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littérature, traduction
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Le Chaos en poésie - D. H. Lawrence
Le Chaos en poésie
D. H. Lawrence
ouvrage bilingue
Introduit et traduit de l’anglais par Blandine Longre
Black Herald Press, novembre 2017« Mais l’homme ne peut vivre dans le chaos. (…) L’homme doit s’envelopper dans une vision, se bâtir une demeure à la forme, à la stabilité, à la fixité apparentes. Dans sa terreur du chaos, il place d’abord une ombrelle entre lui et l’éternel tourbillon. Puis il peint l’intérieur de cette ombrelle comme un firmament. Ensuite il parade, vit et meurt sous son ombrelle. »
Si D. H. Lawrence (1885-1930) a toujours écrit sur la poésie, Chaos in Poetry, composé en 1928 à la demande de Harry Crosby, cofondateur de la maison d’édition parisienne Black Sun Press, est peut-être l’un des textes les plus importants qu’il ait jamais consacrés au sujet. En exposant ses vues sur la « vraie » poésie et en développant la notion du « chaos vivant » que celle-ci serait censée révéler, Lawrence s’inscrit dans la tradition du poète visionnaire qui dévoile des mondes insoupçonnés, terrifiants – visions éblouissantes du chaos que l’humanité préfère occulter, un chaos cosmique, divin et intime qu’il faut rapprocher des notions d’élan vital et de flux protéiforme, traits essentiels de la créativité lawrencienne que l’on retrouve dans ce texte infiniment poétique.
https://blackheraldpress.wordpress.com/books/le-chaos-en-poesie-d-h-lawrence-chaos-in-poetry/
pour commander l’ouvrage
https://blackheraldpress.wordpress.com/buy-our-titles/
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Eva Mozes Kor - Survivre un jour de plus
Vient de paraître aux éditions Notes de Nuit, dans la collection "le passé immédiat" :
Survivre un jour de plus
Le récit d'une jumelle de Mengele à Auschwitz
Eva Mozes Kor & Lisa Rojany Buccieri
Traduit de l'anglais par Blandine Longre
Notes de Nuit, mars 2018Née dans le village de Porţ, en Roumanie, Eva Mozes Kor est déportée à Auschwitz-Birkenau avec sa famille au printemps 1944. Ses parents et ses deux sœurs sont assassinés dès leur arrivée. Les cadettes, Eva et Miriam, dix ans, livrées au Dr Mengele, vont subir ses expérimentations sur les jumeaux. Portées par l’énergie hors du commun d’Eva, elles survivent à ces tortures. Après une dizaine d’années passées en Israël, Eva s’installe en 1960 dans l’Indiana avec son mari et fonde une famille. Elle crée en 1984 une association destinée à rapprocher et recenser les jumeaux victimes des expériences de Josef Mengele. Après la mort de Miriam, elle fonde en 1995 à sa mémoire le CANDLES Holocaust Museum and Education Center. Célèbre aux États-Unis, Eva Kor donne des conférences dans le monde entier sur des sujets liés à la Shoah, à l’éthique médicale, au pardon et à la paix. Son histoire a fait l’objet de deux documentaires : Forgiving Dr. Mengele (2006) et The Story of Eva (2018).
http://www.notesdenuit-editions.net/
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Keith Barnes, par Jacqueline Starer
Want to Wake Alive – Selected Poems
Aussi petit que mon prochain - poèmes choisis
Keith Barnes (traduction de Jacqueline Starer)
K.B. – récit de Jacqueline Starer
(traduction anglaise Helen McPhail)
Ouvrage bilingue, Editions d’écarts, 2014The white sun scalds in our song
From the white soil blood
winedark as your hair across the moon
begins through the scarcehealed wounds
to pout from silence
petals of carmine crimson petals
bedding in the pulse urgent
flowers of the mouth
demanding soil to strike their roots in
from “White Sun”
Le soleil est à blanc brûlant dans notre chant
De la terre blanche du sang
sombre comme le vin comme tes cheveux barrant la lune
commence au travers de blessures à peine guéries
à dessiner une moue de silence
des pétales de carmin de pourpres pétales
s’inscrivent dans mon pouls marquant l’urgence
paroles-fleurs
qui exigent la terre pour y forcer leurs racines
extrait de « Soleil à blanc » (traduction Jacqueline Starer)
Né dans l'East End de Londres en 1934, Keith Barnes entre sur concours à la Royal Academy of Music à l'âge de treize ans. Bientôt ses œuvres sont jouées à Londres par plusieurs groupes de musique de chambre. Il travaille chez un éditeur de musique puis comme monteur de films à la BBC. A 25 ans, il cesse d'écrire de la musique. Son premier poème, "Dévaluation", écrit en 1960, paraît aussitôt dans le Times Literary Supplement. A partir de 1962, il voyage et se consacre à l'écriture. C’est en 1963, après un long séjour à Chypre, qu’a lieu sa rencontre décisive avec Jacqueline Starer. Ils vivront à Paris, aux Etats-Unis, en Israël puis de nouveau à Paris. En 1967, son premier recueil de poèmes, Born to Flying Glass (Né sous les éclats des vitres) est publié à New York par Harcourt, Brace & World. Il termine à Paris son second recueil The Thick Skin (La Peau dure) et commence le troisième Ain't Hung Yet (Ils ont pas encore eu ma peau) quand une leucémie aiguë interrompt brutalement sa vie le 10 septembre 1969.
Quelques liens
http://www.keith-barnes.com/index.html
https://ecartsmbh.wordpress.com/2010/05/22/k-b-de-jacqueline-starer-extraits/
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"Que prenne fin l’exil en la terre étrangère !" Benjamin Fondane
Que prenne fin l’exil en la terre étrangère !
Non de ceux qui sont étrangers sur une terre étrangère,
ni étrangers parmi les étrangers,
étranger pour lui-même,
car l’homme n’est pas chez lui sur cette terre,
étranger où qu’il aille,
cette terre n’est pas à lui, avec ses lèvres de sel,
ses entrailles de métaux bouillants, sa laitance de pétrole,
ses yeux de pierre ponce
et cette pression vivace qui gonfle ses seins et les vide
– cette terre n’est pas à lui
les poissons sans oreilles ni les oiseaux sans langue,
ni la lumière lisse du bonheur,
les choses de clarté ni les choses de nuit
— cette terre n’est pas à lui tout arrosée d’étoiles,
secouée de séismes qui montent à sa gorge
toute pleine d’une eau qui fonce sous ses pieds
– terre vorace et carnivore…
extrait de L’Exode (1942), Benjamin Fondane (1898-1944)
Le mal des fantômes, Nouvelle édition. Établie par Patrice Beray et Michel Carassou, avec la collaboration de Monique Jutrin. Liminaire d'Henri Meschonnic, Verdier poche, 2006)
http://editions-verdier.fr/livre/le-mal-des-fantomes/
Ailleurs en ligne
David Gascoyne et Benjamin Fondane
http://temporel.fr/David-Gascoyne-et-Benjamin-Fondane,588
Un article de Patrice Beray
https://blogs.mediapart.fr/patrice-beray/blog/130308/fondane-poete-au-mal-des-fantomes
Société d'études Benjamin Fondane
http://www.benjaminfondane.com/
Association Benjamin Fondane
http://www.benjaminfondane.org/association-benjamin-fondane.php
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La vie de l'homme est cette viande - David Gascoyne
Pour démarrer la nouvelle année en poésie, on peut s'offrir LA VIE DE L’HOMME EST CETTE VIANDE (Man’s Life Is This Meat) de David GASCOYNE (1916-2001), recueil bilingue à paraître ce mois (et en précommande via le site de Black Herald Press).
Il s'agit de la première parution en français de ce deuxième recueil de David Gascoyne (publié en mai 1936, alors que le poète, dont on fête cette année le centenaire de la naissance, n'avait pas encore vingt ans). D’abord influencé par le surréalisme (on lui doit le premier ouvrage en anglais consacré au surréalisme français ainsi que le « Premier Manifeste Anglais du Surréalisme »), Gascoyne s’en détache dès la fin des années 1930 pour se consacrer à une poésie à tendance humaniste et spirituelle (Breton lui-même, jugeant ses écrits trop « catholiques », l’« excommuniera » du groupe des surréalistes en 1947). Le recueil Man’s Life Is This Meat appartient bien à la période surréaliste de David Gascoyne, mais témoigne déjà d’une originalité saisissante et d’une imagination hors du commun : marqué par une profonde angoisse existentielle, il comprend des poèmes sculpturaux, crépusculaires, empreints d’un mysticisme prophétique et tourmenté qui participe de l’œuvre visionnaire à venir.
Au sommaire : avant-propos de la traductrice, le recueil lui-même, d'autres poèmes surréalistes composés à la même époque, des autotraductions de Gascoyne (lui-même traducteur d'André Breton, de Philippe Soupault, de Pierre Jean Jouve...), le « Premier Manifeste Anglais du Surréalisme », une bibliographie, des notes sur les poèmes, et une postface du poète et traducteur britannique Will Stone.
Pour en savoir davantage :
Traduit de l’anglais par Blandine Longre
Avec des autotraductions de David Gascoyne
Postface de Will Stone
Black Herald Press, janvier 2016
144 pages – 15 € – isbn 978-2-919582-03-6Extrait de l'avant-propos :
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Les 20 ans du Visage Vert, revue et maison d'édition
"Entrer dans sa troisième décennie d’existence lorsqu’on est une revue tient du miracle. Et lorsque, en plus, on s’affiche orgueilleusement comme une revue de littérature, et plus encore comme une revue de littérature fantastique, cela relève du surnaturel. Eh bien, cet exploit, Le Visage Vert vient de le réaliser. Son n° 26 vient de paraître vingt ans, mois pour mois, après sa naissance. La livraison inaugurale était apparue en effet en octobre 1995, composée par une poignée de passionnés rudement calés en la matière et qui avaient forgé leurs armes dans le fanzinat." Mikaël Lugan
Pour lire la suite :
http://www.actualitte.com/article/monde-edition/le-visage-vert-20-ans-deja/62462
Le site du Visage Vert, revue et maison d'édition (et pour commander les ouvrages)
Tous les numéros de la revue
http://levisagevert.com/Revues/accueil.html
Le blog du Visage Vert
http://leblogduvisagevert.wordpress.com/
En outre, le Visage Vert s'est également lancé dans la petite édition, suivant la même démarche de découverte et de mise en lumière d'œuvres anciennes et contemporaines. Vingt-deux titres déjà parus, dont le deuxième recueil d'Anne-Sylvie Salzman, Vivre sauvage dans les villes, Chants de désir, chants de morts, un recueil de contes, nouvelles et poèmes fantastiques français (période 1880-1920) consacré aux sirènes, et dernièrementL'Animal blanc (1904) une nouvelle de l'écrivain allemand Georg von der Gabelentz (1868-1940). Enfin, cette fin d'année a été riche en parutions : Le Club des défis de l'humoriste anglais Barry Pain, un recueil d'essais consacrés à Sherlock Holmes par Jean-Pierre Naugrette (Détections sur Sherlock Holmes) et un enfin un recueil d'Yves Letort : Le Fleuve, illustré par Céline Brun-Picard. À paraître prochainement : un court roman de Philippe Riviale (L'Enlèvement d'Elsa), une réédition de Lilith de Rémy de Gourmont. Le Visage Vert n°27 est en préparation.
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Lettre à Jeanne - Olivier Longre
Après "Antique melodies" (http://neomme.bandcamp.com/album/antique-melodies), le deuxième album d'Olivier Longre, "Lettre à Jeanne" sort en janvier.
En précommande, sur le site du label Neômme :http://neomme.bandcamp.com/album/lettre-jeanne
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Arturo Toscanini, Bruno Walter & Stefan Zweig à Salzburg, 1937
"J'entends encore l'écho des heures animées passées en compagnie de Toscanini et d'autres amis, dans la maison de Stefan Zweig, d'où la vue s'étendait au loin et sur Salzbourg à nos pieds."
Bruno Walter, Thème et Variations."I vividly remember the hours I spent in the company of Toscanini and other friends at Stefan Zweig's house looking into far distances and down upon Salzburg..."
Bruno Walter, Theme and Variations.(Thema und Variationen, Stockholm : Bermann-Fischer, 1947) ; English translation by James A. Galston (New York : Knopf, 1946) ; traduction française André Tanner (Lausanne : M. et P. Foetisch, 1952).
source
http://www.europeana.eu/portal/record/92061/BibliographicResource_1000125966307.html -
6, rue Rollin
« On comprendra aisément pourquoi, après trente-trois ans, un être si attachant est singulièrement présent à mon esprit et pourquoi aussi je ne passe jamais devant le 6 de la rue Rollin sans un serrement de cœur. »
Cioran, Exercices d’admiration, « Benjamin Fondane, 6, rue Rollin », 1978.(David Gascoyne's translation of Cioran's essay - unrevised draft - : "It will be easily understood why, after thirty-three years, so attractive a being is singularly present in my mind and why also, I never pass by the number 6 of the rue Rollin without a wringing of the heart.")
http://www.benjaminfondane.com/
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La fin de l’épreuve de l’homme - Paul Stubbs
The End of the Trial of Man
after ‘Blood on the Floor’ 1986, by Francis Bacon
Upon these floorboards, amid the blood and
the death-throes of gods, the ‘rough beast’ has
eaten its last, has eaten and spat out man’s rib;
eaten and spat and stamped
down its feet onto the now crushed and un-
recognizable face-mask of Yeats:
one mile outside
of Bethlehem…
(© Paul Stubbs, 2015)
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La fin de l’épreuve de l’homme
d’après Du sang sur le sol, 1986, de Francis Bacon
Sur ce plancher, parmi le sang
et les affres de la mort des dieux, la « bête brute » a dévoré
son dernier repas, a dévoré et recraché la côte de l’homme ;
dévoré et recraché et piétiné
le masque du visage de Yeats, à présent
broyé, méconnaissable :
à un mille des murs
de Bethléem…
trad. de l'anglais: B. Longre.
Première publication : The Black Herald, n°5, printemps 2015Le site du poète: http://paulstubbspoet.wordpress.com/
Son dernier recueil:
http://paulstubbspoet.wordpress.com/2014/12/20/the-end-of-the-trial-of-man/Blood on the Floor, 1986
Francis Bacon
Oil and pastel on canvas -
L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 7)
« Enfin, le rivage : les charrettes, sur lesquelles s’empilaient les marchandises, roulant bruyamment sur les planches étroites des docks, la voix insolite du muezzin appelant les fidèles à la prière, la couleur sable doré des bâtiments, le poste de douane avec ses soldats en uniforme, galons et boutons luisants dans la chaleur, les ânes aux longues oreilles plaquées vers l’arrière et les enfants aux mains tendues, accroupis sur le seuil des maisons, des mouches collées à leurs yeux chassieux. Les odeurs étaient étranges : crottin, safran, gingembre, banane, transpiration, poissons dans des tonneaux, attendant d’être portés au marché. On voyait des turbans et des pagnes, des sandales faites de papier et de bois. Des cloches tintaient, des hommes lançaient des chiffres en arabe, en français et en anglais, et des marins ferlaient les voiles. Un baril de clous s’était déversé sur le sol, à ses pieds – Louis avait la tête qui tournait. Marcus posa sur un chariot la grosse boîte en carton qu’ils avaient apportée ; Louis sauta sur le siège avant, Roux et Nocard s’installèrent derrière lui. Marcus resta à l’arrière, debout sur une barre de métal. Ils se dirigèrent vers l’hôtel Khedivial, à l’angle de la rue Chérif Pacha et de la rue Rosette, où ils avaient réservé une suite pour la semaine à venir. » (extrait du chapitre 3)
L'Insaisissable, Anne Roiphe
traduction de l’anglais (États-Unis) Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/
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"L'inconciliable dans un poème..."
Hamlet contre Shakespeare
L'autre mot derrière le mot.
Derrière le meurtre l'autre mort.
L'inconciliable dans un poème :
L'ordre. Et, le brisant, la brèche.
Hamlet Gegen Shakespeare
Das andere Wort hinter dem Wort.
Der andere Tod hinter dem Mord.
Das Unvereinbare in ein Gedicht:
Die Ordnung. Und der Riß, der sie zerbricht.
Thomas Brasch, Belles sont les rimes, Les rimes te mentent
édition bilingue, traduction de l’allemand par Bernard Banoun et Aurélie Maurin
Editions Hochroth Paris, 2015Poète, dramaturge, prosateur, cinéaste, traducteur, Thomas Brasch (1945-2001) peut être considéré comme l’héritier et successeur méconnu de Brecht.
http://www.paris.hochroth.eu/fr/3286/belles-sont-les-rimes-les-rimes-te-mentent/
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L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 6)
"C’était le docteur Koch, pressé de regagner son laboratoire. Désireux d’étudier une lamelle préparée la veille, il ne pouvait attendre le lever du soleil. Il avait prélevé un peu de tissu de l’intestin d’une victime du choléra qu’il avait examiné avec soin, aux côtés de celui d’une femme morte en couches. Il avait obtenu ces échantillons à force d’insister, de distribuer des pots-de-vin, d’envoyer son assistant, Gaffkey, à l’entreprise de pompes funèbres du quartier. Il comparerait les deux spécimens. S’il faisait une trouvaille digne d’intérêt dans le tissu du cholérique, il la dessinerait dans son carnet. Il la conserverait, au cas où celle-ci pût être observée de nouveau. Si un élément devait apparaître sous son microscope, qui ne fût pas présent dans l’intestin de la femme, sans doute aurait-il obtenu quelque chose. Mais rien n’était moins sûr. Le corps d’une femme en couches sécrétait peut-être des substances différentes de celles d’un homme. Il ne tirerait pas de conclusions hâtives. Il se contenterait de consigner ses observations. Il faisait confiance à sa vue. À sa main, habile au dessin. À son cerveau."
(extrait du chapitre 4)
L'Insaisissable, Anne Roiphe
Traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/
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Robert Koch dans son laboratoire à Berlin. Dessin Marold. Gravure Dochy, 1890 (Musée Pasteur).
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"Le maestro cassa alors sa baguette..."
Le nouveau Premier ministre, cependant, souhaitait être considéré comme un homme de culture. Quant à la Scala, elle avait besoin, pour des raisons économiques, de rester dans les bonnes grâces du gouvernement. Lorsqu’en avril 1923 Mussolini se rendit à Milan, il se fit photographier avec toute la troupe de l’opéra, y compris Toscanini. Et ce, en dépit du fait que ce dernier avait eu, quelques mois plus tôt, sa première passe d’armes avec les partisans du nouveau régime. En décembre 1922, pendant une représentation de Falstaff, une poignée de fascistes avait accueilli le retour du chef dans la fosse, au début du dernier acte, par des hurlements. Que Toscanini interprète d’abord l’hymne du parti, Giovinezza ! Toscanini fit signe à l’orchestre de poursuivre Falstaff, ce qui ne réduisit pas les perturbateurs au silence. Le maestro cassa alors sa baguette et quitta la fosse, écumant et rageant. Après une longue interruption, un employé des services administratifs vint annoncer que l’hymne serait joué à la fin de l’opéra. Toscanini revint alors au pupitre. Maria Labia, qui chantait le rôle d’Alice Ford, raconta ainsi la suite des événements : « A la fin de la représentation, le directeur nous dit : “Attendez, vous allez chanter l’hymne accompagnés au piano.” Toscanini arrive : “Ils ne chanteront rien du tout, les artistes de la Scala ne sont pas des chanteurs de variétés. Retournez dans vos loges. ” On s’en va. L’hymne a été joué au piano [seul], car l’orchestre, disait-il, ne savait pas le jouer… » Mais le pire était à venir…
Harvey Sachs, Réflexions sur Toscanini, musique et politique
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne-Sylvie Homassel et Laura Brignon pour les textes d'origine italienne.
Editions Notes de Nuit, 2014***
Auteur de nombreux ouvrages sur Toscanini, dont il est considéré comme « le » biographe, Harvey Sachs livre ici l’essentiel de la vie et de la carrière du légendaire chef d’orchestre, mais dévoile aussi des documents inédits sur les rapports que Toscanini, antifasciste de la première heure, entretint avec Mussolini et Hitler.
http://www.notesdenuit-editions.net/ouvrage/reflexions-sur-toscanini-de-harvey-sachs/
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L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 5)
"De grands palais bordaient la large avenue qui suivait la courbe du rivage, tandis que des demeures plus humbles se dressaient au centre de la ville. Les mosquées blanches, coiffées de dômes, s’élevaient au-dessus des ruelles. La coupole de l’église orthodoxe brillait comme une moitié de citron, dominant les arbres qui flanquaient les rues. Sur les pavés du bazar, les noyaux d’olive et les éclaboussures de vin et de fruits trop mûrs se mêlaient au sang des animaux égorgés. Les bruits de la ville, le clic-clac des souliers aux semelles de bois, le tintement des cloches, les cris des marchands, le claquement des sabots des baudets sur les pierres, la course des petits âniers qui lançaient des « promenade à dos d’âne, promenade à dos d’âne » en italien, anglais, arabe, français, les aboiements des chiens, les piaillements des oiseaux en cage, la chaleur lourde et humide qui régnait ce jour-là, la poussière dans laquelle toutes ces choses remuaient et soupiraient, se déplaçaient et changeaient de position – tout cela fatiguait le mousse. (…)
Plus tard, le garçon s’endormit sur le banc d’une taverne. Il se réveilla en sursaut. Il avait mal au ventre. Il se précipita dans la rue et, aux premières heures, à la lueur du million d’étoiles pâles qui baissaient au-dessus de lui, le contenu de son estomac se répandit dans la fange du trottoir en pierre. Quand le soleil se leva, que les animaux et les hommes commencèrent à s’agiter et que par les fenêtres cintrées, ouvertures sans vitres, filtrèrent les rayons innocents d’un jour nouveau, ce fut dans le caniveau que le mousse s’allongea, tremblant de tous ses membres, couvert de saleté – la sienne et celle qu’il avait récoltée dans la rue. (…)
On était en 1883. Le choléra était arrivé à Alexandrie."(extrait du chapitre 1)
L'Insaisissable, Anne Roiphe
Traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/
(tous les posts : http://blongre.hautetfort.com/tag/l%27insaisissable)
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Le Rêve du mouvement perpétuel / Dexter Palmer
"Si tant est que je parvienne encore à mesurer le temps, je commence ce journal le jour du premier anniversaire de mon emprisonnement à bord du vaillant Chrysalide, zeppelin de très grande altitude conçu par le plus prodigieux et le plus doué des inventeurs du xxe siècle, Prospero Taligent. Un an qui s’est écoulé sans que je prononce un seul mot. À l’attention de qui que ce soit. À ma geôlière moins qu’à quiconque. Si je refuse de lui adresser la parole, c’est précisément parce qu’elle ne souhaite rien d’autre ; je ne peux protester que par mon silence.
Écrire, ce n’est pas du tout la même chose. Le mot sur la page a d’autres qualités, d’autres pouvoirs. Si le monde d’avant mon incarcération m’a appris quelque chose, c’est bien cela.
Excepté moi, il n’y a sur le Chrysalide que Miranda, la fille adoptive de Prospero Taligent. Durant l’année qui vient de s’écouler, la voix de Miranda m’a constamment harcelé. Elle me suit sans relâche dans les couloirs de l’immense habitacle du zeppelin tandis que j’essaie de trouver sa cachette, où j’espère l’affronter en personne. Sa voix ne s’interrompt jamais : même quand je dors, elle s’insinue dans la plupart de mes rêves et dans tous mes cauchemars, scintillant fil d’argent qui chuchote, supplie, menace..." (Prologue)Dexter Palmer, Le rêve du mouvement perpétuel
traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne-Sylvie Homassel et Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL)
Passage du Nord-Ouest, 2014Le site de l'auteur
http://dexterpalmer.com/Anne-Sylvie Homassel
http://ashomassel.wordpress.com/L'éditeur sur Lekti
http://www.lekti-ecriture.com/editeurs/Le-reve-du-mouvement-perpetuel.htmlQuelques articles :
http://jplongre.hautetfort.com/tag/dexter+palmer
http://addict-culture.com/dexter-palmer/
http://www.undernierlivre.net/blog/reve-du-mouvement-perpetuel-dexter-palmer/
http://laccoudoir.com/romans/le-reve-du-mouvement-perpetuel-dexter-palmer-6367/
et cet article, paru dans Les Inrocks en octobre 2014
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Le collectionneur d’oreilles - Esteban Bedoya
« La forêt de l’Yvytúruzu s’éveilla sous la pluie. Le manteau de neige argenté qui recouvrait l’épaisse végétation ne résista pas longtemps à la bruine hivernale. Il faisait froid. La vapeur s’échappait des naseaux des bêtes qui arrachaient les herbes fraîches, les orchidées, les mousses, les broméliacées perchées sur d’autres plantes. Ici, seuls les êtres habitués à la pénombre éternelle pouvaient s’aventurer sans craindre les prédateurs.
Chaque matin, sur ce sol humide où la matière organique se décomposait, un enfant albinos cherchait sa nourriture. Né dans une tribu mbya, il avait été banni dès son plus jeune âge à cause de sa peau couleur de lait, suspecte, et de ses yeux translucides. Sa mère était l’une des filles du village. Quant à son père, nul ne savait qui il était. Seule, dans la forêt, la jeune fille l’avait mis au monde, puis l’avait offert à la communauté. Mais les villageois ne tardèrent pas à suspecter chez le nouveau-né quelque chose d’étrange. Quand le chaman l’examina, il conclut que le follet démoniaque avait trompé la vigilance des gardiens avant d’engendrer cet enfant qui finirait par les asservir.
Sombre époque pour la tribu. Les villageois ne pouvaient plus se fier aux êtres surnaturels, ni même aux chrétiens. Une telle méfiance n’avait rien d’étonnant : depuis plusieurs décennies déjà, les étrangers pillaient le cœur de la forêt, dévastaient la faune, séquestraient les quelques Mbyas qu’ils rencontraient sur leur chemin. »Le collectionneur d’oreilles, Esteban Bedoya
Traduit de l'espagnol (Paraguay) par Frédéric Gross-Quelen
La Dernière Goutte, 2014http://www.ladernieregoutte.fr/livres/le-collectionneur-doreilles/
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L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 4)
"Louis Pasteur alla chercher un lourd volume sur ses étagères. C’était L’Histoire du choléra asiatique de Macnamara ; publié quelque douze années plus tôt à Londres, le livre était déjà un classique. (…)
Il y avait dans un temple du Gujarat, en Inde occidentale, un monolithe datant de l’époque d’Alexandre le Grand et sur lequel était inscrit : « Les lèvres bleues, le visage hagard, les yeux caves, l’estomac affaissé, les membres contractés et ratatinés, comme par le feu : tels sont les symptômes de la grande maladie qui est invoquée par une malédiction des prêtres et s’abat sur les braves pour les occire. » Hippocrate décrivit cette diarrhée mortelle. Il l’avait vue à l’œuvre à bord des navires qui entraient dans les ports grecs. Il avait examiné les suintements liquides qui s’écoulaient des corps des victimes et les grumeaux de mucus dans leurs intestins. (…)
Anonyme, invisible, cet organisme minuscule, recourbé et muni d’une queue mobile, flottait dans les fleuves où les grands dieux avaient plongé, dérivait près des rochers sur lesquels les femmes battaient leurs draps, effaçant les souillures laissées par l’amour et la procréation, par le sang et la salive, par les mucosités, le pus, les taches fécales, les caillots des bronches. Ces êtres n’avaient pas de poésie propre, aucun mythe ne les soutenait en chemin, et pourtant ils prospéraient sur les panses des poissons, se cachaient dans les carapaces des crabes – à la jointure des pattes et des pinces –, et là, se multipliaient au cœur des bouquets d’algues qui filaient dans les courants, vers la mer. Quel était l’objectif de ce vibrion, quelle place tenait-il dans le grand dessein, si grand dessein il y avait ? Ses errances servaient-elles Satan, où était-il simplement une chose en soi, s’efforçant de survivre, ne contenant aucun souvenir, mais dotée d’une férocité plus grande que celle du tigre, que la puissance d’une chute d’eau, que le tonnerre dans le ciel, une férocité concentrée sur sa propre pérégrination ? Ce vibrion était-il seulement une autre manifestation de la colère de la nature contre l’humanité ?"(extrait du chapitre 2)
L'Insaisissable, Anne Roiphe
Traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/
(tous les posts : http://blongre.hautetfort.com/tag/l%27insaisissable)
A young Venetian woman, aged 23, depicted before and after contracting cholera.
Coloured stipple engraving. Courtesy of Wellcome Library, London Iconographic Collections, Library reference no.: ICV No 10741. source: http://www.branchcollective.org/?attachment_id=1297Albert Edelfelt: Louis Pasteur en 1885, huile sur toile (source: Musée d'Orsay)
Le choléra en France. Paris - mesures de désinfection prises à la gare de Lyon, à l'égard des voyageurs arrivant de Toulon et de Marseille, L'Illustration Edition Paris, 1884
Source : http://www2.biusante.parisdescartes.fr/img/?refphot=CISC0238x1
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Cigogne - Jean-Luc A. d’Asciano
Cigogne
Jean-Luc A. d'Asciano
Serge Safran éditeur, 2015« Mon frère vient de sombrer dans le coma, à moins qu’il ne me faille le considérer comme mort. Si c’est le cas, alors nous accomplissons un miracle de plus, une obscénité nouvelle, celle d’être à la fois mort et vivant. Car plus que le gardien de mon frère, je suis mon frère, son jumeau, sa chair, son double perpétuel : nous sommes siamois. Vu de l’extérieur, nous possédons trois jambes, deux sexes, deux bras, deux têtes. Nos organes internes, eux, sont d’une complexité telle que les décrire, les comprendre ou simplement les énumérer conduirait au plus étrange blasphème. Mon frère, mon éternel gaucher, me semble mort. Je ne vais pas tarder à le rejoindre. Sofia nous veille, Sofia nous pleure, notre sœur, notre mère, notre dévouée, si incroyablement maigre et chaste, si incroyablement nécessaire. Puisse notre mort la délivrer. J’aimerais chanter.
Nous sommes nés monstrueux et notre vie fut belle. Nous sommes nés au plein milieu d’un été admirablement chaud. Nuls signes mystérieux – pluie de crapaud, migrations de rates, passages de comètes à la ponctualité détériorée, naissances d’agnelles à six pattes ou tournée de saltimbanques – n’annoncèrent notre venue. Juste le cri de douleur de notre mère lorsqu’elle accoucha, et son silence obstiné lorsqu’elle nous vit. »(extrait de Siamois, première nouvelle du recueil)
L'auteur est par ailleurs éditeur:
http://loeildor.free.fr/L'auteur présente son recueil :
http://youtu.be/Aqo3VJEYOs4Quelques articles:
http://leblogduvisagevert.wordpress.com/2015/04/06/des-hommes-et-des-betes/
http://addict-culture.com/cigogne-livre/
http://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Le-monde-au-bout-de-l-impasse-2015-04-08-1300044
http://blog.paludes.fr/post/2015/04/17/Paludes-757-du-vendredi-17-avril-2015
L'éditeur
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33e Marché de la poésie, Paris - du 10 au 14 juin 2015
Le 33e Marché de la poésie se déroulera place Saint-Sulpice, Paris VIe, du mercredi 10 à partir de 14h au dimanche 14 juin 2015. Black Herald Press sera sur le stand 710, en compagnie de la Dernière Goutte et des Carnets d'Eucharis.
http://poesie.evous.fr/Liste-des-participants-au-33e-Marche-de-la-Poesie.html
Marché de la poésie 2014
Lien permanent Catégories : Black Herald Press, Edition, Librairies, Poésie 0 commentaire 0 commentaire Tweet -
L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 3)
"Louis ne se faisait pas d’illusions. Les intuitions, les suggestions, les convictions elles-mêmes pouvaient s’avérer inutiles. Toutes les hypothèses antérieures pouvaient se révéler fausses. Ce qui était vrai de la fièvre charbonneuse, de ce qui avait provoqué la maladie des betteraves, de ce qui gardait la levure en vie ou la tuait, de ce qui décimait les vers à soie n’avait sans doute rien à voir avec les causes du choléra. Un scientifique se devait d’être son propre hérétique.
« Nous sommes fous, dit Edmond, un soir que les trois hommes finissaient leur dîner dans la cabine du capitaine.
— Que voulez-vous dire ? s’enquit Louis. Pour ma part, je suis parfaitement sain d’esprit.
— Mais alors, reprit Edmond tout en plongeant sa cuiller dans les restes du pudding au pain d’Émile, pourquoi naviguez-vous vers une ville où sévit le choléra ? La plupart des gens normaux voyageraient dans la direction opposée.
— Vous n’avez pas tort, répondit Roux en riant. Nous devrions immédiatement rentrer en France.
— Si je meurs, dit Nocard, mes chiens seront inconsolables. Et mon frère cupide héritera de ma maison et de mes terres.
— Dans ce cas, fit Roux, veillez à ne pas mourir. »
(extrait du chapitre 2, mettant en scène Louis Thuillier, Edmond Nocard et Emile Roux).
L'Insaisissable, Anne Roiphe
traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/
(tous les posts : http://blongre.hautetfort.com/tag/l%27insaisissable)
Portrait d'Edmond Nocard, vers 1890. Vétérinaire. Collaborateur de Pasteur, puis de Roux.
Emile Roux dans son laboratoire travaillant sur la toxine diphtérique, vers 1890
Louis Thuillier, vers 1880
Source :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b32000224
[Pasteuriens et personnalités du monde médical, 1868- 1970] -
Le Visage vert 25 (février 2015)
"C’était en hiver, dans la dernière région un peu mouvementée, onduleuse et chargée de forêts, que le vieux père Rhin traverse avant de se lancer dans les terres basses de Hollande, où il s'attardera, se divisera et subdivisera en plusieurs bras , se croisant et s'entrecroisant ; le Waal, le Nider-Ryjn, le Lets, le Rhin Tordu, la Vieille Coulée, la Coulée de la Potence, etc.
C'était en hiver et la neige tourbillonnait, recouvrant toutes choses, champs et forêts, villages aux toits frileusement serrés qui déroulaient de longues fumées dans le ciel noir ; en haut d'un dernier mamelon baigné par le fleuve, le burg s'élevait, noir et farouche sous la couche blanche qui dessinait la ligne de ses crénelages et les pointus de ses tours, des ses tourelles et de son gros donjon carré.
Le châtelain de ce burg avait gagné dans les batailles une renommée de rude chevalier, corps, tête et bras de fer, durs à tous et à lui-même. Il n'était pourtant qu'un petit garçon timide devant madame son épouse, châtelaine impérieuse et hautaine, qu'un chagrin rongeait au fond de son burg et qui devenait d'un caractère de plus en plus difficile, les années passant, en se voyant seule dans la grande salle peinturlurée des armoiries de la famille et des alliances, sans le moindre enfantelet à qui sourire aujourd'hui, et à qui transmettre plus tard le burg, les vassaux et les terres et les lions de l'écusson.
Son âme en sombrait dans l'amertume et le rude chevalier eût, pour s'étourdir, souhaité guerres et batailles perpétuelles.
Voilà qu'en ces jours de frimas et de neige où la triste humeur des châtelains s'assombrissait encore, une malheureuse bohémienne assez légèrement vêtue de haillons multicolores vint frapper à la porte du castel. Elle serrait dans ses bras un enfant bleu de froid et en traînait un autre par la main, une lamentable petite fille à peine couverte de quelques lambeaux de toile."
extrait de La Châtelaine aux 365 enfants
Légende du Vieux Rhin, d'Albert Robida (1848-1926)
Visage Vert n° 25, février 2015.Depuis sa naissance en octobre 1995, le Visage Vert a publié 25 numéros. Sous l’appellation générique de « Revue de littérature » (il s'intéresse au fantastique, mais aussi à l’anticipation ancienne, au bizarre, à l’absurde ou au mystère), le Visage Vert se présente comme une revue de découvertes, de traductions (ou de retraductions), d’essais et d’illustrations. Tel un archéologue dévoué aux marges de la littérature, le Visage Vert arpente les genres et les mouvements esthétiques liés à l’imaginaire.
Sommaire de ce numéro:
http://www.levisagevert.com/Revues/visagevert/visagevert/vv25.htmlpour commander la revue : http://www.levisagevert.com/edition/commande.html
Le blog du Visage Vert, revue et éditeur: http://leblogduvisagevert.wordpress.com/
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« Pays d’êtres humains et non d’individus » (Cioran)
"En 1941, installé à Paris, Cioran se transforme. Séduit un temps par le brutal apparat de la « Garde de fer » roumaine et par la force nazie, il se transforme et opte plus ou moins implicitement et très heureusement pour le camp adverse. Cette « métamorphose » se laisse entrevoir dans De la France, petit livre écrit au crayon, exhumé, traduit à un moment où, vieux de 68 ans, il reste d’une singulière actualité. « Livre charnière », « ode à la France », comme l’écrit Alain Paruit dans sa présentation, l’ouvrage marque une frontière : entre totalitarisme et libéralisme (au sens politique), entre roumain et français (la langue roumaine est parsemée d’expressions françaises), entre hymne à la grandeur et éloge de la décadence…
Car Cioran, opérant des comparaisons avec d’autres pays, développe le paradoxe suivant : la France est grande, et la preuve en est sa décadence immuable. Selon le processus d’écriture qui lui est cher, les fragments de pensées s’agglutinent, s’additionnent, entraînant le doute et la conviction. Chaque lecteur y trouve son compte, s’arrêtant à son gré sur des termes récurrents (« ennui, cafard, décadence, XVIIIe siècle, goût, sociabilité, raison, expérience, progrès, mesure »…) définissant la France selon Cioran, cette France de l’esprit contre le cœur, où le culte du repas tient lieu de liturgie quotidienne, et dont la perfection tient à des « riens ». « Pays d’êtres humains et non d’individus », « la France est une occasion éclatante de vérifier les expériences négatives ».
À l’heure où quelques politiciens en mal de popularité cherchent à définir une identité « nationale », il est bon de lire cet hymne à la France étrangère écrit par un de ces immigrés à qui nous devons de magnifiques pages de notre patrimoine littéraire. Écoutons rêver le petit Roumain : « Y a-t-il au monde un pays ayant eu autant de patriotes issus d’un autre sang et d’autres coutumes ? […] N’avons-nous pas aimé la France avec plus d’ardeur que ses fils, ne nous sommes-nous pas élevés ou humiliés dans une passion compréhensible et toutefois inexplicable ? N’avons-nous pas été nombreux, en provenance d’autres espaces, à l’embrasser comme le seul rêve terrestre de notre désir ? Pour nous qui arrivions de toutes sortes de pays, de pays malchanceux, la rencontre d’une humanité aboutie nous séduisait en nous offrant l’image d’un foyer idéal. » L’illusion opère toujours."extrait de Une belle voyageuse, Regard sur la littérature française d’origine roumaine, de Jean-Pierre Longre (éditions Calliopées, 2013). Cet extrait concerne l'ouvrage De la France, de Cioran (Traduction du roumain revue et corrigée par Alain Paruit. Éditions de l’Herne, 2009.)
Pour commander l'ouvrage :
http://www.calliopees.fr/e-librairie/fr/essai/71-une-belle-voyageuse-jean-pierre-longre-9782916608303.htmlà lire également, dans le n°5 du Black Herald, un entretien inédit avec Emil Cioran (entretien accordé en 1986 au philosophe et écrivain Bensalem Himmich)
http://blackheraldpress.wordpress.com/2015/04/14/entretien-avec-emil-cioran-interview-with-emil-cioran-bensalem-himmich/ -
L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 2)
"Il est des organismes faits pour la chaleur du désert et d’autres pour le froid arctique, tel ce ver minuscule absorbant les bactéries plus petites qui survivent tout au long du sombre hiver, sous la neige, dans un état de quasi-congélation, à l’intérieur des glaces turquoise des pics polaires. Certains organismes s’installent volontiers sur la peau chaude et velue des daims, des écureuils et des chauves-souris. D’autres survivent dans les profondeurs du sol, se nourrissant de l’humidité des gouttelettes de pluie qui s’infiltrent vers le centre ardent de la Terre. D’autres encore subsistent dans le ventre des moustiques ou bien dans le sang chaud des êtres humains. Les gens sont si fiers de leur âme, de son aptitude tant vantée à distinguer le bien du mal, à vénérer Dieu, à servir le roi ou la patrie, à se montrer charitable envers les mendiants ; mais l’âme est en réalité facilement broyée, pulvérisée, éliminée par les microbes minuscules qui tourbillonnent çà et là, indifférents au David de Michel-Ange, au Dix Commandements, aux nobles pyramides ou à la voûte gothique, tout autant qu’ils le sont aux frémissements insignifiants des cœurs libidineux ou aimants des hommes." (extrait du chapitre 1)
L'Insaisissable, Anne Roiphe
Traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/
Vibrions septiques, microphotographie illustrant les travaux de Louis Pasteur sur les maladies infectieuses.
Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b3200016d
[Microphotographies du laboratoire de Louis Pasteur, 1870-1890](tous les posts : http://blongre.hautetfort.com/tag/l%27insaisissable)
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Black Herald Press au Berkeley Books of Paris
On trouvera le dernier numéro du Black Herald au Berkeley Books of Paris, librairie incontournable du VIe arrondissement de Paris.
Berkeley Books of Paris
8, rue Casimir Delavigne
75006 Paris
(métro Odéon)http://www.facebook.com/BBoParis
Et pour en apprendre davantage sur la librairie (et sa libraire !)
http://disappearingparis.weebly.com/blog/phyllis-cohen-of-berkeley-books-on-literary-culture-finding-books-and-how-there-is-still-hope-for-bookstores-in-parisEt pour ceux qui souhaiteraient soutenir la librairie :
https://www.indiegogo.com/projects/berkeley-books-of-paris#/storyouvrages en vitrine
Ex Nihilo, Paul Stubbs (Black Herald Press, 2010)
Flesh, Paul Stubbs (Black Herald Press, 2013)
The End of the Trial of Man, Paul Stubbs (Arc Publications, 2015)
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The Black Herald #5
Vient de paraître : le 5e numéro de la revue bilingue & internationale The Black Herald, que je coédite avec le poète Paul Stubbs.
160 pages – 15€ – ISBN 978-2-919582-12-9 (ISSN 2266-1913)
Au sommaire : David Gascoyne (traduction en français du tout premier poème surréaliste anglais), Olive Moore (grande inconnue des lettres anglaises, qu'Anne-Sylvie Homassel nous permet de découvrir en français), Egon Bondy (traduit du tchèque par Eurydice Antolin), Pierre Cendors (un extrait de son prochain recueil), Andrew Fentham, Peter Oswald (dramaturge et poète, dont nous présentons ici une courte pièce et des poèmes), Charles Nodier (traduit par Alistair Ian Blyth, qui signe également une nouvelle sur la bibliotaphie), Paul Stubbs (deux poèmes extraits de son dernier recueil, paru en février en Grande-Bretagne), Afonso Cruz (traduit par Cécile Lombard), Heller Levinson (dont le dernier recueil, Wrack Lariat, vient de paraître chez Black Widow press) Philippe Annocque (traduit par Rosemary Lloyd), David Spittle, Jos Roy (dont nous avons publié le recueil De suc & d'espoir l'an passé), Michael Lee Rattigan (des poèmes et ses traductions de César Vallejo), Yves et Ada Rémy (un extrait des Soldats de la mer traduit par Edward Gauvin), Victor Segalen & Anthony Seidman, ainsi qu'un entretien inédit avec Emil Cioran (accordé en 1986 au philosophe Bensalem Himmich), et traduit du français par Rosemary Lloyd.Les contributeurs et le sommaire détaillé :
http://blackheraldpress.wordpress.com/magazine/the-black-herald-5/Pour se procurer la revue (commande en ligne ou en librairie) :
http://blackheraldpress.wordpress.com/buy-our-titles/Tous les numéros :
http://blackheraldpress.wordpress.com/magazine/***
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À propos de la revue
Publiée sous l’autorité de Paul Stubbs et Blandine Longre, cette très rigoureuse et élégante revue place la traduction au centre de son travail. L’anglais / anglo-américain, l’espagnol, le russe, le français jouent l’un vers l’autre, parfois l’un dans l’autre pour instruire le sens et la beauté de poèmes ou la précision d’essais critiques de haute qualité sous un thème sous-jacent : « Accept the Mystery », ou quand l’écrivain s’ouvre à l’antithèse de la réalité plutôt qu’au jeu naïf de l’éclaircissement d’un réel vécu comme opaque.
— Yves Boudier, cahier critique de poésie n° 28, cipM, octobre 2014. -
L'Insaisissable - Anne Roiphe (extrait 1)
"Après une nuit à l’ancre, l’Andromeda, un pilote des environs à la barre, contourna le petit phare qui se dressait au bout d’une longue jetée. Les boutres, les brigantins, les trois-mâts et les sloops qui entraient dans le nouveau port traversaient prudemment le canal rocheux de Boghaz.
Une fois dans la rade, le navire croisa les masses noires des cuirassés rouillés, le pavillon rouge orné de l’étoile et du croissant flottant à leur poupe. L’endroit grouillait de marins coiffés de bonnets rouges. Des timoniers barbus, portant des tarbouches, avançaient à la rame entre les grands vaisseaux qui arboraient le drapeau des États-Unis d’Amérique ou l’Union Jack. Des bateaux à vapeur de compagnies françaises ou anglaises ne cessaient d’entrer et de sortir du port à vive allure, ou bien étaient au repos, momentanément amarrés dans les eaux saumâtres de la rade. Quelques felouques appartenant au pacha allaient et venaient ; une fioriture turque était peinte sur leur poupe et des caractères arabes dorés, aux hampes allongées, décoraient les casiers qui renfermaient leur roue à aubes. Des appels bruyants jaillissaient des sifflets à vapeur, tandis que les traînées grises des cheminées tachetaient le ciel et que des cloches retentissaient au-dessus du port."L'Insaisissable, Anne Roiphe
Traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/
(tous les posts : http://blongre.hautetfort.com/tag/l%27insaisissable)
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L'Insaisissable - Anne Roiphe
L'Insaisissable
Anne Roiphe
Traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL) À paraître le 23 avril 2015
Editions du SonneurAlexandrie, 1883. Un navire marchand en provenance de Calcutta arrive dans le port de la cité égyptienne. Outre sa cargaison d’étoffes, il transporte un dangereux passager clandestin, invisible à l’œil nu : le microbe du choléra.
Depuis Paris, Louis Pasteur dépêche sur place un groupe de jeunes scientifiques chargés de découvrir le microbe avant le Dr Robert Koch (le chercheur allemand qui a identifié l’année précédente le bacille de la tuberculose), lequel a également rejoint Alexandrie. Il en va de l’honneur de la France. L’équipe se compose de Louis Thuillier, d’Émile Roux et du vétérinaire Edmond Nocard, accompagnés de Marcus, leur assistant. Selon les instructions de Pasteur, ils installent leur laboratoire dans l’enceinte de l’hôpital européen et se mettent au travail...http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/
(tous les posts : http://blongre.hautetfort.com/tag/l%27insaisissable)
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Le Joyeux Anniversaire de la mort / The Happy Birthday of Death - Gregory Corso
Vient de paraître
LE JOYEUX ANNIVERSAIRE DE LA MORT
GREGORY CORSOPoèmes choisis – recueil bilingue
Traduit de l’anglais par Blandine Longre
Introduction de Paul Stubbs / Postface de Kirby OlsonThe Happy Birthday of Death
Selected poems – bilingual bookBlack Herald Press, novembre 2014
100 pages – 14 € / ISBN 978-2-919582-09-9*
« Magnifique et stupéfiant Gregory Corso, le seul & unique Gregory le Héraut. »
Jack Kerouac.« Sans doute le plus grand poète américain. »
Allen Ginsberg à propos de Gregory Corso.*
Plus d'informations: http://blackheraldpress.wordpress.com/books/gregorycorso/
Pour se procurer l'ouvrage : http://blackheraldpress.wordpress.com/buy-our-titles/
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Gregory Corso (1930-2001), l’un des poètes majeurs de la Beat Generation aux côtés de Jack Kerouac, d’Allen Ginsberg et de William S. Burroughs, a voué son existence à la poésie. Bien qu’ancrée dans la modernité, l’écriture de Corso puise également dans des traditions plus anciennes (celles, entre autres, du poète Percy Bysshe Shelley, figure tutélaire, et de l’héritage antique), révélant une poésie de nature composite, erratique et visionnaire, entre élégance lyrique et audace syntaxique, archaïsme revendiqué et facétieuse vitalité. Cet ouvrage rassemble un choix de poèmes extraits d’un recueil d’une incontestable originalité, Le Joyeux Anniversaire de la mort (publié en 1960 par New Directions), recueil qui concourut à consolider la réputation du poète, « un alchimiste des plus insolites, un belliciste des mots opérant à l’usure, bataillant aveuglément, immensément, avec le langage », ainsi que le décrit Paul Stubbs dans l’introduction au présent ouvrage.
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