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  • Le bonheur est dans la forêt

    doppler3.jpgDoppler d'Erlend Loe
    traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud
    Gaïa, collection taille Unique, 2006 / parution en 10-18, janvier 2009

     

    Qui est réellement ce Doppler qui donne son nom au quatrième roman d’Erlend Loe publié en français et qui, soit dit en passant, nous fait tant rire ? Un irrécupérable ahuri ? Un asocial invétéré ? Ou tout simplement un sage, qui a bien raison de fuir travail, épouse et enfants, d’aller trouver refuge dans la forêt proche d’Oslo et d’adopter un jeune élan comme seul compagnon ? Certes, Doppler reconnaît ouvertement sa misanthropie en admettant ne pas aimer les gens (surtout les Norvégiens…) et son départ s’accorde à la logique jusqu’au-boutiste qu’il a décidé de suivre désormais. Avide de silence, il vit depuis six mois dans la forêt où il a planté sa tente dans un coin tranquille et érige petit à petit un système de valeurs dont le premier commandement est le suivant : fuir l’application humaine, qui caractérisait la vie étriquée qu’il menait avant, faite de petites obsessions matérielles et de préoccupations déshumanisantes, vécue au rythme des Teletubbies, héros de son fils téléphage, ou des élucubrations tolkieniennes de son adolescente de fille.

    Cette exclusion volontaire est le résultat d’un long processus mental, d’une crise existentielle qui ne fait que débuter, d’un dégoût progressif d’une vie sans joie, où le moindre geste était régi par un perfectionnisme effréné, où toujours il fallait prouver (à soi et aux autres) ses compétences : « Pendant des décennies, j’ai pataugé dans cette mare d’application (…) J’ai respiré de l’application et, peu à peu, j’ai perdu la vie. » Ainsi, pour faire contrepoids, Doppler a décidé de ne plus rien faire… ou presque ; de se prélasser sous sa tente ou près d’un feu de camp, de rêvasser ou de penser à son père, mort quelques mois plus tôt, se contentant de vivre de rapines, du troc ou de la chasse. Son élan et lui s’amusent comme des fous sous leur tente, mais il lui faut cependant se ravitailler de temps à autres – et malheureusement côtoyer brièvement quelques spécimens de l’espèce humaine. Et quand son épouse (qui est parfois venue lui rendre visite – Doppler est admirablement membré, il ne s’en cache pas !) lui annonce tout de go qu’elle est enceinte, lui pose un ultimatum, ou lui impose la garde partagée de Gregus, leur fils de quatre ans, comment va-t-il réagir ? Quand son ascétisme fera naître d’autres vocations, parviendra-t-il à échapper à ses pathétiques admirateurs ? Car en dépit de son entêtement et de tout ce qu’il peut affirmer sur sa détestation d’autrui, Doppler n’est pas un « méchant » ; ce serait presque tout le contraire... il se montre très attachant et s’attache lui-même aux autres, contre son gré. À l’instar de Jonathan Swift (“Je hais et je déteste cet animal qu'on appelle homme encore que je puisse aimer de tout mon coeur John, Peter, Thomas.»), c’est en groupe que Doppler déteste l’être humain.

     

    doppler1.jpgAu-delà du parcours singulier et atypique de Doppler, grand philosophe des temps modernes, sorte de Bouddha en quête d’un éveil improbable quittant la chaleur du foyer familial pour aller chercher ailleurs des questions et des réponses, et au-delà de la loufoquerie délibérée du récit, l’auteur expose en filigrane quelques maux qui frappent notre époque – consumérisme outrancier, accumulation de biens matériels, aveuglement des illusoires échappatoires qu’offrent la culture de masse et ses avatars - ou, tout simplement, la condition qui frappe l’humain en tant qu’être social.

    Au pragmatisme de son épouse, le narrateur oppose une logique qui n’appartient qu’à lui et quand la réalité cherche à le rattraper, il reste fidèle à lui-même, osant ce que jamais il n’aurait osé faire par le passé. Doppler est un personnage qui fait office de fou – au sens noble du terme : celui qui entend déciller les yeux du lecteur par sa posture extrême et sans compromis, et pourtant jamais morale, et dit tout haut ce que l’on n’ose même penser… Hormis ces salutaires réflexions que nous impose Doppler, le roman a le grand mérite de divertir le lecteur, page après page, de situations ubuesques en épisodes invraisemblables (quoique…), d’expériences malencontreuses en rebondissements inopinés. Erlend Loe a créé là une importante figure humanisante de la marge qu’on aura le bonheur de retrouver dans Volvo Trucks, paru il y a quelques mois.

     

    erlendloe.jpghttp://www.gaia-editions.com

     

    www.10-18.fr

     

     

    du même auteur :
    Autant en emporte la femme traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud - Gaïa, collection taille Unique 2005

    Maria & José (illustrations de Kim Hiorthøy) roman graphique traduit du norvégien par J-B. Coursaud - Gaïa 2005

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  • Anansi, l'homme-araignée

    anansi.jpgAnansi, conte africain / Figures futur 2008-2010
    Editions courtes et longues - CPLJ-93, ouvrage bilingue français-anglais, 2008

    Le Centre de promotion du livre de jeunesse Seine-Saint-Denis organise chaque année le salon du Livre et de la Presse jeunesse de Montreuil et, tous les deux ans (depuis 1990), un concours international : Figures futur, dont l’objectif est de repérer les grandes tendances de l’illustration de demain et de découvrir de nouveaux talents. Publié par les éditions Courtes et longues, ce bel ouvrage regroupe les contributions de plus d’une trentaine d’illustrateurs sélectionnés par le jury, dont la lauréate, Julia Marti, d’origine suisse – son trait économe et son dessin épuré ayant retenu l’attention des jurés. Cette fois, après Peter Pan et Alice (concours 2006), les candidats ont pu choisir entre deux contes africains : Pourquoi on trouve toujours les araignées aux coins des plafonds et Anansi et la Mort - qui mettent en scène le même personnage traditionnel, Anansi, mi-homme, mi-araignée, ambivalent et fluctuant. L'ensemble est forcément éclectique et très varié et, pour ma part, j'ai surtout apprécié les travaux de Katinka Reinke ou de Lisa Nanni (ci-dessous) dont les univers graphiques me semblent plus aboutis que d'autres.

    anansi2.jpgPour compléter le tout, plusieurs illustrateurs, peintres, artistes ou graphistes ont été interrogés sur ce que l’illustration représentait pour chacun d’eux - on retiendra entre autres les propos d'Olivier Douzou, fort justes : « l’illustration est une musique qui donne des inclinaisons à la parole. C’est un accompagnement qui joue finalement avec les mots, qui donne à lire plutôt qu’à voir, qui propose des interrogations plutôt que des réponses… »

    http://www.cleditions.com/

    http://www.salon-livre-presse-jeunesse.net/

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  • Une grande petite

    olga.jpgLe grand livre d'Olga, de Geneviève Brisac, illustrations Michel Gay - L'Ecole des loisirs, 2008

    Excellente idée que de rassembler les douze histoires d’Olga, la jeune héroïne imaginée par Geneviève Brisac il y a déjà quelques années (en 1990, pour être exact, date de sa première apparition dans la collection Mouche) dans un seul volume grand format d’une belle épaisseur, ponctué des esquisses de Michel Gay : pas moins de 420 pages d’aventures familiales qui mettent en scène une fillette, entre candeur et lucidité, toujours prompte à s’interroger et à enquêter (sur l’existence du Père Noël, dans Le Noël d’Olga), à remettre en question l’ordre des choses, à s’inquiéter de ce qui pourrait passer pour des broutilles aux yeux des adultes (quand il s’agit d’inviter des amies qui risquent de se moquer de sa maison « nid de souris », dans Olga fait une fête), ou à se révolter face à des injustices flagrantes – comme dans Olga et les traitres (où l’arrivée d'une remplaçante terrifiante incite certains enfants à céder à la peur), Chaque histoire dévoile habilement les appréhensions, les bonheurs et les difficultés qui font grandir, à travers les expériences quotidiennes d’une petite fille volontaire et attachante, dans une famille ou la liberté d’expression prévaut. 
    (Blandine Longre, décembre 2008)

    http://www.ecoledesloisirs.fr/index1.htm

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  • Chuchotements poétiques

    On m'a offert récemment un livre étonnant, forme et fond compris, une bien belle surprise dont j'ai envie de dire quelques mots. Un ouvrage à la couverture lumineuse (fond orange doré à la feuille d'or), composé d'une seule page, pliée de telle sorte qu'on obtient un livret en accordéon, maintenu par deux fins rubans noirs croisés de chaque côté. Selon le sens où l'on choisit d'ouvrir cet objet, plus petit qu'un livre de poche, on tombe sur le texte original anglais - enregistré en 1963 sur 12 disques avec la voix de son auteur, puis publié en 1970 en anglais et en allemand dans un ouvrage collectif auquel participaient plusieurs artistes - ou sur sa traduction en français, signée Anne-Marie Hui Bon Hoa.

    A l'intérieur, on découvre douze poèmes en vers libres, chacun correspondant à une date précise mais arbitraire (17 janvier, 17 février... jusqu'en décembre - le 17 janvier étant devenu, dès 1973, l'occasion d'un anniversaire de l'art, à l'initiative de l'auteur) et décrivant quelques gestes qui rapprochent les êtres humains de la création artistique - des gestes simples, presque naturels, évidents voire anodins, qui rappellent que l'art est à la portée de tous, qu'il suffit de s'ouvrir au monde environnant, de l'observer, de le faire sien : de plonger une éponge dans un seau d'eau, de lancer une balle dans les vagues, ou d'acheter un os... Le leitmotiv, "l'art est vivant", peut s'associer sans peine à un autre, qui apparaît en filigrane : "la poésie est vivante". Le livre s'intitule L'Histoire chuchotée de l'Art / Whispered Art History, et le poète s'appelle Robert Filliou.

    fillliou.jpg

    "Tout a commencé un 17 janvier, il y a un million d'années.
    Un homme s'empara d'une éponge et la plongea dans un seau d'eau.
    Le nom de cet homme n'est pas important.
    Il est mort, mais l'art est vivant.
    Pas besoin de noms dans cette histoire."

    La personne à qui je dois ce précieux cadeau m'en voudrait que je dévoile ici son identité ; cependant, il semble important de révéler que cet ouvrage a été déniché au salon de l'Autre livre, sur le stand d'un éditeur indépendant que je ne connaissais que de nom : Clémence Hiver éditions. Faute de trouver en ligne de plus amples informations sur cette petite maison créée il y a une vingtaine d'années, je reproduis ici la fiche que le salon propose sur son site.

    Clémence Hiver Editeur
    6 rue de la Planète BP 13 30610 Sauve
    Tel. : 04 66 77 02 09
    clemence.hiver(at)wanadoo.fr
    Autodiffusé, autodistribué 

    Ligne éditoriale : Les livres des éditions Clémence Hiver ont souvent été repérés pour leur facture singulière (maquettes, papiers, typographies, reliures), qui n’est peut-être que la forme d’un hommage tranquille à des univers poétiques, que l’éditeur a cœur à transmettre. En cela guidé non pas par une appartenance géographique ou autre des auteurs, mais par leur présence propre ; l’écriture restant première dans les choix éditoriaux : densité, résonances…

    Ouvrages principaux, collections : Marina Tsvetaeva, Terentiev (un compagnon de Malévitch) et son imbattable "Record de Tendresse", le désormais célèbre Nuvolaire de l’orientaliste florentin Fosco Maraini, le Pianissimo et les Copeaux de Camillo Sbarbaro, le Livre de Recettes de Ladislav Novak, les Contes de fées & 16 Poèmes enfantins du poète des Inconférences, E.E Cummings. Sans oublier L’histoire chuchotée de l’art d’un natif de Sauve : Robert Filliou (“Nationalité : Poète. Profession : Français”, selon son passeport).

    Nouveautés : Les deux « voyages métaphysiques » d’Olga Sedakova, l'une des grandes voix de la poésie russe contemporaine / Voyage à Tartu & Retour (Chronique à retardement) suivi de Poésie & Anthropologie et de Quelques remarques sur l’art de la traduction/Voyage à Briansk (Chronique sans prétention) suivi par Le Don de la liberté et de Quelques mots sur la poésie. Sur sa fin, son commencement et sa continuation.

     

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  • Abrutissement généralisé

    debris.jpgDébris, de Dennis Kelly

    traduit de l’anglais par  Philippe Le Moine et Pauline Sales

    Editions théâtrales, Culturesfrance, collection Traits d'union, 2008

     

    « Pauvre maman. Elle n’avait pas compris que les gens dans le poste ne sont pas réels, ce n’est qu’un écran magique, les mots ne sont plus qu’une collection chaque jour plus abstraite de sons dans les airs. La réalité était bel et bien dans son ventre, la réalité grandissait là, c’était moi la réalité. Une enfant-plante suçant la mort par sa langue-pomme de terre – c’était ça la réalité. »

     

    Texte saisissant, Débris traite de la déliquescence familiale, sociale et humaine et examine avec acuité la manière dont les rapports (de force ou d'amour) entre les générations évoluent, corrompus par l’incommunicabilité, elle-même engendrée par la télévision, omniprésente : un mal déréalisant qui provoque la perte des repères, du sens et pire encore. Il s’agit là d’un théâtre essentiellement allégorique, où l’horreur des situations exposées sert avant tout à mettre l’accent sur les dysfonctionnements qui agitent les rapports humains, en particulier la relation parent-enfant.

     

    Ainsi, l’abandon du père par le fils dans la première scène, où l’inversion des rôles est amplifiée par le recours au symbolisme religieux : quand Michaël, 16 ans, assiste à la crucifixion volontaire de son père, puis quitte la pièce, laissant son père mourant, terrifié. Plus loin, on voit le même Michaël, enfant, devenir le père d’un bébé abandonné dans les ordures, qu’il baptise « Débris », et qu’il nourrira au sein ; ailleurs, Michaël et sa sœur Michelle tombent entre les mains avides d’un proxénète et se seraient pliés à ses exigences si leur père, éprouvant soudain un attachement animal pour sa progéniture, n’était pas venu les récupérer - même si, à d’autres occasions, les enfants sont niés, oubliés et que c’est l’abandon parental qui prime.

     

    La plupart des scènes, monologues ou duos, reposent sur un procédé similaire : des images successives visuellement frappantes, voire grotesques, des mots qui font mouche, implacables mais jamais gratuits, qui atteignent le monstrueux et l’impensable, et dont l’impact sur le lecteur/spectateur pourrait se rapprocher du théâtre brechtien, dans la mesure où ils cherchent aussi à déciller, à éveiller les consciences abruties ou en passe de l’être… L’auteur bâtit une vision décadente, pitoyable et noire de la petite humanité et de ses débris, comme une tentative de briser les cercles de la transmission intergénérationnelle et de la démission existentielle.
    (B. Longre, décembre 2008)

     

     

    ***********

     

    Dans le cadre de la Saison culturelle européenne (juillet – décembre 2008), les éditions Théâtrales et Culturesfrance coéditent une collection intitulée "Traits d'union", regroupant 27 pièces inédites, une pour chacun des pays européens, de l'Allemagne à la Suède.

     

    www.editionstheatrales.fr/traitsdunion

     

    http://www.editionstheatrales.fr/

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  • Une femme disparaît

    barbebleue.jpgBarbe-Bleue de Chiarra Carrer, La Joie de Lire, 2008 (traduit de l'italien)

    Une hache.
    Une cuve.
    Une mare de sang épaissi.

    Réinvention partielle du célèbre conte, cet album minimaliste marque l'esprit du lecteur : texte contenu, en vers libres, où les non-dits abondent ; illustrations en beige, noir, bleu ou jaune pâle, ponctuées de quelques traces rouge sang. L'horreur et l'angoisse sont présentes à chaque page, tantôt brutes, que ce soit verbalement ou visuellement, tantôt suggérées par l'expressivité d'un visage, la position d'un corps, ou quelques mots qui laissent l'imaginaire faire le reste. Un beau travail d'artiste, glaçant à souhait, qui rend hommage au conte et à ses aspects symboliques mais qui en propose aussi une vision singulière, quasiment théâtrale.

    On pourra lire la chronique d'Anne-Marie Mercier.

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  • Un peu de lecture

    book2.jpgÀ découvrir, entre autres, dans le Zaporogue Magazine n° 5, revue de littérature, un texte intitulé " Dernier séjour ".

    Lien direct: http://www.lulu.com/content/5336540

    À télécharger gratuitement ou à acheter en ligne
    - édité par Sébastien Doubinsky, éditions du Zaporogue
    http://www.myspace.com/zaporogue

    Merci de vos lectures.
    Belles fêtes à tous.

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  • Des blogs pour (mieux) passer l'hiver

    Quelques suggestions, liste non-exhaustive... (les liens ne sont plus mis à jour très régulièrement dans la colonne de gauche - mais plutôt de ce côté.)

    Ailleurs ici presque sans sommeil - Veille internet hautement subjective de Romain Verger.

    http://ailleursicipresquesanssoleil.tumblr.com/

    Livrenblog - Littérature fin de siècle. Textes et images. bibliographies, portraits littéraires, informations.

    http://livrenblog.blogspot.com/

     Solko - Littérature, théâtre, histoire et polémiques à Lyon et ailleurs ... Blog de Roland Thevenet

    http://solko.hautetfort.com/

    Locus Solus - Le blog de Thierry Horguelin - Littérature, Cinéma, Typographie

    http://locus-solus-fr.net/

    Au Carrefour étrange - Trouvailles et introuvables

    http://aucarrefouretrange.blogspot.com/

    Bartleby les yeux ouverts - Des livres et des livres : études de personnages, de situations, etc. à la marge, en décalage avec la réalité quotidienne.

    http://bartlebylesyeuxouverts.blogspot.com/

    Littératures orientales, questions de traduction

    http://jelct.blogspot.com/ 

    Mister M.

    http://print-temps.over-blog.com/

     Le Tampographe Sardon

    http://le-tampographe-sardon.blogspot.com/

    Morbid anatomy

    http://morbidanatomy.blogspot.com/

     A journey round my skull -  Unhealthy book fetishism from a reader, collector, and amateur historian of forgotten literature.

     http://ajourneyroundmyskull.blogspot.com/

    Adventures in the print trade

    http://adventuresintheprinttrade.blogspot.com/

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  • La pomme de la discorde, les ailes de l'avenir

    The Three Incestuous Sisters, d'Audrey Niffenegger
    Jonathan Cape, 2005

    sisters1.jpg

     

    L'album n'est pas réservé aux seuls enfants et Audrey Niffenegger s'est approprié ce support avec finesse et talent ; de même, elle a choisi de créer un conte tendre et cruel – le merveilleux n'étant pas non plus une exclusivité enfantine. The Three Incestuous Sisters n'est pas un ouvrage pour la jeunesse, le titre en atteste, quand bien même le récit débuterait par le très classique "Il était une fois trois sœurs...". Trois sœurs, donc, qui ne se ressemblent pas - Clothilde, la talentueuse, Ophile la plus intelligente et Bettine, la plus jolie. Elles vivent en bonne entente jusqu'à l'arrivée d'un garçon nommé Paris - incarnation de la discorde à venir. Le choix du garçon se porte sur Bettine, la benjamine, et tandis que la fantasque Clothilde s'enferme dans un monde de folie douce tout en restant attentive aux étreintes de Bettine et de Paris, le cœur d'Ophile est noirci par la jalousie.

    Les deux amoureux apprennent à se connaître et un enfant est conçu - un fœtus avec lequel Clothilde communique tendrement, lui enseignant les étoiles et les sciences, en lui apprenant aussi à voler... Mais la sombre douleur qui ronge Ophile l'incite à commettre l'irréparable : Bettine meurt et Paris s'enfuit ; quant au fœtus... Clothilde a cessé d'entendre sa voix. Ophile, dont l'existence est devenue un calvaire saturé de fantômes, met fin à ses jours. Clothilde, restée seule dans la grande maison, se languit du bébé de sa sœur, quand, bien des années plus tard, elle entend à nouveau sa voix.

     

    sisters3.jpgLes trois sœurs sont des êtres hybrides, tour à tour fées, déesses, sorcières ou simples mortelles dont les sentiments se mêlent - rendant l'histoire de chacune indissociable de celle des deux autres, tandis que que toutes trois convoitent le même homme. Des histoires de séparations, d'amour et de mort, puis de retrouvailles, au-delà de la mort, dans un happy end qui remet en mémoire certains passages du roman d'Audrey Niffenegger, The Time Traveler's Wife.

    Le texte, délibérément bref et incisif, se superpose habilement aux illustrations, parfois à la manière d'une légende qui les accompagnerait humblement. Car l'artiste a d'abord composé cette histoire visuellement, à la façon d'un story-board, et le récit fut écrit postérieurement, à partir des esquisses. "C'est mon livre de cœur, un travail amoureux de quatorze années." explique-t-elle en postface, ajoutant qu'elle préfère le qualificatif de "visuel" plutôt que celui de "graphique" pour ce roman atypique.

     

    D'instinct, le lecteur est aspiré par les quelque quatre-vingt gravures (pas moins) qui composent l'ouvrage - des aquatintes homogènes, dans les tons de gris pour les décors, les personnages, en particulier les visages, se détachant ainsi singulièrement. Des illustrations pleine page, qui peuvent aussi se lire indépendamment du texte, ceci permettant de donner libre cours à sa propre imagination. Ce travail assidu, que l'auteure compare "au long siège d'une forteresse" - mûri avec le temps et patiné par l'acide mordant le cuivre - fut d'abord purement artisanal, Audrey Niffenegger ne prévoyant de réaliser, à la main, que dix exemplaires. Cette parution, par nécessité "industrielle", demeure esthétiquement exemplaire (et entre dans la belle collection graphique de l'éditeur Jonathan Cape), un "beau livre" dont le récit illustré et les trois sœurs aux longs cheveux reviennent inlassablement hanter le lecteur.  (B. Longre)

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  • Dystopie à l'anglaise

    robincook3.jpgQuelque chose de pourri au royaume d'Angleterre
    de Robin Cook
    (A State of Denmark, 1970) - traduit de l'anglais par Jean-Paul Gratias - Rivages/Noir

     

    D'abord, il serait dommage de confondre Robin Cook, auteur en série de thrillers médicaux de piètre qualité et Robin Cook (1931-1994), plus connu sous le nom de plume de Raymond Derek. Ce dernier, issu de la bourgeoisie britannique, prend vite la fuite et se met à voyager (Paris, New York, Espagne, Italie), alternant les petits boulots dans le monde interlope, les mariages et l'écriture : des nouvelles, une autobiographie (Mémoire vive), plusieurs romans parus en France aux éditions Rivages (Crème anglaise, Vices privés, vertus publiques, Il est mort les yeux ouverts, Comment vivent les morts, J'étais Dora Suarez...).

     

    L'oeuvre de Cook s'inscrit dans le mouvement engagé du néo-polar (romans noirs dont les aspects ouvertement militants offrent un regard critique sur les dysfonctionnements sociaux, politiques ou économiques - en France, les représentants les plus connus sont Jean Vautrin, Jean-Patrick Manchette ou encore Didier Daeninckx), et il exploite ici les tares et les défaillances d'un occident démocratique pour construire un roman dont la noirceur n'a d'égal que la superbe construction dramatique. La tragédie individuelle de Richard Watt, narrateur du palpitant Quelque chose de pourri au royaume d'Angleterre, s'apparente à (et s'inspire largement de) celle de Winston dans 1984 et la politique de Jobling (premier ministre élu démocratiquement pour mieux imposer sa loi par la suite) ressemble à s'y méprendre à celle d'un petit Hitler à la sauce Big Brother : l'Angleterre totalitaire qui est ici décrite est absolument terrifiante - mais, en définitive, pas plus que l'Allemagne des années 30 ne devait l'être : suppression des libertés individuelles, main mise sur les médias, délations, police secrète, détentions illégales des opposants, déportation des Noirs...

     

    Richard, journaliste conspué par le nouveau régime, s'est échappé à temps de cet univers cauchemardesque et mène, avec sa compagne Magda, une existence paisible en Toscane, où il a acheté des terres et une ferme, pour devenir vigneron. En cinq ans, ils se sont adaptés à leur nouvel environnement ; Richard est néanmoins tourmenté, l'esprit aux aguets, craignant de ne pas être véritablement à l'abri de Jobling dans cette campagne pourtant reculée, dans une Italie démocratique... Il craint d'être rattrapé d'une manière ou d'une autre, sans pourtant deviner ce qui l'attend.

    Roman d'anticipation politique laconiquement dédié "à toutes les victimes", Quelque chose de pourri au royaume d'Angleterre relate la chute inexorable d'un esprit rebelle, rageur, attaché à ses droits fondamentaux, et pourtant profondément pessimiste ; son parcours est une fable essentielle qui démantèle l'architecture dictatoriale et examine avec précision les effets que le contrôle totalitaire engendre au niveau individuel (éveil des instincts meurtriers, folie) : une œuvre obscure mais saisissante qui opère comme un avertissement : nul ne devrait se croire à l'abri...  (B. Longre)

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  • Zaporoguons - suite...

    zaporogue5.jpg

    LE MAGAZINE "LE ZAPOROGUE" #5 EST SORTI
    "THE ZAPOROGUE" MAGAZINE ISSUE #5 IS OUT NOW

     

    Textes et images de/Texts and images by: Thibault de Vivies, Didier Dæninckx, Jean-Yves Lemesle, Lynn Hoggatt, Kim « Kix» Jeppesen, Sébastien Doubinsky, Michel Embareck, Jonas Lautrop, Michael Moorcock, Tabish Khair, Jean-François Mariotti, Hélène Dassavray, Métie Navajo, Pierre Cherruau, La bande des 4 (Doubinsky, de Vivies, Mariotti, Sendek), Zach Seemayer, Claro, Nicolas Richard, Eric Coulaud, Lionel Osztean, Alexandre Planque, Blandine Longre, Arlene Colombe, Hiquily Ole Wesenberg, Nielsen Johannes Høje, Cathy Ytak, Manu Rich, Celina Osuna, Matt Gangi.

     

     

    Lien direct: http://www.lulu.com/content/5336540

    À télécharger gratuitement ou à acheter en ligne.

     

    – édité par Sébastien Doubinsky, éditions du zaporogue

    http://www.myspace.com/zaporogue

     

     

    Lire aussi l'entretien que La Revue des ressources a accordé à Sébastien Doubinsky
    http://www.larevuedesressources.org/spip.php?article1043

     

     

    Et la présentation de quelques publications, vivement recommandées.

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  • Pour une autre exploration de l'espace du livre

    lesgrandsarbres.jpgLa Diseuse, association de micro-édition co-dirigée par Marc Bellini et Lilas Seewald, propose d’aborder le livre et la lecture autrement… en publiant des livres-objets, en mettant en place des collaborations parfois inattendues entre auteurs, dessinateurs, artistes, en mettant aussi l’accent sur l’innovation graphique.
    J’ai récemment découvert quelques-uns de leurs ouvrages, dont une série de quinze cartes postales intitulée Les grands Arbres, qui combine des textes d’Anne Vauclair et des photographies de Marc Bellini, dont le travail inclut un usage original du photomaton. Malgré son support singulier et les blancs du récit, il s’agit bien d’un roman, entre anticipation et introspection : l’histoire d’une rencontre amoureuse ou amicale bâtie autour d’un souvenir commun, pourtant vécu séparément : celui des grands arbres que les deux personnages grimpaient à l’insu de tous, quand ils étaient enfants. Un acte qui leur paraît à présent terrifiant, alors que d’autres terreurs surgissent dans leur existence – des peurs, des révoltes puis la disparition brutale de l’un d’eux.
    L’ordre de lecture est balisé (les cartes sont datées du 1er au 15 avril 2005), mais peut aussi se faire aléatoire et morcelé, opérant un basculement et une perte des repères temporels (on notera l’allusion à L’Intemporel), tandis que des parallèles prennent imperceptiblement forme entre textes et images ou entre les différents montages photographiques – visages, fragments de corps, poings levés, mains tâtonnantes – qui déconstruisent les gestes et insistent, via les cadres, sur ce qui sépare les êtres les uns des autres. Ce « livre », qui stimule autant les sens et les émotions que l’intellect, renvoie ainsi le lecteur à ses propres expériences ; un effet de rapprochement favorisé par le support, qui crée une intimité immédiate – comme si chaque missive nous était adressée. Une collaboration à saluer.

     

    Les Grands Arbres, d’Anne Vauclair et Marc Bellini, un roman photo (photographies d'identité) en 15 cartes postales. 10.5 x 15, 15 cartes retenues par une bague, imprimées en quadrichromie offset sur couché semi-mat. 400 exemplaires, 12 euros.

    http://www.ladiseuse.com

     

    La Diseuse est invitée par la Librairie éphémère (Halle Saint-Pierre, Paris) - jusqu'au 4 janvier 2009.

    http://www.hallesaintpierre.org 

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  • Le VV sur les ondes...

    livre_l_524.jpg

    L'émission Mauvais genres, ce samedi 13 décembre de 21 à 22 heures sur France Culture, sera consacrée à Gaston Leroux, Fu Manchu... et à la revue Le Visage vert. Avec la participation d'Anne-Sylvie Homassel (membre de la rédaction du Visage vert et traductrice des aventures de Fu Manchu chez Zulma).

     

    Le numéro 15 du Visage Vert est en cours de lecture de mon côté, et j'y ai déjà découvert quelques auteurs dont les histoires, pour la plupart glaçantes, sont à leur place dans cette parution intitulée "Hantises et malédictions".

    On lira entre autres Le Succube de Jules Bois (1868-1943), où libido et mortido sont indissociables. Bois, ami de Huysmans, journaliste, féministe, versé dans l'occultisme, y relate comment la victime masculine, peu à peu, se laisse posséder par le démon qui a pris les traits de sa compagne décédée ; et le récit se fait plus décousu, le style plus saccadé à mesure que le narrateur bascule dans un état fébrile, engendré par ses terreurs...

    D'autres scènes propres à générer quelques plaisants cauchemars composent N° 252, rue Monsieur-le-Prince de Ralph Adams Cram (auquel Michel Meurger consacre un dossier stimulant), une histoire de fantôme (et de maison hantée) atypique, aux révélations imprévisibles ; tout comme La vallée morte, du même auteur, au début de laquelle le narrateur nous met en garde : "des histoires qui deviennent, alors que la nuit court à son plus profond, et que le feu s'affaisse, de plus en plus étranges, de moins en moins crédibles ; mais je les tiens, moi, pour vraies." Une façon de souligner le pacte narratif qui s'instaure entre l'auteur et son lecteur, invité à jouer le jeu et à entrer dans des mondes imaginaires oppressants - pourtant fort vraisemblables...

     

    On lira aussi les autres nouvelles qui composent ce numéro,  signées Jean Cassou (avec un dossier d'Eric Vauthier), Leopoldo Lugones, Anne-Sylvie Salzman, Norbert Sevestre, etc.

     

    Le Visage Vert, revue de littérature, n° 15 (éditions Zulma, responsable de la rédaction : Xavier Legrand-Ferronnière)

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  • Un roman noir, blanc et gris

    kirikonananan.jpgBlue, de Kiriko Nananan
    traduit du japonais par Corinne Quentin
    Casterman, collection Ecritures (réédition), 2008

     

    Épure : tel est le terme qui vient à l'esprit lorsqu'on découvre la grâce suggérée des visages et la finesse du trait de Kiriko Nananan ; une sobriété de surface, accentuée par les uniformes scolaires que portent les jeunes protagonistes, et qui dissimulerait presque la sourde violence sentimentale qui agite Kayako. La lycéenne ne s'intéresse pas vraiment aux garçons et, dès la rentrée, semble comme fascinée par Endô, une camarade de classe énigmatique qui a été renvoyée de l'établissement l'année précédente et qu'elle retrouve maintenant. L'amitié profonde qui réunit les deux jeunes filles se métamorphose peu à peu en passion, un amour qui semble réciproque jusqu'au jour où l'amie de Kayako disparaît : une perte qui la trouble amèrement.

     

    Ce récit d'apprentissage amoureux frappe par son ascétisme graphique, en discordance avec les passions et les amitiés qui se nouent et se dénouent, au fil d'une histoire où il se passe tant et si peu à la fois ; les amours clandestines d'Endô et Kayako sont illustrées avec pudeur et tranquillité, malgré un ton dont la gravité ne sied habituellement pas à la tranche d'âge évoquée ; la sensualité y est douce et se heurte à l'ampleur des sentiments éprouvés et l'auteure a mis en place un équilibre fragile, à l'image des aventures de ces jeunes filles, entre enfance et âge adulte. (B. Longre)

     

    Cet ouvrage a paru précédemment dans la collection Sakka, chez le même éditeur.

     

    http://bd.casterman.com/

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  • Maléfiques ?

    sorcieres.jpgLes sorcières sont à l'honneur dans trois ouvrages parus récemment, d'abord sous forme de glossaire poétique dans Les Sorcières d'Elisabeth Brami (accompagnée de trois illustrateurs, Arthur Leboeuf, Amélie Jackowski et Brigitte Susini) : d'Abracadabra à Zibeline (en passant par chaudron, vipère, incantations, pustules ou bosse), chaque terme est défini par un court poème en rimes, drôle et léger, auquel est associé une brève explication étymologique. Un bel album grand format qui permet de présenter ces dames sous un jour sinon favorable, du moins largement sympathique.

     

    Sur le même thème, dans un format similaire mais dans une autre veine graphique et narrative, on ira découvrir un coffret comprenant un album de Benjamin Lacombe et Sébastien Perez, La petite sorcière, ainsi qu’un Grimoire de Sorcières (signé des mêmes), qui accompagne la lecture de l’album. L’histoire est celle de Lisbeth, qui découvre sa vraie nature lors d’un séjour chez sa grand-mère Olga. À cette occasion, elle trouve aussi un vieux grimoire, qui relate la généalogie et les parcours de plusieurs sorcières – ou plus précisément, de femmes considérées (par les hommes et la société) comme maléfiques au fil de l’histoire, en commençant par Lilith, l’ancêtre de toutes les autres. Suivent Isis, Méduse, Yama Uba (terrible dévoreuse d’hommes...), Gretchen, ou encore les siamoises Mary et Anny. Un beau livre peuplé de portraits en couleurs et agrémenté de documents inventés, de photographies ou de reliques très particulières.

     

    ptesorciere.jpgLes Sorcières d'Elisabeth Brami
    illustrations : Arthur Leboeuf, Amélie Jackowski et Brigitte Susini

    Hachette jeunesse, 2008

     

    Généalogie d’une sorcière
    (coffret contenant un album et un grimoire)
    de Benjamin Lacombe et Sébastien Perez
    Seuil jeunesse, 2008

     

    Pour découvrir d’autres sorcières : une visite du blog de Caroline Scandale s'impose.

     

    http://www.benjaminlacombe.com/

     

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  • Brèves, anthologie permanente de la nouvelle

    arton3162.jpgParution du dernier numéro de la revue Brèves (n°86)

    Avec des nouvelles inédites de Tadeuz Rozewicz (Traduit du Polonais) Jean-Claude Guillon, Dieter P. Meier-Lenz (Traduit De l’allemand) Isabelle Milkoff, François Teyssandier, Michel Wallon, Stephane Bonnefoi, Richard Huitorel, Anne Banville, Samuel Ico, Irene Duboeuf, Thomas Vinau, Michel Lamart, Chris Simon

    L’invité du numéro : le peintre SERGE KANTOROWICZ

    Pour en savoir plus sur la revue

    et sur ce blog

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  • Sélection 2008

    revue243.jpgLe numéro 243 de la Revue des livres pour enfants (La Joie par les livres / BNF, décembre 2008) vient de paraître : un numéro spécial qui propose, comme chaque année à cette période, une sélection d'ouvrages choisis parmi les nouveautés éditées de septembre 2007 à septembre 2008 - un choix de plus de 800 titres...
    Livres illustrés, contes, romans, poésie, théâtre, BD, documentaires, chansons, multimédia, magazines, etc.

    Articles consultables en ligne.

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  • Deux femmes et un renard

    dhlawrence3.jpgThe Fox, D.H. Lawrence
    Hesperus Press, 2002

    Deux jeunes femmes indépendantes, Banford et March, vivotent dans une petite ferme qu'elles ne parviennent pas à faire prospérer. Les deux amies s'entendent bien, en dépit de personnalités fort différentes — March est robuste et rêveuse, Banford plus fragile et pragmatique. Mais quand un soir, surgit dans leur vie un jeune soldat de retour de la première guerre mondiale (la ferme avait appartenu à son grand-père), cette harmonie se fragmente définitivement. Banford est d'abord heureuse de la présence du garçon et l'accueille fraternellement. Henry, c'est son nom, accepte leur hospitalité et se met en tête d'épouser March, malgré leur différence d'âge, d'abord par calcul, puis par désir. Cette dernière est comme hypnotisée par le garçon et, en sa présence, il lui semble qu'elle est privée de toute volonté. Cette fascination agace Banford qui, à son tour, irrite le garçon.

    Le sentiment d'irréalité qui envahit March dès qu'elle est avec Henry est complexe et indicible mais, sans équivoque, est lié au regard d'un animal : un renard qui emporte régulièrement les poules des deux jeunes femmes, sans qu'elles puissent jamais le tuer : un véritable "démon" qui, un jour, a croisé le regard de March et l'a ensorcelée ; comme si ce regard "avait pénétré dans son cerveau (...) Elle le sentait, invisible, prendre possession de son esprit." ; l'animal incarne ici la puissance rusée du mâle à l'affût, ne se laissant jamais prendre aux pièges tendus par la femme... Doris Lessing, qui signe l'avant-propos de ce court roman typiquement lawrencien, dit elle aussi avoir été "séduite" par le pouvoir d'évocation de l'écrivain, dès ses premières lectures, mais explique aussi qu'elle "a résisté au message de l'homme." Il est vrai que la plupart des écrits de D.H. Lawrence contiennent la même quête de domination masculine prononcée. Banford et March veulent leur indépendance mais leur ferme périclite et l'arrivée du jeune homme impudent, qui s'est glissé chez elles à la manière furtive d'un animal, est en quelque sorte l'incarnation de tout ce à quoi les jeunes femmes refusent habituellement de se plier.

    Ce texte est imprégné d'une sourde tension, toute nouvelle pour l'époque, mais récurrente dans l'oeuvre de l'écrivain : entre un féminisme naissant qui ne se formule pas encore ouvertement et le désir instinctif de possession des hommes, désir qui pousse Henry à vouloir une femme totalement passive, privée de toute volonté ; March le sent et n'est pas heureuse tandis que Henry "attend qu'elle se rende", qu'elle ne soit "plus l'homme, une femme indépendante avec des responsabilités d'homme" mais une simple femme. Cette vision phallocentrique du monde est pourtant contrebalancée par une écriture minutieuse et poétique, une atmosphère parfois quasi irréelle et une sensibilité exacerbée que reflète la complexité psychologique des personnages, en particulier celle des femmes, et qui fascine encore aujourd'hui.

    (B. Longre)

    http://www.hesperuspress.com

    Sans rapport avec DH Lawrence (ou à peine...), on pourra admirer quelques goupils de ce côté.

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  • Vivre avec les loups…

    dhearst3.jpgLes Chroniques du Loup, tome 1, la promesse des Loups, de Dorothy Hearst
    traduit de l’anglais par Marina Boraso - Albin Michel, 2008

     

    « Ne jamais se mêler aux humains.
    Ne jamais tuer un humain sans provocation.
    Ne jamais laisser en vie un loup de sang mêlé... »

     

    Telles sont les trois règles qui régissent les meutes de la Grande Vallée. Aussi, le jour où Ruuqo, chef de meute, égorge les frères et les sœurs de la jeune Kaala et bannit sa mère qui a enfreint la loi en choisissant un mâle extérieur à la vallée, la petite louve épargnée se voit traitée en étrangère par la plupart de ses compagnons. Elle s’adapte malgré tout à la vie collective et se fait des amis, dont Ázzuen, louveteau malingre mais futé, et Tlitoo, un corbeau qui veille sur elle.

    Cette saga préhistorique qui se déroule il y a 14 000 ans, quelque part dans le sud de l’Europe, est un beau roman des origines qui mêle mythologie, onirisme, fable politique et morale (les femelles, progressistes, s’opposent souvent aux mâles – réactionnaires, figés par la loi), pragmatisme de la survie et spiritualité, et met en scène des loups qui, tout en se comportant en animaux (instinct, sauvagerie, sens aiguisés, rivalités et hiérarchie de la meute, etc.) n’en possèdent pas moins des capacités intellectuelles et une émotivité propres aux humains. L’illusion fonctionne dès les premières pages : nous sommes face à de vrais personnages, pour lesquels on éprouve les mêmes inquiétudes que pour les humains qui apparaissent de temps à autre, et dont l’histoire est peu à peu indissociable de celle des loups ; une façon d’inviter le lecteur humain à remettre en question son statut omnipotent, à s’interroger sur sa propre animalité et à analyser, en filigrane, ce qui régit les comportements sociaux.

    De même, on a affaire à un récit qui s’inscrit dans la grande tradition des roman d’apprentissage à rebondissements (on repense évidemment aux Chroniques des Temps Obscurs de Michelle Paver) et qui propose une héroïne à l’identité forte ; Kaala, impulsive et téméraire, paria dans la meute, ainsi destinée à mener une existence hors du commun, retient d'emblée notre attention et l’on partage avec plaisir et curiosité sa vie au quotidien, tandis que l’intrigue ne cesse de progresser et de se complexifier : l’auteure propose une vision originale de l’évolution de l’humanité, entre mythologie et théories scientifiques : naissance de la terre, des astres, des créatures vivantes, disparition des dinosaures, appropriation du feu par l’homme, période glaciaire, disparition de Néandertal, etc.  Une reconstruction qui fait sens et s’emboîte harmonieusement dans le récit cadre.

     

    dhearst1.jpgC’est en littérature jeunesse que le procédé anthropomorphique est le plus souvent exploité et, à la lecture, on se dit que plusieurs passages aurait pu avoir leur place dans un roman jeunesse accessible dès 13 ou 14 ans, tout en ayant conscience que les différents niveaux de lecture et l’admirable inventivité de cette vaste fresque, dont les intrigues croisées n’ont rien d’infantiles, satisfont durablement le lecteur adulte. Un livre pour tous, donc, à découvrir au plus vite.

     

    http://www.les-chroniques-du-loup.com/

     

    http://www.albin-michel.fr/

     

    http://www.dorothyhearst.com/

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