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Littérature jeunesse - Page 2

  • Brève sélection jeunesse

    tontonzero.gifTonton Zéro de Roland Fuentès, Mini Syros 2008

    Dans ce court roman qui se déroule le temps d’une excursion en montagne, un jeune garçon pose un regard tendre, étonné et parfois lucide sur son oncle, grand naïf que tous ont surnommé « Zéro » pour sa maladresse, son côté gaffeur et ses idées lunaires. Malchanceux, cet adulte que les autres voient encore comme un enfant a pourtant bien des qualités, que le narrateur semble être malgré tout le seul à apprécier, sans porter de jugement hâtif. Le sens pratique n’est certes pas son fort, mais lui, au moins, croit à l’existence de Plavnik, l’ami intime et imaginaire de son neveu… Un joli texte atypique qui met en scène une relation touchante, où les rôles s’inversent en permanence, et qui interroge finement sur la nature même de l’enfance.

    egehin.jpgRendez-vous d’Elisa Géhin, Le poisson soluble, 2008

    Ce petit livre carré qui se présente sous la forme de pochette (forcément surprise) amusera les enfants et étonnera les plus grands. Car cette «histoire à rebondissements dépliables» et transformable au fil de la lecture (et du dépliage, donc) est-elle vraiment un livre ? Parlons plutôt de jeu narratif astucieusement conçu, qui propose un récit évolutif tant au niveau des images (dont la découverte se fait peu à peu) que du texte (sur le mode du cadavre exquis), une histoire par conséquent presque impossible à raconter, sauf pour dire qu’il y est question d’amour, de petits animaux et de quelques monstres… Une réalisation réjouissante (fournie avec le mode d’emploi…), à découvrir sans tarder.

    luisa.jpgLe maïs de Luisa de Sophie Cottin et Amandine Piu, Petit à petit, 2008

    Dans la collection « Marmitontaine et Tonton » des éditions petit à petit, on trouve Les pâtes de Francesca (Viva la pasta !), Le riz de Ly (Faisons danser les grains de riz !) et ce dernier album, qui nous emmène, après l’Italie et le Vietnam, au Mexique ; là, une jeune guide, Luisa, propose plusieurs plats relativement faciles à réaliser et pour la plupart savoureux - comme les fajitas au bœuf, le cocktail de poisson crus marinés, ou encore le riz à la mexicaine. Mais plus qu’un simple manuel gastronomique énumérant les recettes, ce livre aux illustrations foisonnantes et bigarrées est aussi prétexte à faire voyager le lecteur, qui découvre un peuple (détails historiques, du quotidien, des cartes, quelques mots d’espagnol ponctuent l’ensemble…) par le biais de sa cuisine, dont le maïs, « cadeau des dieux » pour les mayas, est la base. Un joli album à ranger dans la cuisine, forcément.

    bou3.jpgBou et les 3 Zours d’Elsa Valentin et Ilya Green, Poisson soluble, 2008

    « L’était une fois une petite Bou qui livait dans la forest avec sa maïe et son païe.
    Un jour, elle partit caminer dans la forest pour groupir des flores.
    — Petite Bou, ne t’élonge pas troppe, lui dirent sa maïe et son païe.
    — Dakodak, respondit Bou. »
    Et ainsi de suite… Bou rencontre le piaf, le scargot, la flore mini piquinote, etc. jusqu’à la casa des zours… La trame de l’histoire, on la connaît, mais la variante imaginée par Elsa Valentin et illustrée avec humour et candeur par Ilya Green est savoureuse à souhait, dans ce langage à la fois enfantin, joueur et très savant, que l’enfant lecteur décryptera sans mal, tandis que les plus grands s’amuseront à reconnaître archaïsmes, emprunts (à l’espagnol, à l’italien, à l’anglais…), à distinguer les registres de langue et à décortiquer les néologismes polysémiques (qui rappellent par instants l’imaginaire d’un Claude Ponti), comme cette chaise «confordouillette » qui « se bricassa » sous le poids de la fillette. On ne se lasse pas de citer le texte, qui se déguste mieux s’il est lu à haute voix.

    emily.jpgEmily the Strange, Voir c’est décevoir, de Rob Reger, Seuil jeunesse, 2008

    La très gothique Emily revient dans un petit album intelligent, en rouge, noir et blanc, comme à l’accoutumée, et dont l’atmosphère forcément strange et troublante doit cependant beaucoup au thème abordé : la vision, qu’elle passe par le regard (un mécanisme complexe présenté avec cocasserie) ou les miroirs (aux reflets mouvants…), modifiée par l’ombre et/ou la lumière, par divers déplacements ou changements de perspective. Il n’y pas de trame narrative à proprement parler, seulement une succession de saynètes ponctuées d’adages qui posent d’intéressantes questions («Emily voit les yeux fermés », « l’étrangeté est dans le regard », « Exister c’est croire »…) où Emily, philosophe en herbe, se met en scène pour illustrer de diverses manières à quel point la vision subjective est forcément illusoire et fluctuante.

    vbru.jpgAu feu les pompiers j’ai le cœur qui brûle, de Christine Beigel et Élise Mansot, Gautier-Languereau, 2008

    Quand Rose, une sage vieille dame, aperçoit Isidore Valentin Brû, pompier de son état, dans le poste de télévision, c’est le coup de foudre. Comment rencontrer ce héros ? Rose n’hésite pas une seconde et, prétextant avoir perdu son chat, appelle les pompiers… Isidore intervient mais semble plutôt intimidé et ému par cette dame qui a demandé à ce que ce soit lui et pas un autre qui vienne lui porter secours. Quand il s’en va, Rose se met à l’attendre… vainement, semble-t-il. Elle se morfond, s’affaiblit, perd le goût de vivre, des mois durant. Ce bel album grand format dont les aplats bariolés, presque naïfs, sont en harmonie avec le texte, tour à tour chaleureux et mélancolique, ne nous donne que le point de vue de Rose, mais cela suffit à nous convaincre de l’authenticité de cette histoire d’amour ; et puisque les Valentin Brû (on comprend mieux l’allusion quand on sait que l’auteure a un faible pour l’œuvre quenienne) sont apparemment destinés à épouser des femmes d’âge mûr, le tout s’achèvera sur une happy ending très satisfaisante, pour le lecteur comme pour les protagonistes - qui n'auront peut-être pas "beaucoup d'enfants", selon la formule consacrée, mais vivront un amour très très chaud !
    A propos de Au feu les pompiers j’ai le cœur qui brûle, on ira aussi lire ce qu'en pense Sylvie.

    dcytryn.jpgL’enfant et le buffle, de Muriel Carminati et Daniela Cytryn, Le Sorbier, collection Les Ethniques, en partenariat avec Amnesty International, 2008

    Après une collaboration avec Jocelyne Sauvard pour Aïssata et Tatihou, Daniela Cytryn illustre avec un même soin un nouvel album aux éditions du Sorbier, dans une collection qui prône l’ouverture sur le monde en proposant des récits qui sensibilisent le lecteur à des situations ou des événements qui ne lui sont pas toujours familiers. Un pays africain en guerre pour Aïssata et Tatihou, la Birmanie pour cet Enfant et le buffle, un pays où il ne fait pas bon vivre si l’on tient compte du mépris des dirigeants pour la population qu’ils maltraitent, emprisonnent ou laissent mourir. La Birmanie, que l’on découvre à travers le regard d’Aung Kyaw Kyaw, jeune garçon très attaché au buffle que son père a pourtant décidé de vendre. Il s’enfuit, part à la recherche de l’animal et revient bredouille pour trouver son village vidé de ses habitants, «réquisitionnés» pour construire une route. Au-delà de la difficulté de vivre sous un régime dictatorial, une certaine plénitude préside malgré tout à l’ensemble, peut-être discernable dans l’attitude résignée des adultes, que l’auteure ne se permet pas de juger, et dans la beauté des images.

    B. Longre (juin-juillet 2008)

     

    http://www.syros.fr/nouveautes.asp

    http://rolandfuentes.hautetfort.com/

    http://www.poissonsoluble.com/

    http://www.petitapetit.fr

    http://www.emilystrange.com/

    http://ellecause.hautetfort.com/

    http://danielacytryn.ultra-book.com/

    http://www.amnesty.fr/

     

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  • Théâtre !

    Tête à claques de Jean Lambert, Lansman, 2008

    Les jumeaux Stef et Mika s’apprêtent à fêter leur douzième anniversaire, quand l’un d’eux est arrêté, accusé d’avoir incendié l’école du village, une grange et un café. Le garçon revient douze ans plus tard et découvre que son frère et la table de banquet l’ont attendu, figés dans le temps. De courtes saynètes se succèdent, retraçant l’enfance difficile des deux enfants, en butte aux moqueries de leurs pairs – tout comme Sauveur, leur père, et Gina, leur mère, étaient méprisés par les villageois. L’écriture presque scandée (des phrases brèves en vers libres et des redites qui tendent à la ritournelle) permet d’apprécier ce texte, qui restera cependant ardu à suivre pour de jeunes lecteurs, de par son découpage et les non-dits qui s’accumulent. On s’intéressera cependant à la genèse atypique de Tête à claques, résultat d’un travail scénique qui lui-même s’inspirait d’une nouvelle de Jean Lambert (disponible en fin d’ouvrage) ; une façon de montrer combien écriture et mise en scène sont parfois interdépendantes. (B. Longre)

    Cette pièce, mise en scène par les Ateliers de la Colline (en coproduction avec le Théâtre de la Place, Liège), se joue actuellement. Lire l'article de Samia Hammami.

     

    p638.jpgOù est passé Mozart ? d’Ariane Buhbinder - Lansman, 2008

    Depuis un an, Félix prend des cours de chant avec Anna, trentenaire comme lui, dont il est tombé amoureux. Elle éprouve des sentiments similaires mais tous deux tournent autour du pot, ne savent comment s’avouer les choses, hésitent, parlent à mots couverts, sans cesse interrompus par les appels téléphoniques de la fille d’Anna qui a perdu son doudou, Mozart le canard…
    Les références à Tolstoï (par le biais du roman Anna Karénine) interpelleront les lecteurs adultes, tandis que les plus jeunes s’amuseront des chants et du jeu (parfois enfantin) de ces adultes, tous deux parents divorcés, qui abordent nécessairement la difficulté de leurs enfants respectifs à accepter la situation. Un éclairage original pour traiter avec pudeur de la séparation, de l’amour et de la difficulté d’accepter le changement. Souvent ludique et farfelue, Où est passé Mozart ? reste pourtant ancrée dans l’ici et le maintenant, et l’écriture, faite de ruptures, de blanc, de phrases avortées, reflète parfaitement la difficulté de dire le désir, les sentiments et les émotions. (B. Longre)

    http://www.lansman.org

    revue2412.jpgCes articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 241 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, mai 2008).
    Ce numéro propose, hormis nombre de recensions sur des parutions récentes, un vaste dossier intitulé : "Mais qui sont les héros de la littérature de jeunesse ?" Les héros d'hier et d'aujourd'hui, figures paradoxalement atemporelles, y sont analysés, expliqués, interrogés - de Fifi Brindacier à Tom-Tom et Nana, de Tobie Lolness aux nouveaux héros des romans de fantasy.

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  • Pouce-Pouce, Petite-Peau et Petit Poucet

     9782742771790.jpg

    Ah la la ! Quelle histoire, de Catherine Anne – Actes sud junior, Théâtre, 2008

    Pouce-Pouce a beau être « malin-malin », il est plutôt mal parti dans l’existence : dernier de sa fratrie, le plus petit (de la taille d’un pouce), il est « hyper-pauvre » et, pour couronner le tout, sa famille l’a abandonné dans la forêt… Quant à la princesse Petite-Peau, elle vit cachée sous une peau de chien depuis sa fuite du château familial, par crainte de devoir épouser son père… Les deux enfants perdus se croisent, décident de faire route ensemble et de s’entraider. Ils font plusieurs rencontres – Boustifaille, la fille de l’ogre, une vieille femme qui leur fait boire de l’herbe d’obéissance, un serpent indolore, une maison magique et une fée… Chaque aventure étant le prétexte d’une épreuve à surmonter. On aura compris que Catherine Anne applique ici la formule du détournement de contes (Tom-pouce, Le Petit Poucet, Peau d’Âne, Hansel et Gretel…), certes classique, mais amplement réussie, à laquelle elle ajoute de multiples clin d’œil en entrelaçant les récits ; cela donne une histoire d’amour à la fois grave et légère, des dialogues enlevés, une intrigue rythmée (avec de multiples rebondissements et changements de cadres) et le tout se lira avec délectation.
    B. Longre

    9782742774180.jpgLe petit poucet de Caroline Baratoux - illustrations Vincent Fortemps - Collection Heyoka – Actes sud papiers, 2008

    Une nouvelle fois, le théâtre se propose de réinvestir un conte qui appartient au répertoire habituel  : une histoire qui mêle le désespoir des parents à l’aventure d’un petit garçon courageux et malin, qui prend peu à peu son indépendance. Ce Petit Poucet se distingue néanmoins de la version originale, d’abord en insistant sur les dilemmes parentaux et leurs ambivalences, souvent occultés dans les versions traditionnelles : la mère passive et le père qui culpabilise à l’idée de devoir laisser ses fils dans la forêt – une solution qui l’arrange cependant, en cela qu’il peut retrouver un peu de la tranquillité amoureuse d’antan, seul à avec son épouse (« sans nos enfants… loin et heureux peut-être, / soulagés au moins… plus légers… / Pour nous retrouver comme avant », dit-il). De même, Caroline Barratoux a créé un héros humain, qui saura non seulement guider ses frères mais aussi aider son père à grandir, à prendre confiance en lui et à devenir un vrai père. Les échanges en vers libres sont de qualité, à l’instar des illustrations de Vincent Fortemps. Celui-ci propose sa version à lui de la pièce, plus sombre, peut-être, que le texte, mais admirablement crayonnée.
    B. Longre

    Ces articles ont paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 241 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, mai2008).

    http://www.actes-sud-junior.fr/

    http://www.actes-sud.fr

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  • De l'attachement au détachement

    cgutman3.jpgLes inséparables de Colas Gutman
    Neuf de l’école des loisirs

    Simon et Delphine, les inséparables du titre, ont bien du mal à accepter que leurs parents se… séparent, que leur mère se retrouve seule, que leur père aille vivre chez Pierrette, qu’on leur impose les enfants de cette dernière, « Porcinet l’infâme » et « Marie-Neige tête à claques » qui, comble de malchance, fréquentent la même école… Pierrette devenue l’ennemie à abattre, le garçon et sa sœur mettent alors en place de multiples stratégies visant à déstabiliser la recomposition familiale - tour à tour la douceur, la rébellion, l’espionnage… Les adultes, qui en font trop peu ou pas assez, ne se doutent de rien, ou à peine, mais en prennent assurément pour leur grade ; d'ailleurs, les enfants aussi, que ce soit ceux de la « grosse vache » ou Delphine quand, peu à peu, elle semble se détacher elle aussi de Simon, qui ne comprend plus rien et se sent trahi. Inséparables, Simon et Delphine ? C’est du moins ce que croit le premier, qui fait aveuglément confiance à sa grande sœur, jusqu’au jour où l’impensable se produit et qu’un gouffre vient les… séparer, car Delphine se met à grandir, à mûrir, à pactiser avec l’ennemi, bref, à tout simplement s'accommoder de situations qu’elle trouvait intolérables quelque temps plus tôt. Déboussolé, le garçon ne sait plus vers qui se tourner, puis apprend peu à peu à faire avec, sans pourtant se départir de sa verve et de son esprit critique.

    Le regard acide et souvent lucide du jeune narrateur (qui n'est pas dupe des manoeuvres de séduction parfois hypocrites des adultes) est un pur régal, oscillant entre drôlerie et cruauté, tandis que lui se forge les armes qu’il peut (du cynisme à l’indifférence affichée, de la mauvaise foi à la révolte) afin d’occulter à sa façon la souffrance psychologique qui accompagne toute séparation. Des séparations, justement, qui se succèdent et se superposent, engendrant frustrations et questionnements, mais qui permettent aussi d’avancer et de grandir un peu plus à chaque fois, même contre son gré, et malgré les adultes dont les maladresses n’arrangent rien. Simon, qui cherche sa place dans ce cadre familial chamboulé, est un peu le double et le petit frère romanesque du narrateur du Journal d’un garçon, et l’on retrouve dans chacun des romans, malgré la différence d’âge des deux protagonistes, des préoccupations similaires et une acidité de ton réjouissante.
    (B. Longre)

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  • Déclinaisons du silence

    L’enfant silence, de Cécile Roumiguière et Benjamin Lacombe
    Seuil jeunesse, 2008

    Litli Soliquiétude, de Catherine Leblanc et Séverine Thevenet
    Editions Où sont les enfants ? 2008

    enfantsilence3.jpgUne enfant choisit de se taire afin de protéger ceux dont elle craint d’être séparée : ses géniteurs, parfois doux, souvent féroces, qu’elle associe à des loups et qu’elle retrouve le soir après l’école dans une tanière tantôt chaleureuse, tantôt hostile. Un silence choisi, à défaut de pouvoir trouver d’autres armes. Un silence refuge assumé et entêté, pour ne pas avoir à trahir ceux qui la maltraitent et la privent en partie d’enfance. Un silence prison (tel qu’il s’incarne dans la cage qui revient dans certaines illustrations) qui, paradoxalement, attire l’attention sur la fillette et sur ce qu’elle tait, et qui inquiète la maîtresse - « alors le matin, parfois, on l’assoit devant une dame qui sent bon la banane et le pain grillé. » Mais là encore, elle ne sait que dire, ni comment. Le mutisme de la petite fille (qui, sous les pinceaux de Benjamin Lacombe, apparaît le visage grave, tandis que ses grands yeux tristes et fatigués « boivent le monde ») est mis en mots avec simplicité par Cécile Roumiguière, une simplicité qui n’exclut pas la poésie et la complexité des émotions qui traversent ce récit poignant. Les illustrations, d’une grande finesse, s’accordent aux mots sans les singer, les interprétant et les complétant avec originalité, enrichissant le texte touffu - malgré son apparente limpidité.

    Car cet album raconte un dilemme difficile à résoudre, même vu de l’extérieur, une histoire de résilience et d’étouffement, d’une souffrance qui demeurerait invisible si l’on n’acceptait pas de s’y pencher. Le mérite de l'ouvrage est de proposer un regard suffisamment détaché - qui n’empêche par l’empathie - sur le parcours de l’enfant, permettant ainsi d’en saisir toutes les facettes : il y a certes une victime, identifiable, mais ses bourreaux ne sont pas rejetés en bloc et l’on comprend, à travers quelques phrases seulement, que ces derniers ne sont pas les monstres qu’on pourrait penser. Et si l’enfant n’a que son silence à offrir au départ, c’est pour dire aussi combien elle a peur pour eux.

    litli3.jpgLe silence de Litli, petite marionnette qui explore le monde en solitaire, à sa manière, est d’une tout autre nature - un silence paisible en apparence, même si Litli (son nom signifie « petit » en islandais) se réveille d’abord dans un univers terne et gris, en noir et blanc. Elle se lève malgré tout et part à la recherche d’autre chose, d’un ailleurs en couleurs. Un voyage initiatique parsemé de dangers, de fissures, voire de gouffres, que la petite parvient cependant à franchir, comme si une petite voix intérieure la soutenait régulièrement dans sa quête. Car l’histoire de Litli est d’abord silencieuse, une succession de photographies lumineuses de Séverine Thevenet, que la marionnette Litli a accompagnée jusqu’en Islande. Les mots économes de Catherine Leblanc, qui apparaissent de temps à autre en surbrillance sur quelques-unes des pages - des mots qui guident et incitent le petit personnage à aller de l’avant, à ouvrir les yeux sur le monde - sont venus se superposer plus tard, non pas pour troubler le silence d’un récit en images qui aurait presque pu se suffire à lui-même, mais pour lui donner une résonance nouvelle.

    « Seuls les mots de Catherine Leblanc ont su faire leur place : ils ouvraient de nouvelles portes dans mes images et dans l’histoire », explique celle qui se dit « mariographe », refusant de choisir entre la photographie et les marionnettes, deux passions qu’elle est parvenue à conjuguer dans ce beau livre. Des mots qui se font leur place mais savent aussi se taire quand il le faut. La « soliquiétude », sous-titre de l’album ? Un néologisme qui sonne juste, un terme qui combine solitude et quiétude, « la tranquillité douce de celui qui marche et fait naître le monde en chemin. » Le mutisme pour mieux dire les choses, un texte réduit au minimum afin de laisser parler le silence et de ne pas empiéter sur le territoire des photographies qui se succèdent.

    Dans chacun de ces deux albums dont la démarche esthétique est fort différente l'une de l'autre, les parcours respectifs de l’enfant et de Litli ne sont pas similaires au prime abord, mais le silence (apaisant ou étouffant) et la place des mots (libérateurs ou alliés) sont au cœur de chacun d’eux, en lien avec une renaissance au monde et à la vie (« Viens au monde », disent les mots à Litli, qui redécouvre enfin les couleurs). Une vie devenue grise et sans éclats pour la marionnette, une vie qui n’en était plus une pour l’enfant silence, qui se contentait de murmurer quelques lettres, à l’image des petits pas indécis de Litli au tout début de son aventure. Des albums qui disent l’indicible avec délicatesse, et qui rappellent que tous nous tendons peut-être, en fin de compte, à la quiétude.

    (B. Longre)

    http://www.cecileroumiguiere.com

    http://www.benjaminlacombe.com

    http://ousontlesenfants.hautetfort.com

    http://catherineleblanc.blogspot.com

    http://shashi.club.fr/index.html

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  • Des contes solidaires

    conteschinois.jpgPour la 5e année consécutive, les éditions Rue du Monde s'associent au Secours populaire et proposent une opération de solidarité en faveur des enfants "oubliés des vacances", intitulée "Eté des bouquins solidaires", qui se déroule du 21 juin au 15 août 2008.

    Deux ouvrages parus en juin sont concernés par cette initiative : La grande montagne des contes chinois de Catherine Gendrin et Fabienne Thiéry, illustré par Vanessa Hié (un recueil de près d'une vingtaine de récits adaptés de contes ou de fables), et Le bufflon blanc de Fabienne Thiéry, illustré par Judith Gueyfier. Chaque fois que ces deux titres sont achetés en librairie, un enfant recevra un livre. Plus de 60000 jeunes lecteurs ont déjà pu bénéficier de cette opération depuis l'été 2004.

    Rue du monde
    5, rue de Port-Royal, 78960 Voisins-le-Bretonneux
    http://www.secourspopulaire.fr

    bufflon.jpgLe bufflon blanc de Fabienne Thiéry et Judith Gueyfier, Rue du monde, 2008

    Li, éleveur de buffles, s’inquiète quand naît un bufflon blanc qui dénote dans son troupeau noir. Serait-ce mauvais présage ? Le vieux sage qu’il consulte, connu pour sa clairvoyance, lui assure que non ; mais une fois rentré chez lui, Li est subitement frappé de surdité. Lu, son fils, part alors voir le sage et, dès son retour, est lui aussi victime d’un mal soudain, la cécité. Li et Lu pensent avoir joué de malchance quand des événements bien plus terribles encore s’abattent sur la vallée.
    Librement inspiré d’une fable du philosophe chinois Lie-Tseu, maître taoïste, l’histoire que conte Fabienne Thiéry (spécialiste du conte chinois) a vocation universelle et parle à la fois de résilience, de résignation à son sort, d’impuissance face à plus fort que soi ; elle véhicule toutefois l’idée que la vie se compose d’une succession bariolée de bonheurs et de malheurs et que les uns ne peuvent exister sans leurs contraires. Les illustrations de Judith Gueyfier, qui signe plusieurs albums chez cet éditeur, sont d’une grande finesse dans les plans rapprochés comme dans les plans d’ensemble, avec une attention toute particulière portée aux motifs des textiles, en contraste avec les aplats des paysages à l’arrière-plan ; mais ce sont surtout les visages lumineux tourmentés ou apaisés, en résonance avec le conte, qui séduisent le lecteur. Un bel album à partager et à offrir.
    B. Longre (juin 2008)
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  • Le théâtre jeune public - quelques nouvelles

    9b27622bee94bc9e706d53fcb6c8b32a.jpgLe Prix Collidram (que je présentais il y a quelques mois) a été décerné à Dominique Richard pour sa pièce Une journée de Paul (Théâtre en court 2, Éditions Théâtrales Jeunesse) - que je compte lire.

     Les autres pièces sélectionnées étaient les suivantes :
    Bouge plus ! de Philippe Dorin - Les Solitaires Intempestifs
    Jojo au bord du monde de Stéphane Jaubertie - Éditions Théâtrales Jeunesse
    Louise / les ours de Karin Serres - L'École des loisirs
    Kardérah de René Zahnd - Bernard Campiche Éditeur

    L'an passé, Ohne de Dominique Wittorski (Actes Sud-Papiers) recevait  ce prix, organisé par l'ANETH (www.aneth.net/) - Aux Nouvelles Ecritures Théâtrales, une association qui a pour mission de découvrir et faire découvrir les écrivains et les pièces de théâtre contemporain.

    gbrisactheatre.jpgDu côté du théâtre joué, signalons Je vois des choses que vous ne voyez pas, un conte musical de Geneviève Brisac, jusqu'au 18 juillet à la Manufacture des Abbesses - Paris XVIIIe. La pièce est un conte qui revisite l'histoire de la Belle au bois dormant, mais Belle ne se pique pas le doigt avec un fuseau, elle est victime d'un stylo...

    Avec Alice Butaud, Mathieu Duméry, Anne-Camille le Heuzey-Bansat, Geoffroy Rondeau - à partir de 8 ans

    www.genevievebrisac.com

    Il n'est pas rare que le théâtre s'empare des contes ou des fables (dont la richesse thématique et symbolique n'est plus à prouver) comme point de départ, pour finir par en faire tout autre chose, des variations pour la plupart réussies - ent tout cas parmi les textes que j'ai pu découvrir récemment, comme Le Petit poucet de Caroline Baratoux (Actes Sud-Papiers, Heyoka jeunesse) Les deux bossus de Richard Demarcy (Actes Sud Junior, Poche théâtre) ou encore Méchant ! d'Anne Sylvestre (même éditeur), qui met en scène une chèvre et un loup... On pourra aussi lire Mascarade de Sacha et Nancy Huston (Actes Sud Junior, poche théâtre) ou encore Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot (L'Arche), dont je parlais ici.

    livre2008.jpgDe son côté, le TJA-Biennale du Théâtre Jeunes Publics publie un ouvrage intitulé Biennale du Théâtre Jeunes Publics/Lyon 1977-2007 (Lansman éditeur) que les deux fondateurs-créateurs-organisateurs-directeurs artistiques, Maurice Yendt et Michel Dieuaide, présentent ainsi : « Depuis trente ans, l’itinéraire artistique de la Biennale du Théâtre Jeunes Publics s’avère particulièrement fécond. Trente ans d’engagements durables pour tenter d’imposer, en rupture avec les schémas réducteurs qui dévalorisent encore fréquemment les pratiques culturelles des enfants, une reconnaissance exigeante de leur droit à un théâtre d’art et d’essai, authentiquement émancipateur. Il existe, évidemment, à l’occasion de ce trentième anniversaire plusieurs manières de rendre compte d’un tel parcours.Nous avons choisi, simplement, de laisser parler les nombreux témoins de l’aventure en faisant se répondre images photographiques et articles de presse. Autant de regards entrecroisés, de repères au fil du temps qui nous semblent en dire beaucoup plus que toute forme habituelle de récit. »

    www.biennale-tja.fr
     

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  • Le monde en tranches

    sorciere.jpgUn débat animé se déroule en ce moment sur Citrouille, le blog des libraires jeunesse.

    Le point de départ : une tribune libre intitulée "Nous, les 9-12 ans, les oubliés de l’édition" et signée Véronique Marie Lombard de Livralire, qui laisse entendre que la "tranche" des 9-12 ans manquerait de bons livres, que les éditeurs se soucieraient davantage des très jeunes lecteurs et des + de 13 ans, laissant les 9-12 ans sans rien à lire...

    Autant j'apprécie le travail de Livralire, leurs coups de coeur, leur démarche de "passeurs", autant j'ai trouvé ce constat injustifié, car l'offre est importante dans ce domaine et les éditeurs savent se renouveler. Ainsi, Thomas Savary, en réaction, énumère quelques collections que les éditeurs ont conçues pour cette "tranche" :

    "Bayard jeunesse (collections Estampillette, Estampille, Poche Littérature), L’École des loisirs (certains Mouche, les Neuf), Gallimard jeunesse (Folio Cadet et une bonne partie des Folio Junior), Milan (cadet + et junior), Nathan (8-10 et 10-12), Oskar, Rageot (collection roman et les Heures noires à dos jaune), le Rouergue (Zig zag), Syros (Tempo, Tempo+, Souris Noire), sans oublier Thierry Magnier (certains titres de la collection Roman et les Petite poche, certes très courts, mais s’adressant au moins autant aux 9-12 ans qu’aux 7-8 ans). "

    On peut aussi ajouter Mouchoir de poche des éditions Motus, nombre de titres du Livre de poche jeunesse, Les Castor Poche de Flammarion, la nouvelle collection Chapitre du Seuil jeunesse, les romans Cadet d'Actes Sud Junior... et je dois encore en oublier.

    Difficile, dans ce cas, de saisir ce qu'entend dénoncer de son côté la tribune libre de Livralire qui dit (le "nous" représente les enfants dont V. Lombard se fait le porte-parole) : "Quand nos parents ou nos enseignants vont en librairie, quand les bibliothécaires de notre ville lisent les critiques et consultent des sites, ils ne trouvent plus de romans pour nous, alors qu’ils ont l’embarras du choix pour les ados."

    La tribune s'achève sur : "Nous, ce qu’on veut, c’est tout simplement une histoire unique, entre 100 et 150 pages, qui nous raconte le monde, qui nous parle de nous et des autres, qui nous fait rêver, rire ou pleurer, qui nous emmène loin ou tout près."

    J'ai réagi sur Citrouille, en écrivant (je n'ajoute pas de guillemets, puisque je me cite ;-) : On sait bien que le nombre de pages ne veut STRICTEMENT rien dire (pourquoi ne pas préciser la taille de la police de caractère, tant qu’on y est… ?) On peut dévorer 300 pages sans s’en rendre compte et se traîner sur 40 malheureuses et nullissimes petites pages... à n’importe quel âge - et j'ajouterai, quel que soit le degré d'autonomie du lecteur.

    Quant à la tranche d'âge évoquée, non seulement elle est surfaite et totalement subjective, mais montre qu'il reste encore à faire pour décloisonner les livres et la littérature... : un enfant de 9 ans et un autre de 12 n’ont pas des préoccupations, compétences, désirs, etc. similaires ; mais il peut aussi y avoir de grandes disparités entre deux enfants du même âge… Chaque lecteur est unique, on a l’air de l’oublier. Et à chacun de se faire son propre parcours de lecteur, avec ou sans adulte qui lui dise quoi lire et quand, selon ses envies et son degré d'autonomie. Certains dévoreront dès 8 ans, sans avoir besoin de « prescription » (médicale ?), d’autres ne commenceront qu’à 20 ans… certains iront directement voir du côté adulte ou ado, d’autres encore liront peu – et alors ?

    Certes, l'offre pour les 13 ans et plus s'est considérablement élargie ces dernières années (pourquoi s'en plaindrait-on ?), mais les plus jeunes ont aussi de quoi faire. Bien entendu, tout ne se vaut pas (mais ce constat est valable dans toutes les "catégories" éditoriales), mais pour avoir lu des dizaines d'ouvrages publiés ces temps, il me semble qu'il existe, à côté des romans formatés (c'est à dire explicitement didactique, calqués sur des moules sans saveur, dont les "morales" ou les dénouements sont là davantage pour faire plaisir aux adultes - parents, prescripteurs, etc. - qu'aux enfants), des ouvrages d'excellente facture, d'une richesse telle qu'ils seront appréciés autant des enfants que des adultes (car tout est question de niveaux de lecture, il me semble, et de leur superposition...).

    petitechance3.jpgPour ne citer que quelques lectures récentes (et je vais en oublier au passage, c'est certain) éditorialement destinés aux lecteurs de 8-11 ans mais que nombre de lecteurs plus âgés prendront plaisir à lire : Une petite chance de Marjolin Hof (traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Chapitre, Seuil jeunesse), Ma pomme d'Olivier de Solminihac (Mouche de l'école des loisirs), Tonton Zéro de Roland Fuentès (Mini Syros), Les inséparables de Colas Gutman (Neuf de l'école des loisirs), Un cow-boy dans les étoiles de Claire Mazard (Chapitre, Seuil jeunesse). Sans parler des ouvrages de fantasy, d'aventure ou d'évasion qui paraissent... et qui ne sont pas forcément moins bons ou plus méprisables que les précédents.

    Quant aux tranches d'âge indiquées sur les ouvrages par les éditeurs, elles restent des suggestions, rien d'autre. On peut prendre plaisir à lire des albums à tout âge, comme on peut aussi passer sans transition de la Bibliothèque verte à Zola... A ce sujet, je lis aussi sur Citrouille que le monde de l'édition jeunesse en Grande-Bretagne se mobilise pour éviter qu'on impose un âge minimum sur les ouvrages. Il est vrai que jusqu'à présent, les parutions britanniques échappaient à ces classifications explicites.

    Voilà le début de l'appel lancé par des écrivains, des illustrateurs, des bibliothécaires, des éditeurs et des libraires, qui revendiquent que chaque lecteur est unique, chaque livre aussi...

    " We are writers, illustrators, librarians, teachers, publishers and booksellers. Some of us have a measure of control over what appears on the covers of their books; others have less.
    But we are all agreed that the proposal to put an age-guidance figure on books for children is ill-conceived, damaging to the interests of young readers, and highly unlikely, despite the claims made by those publishers promoting the scheme, to make the slightest difference to sales.
    We take this step to disavow publicly any connection with such age-guidance figures, and to state our passionately-held conviction that everything about a book should seek to welcome readers in and not keep them out."

    http://www.notoagebanding.org/

     

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  • Chroniques des temps obscurs

    1552422501.jpgÀ paraître en juin 2008

    Chroniques des temps obscurs - Tome 4 : Le banni
    de Michelle Paver, traduit de l'anglais par B. Longre
    Hachette roman jeunesse.

    Il y a 6000 ans... quelque part dans le nord de l'Europe. Torak est banni du clan des Corbeaux à cause du tatouage dessiné sur sa poitrine, celui d'un Mangeur d'Âme. Condamné à porter ce fardeau en fuyant toujours plus loin dans la Forêt, Torak est seul au monde et tente de survivre. Mais son amie Renn n'a pas l'intention de l'abandonner à son sort...

    Michelle Paver, de mère belge et de père sud africain, est née en Afrique centrale où elle a vécu toute son enfance. De ses voyages dans les montagnes des Carpathes, en Norvège, en Finlande, en pays lapon, elle a rapporté une étonnante expérience de la nature sauvage.

    http://www.michellepaver.com/

    http://www.torak.info/

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  • Ange ou démon...

    1775849530.jpgLes ogres pupuces
    de Guillaume Le Touze, illustrations Julien Rancoule
    Actes Sud-Papiers, collection Hekoya jeunesse, 2008

    Les ogres pupuces, petites boules de poils imprévisibles découvertes par le Professeur Sebastianovitch, vont enfin quitter leur incubateur afin d’être adoptés par des enfants (les jeunes spectateurs en personne). Mais leur nature véritable (angélique ou diabolique – d’où l’oxymore que l’on décèle dans leur appellation) reste incertaine… On sait seulement qu’ils ont besoin d’un bon dosage d’amour et de rire pour ne pas se transformer en créatures sanguinaires ! Les personnages pittoresques (une interprète amoureuse, une chercheuse vouée corps et âme à la science, un nain capable d’apprivoiser les ogres pupuces, sans parler de Sebastianovitch, quelque peu paranoïaque) présentent tour à tour les créatures aux futurs adoptants, quand une erreur de manipulation provoque la fuite des petites peluches.
    L’interaction entre le public potentiel et les protagonistes fonctionne parfaitement, même sur la page, et on appréciera l’inventivité débordante du texte, aventure scientifico-fantaisiste décalée qui rejoint d’autres quêtes imaginaires, les illustrations (crayonnés, esquisses en couleur, parfois destinés à accompagner les délires scientifiques de Sebastianovitch) jouant un rôle essentiel dans la mise en place de cet univers. Comme les autres ouvrages de la collection Hekoya jeunesse, un soin particulier a été apporté à la mise en page, une façon d’inciter les jeunes lecteurs à lire la pièce seuls, comme ils iraient ouvrir un roman. (B. Longre)

    Cet article a paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 240 de La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, avril 2008).

    http://www.actes-sud.fr/

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  • Quand tombent les masques

    1502748721.jpgMascarade de Sacha et Nancy Huston 
    Actes Sud Junior, collection poche théâtre, 2008

    Un loup, une chèvre… jusqu’ici, on se trouve en terrain connu. Mais quand s’engage le dialogue (véritable quiproquo dû à des confusions lexicales et phonétiques), que tombent les masques et qu’apparaissent successivement d’autres protagonistes (dont un rappeur et un psychanalyste…), on comprend qu’aux mains des auteurs (mère et fils), la base du conte risque de subir quelques détournements. La scène initiale devient scène de ménage puis scène de séduction, et ainsi de suite. Ludique (autant au niveau langagier que scéniquement), Mascarade propose des dialogues vifs, des altercations rythmées, au fil des transformations parfois surprenantes. Par le biais de références que seuls les adultes reconnaîtront, sans pour autant devenir des obstacles de lecture pour les plus jeunes (pas avant le collège, semble-t-il, contrairement à ce qui est proposé par l’éditeur), le texte présente plusieurs niveaux de lecture qui enrichissent le propos, évoquant en filigrane l’idée d’une quête identitaire sans fin – en écho avec les mots du loup (« où vais-je ? D’où viens-je ? Qui sois-je ? »…) – et la notion que les masques métaphoriques que nous revêtons et les méprises qui s’ensuivent sont le lot commun. (B. Longre)

    Cet article a paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 240 de  La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, avril 2008).

    http://www.actes-sud-junior.fr/

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  • Rester soi

    311272372.jpgAlice pour le moment de Sylvain Levey
    Ed. Théâtrales jeunesse, 2008

    Toute jeune fille fantasque, discrète et rêveuse, Alice, « observatrice du monde », sait glaner un peu de bonheur dans d’infimes détails – malgré sa solitude, son sentiment d’exclusion, les « garçons » anonymes (et interchangeables) qui la raillent ou sa difficulté à accepter le nomadisme de ses parents immigrés. Elle affirme être « une solitaire heureuse et volontaire » et se plie, sans aigreur, aux changements de décor successifs, dans un monde où l’important est de « rester soi ». À peine s’est-elle fait une amie que la famille part s’installer plus loin, au gré des petits boulots du père saisonnier. Et quand elle rencontre Gabin et commence à s’habituer à ses baisers, il faut repartir, encore. Le transitoire, le provisoire et l’instabilité sont ici source d’inspiration et les premiers émois adolescents s’inscrivent dans une poésie limpide, dont la simplicité de surface est à l’image de la jeune Alice, narratrice, récitante et fil conducteur du récit rétrospectif : «transparente » pour les autres mais riche et dense vue de l’intérieur. (B. Longre)

    http://www.editionstheatrales.fr

    Cet article a paru en compagnie de quelques autres dans le numéro 240 de  La Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, avril 2008).

    1785777249.2.jpg
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  • Non !

    981735859.jpgCeux qui ont dit NON, nouvelle collection aux éditions Actes Sud Junior, aurait tout aussi bien pu s'intituler "Non !" (sur le mode de J'accuse ! des éditions Syros), puisqu'on est là dans le registre de la révolte et de l'indignation. Une révolte toutefois pensée, structurée, qui sait ce qu'elle veut et s'engage avec intelligence dans des luttes pour des causes justes. Les quatre ouvrages qui inaugurent la collection, dirigée par Murielle Szac, mettent en scène des figures historiques dont l'engagement résonne encore aujourd'hui et peut servir d'exemple : Victor Hugo, Rosa Parks, Victor Jara et Lucie Aubrac. Quatre individus dont les actes et/ou les propos ont contribué à l'avancement de l'humanité.

    1118190198.jpgIci, plutôt que de proposer un documentaire, la directrice de collection a opté pour la forme romanesque ; chaque ouvrage comprend donc une fiction historique, complétée par un dossier qui permet d'établir de vrais liens entre les luttes du passé et celles du présent. Ainsi, le roman de Bruno Doucey (poète, romancier, essayiste et éditeur aux éditions Seghers), Victor Jara : non à la dictature, est suivi d'un texte qui relate le combat d'Aung San Suu Kyi, qui s'oppose à la junte militaire de son pays, la Birmanie, tout comme Jara (1932-1973) dénonçait la répression militaire au Chili. De même, le dossier qui suit Victor Hugo : non à la peine de mort, signé Murielle Szac, permet de découvrir d'autres opposants à la peine de mort, dont Cesare Beccaria, l'un des premiers à dénoncer l'assassinat "légal" pratiqué par le pouvoir en 1776, mais aussi Camus, Jaurès, Koestler, et Badinter. L'auteure explique aussi (pour ceux qui le sauraient pas...) qu'en Chine aujourd'hui, les stades servent aussi de lieux d'exécution ("de macabres mises en scène publiques").

    Rosa Parks : "Non à la discrimination raciale" de Numrod.
    Victor Hugo : "Non à la peine de mort" de Murielle Szac
    Lucie Aubrac : "Non au nazisme" de Maria Poblete
    Victor Jara : "Non à la dictature" de Bruno Doucey

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  • Zizi ou zézette ?

    Zizi ou zézette ? de Laetitia Zuccarelli, T. Magnier, 2008

    Sur le mode de l’énumération, Laetitia Zuccarelli fait le tour d’une famille, du papi à la petite sœur, de la tata au papa, chaque double page répondant à l’interrogation contenue dans le titre. L’originalité de l’ouvrage tient à deux éléments : la nudité des personnages – chose suffisamment rare dans un ouvrage jeunesse pour être soulignée – et le fait que ces derniers soient incarnés par de petites poupées de chiffon cousues main, pourtant confectionnées de façon réaliste, avec ce qu’il faut de pilosité (quelques brins de laine placés aux bons endroits). Quant au texte (« Pépé ? Zizi ! / Maman ? Zézette !... » et ainsi de suite), en harmonie avec les figurines qui lui font face, est brodé sur une toile de couleur crème. Même si le discours est simpliste et réducteur (forcément, on ne saurait s’arrêter à cette différence pour définir les individus), l’ouvrage offre une manière astucieuse, franche et néanmoins pudique d’aborder les différences physiques avec les tout petits.
    B. Longre (mai 2008)

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  • Publications théâtrales, Revue des livres pour enfants

    Quelques pièces pour la jeunesse, à découvrir et à lire...
    Ces recensions ont paru dans le numéro 239 de
    La Revue des livres pour enfants (
    La Joie par les livres / BNF, février 2008)

    Sous un ciel de chamaille de Daniel Danis - L'Arche éditeur
    Dis-le-moi ! d'Erwan Bargain - Lansman
    Ohne de Dominique Wittorski - Actes Sud-Papiers
    La Petite Danube de J-P. Cannet, ill. d’Edmond Baudoin - Les éditions Théâtrales
    La Robe de Gulnara d'Isabelle Hubert - Lansman
    Juliette toute seule de Florence Klein - Lansman
    Rêves de théâtre, Florence Klein, ill. Madeleine Tirtiaux Lansman et le CDWEJ
    Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot - L'Arche éditeur
    L’épouvantable petite princesse de Geneviève Damas - Lansman
    Le navigateur et l’enfant de Jean-Rock Gaudreault - Lansman

     

    L'éditeur

    Sous un ciel de chamaille de Daniel Danis
    L'Arche éditeur
    À partir de 10 ans

    Quelque part à la frontière d’Israël et de la Palestine, naît une amitié interdite entre Lirane, 8 ans, fillette juive qui habite une vraie maison entourée de terres fertiles et Ferhat, 11 ans, Palestinien qui vit dans un camp de réfugiés poussiéreux ; une relation avec ses hauts et ses bas, entre attirance et répulsion, renforcée par la perte respective d’un frère et d’une sœur morts dans un attentat. La folie adulte des «chamailles» est bientôt supplantée par celle des éléments qui se déchaînent, la nature reprenant ses droits et unissant les humains dans les mêmes souffrances. L’auteur, sans prendre parti, plaide pour la réconciliation et l’espoir d’un avenir commun. Malgré le sujet délicat, tout est parfaitement dosé, les dialogues vifs et entraînants, les personnages très attachants.

     

    L'éditeur

    Dis-le-moi ! d'Erwan Bargain
    Lansman
    À partir de 9 ans

    La veille de son déménagement, Lisa tente d’avouer son amour à son ami Théo, mais le garçon joue l’indifférent et feint de dédaigner ce genre de sentiment. Des années plus tard, Théo, rongé de regrets, se souvient de cet épisode qui a marqué son enfance. La pièce se présente comme un débat sur le sentiment amoureux (ses symptômes, ses causes, le pour et le contre, le sens du mot « bonheur » et d’autres choses encore), mené avec une lucidité mêlée de candeur par deux enfants de huit ou neuf ans. Suffit-il d’être amoureux pour être heureux ? C’est ce que soutient Lisa, vite contredite par son ami, qui prend au pied de la lettre les métaphores associées au coup de foudre et à l’amour. Un charmant badinage teinté d’une douce nostalgie, qui parlera aussi aux adultes.

     

    Collidram

    L'éditeur

    Ohne de Dominique Wittorski
    Actes Sud-Papiers
    dès 13 ans

    Ohne (la préposition allemande signifiant « sans ») va chercher du travail à l’ANPE et se trouve confronté à la rigueur et au jargon bureaucratiques. Le dialogue en trois temps qui s’instaure entre le personnage, décalé et en apparence très naïf, et l’employé, pourtant plein de bonne volonté, donne lieu à nombre de quiproquos et de méprises, une manière de mettre l’accent sur les absurdités de notre époque (entre autres celle du langage) et les angoisses liées au chômage. Malgré son âpreté et sa complexité, la pièce a remporté le Prix de littérature dramatique des collégiens, décerné pour la première fois en 2007 par l’ANETH – prix baptisé «Collidram » pour 2008, faisant intervenir plusieurs classes de collège d’Ile de France.

     

    L'éditeur

    La Petite Danube de Jean-Pierre Cannet, ill. d’Edmond Baudoin
    Les éditions Théâtrales
    À partir de 12 ans

    Au pied des Carpates (« dans une éternité d’enfance et de guerre »), Anna, fille de garde-barrière, grandit avec le bruit des trains dans les oreilles – des wagons qui vont vers une destination finale, le camp de « prisonniers » situé non loin de chez elle. Presque rien n’est « montré », hormis une veste à rayures trouvée par Anna, qu’elle surnomme Arthur et qui devient son unique compagnon de jeux, puis un prisonnier décharné, pourchassé par des soldats, qu’elle croise dans les bois. Poignant, le texte capte avec justesse et pudeur l’horreur des crimes nazis, tout en dénonçant la lâcheté des individus lambda, dont les parents d’Anna, qui restent sur leur quant-à-soi et collaborent quand il le faut. Les illustrations au fusain en disent peut-être un peu trop, mais la langue est belle, limpide, l’atmosphère étouffante, et le dénouement, nimbé de fantastique, n’en devient que plus percutant.

     

    L'éditeur

    La Robe de Gulnara d'Isabelle Hubert
    Lansman
    À partir de 12 ans

    Entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, une communauté d’apatrides vit depuis des années dans des wagons abandonnés. Le narrateur conte l’histoire de sa mère Mika, alors âgée de 13 ans, une fille joyeuse et généreuse qui, la veille des noces de sa sœur grande Gulnara, tache malencontreusement la robe de mariée avec du goudron. Mika part alors en quête de celui ou de celle qui voudra bien l’aider à réparer son erreur et tombe sur un commerçant qui lui propose de se vendre afin de gagner de quoi offrir une nouvelle robe à sa sœur. Un marché risqué, que Mika accepte, sans savoir qu’une autre solution a été trouvée. De courtes scènes, une intrigue qui tient en haleine, une ironie dramatique parfaitement construite, une galerie de personnages incarnant divers travers ou qualités (solidarité, avarice, égoïsme) et un dénouement tragique pour cette fable atemporelle sur l’innocence corrompue.

     

    Le blog

    L'éditeur

    Juliette toute seule de Florence Klein
    Lansman
    à partir de 10 ans

    Sous-titrée « Un voyage dans l’histoire du théâtre occidental », la pièce est construite à la manière d’une fable dont le propos serait, tout simplement, le théâtre ; ses origines, le jeu et le travail des comédiens, l’art de la mise en scène et de la scénographie, les textes et leurs auteurs... Dans ce monologue, Juliette, la comédienne, joue (à sa manière) la Juliette de Shakespeare mais endosse aussi tous les rôles possibles : narratrice, actrice, personnage et conférencière, elle revient sur l’enfance du théâtre et présente Dionysos, Shakespeare, l’épouse de Brecht, ou encore Sarah Bernhardt et Tchekhov. La volonté didactique qui préside à l’ensemble est évidente mais le texte charme pour sa fraîcheur, sa fantaisie et le ton direct que la narratrice emploie pour s’adresser au lecteur/public.


    Rêves de théâtre, la mise en scène au XXe siècle
    Florence Klein, illustrations Madeleine Tirtiaux

    Lansman et le CDWEJ, collection Empreintes.
    À partir de 12-13 ans

    En prolongement de Juliette toute seule, Florence Klein raconte la pratique théâtrale (émergence du metteur en scène, costumes, jeux, etc.), son histoire (portraits de dramaturges et de comédiens qui ont marqué le siècle) et sa propre expérience. Publié à l’initiative du Centre Dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse, cet ouvrage documentaire concis et aéré, émaillé d’anecdotes et agrémenté de nombreuses illustrations, est complémentaire de la pièce citée ci-dessus et permet de réfléchir, entre autres, aux rapports entre texte et mise en espace.

     

    L'éditeur

    du même auteur

    Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot
    L'Arche éditeur

    À partir de 9 ans et plus

    La trame s’inspire d’Alice au pays des merveilles, que l’auteur subvertit avec inventivité en faisant intervenir d’autres personnages (Le petit Chaperon rouge, la poupée Barbie, Pinocchio, E.T. etc.) qui se rebellent un peu, las de leur rôle traditionnel, ou qui se perdent dans l’histoire d’Alice, la croisent puis repartent vers d’autres histoires, sans plus savoir où ils en sont....
    Proprement irracontable, se distinguant par l’impertinence de son ton et l’originalité de sa construction, la pièce, qui suit pourtant l’intrigue initiale, reste imprévisible, composée d’interludes musicaux, de rêves enchâssés (peut-être ceux d’un vieil homme à la barbe fleurie) et de rencontres loufoques où Alice apparaît comme une fillette lucide, contemporaine et fantasque, qui (on s’en doutait), accepte difficilement de grandir.

     

    L'éditeur

    L’épouvantable petite princesse de Geneviève Damas
    Lansman
    À partir de 7 ans

    Un roi et une reine, désespérés de n’avoir pas d’enfant, s’adressent à… l’auteur de la pièce afin qu’il leur fournisse l’héritière mentionnée dans le titre : naît donc Adélaïde, gâtée par ses parents, capricieuse et (forcément) tyrannique. La seule à pouvoir l’apprivoiser ? Sa Mémé, qui décide de l’emmener en voyage et de lui faire découvrir d’autres horizons. Au-delà de la réflexion sur l’éducation et sur les rapports de force entre enfants et adultes, le texte aux dialogues enlevés, fantaisiste à souhait, relate le parcours d’une fillette qui apprend à s’ouvrir aux autres, par le biais de diverses mises à l’épreuve. Le recours astucieux à l’auteur pour résoudre certains problèmes et venir en aide aux personnages permet une mise en abîme qui ajoute à la cocasserie de l’ensemble, tout en confrontant le lecteur, en filigrane, à ce qui sous-tend la construction d’un récit.

     


    L'éditeur
    du même auteur

    Le navigateur et l’enfant de Jean-Rock Gaudreault
    Lansman
    à partir de 9 ans

    La rencontre de deux solitudes : Nora, négligée par son père qui rentre tard le soir, et un retraité plein de bonne volonté, qui veut se rendre utile. L’enfant est d’abord irritée par la présence quotidienne du vieil homme, puis fascinée quand il se met à lui raconter sa vie d’aventures, au temps où il était navigateur. Le renversement des rôles ne manque pas d’intérêt : le vieil homme apprend à Nora à redevenir enfant en la faisant rêver ; le dénouement est un peu rapide mais la pièce reste émouvante, sans mièvrerie.

    © B. Longre

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  • Du français

    233639773.jpgParler le monde, la naissance d’une langue de Nouchka Cauwet et Sylvie Serprix, éditions Bélize, 2007

    Après Ecrire le monde et Compter le monde, Nouchka Cauwet nous offre un troisième ouvrage remarquable, un voyage (ou plutôt six…) à travers les mots, qui narre la naissance de la langue française, son évolution diachronique et les contacts multiples (emprunts, échanges, influences) qu’elle a entretenus avec d’autres langues – le latin, le grec, l’anglais, l’italien, l’arabe ou l’hébreu… On comprend ainsi le que le «combat du latin et du gaulois » fut long et plus difficile qu’on croit, on apprend comment les mots « poivre » ou « sucre » sont parvenus jusqu’à nous (depuis les Indes lointaines…), ce que les Portugais ont transmis, ou encore comment divers mots ont fait des allers-retours entre France et Angleterre… Les illustrations aux tons chauds de Sylvie Serprix se mêlent harmonieusement aux pages et aux reproductions de cartes, de textes, de tableaux anciens, et enrichissent cet ouvrage vivant et ouvert sur le monde, ponctué d’activités, qui enchantera les enfants mais aussi les plus grands – à qui il reste toujours des choses à découvrir… B.Longre

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  • Courants Noirs

    1636530389.jpgToute nouvelle collection de romans lancée par les éditions Gulfstream avec, aux commandes, l’auteur Thierry Lefèvre, Courants Noirs propose des intrigues policières, des thrillers, des romans noirs, qui ont pour décor des époques révolues, proches ou lointaines. Les deux premiers titres, Ami, entends-tu… de Béatrice Nicodème et Fleurs de Dragons de Jérôme Noirez, transportent le lecteur, respectivement, dans la France de 1943 et dans le Japon médiéval. Des romans pour tous (entendez par-là ados comme adultes), exigeants, denses et dont le grand format et les couvertures signées Aurélien Police sont une belle incitation à la lecture.

    640352773.jpg

    Deux autres titres prévus pour septembre 2008 : Attaques nocturnes de Thierry Lefèvre et L’empire invisible de Jérôme Noirez.

    www.gulfstream.fr/courantsnoirs/accueil.php

    Thierry Lefèvre est l'auteur, entre autres, de recueils de poèmes - Petites chimères et monstres biscornus (illustré par Dominique Thibault et Philippe Mignon), Les Ogresses vertes (illustré par Frédérick Mansot) dans la collection Des Poèmes plein les poches, Actes Sud Junior, de Destination Paris, avec Claude Combet (Actes Sud Junior), ou encore de Ce qui compte dans le premier baiser (Gulf Stream, Les romans bleus) et de la série Europa avec Béatrice Nicodème (Nathan).

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  • Révolution porcine… affreuse, sale et méchante ?

    Sept petits porcelets de Dorothée De Monfreid, Gallimard jeunesse, 2008

    Révolution porcine… affreuse, sale et méchante ?


    Dorothée de Monfreid, que l'on connaît entre autres à travers ses romans publiés à L'école des loisirs (dont l'excellent Croquepied), s’en donne ici à cœur joie pour brouiller les pistes narratives et proposer un joyeux panachage intertextuel, le récit s'inspirant ouvertement de contes bien connus : les allusions aux Sept petits chevreaux ou aux Trois petits cochons, déjà contenues dans le titre, ont été habilement déguisées et "digérées" par l'auteure, qui offre la vision moderne d'une famille nombreuse dont le quotidien se résume à un invraisemblable chaos. Monsieur et Madames Porc "enragent" d'avoir à contenir leurs sept porcelets, qui se comportent comme des... cochons et transforment leur maison en véritable porcherie... "Il y a de la boue sur les fauteuils, de la vieille purée séchée par terre, des meubles cassés, des traces de chocolat sur les murs, des giclées de soupe jusqu'au plafond. Et en plus, ça sent souvent mauvais."

    329039523.jpgSans parler de la pollution sonore émise par la tribu tout entière, la maison résonnant des cris et des insultes qui fusent sans discontinuer. Logique, se disent les humains, les porcs sont des porcs... tout en prenant conscience des parallèles à établir entre cette famille cochon et les familles humaines : les parents débordés, irrités à longueur de journée par une progéniture dénuée de savoir-vivre, distribuent sans compter fessées et brimades, tandis que les enfants, de plus en plus désobéissants, aimeraient bien se débarrasser de ceux qu'ils considèrent comme des tyrans en puissance qui leur imposent d’intolérable limites : "Non, vraiment, on ne peut plus supporter d'être traités de cette manière." s'exclame l’aîné (à l'allure plutôt inquiétante), instigateur d'un complot qui, dans les grandes lignes, détourne les aventures du Petit Poucet : "On va abandonner les parents dans la forêt."

    Le texte ne manque pas de cocasserie, mais demeure indissociable des illustrations qui l'accompagnent, dans lesquelles sont contenues plusieurs parties du récit. Petit ou grand, chacun y trouve son compte et l’on s'amuse tout autant des délirantes facéties des jeunes cochons livrés à eux-mêmes (qui, bientôt, sans autorité pour les guider, font de leur maison le décor d'un huis-clos digne de Sa Majesté des mouches) que l’on comprend, à demi-mots, les belles « leçons » éducatives et démocratiques suggérées par le récit ; récit qui s'apparente à la célèbre fable politique de George Orwell, La ferme des animaux... Un pur régal, à déguster de préférence en famille…
    © B. Longre

    Cet ouvrage a d'abord paru aux éditions Bréal en 2004.

    D'autres ouvrages "cochons"

    Pas cochon ! de Christine Beigel, Illustrations d’Anna Karlson - Gautier-Languereau

    Copains comme cochons de Jean-François Dumont - Flammarion, Albums du père castor

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  • L'avis d'un éditeur et auteur jeunesse (et le mien...)

    Avec son accord, je reproduis ici de façon plus visible le commentaire que Jack Chaboud, éditeur (Magnard, Plon) et auteur (jeunesse et "vieillesse" !) a laissé récemment à la suite d'un de mes billets, où il fait référence au débat qui en a agité plus d'un ces derniers temps.

    1182461711.jpg"Je lis souvent des commentaires sur le livre de jeunesse, du genre "les adolescents ont droit à toute la vérité..." ou "des ouvrages jugés trop sombres par les adultes ne le sont pas par les jeunes...".
    Je suis tout à fait d'accord, mais je crois que le problème du livre de jeunesse, dès lors qu'il entre dans le territoire intime et social, c'est qu'il doit ménager une entrée pour les jeunes, afin qu'ils puissent être concernés par les problèmes évoqués, même si ce sont des problèmes d'adultes.
    Dans ce sens, je suis quelque peu interloqué par l'attribution du prix Rhône-Alpes à un texte, Les giétes de Fabrice Vigne, dont le narrateur est un vieilllard en maison de retraite, qui évoque ses souvenirs passés à grand renfort de références historiques.
    Je pense également que Je ne veux pas mourir gibier de G. Gueraud va au-delà de ce que l'on peut proposer à de jeunes lecteurs sous le label d'un éditeur jeunesse. Libre à l'auteur, s'il en a la possibilité, de se faire publier chez des éditeurs pour adultes, lesquels sont accessibles aux bons lecteurs jeunes."
    Jack Chaboud

    Concernant Les Giètes, j'avais effectivement dit que ce roman, publié par un éditeur jeunesse, dans une collection destinée aux grands ados et aux adultes, appartenait plutôt au domaine de la littérature générale (ce qui est le cas de nombreux ouvrages de la collection Photoroman) - l'auteur, Fabrice Vigne, est le premier à le reconnaître ; et même si l'on se réjouit pour lui, on aurait apprécié que ce prix soit décerné à un livre peut-être plus proche des préoccupations de jeunes lecteurs. Quant au roman de G. Guéraud, Je ne veux pas mourir gibier (Le Rouergue, DoAdo), les avis sont partagés - un roman réaliste, dur et glaçant, qui donne la parole au mal-être adolescent (pour ma part, il m'a peu touchée et je n'ai pas grand-chose à en dire, mais on pourra lire ici l'avis de Sophie Pilaire ou les points de vue partagés sur le site de Citrouille, dont celui de Vincent Cuvellier.)

    8036219.jpgIl est vrai qu'on peut considérer que les collections "grands ados" ne répondent pas à un véritable besoin, qu'elles relèvent de la stratégie éditoriale ou que certains de ces ouvrages seraient plus à leur place en littérature générale... Un point de vue que je ne partage pas forcément. Ces collections pour « grands ados » (ou « young adults », puisque le concept vient des pays anglophones) accueillent souvent des textes que les directeurs de collections jeunesse (en gros, destinées aux moins de 13 ans) vont refuser car trop « adultes » et que les éditeurs de littérature générale considèreront d'emblée comme des textes « jeunesse » du moment qu’il y est question d’adolescence ou d’entrée dans l’âge adulte… Aussi, grâce à ces collections de transition, certains romans peuvent trouver leur place et leurs lecteurs (qui autrement en seraient privés). Un autre avantage : ces textes incitent les adultes à être plus attentifs à la littérature jeunesse, à en lire, à en parler, et leur permettent aussi, tout simplement, de découvrir de nouveaux romans et d’autres auteurs, souvent moins médiatisés. Evidemment, les « prescripteurs » peuvent avoir du mal à s’y retrouver (que conseiller ? à partir de quel âge ?), car on entre ici dans des territoires un peu flous, entre littérature jeunesse et littérature générale… mais n’est-ce pas cela aussi, l’adolescence ?

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  • Albums à foison

    Je croule sous les albums estampillés jeunesse (qui restent néanmoins accessible aux plus grands…la preuve, je les lis) et manque de temps pour en parler dans le détail – en attendant des articles plus élaborés, quelques présentations en vrac, assorties de liens qui permettront de prolonger les découvertes.

    832708378.jpgD’abord la découverte d’un album réjouissant chez Textuaire (voir Krochnouk Karapatak de Julien Martinière, publié par le même éditeur), intitulé La Ville en chantier : l’auteure, Anne Moreau , y met en scène deux petits personnages dans un décor qu’ils construisent peu à peu, à partir d’objets récupérés qu’ils recyclent à leur façon. Inventivité graphique, mise en page travaillée, élaboration d’un univers poétique singulier qui permet de dépasser la simple thématique environnementale : tout y est. Un album muet, pour tous. Le plus : des fiches jeux à télécharger ici, pour prolonger l'aventure des deux bâtisseurs.

    361865855.jpgPlus classique, mais pas moins réussi : Thésée, d’Yvan Pommaux (L’école des Loisirs). Le mythe, « fabuleuse histoire d’amour, de peur et de fureur », est ici fidèlement retranscrit, raconté dans le détail (depuis la conception du héros jusqu’à l’évocation de sa vie future), accompagné par des illustrations qui oscillent, comme souvent avec l’auteur, entre bande dessinée et album, et proposent des personnages très vraisemblables. Un glossaire complète ce bel album grand format.

     

    1583691272.jpgDu côté du conte, j’ai aimé Pourquoi personne ne porte plus le caïman pour le mettre à l’eau (le Sorbier) : non seulement le texte est signé Blaise Cendrars (extrait de ses Petits contes nègres pour les enfants des blancs, datant de 1928) mais les illustrations déstructurées de Merlin ajoutent à la cocasserie de l’ensemble , tout en étant particulièrement ouvragées.
    Les éditions du Sorbier offrent des contes appréciables, comme ceux de la collection Au berceau du monde.

     

     

    1905048608.jpgJ’avais déjà eu l’occasion de présenter d’autres contes, publiés aux éditions espagnoles OQO. Avec Le grand livre des portraits d’animaux, de Svjetlan Junakovic, un vrai livre d’artiste, on entre dans une autre dimension : l’auteur s’est approprié des toiles de maîtres pour les recréer à sa manière – les humains étant ici remplacés par des animaux, aussi expressifs que les modèles d’origine, qui conservent les costumes d’époque : babouin, brebis, lapine, bouc, tortue ou hippopotame peints par un… plagiaire (ou presque !) de talent, qui a su respecter les techniques de Vermeer, Rembrandt ou David. Un beau livre qu’on ne se lasse pas de parcourir. http://www.oqo.es/sj/

    576077482.jpgDes contes encore, mais cette fois « en balade » : des textes signés Cathy Ytak , illustrés par Joëlle Gagliardini, Simon Kroug et Corinne Salvi, publiés aux éditions La cabane sur le chien, et qui ont la particularité de proposer des destinations et itinéraires de randonnées : des promenades que l’on peut effectuer dans le Jura ou bien se contenter de découvrir à travers des histoires fantaisistes, au cours desquelles on croise un Lamartine fort mélancolique (!), un renardeau distrait ou des lutins en quête de paix.

     

    1710638202.jpgChez un autre éditeur indépendant, Balivernes, vient de paraître un album inspiré par une aventure bien réelle qu’ont suivie l’auteure, Lenia Major et l’illustratrice, Sandrine Lhomme : la naissance d’oisillons dans une jardinière suspendue à la fenêtre d’un immeuble. Cela donne Devant chez moi, l’histoire d’un petit garçon qui s’attache à la tourterelle venue pondre puis élever ses petits sous son nez. Les illustrations originales (entre collage, dessin, et emploi de divers matériaux) accompagnent un texte joyeux, abordable dès 4 ou 5 ans.

    1042223472.jpgSignalons aussi la parution, aux éditions du Jasmin, d’un livre qui n'est pas à proprement parler un album (il ne raconte pas d'histoire mais incite plutôt à la rêverie) : Le jardin du calligraphe, de Françoise Joire, auteure-illustratrice et conteuse. Sur le même principe que ses Arabalphabêtes, abécédaire sur le thème des animaux, ce nouveau livre propose une déambulation graphique botanique : aromates, arbres, fruits ou fleurs sont écrits en arabe, chaque terme étant retravaillé pour évoquer la forme de la plante choisie. Des fioritures en pointillés qui restent sobres et agréables à l’œil.

    615119262.jpgDans un tout autre registre, on saluera le retour de l’affreuse Constance - Après Constance et Miniature et l’expérience traumatisante de la pension, la fillette met un navire sens dessus dessous dans Constance et les Pirates de Pierre Le Gall et Eric Heliot (Hachette jeunesse). Quant aux éditions Usborne, elles surfent elles aussi sur la vague piratesque avec A bord d’un bateau pirate de S. Courtauld et B. Davies (pour les petits, une aventure-documentaire), auquel on préfèrera Fenêtre sur un bateau pirate de Rob Loyd Jones et Jörg Mühle – chaque page propose de multiples rabats permettant de découvrir l’intérieur des navires ou les fonds marins. Un ouvrage aux illustrations réussies, qui a bénéficié des conseils d’un expert du Musée Maritime de Londres.

    Pour finir, on ira voir du côté de L’enfant silence de Cécile Roumiguière (qui nous en avait déjà donné un bel avant-goût), illustré par Benjamin Lacombe (Seuil jeunesse) , d’Au feu les pompiers j’ai le cœur qui brûle de Christine Beigel et Elise Mansot (Gautier-Languereau) et de Lilia de Nadine Brun-Cosme, illustré par Anne Brouillard (éditions Points de suspension), trois livres dont je reparlerai.

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  • Beaux albums

    Editions Anna Chanel

    2091310183.jpgUn nouvel éditeur jeunesse publie trois albums grand format signés Nathalie Collon, qui s’est associée, pour chacun d’eux, à un illustrateur différent. Créées par Nathalie Allemand et Philippe Collon, la maison est née en 2006 « d’un désir de transmettre, une réflexion sur le monde qui nous entoure, ses valeurs, ses différences. Une petite pointe de philosophie, de la magie, de l’émotion, de la poésie », et propose des contes « modernes et philosophiques inspirées des sagesses du monde. »

    Une rencontre entre un rhinocéros (forcément imposant, mais surtout vantard) et une petite fleur (forcément fragile, mais sereine) est le point de départ de La Fleur et le Rhinocéros (illustré par Edwina Cosme), une fable sur l’amitié mais aussi sur les masques que nous revêtons pour être à la hauteur d’une réputation. Dis-moi Nanouka, finement illustré par Jennifer Trican, égrène les émotions qui peuvent naître dans le cœur de chacun (les rires, les pleurs, les joies, les colères, etc.) et mettent en scène des enfants de tous les coins du monde, tandis que Et mon cœur est immense tient davantage du recueil poétique – succession de tableaux (signés Florent Espana), accompagnant des textes délicats, certes moins accessibles au jeunes lecteurs que les précédents. Un joli départ pour une aventure éditoriale et artistique à laquelle nous souhaitons de perdurer. B.Longre

    http://editionsannachanel.com

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  • Juvenilia

    451517487.jpgHyde Park Gate News - The Stephen Family Newspaper - Virginia Woolf, Vanessa Bell, with Thoby Stephen
    Introduction et notes Gill Lowe, Avant-propos Hermione Lee - Hesperus Press.

    Le journal de Hyde Park Gate - Traduit de l'anglais par Anne Rabinovitch - Mercure de France, 2006

    Un enchantement juvénile, semaine après semaine...


    Les éditions Hesperus publient un ouvrage inédit de Virginia Woolf (née Stephen), un petit événement éditorial et littéraire qui devrait ravir amateurs et curieux. Gill Lowe a longuement étudié certains manuscrits inédits de la famille Stephen (qui dormaient depuis des années à la British Library), et cette étonnante publication, destinée à la fois au grand public et aux chercheurs, est le fruit d’un travail patient : les manuscrits reproduits ici sont ceux d’un journal rédigé en 1891-1892 et en 1895 par Vanessa, Virginia et Thoby, les enfants de Leslie Stephen (biographe, éminent critique littéraire) et de Julia Jackson, la famille résidant au 22, Hyde Park Gate. Les garçons étaient envoyés en pension, mais les filles étudiaient à la maison, et occupaient une partie de leur temps libre en rédigeant cette publication collective… Réalisés artisanalement, les journaux (hebdomadaires) relatent principalement les événements quotidiens de la maisonnée (les plus graves étant abordés avec légèreté ou tout simplement omis), les sorties et les divertissements des enfants, les péripéties des animaux domestiques, en laissant une place importante à la fiction et à l’imagination, en toute liberté ; une précieuse source primaire qui apporte d’abondantes informations biographiques et littéraires sur la jeune Virginia, que l’on voit ici, à l’âge de dix ans, faire ses premières armes avec la rédaction de petits récits fictifs et de juvenilia comme "A Midnight Ride".

    L’ensemble est un régal, un sentiment en partie généré par le ton vivifiant et satirique qui se dégage de nombre de productions (l’ironie étant passablement amplifiée par le procédé narratif de la troisième personne…) : « love letters » parodiques que s’échangent des couples d’amoureux ingénus ou stupides, histoires sans paroles, abécédaires sous forme de poèmes, portraits cocasses de visiteurs inopportuns ou ennuyeux, extraits de journaux intimes (là encore factices), jeux de mots et astuces inventés par les enfants, récits des événements et des anecdotes ponctuant la vie de famille (anniversaires, fêtes de Noël, retours de Thoby, etc.), ou surnoms dont sont affublés certains membres (dont Laura, enfant d’un premier mariage de Leslie, « the Lady of the Lake », internée la plupart du temps)… remplacés, au fil du temps, par des textes abstraits plus complexes et matures.

    Les journaux sont ici disposés en colonnes, ainsi qu’ils l’étaient à l’origine, et les précisions relatives aux supports et aux plumes utilisées ajoutent au caractère authentique et poignant de l’ensemble, de même que la reproduction des erreurs orthographiques des petits écrivains... On retrouvera aussi en fin d’ouvrage la biographie complète de chacun des membres de la famille et des amis proches apparaissant dans les journaux, ainsi que quelques clichés photographiques qui participent de la délicieuse atmosphère désuète d’un temps bel et bien révolu, celui de l’enfance insouciante et joyeusement érudite. © B. Longre

    http://www.hesperuspress.com/

    http://www.virginiawoolfsociety.co.uk/

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  • Fête du Livre Jeunesse de Villeurbanne

    1633905675.jpgAprès deux éditions consacrées à la mémoire et au souvenir, la 9ème édition de cette fête aura lieu du 2 au 6 avril 2008 sur le thème de "Et toi, ton toit ?"

    Pourquoi le thème de l'habitat ? Car la maison est omniprésente en littérature jeunesse -  "à travers la maison imaginaire que représentent toute cabane édifiée, la maison des contes, ou plus simplement la maison que l'on habite, que l'on partage. Quelquefois il n'y a pas de maison du tout et l'habitat devient précaire, on couche dehors ou en foyer, on habite chez l'un ou chez l'autre. On peut en arriver à quitter sa maison pour un logement provisoire : une chambre d'hôtel, une cellule de prison, une chambre d'hôpital, un centre de rétention. Il faut alors se réapproprier l'espace, apprendre à vivre avec d'autres. Ce sont tous ces cas de figures que va tenter de visiter la Fête, avec les ouvrages de plus de 40 auteurs ayant réfléchi sur ce thème."

    L'invitée d'honneur : Cécile Gambini.
    Les autres auteurs / illustrateurs :  Franck Andrat, Barroux, Nicolas Bianco-Levrin, Julia Billet, Betty Bone, Sonji Bougaeva, Edmée Cannard, Alex Cousseau, Jennifer Dalrymple, Thierry Dedieu, Sylvie Deshors, Anne-Laure de Keating-Hart, Delphine Durand, Jean-Luc Englebert, Pascal Garnier, Bruno Gibert, Nolween Godais, Bruno Heitz, Philippe Lechermeier, Thierry Lenain, Frédérick Mansot, Susie Morgenstern, Jean-Paul Nozière, Caroline Palayer, Sacha Poliakova, Marjorie Pourchet, Eric Puybaret, Hélène Riff, Jérôme Ruillier, Irène Schoch, Florence Thinard et Fabrice Vigne.

    Une journée professionnelle aura lieu le vendredi 4 avril, sur le thème de Littérature jeunesse et engagement politique.

    www.mairie-villeurbanne.fr/fete_livre_jeunesse_2008/

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  • Revue des livres pour enfants

    1527908737.jpgRevue des Livres pour enfants, n° 239 – février 2008 (La Joie par les Livres, Centre national de la littérature pour la jeunesse / BNF)

    Ce numéro, hormis les habituelles recensions (romans, livres CD, poésie, albums, BD, documentaires… - ou encore publications théâtrales, rubrique à laquelle je contribue), comprend un dossier détaillé consacré à la littérature jeunesse en Israël, qui retrace son émergence (depuis les années 1960) et propose des portraits de plusieurs auteurs ; la revue se penche aussi sur les livres en langue arabe, sur l’alphabétisation des enfants immigrés et le rôle des bibliothèques, ou sur les traductions de livres jeunesse en Allemagne. On y lira aussi un beau texte de Valérie Zenatti (auteure de Quand j’étais soldate).

    Annick Lorant-Jolly, rédactrice en chef, signe un article qui intéressera tous ceux qui s’interrogent encore sur la polémique lancée par le Monde en décembre dernier : « La littérature pour adolescents à nouveau en débat ». On appréciera son point de vue éclairé et l'ouverture d'esprit dont elle fait montre.

    La Revue des livres pour enfants

    www.lajoieparleslivres.com

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  • Jolie rencontre...

    522281294.jpg... avec Christine Beigel - un article de Magali Turquin, à lire sur le site des Histoires sans fin. Elle y présente son parcours d'auteure, ses derniers ouvrages et de ses activités d'éditrice aux éditions Après la Lune.

    Les Histoires sans fin, site consacré à la littérature jeunesse géré par Fred Ricou, propose des chroniques, des entretiens, des coups de coeur et de nombreuses autres informations.

    http://www.leshistoiressansfin.com/

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  • Araluen - Tome 3

    712787050.jpgL'APPRENTI D'ARALUEN - La Promesse du Rôdeur (tome 3)
    roman de John Flanagan - traduit de l'anglais (Australie) par B. Longre - Hachette romans jeunesse - 5 mars 2008

    Le tome 1
    Le tome 2
    L'auteur
    L'éditeur

    (Les droits de la série viennent d'être achetés par United Artists. Le cinéaste Paul Haggis devrait réaliser prochainement l'adaptation du premier tome.)

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  • Mort anonyme

    380238938.jpgUne nuit de Christine Féret-Fleury, Editions Motus, collection Mouchoir de poche.

    Une écriture limpide, des flocons qui tombent, une galerie de personnages pris à un instant T, sur le vif, « chacun dans sa vie» - quelques habitants d’un immeuble qui ont tous aperçu la voiture rouge, (mal) garée, en bas ; une voiture solitaire bientôt couverte d’un « tapis de velours blanc » et dont personne ne se soucie vraiment (hormis le policier retraité qui s’offusque…). Ce n’est qu’au petit matin qu’on découvrira ce que cachait la présence de cette voiture.
    Les illustrations très basiques (conçues par l’auteure – c’est en effet l’un des principes de la collection) ne proposent aucun portrait : seulement des objets qui incarnent l’un ou l’autre personnage et, en leitmotiv, une fenêtre close, qui pourrait symboliser l’indifférence au reste du monde, le repli sur soi, au chaud – ce qu’entend dénoncer Christine Féret-Fleury par le biais de la poésie, sans moraliser ni culpabiliser le lecteur (ou à peine). L'histoire pudique et poignante d'une mort anonyme. B. Longre

    http://motus.zanzibart.com/

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  • Deux livres, deux mises en scène...

    Suite à la note présentant quelques initiatives novatrices visant à promouvoir autrement les livres et la lecture, deux autres propositions à découvrir. Une lecture pour un album, un clip pour un roman.

    156f0bfc79070d78c1e9181c130115be.jpgCécile Roumiguière invite à venir écouter/admirer une minute de lecture de son prochain album, L'enfant silence (Seuil Jeunesse), accompagnée des illustrations de Benjamin Lacombe ; un extrait mis en musique par Benoît Widemann. Une présentation réussie qui donne envie de pouvoir feuilleter l'album... http://www.cecileroumiguiere.com

    De leur côté, les éditions Flammarion jeunesse innovent aussi en proposant une bande-annonce : celle du roman de Bertrand Puard, Les Compagnons du Sablier (tome 1 : Les momies de Cléopâtre), à paraître le 3 mars prochain. Voir la bande-annonce

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  • Loi 1949 - suite

    37ae78c194497649d0911ad2efaff4b8.jpgDans Citrouille, Claude André, libraire à L'Autre Rive, propose un article portant sur la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ; il la resitue dans son contexte, en explique la fonction et en explore les limites avec claivoyance - en insistant sur le fait qu'il ne faudrait pas confondre enfance et adolescence... "La loi est imparfaite mais sûrement nécessaire et rien n’empêche les éditeurs qui pensent qu’on peut s’adresser à des ados comme à des adultes de s’affranchir de cette loi en ne s’y référant pas."

    Sur la censure, on lira aussi ceci.

    les autres pages de ce blog qui font référence à cette loi :

    http://blongre.hautetfort.com/archives/category/liberte_d_expression.html

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  • Le Guide de l'édition jeunesse

    c778412f6f007c1bda9dd06626b560d4.jpgCe guide fort utile propose des conseils pratiques aux créateurs, un annuaire professionnel (plus de 1400 adresses - éditeurs, salons, auteurs, illustrateurs, organismes, sites internet, écoles d'art, prix littéraires, etc.) et des annonces professionnelles.

    pagesperso-orange.fr/mclfrance/index.htm

     

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