ClairVision de Nathalie Riera
illustrations de Lambert Savigneux
à découvrir ici.
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ClairVision de Nathalie Riera
illustrations de Lambert Savigneux
à découvrir ici.
Le deuxième numéro de la revue que je coédite avec le poète Paul Stubbs paraît dans quelques jours. On peut désormais le commander en ligne (ou par email), en attendant de le trouver dans les librairies signalées sur le site.
http://blackheraldpress.wordpress.com/buy-our-titles/
On pourra y lire, entre autres, des textes (en version originale et en anglais) des poètes français Laurence Werner David (poème traduit par John Taylor), dont nous avions déjà publié un poème (L'Epousé / The Bridegroom) dans le premier numéro de la revue, Pierre Cendors (dont le prochain roman, après Engeland, paraîtra en octobre chez Finitude) et Jos Roy, dont on peut découvrir des textes dans le dernier numéro des Carnets d'Eucharis, et qui tient un blog poétique (vivement recommandé) : http://belarbeltza.blogspot.com/
On pourra de même lire une sélection d'aphorismes de Georges Perros (choisis et traduits par John Taylor) ainsi qu'un essai portant sur le poète Tristan Corbière (par Jean-Baptiste Monat, avec sa version anglaise en regard, par Rosemary Lloyd), un autre sur Arthur Rimbaud (par Paul Stubbs) et un troisième sur Jacques Derrida (par l'auteur britannique Hugh Rayment-Pickard). Du côté des aphorismes, nous publions aussi le Slovaque Róbert Gál (traduit par Michaela Freeman), qui est l'auteur d'un ouvrage paru chez Twisted Spoon Press (Signs & Symptoms), entre autres.
Les poètes de langue anglaise (pour la plupart traduits en français dans ce numéro), originaires d'Inde, de Grande-Bretagne, de la Nouvelle-Zélande ou encore des États-Unis sont eux aussi bien représentés : W.S. Graham (encore peu connu en France), Clayton Eshleman (par ailleurs traducteur de César Vallejo, d'Antonin Artaud ou d'Aimé Césaire, plus d'informations ici), Andrew Fentham, Hart Crane, Paul Stubbs, Alistair Noon, Iain Britton, Gary J. Shipley (dont on recommande l'ouvrage Theoretical Animals) Sudeep Sen, Will Stone, Delphine Grass et Michael L. Rattigan. Par ailleurs, on retrouvera le Néerlandais Onno Kosters (poèmes extraits d'un ouvrage intitulé Anatomy of Silt).
Quant à la prose et à la fiction, nous sommes heureux d’accueillir des auteurs de divers horizons, dont Jacques Sicard (dont on peut lire certains textes ici) Dumitru Tsepeneag, André Rougier, Khun San, mais aussi le Péruvien César Vallejo (traduit par Michael Lee Rattigan), Danielle Winterton (qui coédite la revue Essays & Fictions), Lisa Thatcher, Anne-Sylvie Salzman, Dimíter Ánguelov (traduit par Cécile Lombard) et Robert McGowan (dont on peut découvrir les travaux et les ouvrages ici).
Enfin, nous remercions Jean-François Mariotti et Romain Verger pour leurs photographies.
Pour toute information supplémentaire sur les contributeurs de ce numéro.
Contact : blackheraldpress(at)gmail(point)com
A découvrir sur LIVRENBLOG : Poëtique de Pierre Louÿs.
“Vers ou proses, les poëmes sont des créatures ; et qui vivent ; qui respirent ; qui sont pleines d’organes ; qui mourraient d’un mot coupé.
Créatures plus qu’humaines, filles peut-être éternelles de l’esprit qu’elles dépassent ; enfantées mais non préconçues.”
(extrait de la première version, parue en 1916 - on trouvera la seconde version ici)
Revue numérique gratuite (à lire en ligne, télécharger et partager) - poésie, littérature, arts plastiques - éditée par Nathalie Riera.
Issue #2 – September 2011 - Septembre 2011
162 pages - 13.90 € – ISBN 978-2-919582-03-7
Poetry, short fiction, prose, essays, translations.
Poésie, fiction courte, prose, essais, traductions.
With / avec W.S Graham, Danielle Winterton, Dumitru Tsepeneag, Clayton Eshleman, Pierre Cendors, Onno Kosters, Alistair Noon, Anne-Sylvie Salzman, Róbert Gál, Andrew Fentham, Hart Crane, Delphine Grass, Jacques Sicard, Iain Britton, Jos Roy, Michael Lee Rattigan, Georges Perros, Laurence Werner David, John Taylor, Sudeep Sen, César Vallejo, Cécile Lombard, Michaela Freeman, Gary J. Shipley, Lisa Thatcher, Dimíter Ánguelov, Robert McGowan, Jean-Baptiste Monat, Khun San, André Rougier, Rosemary Lloyd, Hugh Rayment-Pickard, Sherry Macdonald, Will Stone, Patrick Camiller, Paul Stubbs, Blandine Longre.
and essays about / et des essais sur Arthur Rimbaud, Tristan Corbière, Jacques Derrida.
Images : Romain Verger, Jean-François Mariotti. Design: Sandrine Duvillier.
photo de couverture © Romain Verger
The Black Herald is edited by Paul Stubbs and Blandine Longre
Comité de Rédaction : Paul Stubbs et Blandine Longre
Issue #2 – September 2011 - Septembre 2011
13.90 € – ISBN 978-2-919582-03-7
Poetry, short fiction, prose, essays, translations.
Poésie, fiction courte, prose, essais, traductions.
With / avec W.S Graham, Danielle Winterton, Dumitru Tsepeneag, Clayton Eshleman, Pierre Cendors, Onno Kosters, Alistair Noon, Anne-Sylvie Salzman, Róbert Gál, Andrew Fentham, Hart Crane, Delphine B. Grass, Jacques Sicard, Iain Britton, Jos Roy, Michael Lee Rattigan, Georges Perros, Laurence Werner David, John Taylor, Sudeep Sen, César Vallejo, Cécile Lombard, Michaela Freeman, Anne-Sylvie Salzman, Gary J. Shipley, Lisa Thatcher, Dimíter Ánguelov, Robert MacGowan, Jean-Baptiste Monat, Khun San, André Rougier, Rosemary Lloyd, Hugh Rayment-Pickard, Sherry Macdonald, Will Stone, Patrick Camiller, Paul Stubbs, Blandine Longre.
and essays about / et des essais sur Arthur Rimbaud, Tristan Corbière, Jacques Derrida.
Images : Romain Verger, Jean-François Mariotti. Design: Sandrine Duvillier.
The Black Herald is edited by Paul Stubbs and Blandine Longre
Comité de Rédaction : Paul Stubbs et Blandine Longre
Vient de paraître : le numéro 10 de la revue littéraire Le Zaporogue, éditée par Sébastien Doubinsky.
Just published: issue 10 of the free-to-download literary magazine, The Zaporogue. Editor: Sébastien Doubinsky.
VANESSA VESELKA, ANNE-SYLVIE HOMASSEL, LISA THATCHER, MAYA BYSS, PETER LAUTROP, JONAS LAUTROP, VERA KOLESSINA, ARLENE COLOMBE HIQUILY, DARREN DEICHEN, ANNE-SYLVIE SALZMAN, MARC BRUNIER MESTAS, CYRILLE VINRECH, MITCHELL ZYKOFSKY, ELIZABETH TWIDDY, AGATHE ELIEVA, FRANK CESARINI, MATT BIALER, JERRY WILSON, NICOLAS RICHARD, JIM GREER, JACQUES SICARD, ALEX SCHREIBER, MATTHEW REVERT, M.A. LITTLER, C.A. COLTON.
The Wolf, The magazine for new poetry, issue 24 – mars 2011
Le dernier numéro de la revue de poésie The Wolf, que dirige le poète anglais James Byrne (voir son dernier recueil Blood / Sugar, publié par Arc Publications) depuis 2002, entre Londres et New York, revue qui a toujours proposé une ligne éditoriale soignée et de qualité (loin de la vacuité qu’engendre fréquemment une certaine poésie contemporaine dénuée de profondeur, qui se repaît du domestique et de l’anecdotique), contient de beaux textes qu’apprécieront sans nul doute tous ceux qui lisent l’anglais. On citera entre autres les poètes Anne Waldman (dont le recueil bilingue Fast speaking woman a paru en 2008 chez Maelstrom), John Kinsella, Gabriel Levin (dont je recommande le recueil Ostraca, paru en édition bilingue aux éditions Le bruit du Temps, traduction d’Emmanuel Moses) mais aussi Will Stone (dont le dernier recueil, Drawing in Ash, vient de paraître), Paul Stubbs (un poème intitulé The Last Signs of Science), ainsi que des traductions du macédonien (Nikola Madzirov) ou encore du birman (le poète Zawgyi). Ailleurs, Sandeep Parmar propose une critique éclairée et précise de deux recueils récents, Man of Glass de Tabish Khair (Harper Collins) et Kalagora de Siddhartha Bose (Penned in the Margins) – deux poètes que l’on pourra lire aussi dans le premier numéro de la revue The Black Herald. Le tout accompagné de toiles signées Bahram, dont le site vaut assurément de détour.
Pour se procurer la revue
http://www.wolfmagazine.co.uk/buy.php
de la revue de littérature THE BLACK HERALD, numéro 1
lien direct http://www.calameo.com/read/0004709157335e99f2e97
Le premier numéro de la revue de littérature THE BLACK HERALD paraît en janvier. Au sommaire, poésie, fiction, essais et traductions - en français et en anglais.
Issue #1 – January 2011 – Janvier 2011
160×220 – 148 pages - 13.90 €
ISBN 978-2-919582-02-0
Le numéro est disponible en pré-commande
(connexion sécurisée - PayPal ou Carte)
Texts by / Textes de :
Blandine Longre.
Images: Emily Richardson • Romain Verger • Will Stone
Design: Sandrine Duvillier
Présentation à lire, sur le blog de Bartleby les yeux ouverts et sur celui du Visage Vert.
...à propos du poème The Unseen, de Sarah Teasdale, et de ses nombreuses traductions / adaptations / transpositions... à découvrir en détail sur l'excellent blog de Daniel Cunin, traducteur du néerlandais – blog consacré aux Flandres et aux Pays-Bas à travers leurs écrivains.
http://flandres-hollande.hautetfort.com/
Le site
blackheraldpress.wordpress.com/
Pour commander les ouvrages
blackheraldpress.wordpress.com/buy-our-titles/
Le blog
La page sur Facebook
Les éditeurs préparent activement la revue à venir, brièvement présentée ici :
http://blackheraldpress.wordpress.com/magazine/
(merci à Romain Verger pour cette photo)
Paul Stubbs, co-editor of Black Herald Press, is interviewed by Darran Anderson on 3:AM Magazine's Buzzwords blog (21/09/2010)
1) Where did the idea for Black Herald Press originate and what is the significance of the name?
To begin with, we had the idea to self-publish two of our own works, to be for once in full control of our own editing and production. But then while in this process and through speaking with friends who have their own publishing houses here in Paris, we decided to push the project further by publishing our own literary magazine and also future individual works of originality that we feel attracted to; hence the birth of Black Herald Press.
The title of the press is significant only in that it is taken from Los Heraldos Negros / Black Heralds, the first collection by the Peruvian poet César Vallejo, an important figure and influence. Beyond that, the word ‘Herald’ suggests a birth and/or declaration of something new and formidable that is close to announcement. Also we wanted a name that very few people would forget, and this seemed perfect.
2) The emphasis of Black Herald, your own poetry and the writing of your Black Herald co-editor, the poet, writer and translator Blandine Longre, tends to focus on, for want of a better less-reductive term, “visionary” poetry (your website bears a masthead by William Blake which is a hint). It’s a tradition that’s been largely buried in Britain but embraced in Europe, do you see Black Herald as being part of this lineage? And, if so, who would you see as being influences?
The title came first then, by chance, the Blake image, but we knew at once that when put side by side they possessed a powerful and symbiotic connection. I am not sure a ‘tradition’ of anything you could call visionary poetry has ever really existed in England, though of course there were and still are poets (outside of any movement or school) who could be described as possessing the faculties of a visionary power. At The Black Herald, the only ‘lineage’ we really want to pursue and be a part of is poetry that pushes the boundaries of what language can and cannot do...
READ MORE :
http://www.3ammagazine.com/3am/five-for-black-herald-press-paul-stubbs/
C'est nouveau et c'est ici
http://blackheraldpress.wordpress.com/
Et le Visage Vert (dont le numéro 17 paraîtra le 7 octobre 2010 aux éditions Zulma) vous dit tout là
Cette guêpe me regarde de travers
Poèmes en deux langues d’Oscar Mandel
Éditions Bruno Doucey, Collection L’autre langue, 2010
Oscar Mandel, né en Belgique en 1926, partage son temps entre Los Angeles et Paris et écrit librement en deux langues. Voilà pourquoi les poèmes en français en regard de chacun des poèmes en anglais (et vice-versa) ne sont nullement des traductions mais des variations qui « ne font que happer le moment », précise l’auteur, pour qui « chaque poème se veut molécule libre, et libre de se cogner contre une autre ». Au lecteur de tracer son chemin, donc, dans ce recueil dont la facétie n’est souvent qu’un leurre permettant de désamorcer temporairement des pensées intenses et des questionnements lucides, sans concession, comme dans le poème intitulé « Do not place your trust in babies » (« Méfie-toi des bébés ») :
Do not place your trust in babies:
Himmler was one.
Ami, méfie-toi des bébés.
Himmler en fut un.
The Birth of the Third Reich
After "Triptych 1976" by Francis Bacon
(for Blandine)
http://paulstubbspoet.wordpress.com
(published in The Wolf, the magazine for new poetry, London / New York, issue 23, June 2010).
Tous les numéros de The Wolf, magazine édité par James Byrne, publié trois fois par an, sont disponibles à Paris chez Shakespeare & Co (37 rue de la Bûcherie) ou bien peuvent être commandés en ligne.
Le dernier numéro contient plusieurs reproductions des travaux du peintre Scott Anderson, dont on peut admirer quelques-unes des toiles sur son site.
Nouveau numéro de la revue littéraire et artistique le Zaporogue.
New issue of the free-to-download literary and artistic mag, Le Zaporogue.
ou commande de l'ouvrage papier.
On pourra y lire, entre autres, quelques-uns de mes poèmes, d'autres de Paul Stubbs, une nouvelle d'Anne-Sylvie Salzman, La brèche, illustrée par Bobo + Bobi, une autre de Jerry Wilson (dont on recommande le recueil paru récemment chez Zanzibar, Park Avenue) d'autres poèmes de Sébastien Doubinsky, de Yahia Lababidi, de Kris Saknussemm, ou encore des nouvelles de Sabine Wyckaert.
Avec / with :
Yahia Lababidi
Frieda Marie Gade
Marlène Tissot
Casper Mack
Crescent Varrone
Stephen Weeks
Christian Bonde Korsgaard
Blind Poet / Poète aveugle
De Lawrence Ferlinghetti
édition bilingue, traduction de l'anglais par Marianne Costa
Maelström & Le Veilleur, 2004
Dernier poète vivant de la Beat Generation, Lawrence Ferlinghetti demeure prolifique, en témoignent ces poèmes publiés en 2004 par Maelström (éditeur "belge de littérature" - et non l'inverse) qui nous offre là un excellent recueil, entièrement bilingue, pour le plus grand plaisir du lecteur - qui s'intéressera ainsi au travail précis de la poétesse Marianne Costa, traductrice de l'ensemble ; une publication en français qui réjouit l'auteur "après un hiatus de près de trente ans, pendant lequel les lecteurs ont été privés de mon travail traduit dans la belle langue française."
Composés après 9/11 et regroupés sous le titre Touriste des Révolutions (Prendre la parole après le 11/9) / A Tourist of Revolutions (Speaking Out after 9/11), ces poèmes sont ancrés dans une réalité géopolitique et sociale qui nous est familière : complaintes, accusations, et constat des "troubles" engendrés par la volonté d'omnipotence d'un gouvernement américain dont les actes impérialistes ne cessent de choquer les consciences ; et la plume du poète de dénoncer la déliquescence des libertés, d'interroger sans répit le nouveau visage du monde et d'éclairer nos esprits de vers libres lumineux, en un mixe de désillusion et de sagesse acquise au fil de l'Histoire ; des textes lucides qui, tout en délivrant un message complexe, sont volontairement explicites :
"Et une vaste paranoïa déferle sur le pays
Et l'Amérique transforme l'attentat contre ses Tours Jumelles
En début de Troisième Guerre mondiale
La Guerre contre le Tiers-Monde"
(Speak Out)
On regrettera que le français perde au passage le sens double du terme "Third" car le poète parle davantage de la guerre au "Third World" (Le Tiers-Monde) que de la "Troisième". Il reste que les positions politiques et humaines de Ferlinghetti, à travers ces quelques lignes, sont déjà circonscrites : sans jamais encourager le terrorisme, il revendique un droit à la parole, pour lui et pour ses concitoyens (la "Majorité silencieuse"), ou encore pour la marge, "ces freaks et ces libres penseurs / Poètes aux yeux fous Philosophes de l'asphalte (...) / Exilés dans leur propre pays !", incitant (non pas en moralisant, mais seulement par le biais de sa vision individuelle) les uns et les autres à enfin mêler leurs voix. La passion véhémente que le poète met dans ses vers ne lui fait nullement perdre sa lucidité politique et sa posture rationaliste, car c'est autant au coeur qu'à la raison qu'il choisit de s'adresser ("Pour chaque bombe qu'on largue / surgissent mille Ben Laden / Mille terroristes.") Les images sont parfois empruntées aux temps anciens, pour renforcer l'idée que c'est du désordre des esprits de la minorité - les gouvernants - que naissent les désordre du monde actuel, reprenant là une idée chère à Shakespeare, celle du chaos qu'un microcosme peut transmettre au macrocosme : "Ils ont transformé la Maison Blanche / en Cheval Blanc / leur Cheval de Troie / plein de soldats civils / avec des armes de destruction nocive / un mot nouveau pour leur cerveau / ou (...) leur personnalité pathologique."
Mais les attaques directes contre Bush et ses sbires (les "nouveaux proto-fascistes de la Maison Blanche") s'accompagnent d'une désespérance palpable, plus particulièrement visible dans le poème "Démocratie Totalitaire/Totalitarian Democracy", lente et ambivalente énumération nominale retraçant dans le désordre l'histoire du monde (l'ancien et le nouveau), inventaire implacable, de "La première aube exquise de la vie sur terre" à "La dernière lamentation pour la démocratie perdue" ; un poème qui fait écho à une autre litanie ("J'attends / I am waiting") qui laisse, cette fois, une toute petite place à un espoir - certes teinté de cynisme : "J'attends avec bonheur / que les choses empirent beaucoup / avant de s'arranger." Un poème où Ferlinghetti s'interroge aussi sur la fonction du poète tout en rendant un hommage discret à John Keats (Ode on a Grecian Urn) et, en remontant plus loin dans le temps, à John Donne (The Canonization) - dont la sarcastique et paradoxale lucidité valait bien, sur un tout autre terrain, celle du poète Américain - écho que l'on retrouve dans ces quelques vers :
"J'attends d'écrire
le grand poème indélébile
(...)
et à perpétuité j'attends
que les amants fuyant sur l'urne grecque
se rattrapent enfin
et s'enlacent."
Mais c'est dans le poème intitulé "A Tourist of Revolutions" que l'auteur s'interroge plus ouvertement encore sur l'authenticité de son engagement passé (en particulier à Cuba) et sur sa postérité - pour lui compromise... Il est permis d'en douter quand on lit d'autres textes encore, des poèmes où la vision géopolitique d'un monde en perdition s'élargit et s'attache à décrire ce qui déjà fait notre quotidien ; par exemple à travers un dialogue entre un père et un fils ("It's Us Stupid / C'est nous, Idiot") qui prend la forme d'un cruel jeu de questions-réponses dévoilant l'absurde farce que nous nous jouons, malgré nous, et qui retrace les dysfonctionnements actuels (pollution et environnement, pauvreté matérielle et affective, outrances de la société de consommation, situation du tiers-monde, surpopulation - thème qu'il développe aussi dans le très ironique "Le blues de la ponte"). L'ensemble s'achève sur un habile et réjouissant détournement du Lord's Prayer (Notre Père), dans lequel on lit la détermination subversive du poète ("Our Father whose art's in Heaven / Hollow be thy name / Notre Père qui crées aux Cieux / que ton nom soit démystifié"), refus flagrant d'une instance supérieure, sur laquelle les humains n'auraient pas prise, pour finir sur un cinglant "Ah, Man !"- qui, hormis son insolence salutaire, replace d'emblée l'humain au centre du monde.
Pilier de la contre-culture
La dissidence active et courageuse de Lawrence Ferlinghetti résonne comme une évidence à travers ses textes ; la lecture de cette plume impatiente, pressée, osant dire sans feintes ce que la "majorité silencieuse" ne veut/peut/sait exprimer, qui a traversé le XXe siècle et perdure aujourd'hui, se vit comme une expérience unique et marquante. Davantage encore si l'on sait que le poète est aussi peintre, romancier, éditeur et traducteur (de Prévert ou de Pasolini...) ; une personnalité au centre de la Renaissance littéraire de San Francisco - et ce depuis les années 1950, quand il fonde, avec Peter Martin, City Lights, la désormais célèbre librairie indépendante de San Francisco. La librairie, qui vend du "paperback" (livre de poche) de qualité, s'est agrandie au fil des décennies, mais dès 1955, le poète décide d'étendre son champ action en montant, en parallèle, une maison d'édition (City Lights Publishers) ouverte aux littératures alternatives, aux idées progressistes et aux poètes dissidents (dont Georges Bataille et Charles Bukowski).
Touriste des Révolutions est suivi d'autres textes choisis par Ferlinghetti lui-même, dont Allen, un émouvant hommage à Ginsberg (dont le célèbre Howl paraît en 1956, dans la première collection de la toute récente maison d'édition City Lights) et un ensemble de poèmes intitulé Comment peindre la lumière (plus précisément "Sunlight"), qui reflète les préoccupations du Ferlinghetti peintre et où l'esthétisme prend le pas sur le politique. Une poésie visuelle, dédiée au dieu soleil et pétrie d'ombres et de lumières, et qui, en mêlant poésie et art pictural, langage et vision dans une étonnante synesthésie (on pense entre autres à e.e. cummings), illustre pleinement la puissance d'évocation du verbe.
Une autre partie, Migrations Surréelles / Surreal Migrations (1999), fait la part belle à une poésie cosmique, inspirée par l'antiquité et par des croyances disparues : une géographie liquide de l'esprit qui épouse les flux des pensées ("Surreal Migrations II") ; et sans s'éloigner des préoccupations politiques que l'on trouve dans Touriste des Révolutions ("Venus de Milo sur une demi-coquille / Statues de la Liberté à Las Vegas (...) Et inondés de baratin / des millions de gens salivent / sous les panneaux"), le poète offre des vers qui dévoilent son rapport au monde avec, au premier plan, l'omniprésence des éléments naturels et un retour nostalgique sur sa jeunesse révolue de bohémien éclairé. Un groupement de textes plus optimistes, qui s'achève sur une autre prière, cette fois adressée "À l'oracle de Delphes ("To the Oracle at Delphi") :
"Sors enfin de ta grotte
Et parle-nous par la voix du poète
La voix de la quatrième personne au singulier
(...)
Et donne-nous de nouveaux rêves à rêver
de nouveaux mythes à vivre !"
Tant que les poètes parleront ainsi, tant qu'ils refuseront la facilité de l'aveuglement, nous les écouterons.
(B. Longre, juillet 2005)
http://www.maelstromeditions.com/
http://www.citylights.com/CLlf.html
Chez le même éditeur, a paru en traduction (par Marianne Costa) A Coney Island of the Mind et autre poèmes ; ce recueil initialement publié en juin 1958 par City Lights, a été réédité dans un beau format en 2008 (avec un CD) pour fêter son cinquantième anniversaire.
New collected poems de W.S. Graham (Faber)
"The beast that lives on silence takes
Its bite out of either side.
It pads and sniffs between us. Now
It comes and laps my meaning up.
Call it over. Call it across
This curious necessary space.
Get off, you terrible inhabiter
Of silence. I’ll not have it. Get
Away to whoever it is will have you."
Le point de vue de Harold Pinter
Le poète en lecture (1979)
Sur le site de Faber
I LEAVE THIS AT YOUR EAR
For Nessie Dunsmuir
I leave this at your ear for when you wake,
A creature in its abstract cage asleep.
Your dreams blindfold you by the light they make.
The owl called from the naked-woman tree
As I came down by the Kyle farm to hear
Your house silent by the speaking sea.
I have come late but I have come before
Later with slaked steps from stone to stone
To hope to find you listening for the door.
I stand in the ticking room. My dear, I take
A moth kiss from your breath. The shore gulls cry.
I leave this at your ear for when you wake.
Copyright © The Estate of W.S. Graham, 2000.
Crucifixion (triptych, 1965)
After Francis Bacon
1.
A woman, unscripted, she bends into her
flesh; fidgeting, squirming, contorted:
As if the molten-metal from the mould
of the swastika
it was being intravenously fed into her
veins…
While Satan, upon his sunbed, grins.
2.
Arms pinioned, the epoch is suspended.
From the ripped-open gut spills the
detritus of the century:
fragments of a failed despot’s
speech, a bishop’s vertebrae,
bomb-shells etc
– A crucifixion also begins to stop.
3.
Two journalists, at lectern, in court:
Idly discuss the cricket game or the
gas-chambers.
“I am moving” cries the Nazi behind them,
“back through the death-throes of my sins!”
– God, out of frame, indifferent:
force-feeding him the ashes
of the survivors of Auschwitz.
© Paul Stubbs
(The Icon Maker, Arc Publications, 2008)
Crucifixion (triptyque, 1965)
D’après Francis Bacon
1.
Une femme, improvisée, elle se replie sur sa
chair ; s’agite, se tortille, se contorsionne :
Comme si le métal fondu du moule
de la croix gammée,
on le lui injectait par
intraveineuse…
Tandis que Satan, sur son lit à bronzer, affiche un large sourire.
2.
Les bras cloués, l’ère demeure suspendue.
De ses tripes déchirées, se déversent
les détritus du siècle :
le discours fragmenté d’un despote
déchu, les vertèbres d’un évêque,
des obus etc.
– une crucifixion commence elle aussi à prendre fin.
3.
Deux journalistes, au pupitre, au tribunal :
discutent nonchalamment du match de cricket ou des
chambres à gaz.
« Je repars », s’écrie le Nazi posté derrière eux,
« en arrière, et traverse les affres mortelles de mes péchés ! »
— Dieu, hors-cadre, indifférent :
l’oblige à avaler les cendres
des survivants d’Auschwitz.
(translation © B. Longre)
Du rouge aux lèvres
Haïjins japonaises
Traduction de Makoto Kemmoku et Dominique Chipot
(Points, 2010 / La Table Ronde, 2008)
« kare-kusa no hito omou toki konjiki ni »
« Quand je pense à mon amour
les herbes jaunies
paraissent d'or. »
(Masajo Suzuli, 1906-2003)
Même sans forcément maîtriser ses règles exactes de composition (hormis peut-être le rythme syllabique en 5-7-5) nous connaissons tous le haïku, ce court verset qui a rapidement fasciné l'occident (dès le début du XXe siècle), forme poétique maintes fois empruntée aux poètes japonais, où culmine l'art de la densité, de l'immédiateté et de l'impermanence. Cette belle anthologie regroupe les poèmes de plusieurs haïjins, uniquement des femmes, les traductrices ayant constaté que les poétesses ont souvent été oubliées par les traducteurs et les éditeurs français - alors que la littérature japonaise compte nombre d'auteures depuis des siècles, comme la très réputée Murasaki Shibiku (Xe siècle), à laquelle on doit le Dit de Genji, premier roman de la littérature mondiale, comme le rappelle l'introduction (peut-être un peu trop brève à notre goût).
Ainsi, on découvrira d'abord (et chronologiquement) la poésie de Chigetsu Kawaï (1640-1718), disciple de Basho, l'un des poètes les plus connus, dont elle était très proche. Des haïkus classiques, pour la plupart inspirés par la nature et ses transformations cycliques :
« En fondant
la neige
ravive les pousses. »
Viennent ensuite les poétesses les plus célèbres du XVIIIe au XXe siècles, comme Chiyo-ni (qui se concentre sur la nature mais aussi sur les gestes de son quotidien, et à laquelle on doit le titre de ce recueil), Takako Hashimoto (que les Japonais considèrent comme un génie) ou Takajo Mitsuhashi (qui exprime des impressions plus mélancoliques).
Une bonne partie de l'ouvrage est consacré aux poétesses nées avant la première guerre mondiale, dont Sonoko Nakamura (1913-2001) - ses compositions, sans être morbides, abordent délicatement l'idée de mort, omniprésente, et le caractère éphémère de l'existence :
« La saison matinale
des volubilis,
interminable mort. »
« Voletant çà et là,
des lucioles
ou des âmes vivantes ? »
Mais les traductrices se sont aussi penchées sur les auteures nées entre les deux guerres (dont plusieurs encore vivantes), telle que Kiyoko Uda (1935-) qui propose des images plus audacieuses où le monde visible permet d'accéder à l'abstraction :
« Une mouche d'hiver.
Minuscule zéro
sur la pierre. »
« Tourniquets
qui tournent en rond.
Poème à forme fixe. »
Les thèmes abordés peuvent se faire graves, comme dans la brève série de haïkus consacrés aux bombes atomiques, tous écrits par des néophytes, ancrés dans un monde concret de souffrances :
« J'ai beau les chasser !
Les mouches reviennent
maintes fois sur mes plaies »
« Sous un soleil brûlant
je ramasse dans un seau
les os chauds. »
L'ouvrage s'achève sur des auteures nées entre 1945 (jusqu'aux années 1980), montrant combien cette tradition poétique est loin de tomber en désuétude ; mais l'échantillonnage proposé, même s'il reste très agréable à parcourir, ne permet pas de se faire une idée très précise du style ou des dominantes de chacune. On restera néanmoins sous le charme de quelques strophes, où la nature reste là encore au premier plan, harmonieuse ou discordante, épousant très subtilement, on l'imagine, les sensations et les émotions des poétesses :
« Bruit de l'eau,
chant de grillons
et battements de mon cœur. »
(Maya Okusaka, 1945 -)
« Printemps limpide -
j'entends les nuages
naître dans le ciel. »
(Reiko Akezumi,1972 -)
© B. Longre
http://www.editionspoints.com/
http://www.editionslatableronde.fr/
Apollinaire et L'Enchanteur pourrissant, genèse d'une poétique
de Jean Burgos
Éditions Calliopées, 2009
par Jean-Pierre Longre
En 2008, les éditions Calliopées publiaient le très beau Calligrammes dans tous ses états de Claude Debon. Décidément à la pointe des études apollinariennes (n'oublions pas la publication régulière de la revue Apollinaire, qui a déjà à son actif six numéros), la même maison a récemment publié un autre beau livre grand format, Apollinaire et L'Enchanteur pourrissant de Jean Burgos, spécialiste des rapports entre poésie et imaginaire.
Même si celui-ci avait déjà, dans une édition critique de 1972, commenté L'Enchanteur pourrissant, il estime à juste titre devoir revenir sur l'ouvrage à l'occasion de l'acquisition par la BNF du premier manuscrit de l'œuvre, et en profite pour élargir cette étude génétique à la « genèse d'une poétique ».
Placé dans son contexte médiéval, vu comme un « théâtre d'ombres » à caractère poétique, le premier ouvrage qu'Apollinaire a publié (en 1909), mais qui l'a préoccupé toutes les années suivantes, est montré comme une œuvre en élaboration incessante, comme une série de « gammes » figurant peut-être « l'histoire même de la création apollinarienne ». La description et l'analyse du manuscrit, mais aussi de brouillons abandonnées, de feuillets isolés, de dessins, de cahiers et de carnets permettent d'envisager une perspective poétique, et la reproduction complète du document, dans la dernière partie du livre, donne au lecteur toute latitude pour se frotter lui-même à l'analyse.
Jean Burgos consacre aussi des chapitres à la réception de l'œuvre, à la création et à la publication du Festin d'Esope, « revue des belles lettres » dans laquelle Apollinaire fit paraître son Enchanteur pourrissant, à celles de Couleur du temps, drame qui trahit un « changement profond ». Les pages intitulées « Pour une nouvelle lecture de L'Enchanteur pourrissant » révèlent en tout cas l'implication personnelle, intime, profonde d'Apollinaire dans son œuvre, dévoilant une « poétique à l'œuvre ». Parallèlement, on s'aperçoit, grâce à ce nouveau livre, que les études apollinariennes sont toujours un chantier riche de nouveautés.
En ligne, le site de Paul Stubbs, dont la poésie ne se résume pas aux quelques adjectifs ci-dessus, adoptés en guise de titre.
Paul Stubbs's disruptive poems definitely go off every known trodden path: fraught with paradox, saturnian-like reversals, universal questioning about death, decay, doom, cosmic and spiritual disorder, fragmentation of selves and human condition, they generate stunning images that reach heart and mind alike and that are rooted in the metaphysical but also in the concreteness of the flesh; the way the poet spontaneously subverts language triggers a constant enthusing stimulation as the recurrent synctatic ruptures produce an almost unexpected rhythmic fluidity that constantly rings true, vividly spontaneous yet cerebral and never dully trite nor mainstream at all, the least that can be said – a voice whose genuine uniqueness stands out above that of many other living poets, charged with Donnian & visionary Blakian overtones (without mentioning Yeats, Trakl, Holderlin or Milton, among others) and which, as such, will undoubtedly withstand the test of time.
(B. Longre, sept 2009)
Deathbed vision of Ungaretti
in the desert: the trinity
like a mirage of some giant
termite
(using Adam's lost
rib as a pincer)
Writing man's last
date into the sand.
© Paul Stubbs.
Vision d’Ungaretti sur son lit de mort
dans le désert : la trinité,
pareille au mirage d’un termite
géant.
(se servant de la côte perdue
d’Adam comme d’une tenaille)
Inscrivant la dernière date
de l’homme dans le sable.
(© traduction : B. Longre)
Les éditions du Zaporogue, passerelle dont j'ai déjà parlé ici et là, se dotent d'une vitrine :
http://lezaporogue.hautetfort.com/
Derniers titres parus : COLLECTION DE SOMBREROS par Thomas Vinau et HAPPINESS IS A RUMOUR par Ole Wesenberg.
J'incite aussi à aller découvrir, entre autres, la poésie de Celina Osuna.
On m'a offert récemment un livre étonnant, forme et fond compris, une bien belle surprise dont j'ai envie de dire quelques mots. Un ouvrage à la couverture lumineuse (fond orange doré à la feuille d'or), composé d'une seule page, pliée de telle sorte qu'on obtient un livret en accordéon, maintenu par deux fins rubans noirs croisés de chaque côté. Selon le sens où l'on choisit d'ouvrir cet objet, plus petit qu'un livre de poche, on tombe sur le texte original anglais - enregistré en 1963 sur 12 disques avec la voix de son auteur, puis publié en 1970 en anglais et en allemand dans un ouvrage collectif auquel participaient plusieurs artistes - ou sur sa traduction en français, signée Anne-Marie Hui Bon Hoa.
A l'intérieur, on découvre douze poèmes en vers libres, chacun correspondant à une date précise mais arbitraire (17 janvier, 17 février... jusqu'en décembre - le 17 janvier étant devenu, dès 1973, l'occasion d'un anniversaire de l'art, à l'initiative de l'auteur) et décrivant quelques gestes qui rapprochent les êtres humains de la création artistique - des gestes simples, presque naturels, évidents voire anodins, qui rappellent que l'art est à la portée de tous, qu'il suffit de s'ouvrir au monde environnant, de l'observer, de le faire sien : de plonger une éponge dans un seau d'eau, de lancer une balle dans les vagues, ou d'acheter un os... Le leitmotiv, "l'art est vivant", peut s'associer sans peine à un autre, qui apparaît en filigrane : "la poésie est vivante". Le livre s'intitule L'Histoire chuchotée de l'Art / Whispered Art History, et le poète s'appelle Robert Filliou.
"Tout a commencé un 17 janvier, il y a un million d'années.
Un homme s'empara d'une éponge et la plongea dans un seau d'eau.
Le nom de cet homme n'est pas important.
Il est mort, mais l'art est vivant.
Pas besoin de noms dans cette histoire."
La personne à qui je dois ce précieux cadeau m'en voudrait que je dévoile ici son identité ; cependant, il semble important de révéler que cet ouvrage a été déniché au salon de l'Autre livre, sur le stand d'un éditeur indépendant que je ne connaissais que de nom : Clémence Hiver éditions. Faute de trouver en ligne de plus amples informations sur cette petite maison créée il y a une vingtaine d'années, je reproduis ici la fiche que le salon propose sur son site.
Clémence Hiver Editeur
6 rue de la Planète BP 13 30610 Sauve
Tel. : 04 66 77 02 09
clemence.hiver(at)wanadoo.fr
Autodiffusé, autodistribué
Ligne éditoriale : Les livres des éditions Clémence Hiver ont souvent été repérés pour leur facture singulière (maquettes, papiers, typographies, reliures), qui n’est peut-être que la forme d’un hommage tranquille à des univers poétiques, que l’éditeur a cœur à transmettre. En cela guidé non pas par une appartenance géographique ou autre des auteurs, mais par leur présence propre ; l’écriture restant première dans les choix éditoriaux : densité, résonances…
Ouvrages principaux, collections : Marina Tsvetaeva, Terentiev (un compagnon de Malévitch) et son imbattable "Record de Tendresse", le désormais célèbre Nuvolaire de l’orientaliste florentin Fosco Maraini, le Pianissimo et les Copeaux de Camillo Sbarbaro, le Livre de Recettes de Ladislav Novak, les Contes de fées & 16 Poèmes enfantins du poète des Inconférences, E.E Cummings. Sans oublier L’histoire chuchotée de l’art d’un natif de Sauve : Robert Filliou (“Nationalité : Poète. Profession : Français”, selon son passeport).
Nouveautés : Les deux « voyages métaphysiques » d’Olga Sedakova, l'une des grandes voix de la poésie russe contemporaine / Voyage à Tartu & Retour (Chronique à retardement) suivi de Poésie & Anthropologie et de Quelques remarques sur l’art de la traduction/Voyage à Briansk (Chronique sans prétention) suivi par Le Don de la liberté et de Quelques mots sur la poésie. Sur sa fin, son commencement et sa continuation.
I’m a bird woman
I’m a book woman
I’m a devilish clown woman
I’m a holy-clown woman
I’m a whirling-dervish woman
I’m a playful-light woman
I’m a tidal-pool woman
I’m a fast speaking woman
(…)
I’m the camouflaged woman
I’m the assuaged woman
I’m the ravenous woman
I’m the Kali Yuga woman
high-pitched woman
not a trifling woman
hissing woman
I’m the woman with the guns
I’m the woman with tomes
I’m the book woman
I’m the stolen book woman.
Anne Waldman, Fast speaking woman
Bilingue, anglais-français, Traductions de Marianne Costa, Pierre Guéry, Frédérique Longrée et Olivier Dombret.
Editions Maelstrom, 2008
Première édition en français de textes de la poétesse américaine Anne Waldman.
http://www.maelstromeditions.com/
http://www.electriques.ca/filles/artistes.f/w/waldman_an.php
http://www.poetspath.com/waldman.html
Déconstructions de Henry Parland, Traduit du suédois (Finlande) par Elena Balzamo - Belfond
« Un roman
qui ne s’achève jamais
car l’amour du héros
est sans espoir
et l’héroïne
sans objectif. »
(H. Parland, Influenza)
Aucun ouvrage d’Henry Parland n’avait jamais été publié en français avant celui-ci, et pour cause : Déconstructions est son unique roman, une œuvre posthume qu’il n’aura pas eu le temps de retravailler comme il l’aurait souhaité, la scarlatine l’ayant emporté à l’âge de vingt-deux ans, en 1930. Un roman, ainsi que l’explique la traductrice dans sa préface, dont l’édition la plus fidèle n’est parue que l’an passé en Finlande, après des décennies de remaniements « plus ou moins fantaisistes ».
On pense aussitôt à Raymond Radiguet, qui fut son contemporain, et dont l’œuvre resta inachevée quand lui aussi mourut prématurément, laissant derrière lui des écrits de «jeunesse» portant toutefois les signes d’une indéniable maturité intellectuelle et émotionnelle. Un constat similaire s’applique à Henry Parland, jeune homme polyglotte (né en Russie, d’une mère allemande, élevé en Finlande puis étudiant au lycée suédois, avant de partir pour la Lituanie), admirateur, entre autres, de Proust. L’on trouve en effet dans Déconstructions une pensée déjà élaborée, une écriture incisive et aboutie, un échafaudage narratif original et une vision de l’existence et de l’amour peu commune. Déconstructions est avant tout l’histoire d’une relation amoureuse, d’une attirance mutuelle et du gouffre d’incompréhension qui sépare Henry (l’alter ego de l’auteur, à la fois Parland et un autre) d’Amy, la jeune femme qui l’obsède et l’agace, qui l’indiffère ou le séduit : un attachement paradoxal qui provoque en lui des émois singuliers et dont il se souvient, un an après la mort d’Amy.
Justement, la disparition d’Amy (morte jeune, elle préfigure avec ironie le décès imminent de Parland alors qu’il s’attelait à ce roman) rend cette dernière plus inaccessible encore ; Henry, jeune homme oisif mais, nécessité oblige, impliqué dans des affaires financières plus ou moins fructueuses, décide alors d’explorer ses souvenirs et les photographies qui lui restent pour recréer l’image de cette femme charmante et fantasque, tour à tour enjouée et mélancolique ; en un mot, indéfinissable. La méthode qu’adopte Henry consiste à « démolir » systématiquement l’image que ceux qui l’ont connue ont construite a posteriori, afin de redécouvrir l’essence même de la jeune femme : « je voudrais te revoir telle que tu étais et non pas telle que les gens t’ont faite depuis. » Déconstruire pour mieux reconstruire, telle est l’intention et la devise du protagoniste, dont le monde émotionnel se révèle complexe, fascinant et pétri de contradictions ; du vivant de la jeune femme, il n’a cessé de la rejeter puis de revenir à elle sans plus pouvoir s’en détacher, de s’irriter de sa présence ou de ses larmes, allant jusqu’à faire montre, inconsciemment, d’une cynique indifférence frisant la cruauté.
Henry est avant tout un être passif, un observateur peu porté à agir, préférant tourner des idées dans sa tête, examiner chaque détail d’une situation ou d’une posture, emberlificoter les événements et les impressions et les rendre peut-être plus confus qu’ils ne le sont, comme si les sentiments éprouvés (de la joie à la jalousie, de l’amour à l’écoeurement) ne faisaient en définitive qu’accentuer sa difficulté à sortir d’une espèce de paralysie morbide. « Elle te rend fou », l’avertit son ami Gunnar, qui lui conseille d’en finir avec Amy. Mais un an après sa mort, il croit la retrouver par le biais de ses réminiscences et des photos qu’il développe lui-même : « le tirage sur papier donne le sentiment d’assister à un miracle. » ; c’est ainsi qu’il parvient à lui redonner vie et texture : « il y a, dans ce processus, quelque chose de la résurrection des morts. » ; un dialogue s’instaure entre eux, léger et presque amusant, mais qui bien vite s’éteint. Le caractère éphémère et fuyant du souvenir et la qualité du papier photographique rendraient-ils impossible toute reconstruction authentique ? Amy, en dépit des efforts littéraires de son ancien amoureux, serait-elle définitivement perdue ? Et surtout, ce qu’ils ont partagé était-il vraiment de l’amour, ou bien seulement la rencontre fortuite de deux solitudes qui ne se seraient jamais vraiment connues, une illusion romantique « douteuse » ? La perception du monde selon Henry Parland ne manque pas d’ironie, et le ton désabusé qu’il adopte (une façade ?) le sauve en partie d’une désespérance qui aurait pu l’attirer vers le nihilisme.
On admire ici le modernisme de la construction et de la mise en abyme (Henry Parland, auteur, mettant en scène un personnage, Henry, écrivant un roman intitulé Déconstructions), le rythme narratif singulier, en apparence chaotique, les allées et venues entre le temps où Amy était encore en vie et le temps de l’écriture, le jeune Henry composant son roman en gardant à portée de main la photo qu’il a développée et qui se ternit au fil des heures, atténuant en définitive l’intérêt qu’Henry portait à cette femme. Car l’existence a ici un goût de défaite, comme si tout était joué avant même d’avoir été vécu et le désespoir lucide et détaché de ce jeune homme touche au vif, quand bien même ce désenchantement ne nierait pas les élans du cœur.
La même attitude se dégage de la plupart de ses poèmes (un petit volume, Grimaces, traduit par Jacques Outin est inséré au roman) si plaisants à lire et qui dévoilent lumineusement les paradoxes irréconciliables qui hantaient l’auteur, à qui on laisse le mot de la fin :
" Lorsque je pense à toi
C’est sur une ligne droite
Dont une extrémité
Brûle en enfer
Et l’autre
Serpente, blanche flamme, vers le ciel,
Mais son centre
N’est que cendre de glace."
(B. Longre)
http://www.belfond.fr/
« Le récit est un corridor. Il vous mène à des portes (ouvertes ou fermées) derrière lesquelles il y a la poésie. Parfois, il débouche sur une place, un carrefour, et c’est alors que cela se complique. Là, se croisent, aboutissent, commencent plusieurs autres corridors. »
« Vous passerez devant une multitude de portes sans savoir ce qu’elles cachent et ne demandent qu’à vous faire découvrir. (…) Certaines [chambres] s’entrouvrent par moment, se referment en claquant sur la mémoire pour tout nier en bloc. D’autres restent vides comme s’il fallait les meubler soi-même : c’est l’âme ou l’imagination et bien des choses dont nous n’avons même pas idée. »
Corridors secrets de Werner Lambersy, poèmes, et de Didier Serplet, dessins (éditions Rafael de Surtis)