Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • « Qu’est-ce que ça peut bien représenter ? »

    Victor SegalenNe cherchons pas à comprendre. Comprendre est le plus souvent en art un jeu puéril et naïf, l’aveu d’une sensibilité ralentie, la revanche intellectuelle du spectateur affligé d’anesthésie artistique. Celui qui ne comprend pas et s’obstine à comprendre est, à priori, celui qui ne sent pas. Le même, après lecture de Mystique, hochera la tête interrogativement et devant une toile imprévue cherchera, sur le bord du cadre, l’indication du « sujet » en murmurant : « Qu’est-ce que ça peut bien représenter ? » — Néanmoins, à défaut de légendes, d’explications, de clés, à défaut de symboles concrets et parlants, on est en droit de réclamer du peintre exposant son œuvre ou de l’écrivain donnant le bon à tirer, une certaine part de joie, un sursaut, une petite angoisse douce, un éveil d’énergie, une suggestion ou, plus simplement, une sensation.

    Victor Segalen, Le Double Rimbaud

    (Le Mercure de France, 15 avril 1906)

     

    Lien permanent Catégories : Lectures, Littérature francophone, Poésie 0 commentaire 0 commentaire
  • "but a chirrup." (D.H. Lawrence)

    662942.jpg"Brute force crushes many plants. Yet the plants rise again. The Pyramids will not last a moment compared with the daisy. And before Buddha or Jesus spoke the nightingale sang, and long after the words of Jesus and Buddha are gone into oblivion the nightingale still will sing. Because it is neither preaching nor teaching nor commanding nor urging. It is just singing. And in the beginning was not a Word, but a chirrup."

    D.H. Lawrence
    Etruscan Places - first published 1932

    Lien permanent Catégories : Lectures, Littérature étrangère, Poésie 0 commentaire 0 commentaire
  • Paul B. Roth - Les guerres sont toujours intérieures

    Wars Are Always Within

    Your hands can’t breathe. They struggle when apart. One may try and separate itself from the other, say, to claw a bent nail from the wall, roll a young erect nipple between its supple fingers, or spoon hot soup through trembling blue lips, leaving the other to wait or assist unless, of course, both happen to belong to an accomplished percussionist or cirque de soleil-ist whose every limb’s movement is not only different from but in unison with every other.

    Your hands can’t breathe. Open or closed, in peace or at war, they bloody or are bloodied, inflict or are afflicted. At peace, the bread their fanning cools has, running through its center, an invisible thread of blood left behind for the lives of their future children now overrunning the Earth with starvation. In war, there’s no bread, no crust, no crumbs, just gunpowder’s tasty nitrates force-fed down the throats and smoking muzzles of even hungrier futures. 

    Your hands can’t breathe. They grip tight the bayonet affixed to each length of worn rifle stock. They hold on for dear life. At a full run, no longer at your sides, yet whipped by bare branch ends, they barely make a sound as they bleed, bruise or lose fingers to frost bite or the food scraps starving dogs beat them to every time.

    © Paul B. Roth

     

    Les guerres sont toujours intérieures

    Tes mains ne peuvent respirer. Elles luttent quand elles sont séparées. L’une tente parfois de se désengager de l’autre pour, disons, arracher un clou du mur, faire rouler sous ses doigts souples un jeune mamelon en érection ou porter aux lèvres bleues et tremblantes une cuillerée de soupe brûlante, laissant l’autre patienter ou l’assister, à moins que, évidemment, toutes deux appartiennent à un percussionniste chevronné ou à un acrobate du cirque du soleil dont le mouvement de chacun des membres n’est pas seulement distinct, mais en unisson avec tous les autres.

    Tes mains ne peuvent respirer. Ouvertes ou fermées, en paix ou en guerre, elles ensanglantent ou sont ensanglantées, infligent ou sont affligées. En temps de paix, le pain qu’elles refroidissent en l’éventant a en son centre évidé un invisible filet de sang pour les vies des enfants à naître infestant à présent la Terre de famine. En temps de guerre, il n’y a ni pain, ni croûte, ni miettes, seuls les nitrates savoureux de la poudre dont on gave les gorges, et les canons fumants d’avenirs plus affamés encore.

    Tes mains ne peuvent respirer. Elles empoignent la baïonnette fixée au bout de chaque vieux fusil. Elles se cramponnent à la vie. En pleine course, pourtant fouettées par les branches nues, elles ne sont plus à tes côtés et demeurent presque silencieuses tandis qu’elles saignent, se blessent, perdent des doigts abîmés d’engelures ou que leur échappent les restes dont les chiens faméliques s’emparent toujours les premiers.

     © Blandine Longre 2013, pour la traduction française.

    Ce poème et sa traduction ont paru dans le numéro 4 du Black Herald (2013)

    Pour plus d'informations:
    http://blackheraldpress.wordpress.com/2013/09/27/paul-b-roth-poems-poemes-2/

     

    paul b. roth,poésie,traduction,long way back to the endCe poème est également présent dans le dernier recueil de Paul B. Roth : Long Way Back to the End (Rain Mountain Press, 2014)

    http://rainmountainpress.com/books31.html

    Paul B. Roth, poète et éditeur américain, dirige la maison d’édition The Bitter Oleander Press depuis 1974 et publie la revue The Bitter Oleander. A noter, Bitter Oleander Press publiera prochainement la traduction en anglais de Mouvement par la fin de Philippe Rahmy (traduction de Rosemary Lloyd), dont des extraits avaient paru dans le n° 1 du Black Herald.

    http://www.bitteroleander.com/

    Un entretien avec Paul B. Roth

    http://ragazine.cc/2014/03/paul-b-rothinterview/

    "This is poetic prose at its finest. Paul B. Roth’s sentences unfold, gradually reveal ever deeper meanings, and then crystallize into moments of communicable inner experience no less drawing on the vivid particulars of the natural world."  - John Taylor

    Lien permanent Catégories : Black Herald Press, Edition, Littérature étrangère, Poésie, Traductions & publications 0 commentaire 0 commentaire
  • Oliver Goldsmith – The Description of a Little Great Man / Un Petit Grand Homme

    Oliver Goldsmith
    The Description of a Little Great Man / Un Petit Grand Homme


    (En 1760, Oliver Goldsmith entame la publication d’une série de lettres dans un périodique intitulé the Public Ledger ; ces missives, écrites par le très fictif Lien Chi Altangi, philosophe et savant chinois voyageant en Angleterre, furent rassemblées et publiées sous le titre Le Citoyen du monde en 1762.)

    "En lisant les journaux de ce pays, j’ai compté, en moins d’une demi-année, jusqu’à vingt-cinq grands hommes, dix-sept très grands hommes et neuf hommes très extraordinaires. Ce sont eux, disent les gazettes, que la postérité se devra de considérer avec admiration : voilà les noms que la renommée s’emploiera à exhiber pour étonner les siècles à venir. Voyons voir, quarante-six grands hommes en six mois, cela fait tout juste quatre-vingt-douze par an. À se demander comment la postérité pourra se les rappeler tous, ou si les générations futures n’auront d’autres préoccupations que de retenir ce catalogue par cœur.

    Le maire d’une ville prononce-t-il un discours ? on l’institue aussitôt grand homme. Un pédant fait-il imprimer son banal ouvrage en in-folio ? il est grand homme sur-le-champ. Un poète met-il en rimes quelques sentiments rebattus ? il devient lui aussi le grand homme du jour. Quelque minuscule que soit l’objet de l’admiration, il est accompagné d’une foule d’admirateurs plus minuscules encore. La clameur s’élève dans son sillage tandis qu’il marche vers l’immortalité et avise la cohue qui le suit avec une grande satisfaction de lui-même, affectant en chemin toutes les bizarreries, les fantaisies, les absurdités et les petitesses de la grandeur qu’il s’attribue.

    Je fus hier invité à dîner chez un gentilhomme, lequel me promit que les réjouissances consisteraient en une pièce de venaison, une tortue et un grand homme. Je m’y rendis à l’heure dite. La venaison était excellente, la tortue délicieuse, mais le grand homme insupportable. Dès l’instant où je m’aventurai à parler, je fus aussitôt contredit sur un ton cassant. Je hasardai un deuxième, puis un troisième assaut afin de sauver ma réputation mise à mal, mais fus de nouveau rabroué et me retirai confus. Acculé dans mes retranchements, je décidai d’attaquer encore une fois et fis porter la conversation sur le gouvernement de la Chine : cependant il affirma, rabroua et contredit comme précédemment. Ciel, pensai-je, cet homme prétend connaître la Chine mieux que moi-même ! Je regardai autour de moi afin de voir qui se rangeait dans mon camp, mais tous les yeux étaient rivés, admiratifs, sur le grand homme ; en conséquence, je me résolus à demeurer silencieux et à jouer le rôle du gentilhomme aimable durant la discussion qui suivit."

    (extrait - cette traduction, accompagnée du texte original, a paru dans le n°4 du BLACK HERALD, 2013 - traduction Blandine Longre)

    Pour lire le texte dans son intégralité:

    http://blackheraldpress.wordpress.com/magazine/the-black-herald-4/

    Oliver Goldsmith

    Oliver Goldsmith par Sir Joshua Reynolds.

     

    Oliver Goldsmith (1731?-1774) est un auteur anglo-irlandais surtout connu pour The Citizen of The World (1762), le roman Le Vicaire de Wakefield (1766), le poème pastoral Le Village abandonné (1770) et la pièce Elle s’abaisse pour triompher (1771). Après des études de droit et de théologie à Trinity College, Dublin, il s’essaie à divers métiers, étudie la médecine et voyage à Leyde, en France, en Suisse et en Italie. De retour à Londres, en 1756, il entame une carrière précaire d’écrivain à gages, s’endette, mène une vie dissolue et s’adonne au jeu. Il réussira à s’imposer dans le monde des lettres grâce à l’influence de Samuel Johnson.

     

    Lien permanent Catégories : Black Herald Press, Essais & non-fiction, Littérature étrangère, Revues, Traductions & publications 0 commentaire 0 commentaire
  • Jos Roy, De suc & d'espoir - revue de presse

    DE SUC & D’ESPOIR
    JOS ROY
    Poèmes choisis - recueil bilingue

    With Sap & Hope
    Selected Poems
    Translated from the French by Blandine Longre with Paul Stubbs - bilingual collection

    Black Herald Press, 2014
    54 pages - 10 € / £8 / $14 / ISBN  978-2-919582-08-2

    Pour en savoir plus
    http://blackheraldpress.wordpress.com/books/de-suc-despoir-with-sap-hope-jos-roy/

    pour se procurer l'ouvrage
    http://blackheraldpress.wordpress.com/buy-our-titles/

     

    ****

    "C’est peut-être, dans ce magnifique court recueil (20 poèmes) d’une incroyable densité ce qui m’impressionne le plus et que je préfère : ce travail constant de la matière, forme et fond, ce rapport à la fois sensuel et énergique au palpable, à ce qui « grouille & / se débat » (p. 24), à ce « quelque chose à cueillir dans la foison / des vies » (p. 30) – car tout est vie, dans cet univers très personnel, même le plus mort, en apparence, tel ce fossile (p. 24) que ranime la parole poétique : « je lui parle / et j’observe ses charpentes frissonner absorber / recomposer ce que devant moi il présente / réordonnancer le monde depuis les paroles qui naissent du corps-mien ». Rien de facile, rien qui ne déconcerte : poésie de très haute exigence, au goût de solitude, écrite, on le sent bien, à l’écart des mondanités urbaines, méditative, tout à la fois violente et tendre pour les choses, ciselée." Lionel-Edouard Martin (mai 2014)

    Lire l'article dans son intégralité

    *

    "Pas un mot qui ne soit pas à sa place sur ces pages : Jos Roy parvient là à faire coïncider ce qu’était et devrait demeurer le poème, c’est-à-dire une parole chantée, avec sa trace physique et sonore sur la fine épaisseur de la page, « tempsclouéd’espace ». La poète nourrit son œuvre des couches mémorielles et du cortège terrestre et céleste, et lui donne en cela toute l’épaisseur, la moelle, la chair même qu’elle convoque (au sens fort) dans le dernier poème du recueil : « à la fin / sous le texte / percé des clavicules / on observe les os la fine épaisseur / de viande la très fine / épaisseur d’histoire / l’infime épaisseur du lieu ». Infime, très fine épaisseur, oui, mais épaisseur d’un « mur [qui] s’étage » et n’étouffe pas le feu de la parole."   Claire Laloyaux (mai 2014)

    Lire l'article dans son intégralité

    *

    « Après avoir fait découvrir aux lecteurs français les textes du poète écossais W.S. Graham, les éditions Black Herald publient De suc & d’espoir, un premier et très beau recueil de Jos Roy. Un ensemble composé d’une vingtaine de poèmes denses et incarnés, d’une écriture qui fouaille la langue, la laisse grouiller, proliférer, se replier et se rapetisser pour se clapir au plus dense de la matière, et bourgeonner, irradier enfin en "trépignement de carbone". Tout est dans le titre, concentré dans le suc, expansé dans l’espoir, "plaie d’infini" faite d’éclat et d’esquive… » Romain Verger (mai 2014)

    Lire l'article dans son intégralité

    *

    Rien n’est acquis, rien n’est simple. Si « on conçoit un / lieu commun », loin des clichés rassurants, il aura quelque chose à voir avec la sauvagerie et l’exil. Le langage poétique de Jos Roy, dans sa complexité, sa densité, dans ses spirales, ses allers-retours, nous rappelle que le « voyage », s’il vaut la peine d’être vécu, n’est pas toujours de tout repos, et qu’il faut compter avec « la valeur brute du chant ». Jean-Pierre Longre (juin 2014)

    Lire l'article dans son intégralité

    *

    "Reste la promesse. Et un livre de poèmes peut précisément non pas l’accomplir mais la susciter, l’émouvoir en un souffle. Car la promesse n’est pas tout à fait de ce monde, à moins qu’elle ne soit « la matière du monde / animée d’un tremblement de lèvre » comme l’écrit Jos Roy, dans De suc & d’espoir. (...) C’est une typographie livrant bataille qui interfère sur la page d’écriture de Jos Roy : poésie pour l’œil, agglutinant les mots, les composant « gouttàgoutte », et d’un même tenant poésie de bouche à oreille, trouvant à emplir cette voix de tous les signes d’oralité (ponctuation, coupes des vers...) pour que la traverse l’adresse (l’« appel ») qui hante De suc & d’espoir..." Patrice Beray (Mediapart, juin 2014)

    Lire l'article dans son intégralité

    “Elle hèle, avec grâce, tour à tour, la pensée, le rêve, l’être, la forcemuette en somme. Elle invoque « la formecontre qui contre & pousse où pousse l’appel quelque part retiré dans la gorge ». Elle fouaille l’esprit de sa dévorante poésie. Verve d’une ardente douceur dans laquelle se perçoit tantôt une pudeur ou une fragilité. Souvent même sa voix semble se briser, comme une vague sur la grève. Un sanglot en reflux. Nul atermoiement, nulle mièvrerie, sans sucrerie, ni complainte. Son poème se situe aux antipodes de la pesanteur. (…) La dame basque a la jouissance rebelle, le goût des lettres fiévreuses, de la langue indomptée. Existence enracinée dans les marges, aux horizons émancipés, au verbe dévergondé par l’emblématique esperluette chère au poète et écrivain américain E. E Cummings bientôt convoqué au détour d’un vers de saison. Canal historique. Lignée revendiquée.” Zoé Balthus (septembre 2014) 

    Lire l’article dans son intégralité

    jos roy,de suc & d'espoir,with sap & hope,blandine longre,paul stubbs,black herald press,lionel-edouard martin,jean-pierre longre,romain verger,claire laloyaux,patrice beray,zoé balthus

     

    Lien permanent Catégories : Black Herald Press, Edition, Littérature francophone, Poésie, Traductions & publications 0 commentaire 0 commentaire