"C’était le docteur Koch, pressé de regagner son laboratoire. Désireux d’étudier une lamelle préparée la veille, il ne pouvait attendre le lever du soleil. Il avait prélevé un peu de tissu de l’intestin d’une victime du choléra qu’il avait examiné avec soin, aux côtés de celui d’une femme morte en couches. Il avait obtenu ces échantillons à force d’insister, de distribuer des pots-de-vin, d’envoyer son assistant, Gaffkey, à l’entreprise de pompes funèbres du quartier. Il comparerait les deux spécimens. S’il faisait une trouvaille digne d’intérêt dans le tissu du cholérique, il la dessinerait dans son carnet. Il la conserverait, au cas où celle-ci pût être observée de nouveau. Si un élément devait apparaître sous son microscope, qui ne fût pas présent dans l’intestin de la femme, sans doute aurait-il obtenu quelque chose. Mais rien n’était moins sûr. Le corps d’une femme en couches sécrétait peut-être des substances différentes de celles d’un homme. Il ne tirerait pas de conclusions hâtives. Il se contenterait de consigner ses observations. Il faisait confiance à sa vue. À sa main, habile au dessin. À son cerveau."
(extrait du chapitre 4)
L'Insaisissable, Anne Roiphe
Traduction de l’anglais (États-Unis) de Blandine Longre
(traduit avec le concours du CNL), avril 2015, les Editions du Sonneur.
http://www.editionsdusonneur.com/livre/linsaisissable-anne-roiphe/
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Robert Koch dans son laboratoire à Berlin. Dessin Marold. Gravure Dochy, 1890 (Musée Pasteur).