autres opposants à la peine de mort, dont Cesare Beccaria, l'un des premiers à dénoncer l'assassinat "légal" pratiqué par le pouvoir en 1776, mais aussi Camus, Jaurès, Koestler, et Badinter. L'auteure explique aussi (pour ceux qui le sauraient pas...) qu'en Chine aujourd'hui, les stades servent aussi de lieux d'exécution ("de macabres mises en scène publiques").









Parler le monde, la naissance d’une langue de Nouchka Cauwet et Sylvie Serprix,
Toute nouvelle collection de romans lancée par les éditions Gulfstream avec, aux commandes, l’auteur 
Sans parler de la pollution sonore émise par la tribu tout entière, la maison résonnant des cris et des insultes qui fusent sans discontinuer. Logique, se disent les humains, les porcs sont des porcs... tout en prenant conscience des parallèles à établir entre cette famille cochon et les familles humaines : les parents débordés, irrités à longueur de journée par une progéniture dénuée de savoir-vivre, distribuent sans compter fessées et brimades, tandis que les enfants, de plus en plus désobéissants, aimeraient bien se débarrasser de ceux qu'ils considèrent comme des tyrans en puissance qui leur imposent d’intolérable limites : "Non, vraiment, on ne peut plus supporter d'être traités de cette manière." s'exclame l’aîné (à l'allure plutôt inquiétante), instigateur d'un complot qui, dans les grandes lignes, détourne les aventures du Petit Poucet : "On va abandonner les parents dans la forêt."

D’abord la découverte d’un album réjouissant chez 



Chez un autre éditeur indépendant, 


Hyde Park Gate News - The Stephen Family Newspaper - Virginia Woolf, Vanessa Bell, with Thoby Stephen

... avec Christine Beigel - un article de Magali Turquin, à lire sur le site des
L'APPRENTI D'ARALUEN - La Promesse du Rôdeur (tome 3)
Une nuit de Christine Féret-Fleury, Editions Motus, collection Mouchoir de poche.
Cécile Roumiguière invite à venir écouter/admirer une minute de lecture de son prochain album, L'enfant silence (Seuil Jeunesse), accompagnée des illustrations de Benjamin Lacombe ; un extrait mis en musique par Benoît Widemann. Une présentation réussie qui donne envie de pouvoir feuilleter l'album...
Dans Citrouille, Claude André, libraire à L'Autre Rive,
Ce guide fort utile propose des conseils pratiques aux créateurs, un annuaire professionnel (plus de 1400 adresses - éditeurs, salons, auteurs, illustrateurs, organismes, sites internet, écoles d'art, prix littéraires, etc.) et des annonces professionnelles.