Les Démons caca de Fabienne Loodts, Editions Esperluète, 15 euros.
Vade retro…
« Nous avons tous notre démon caca », raconte Fabienne Loodts, talentueuse auteure-illustratrice belge ; dans cette étonnante série de portraits pleine page exécutés au fusain, chaque personnage se retrouve affublé, en guise de couvre-chef, d’une étrange bestiole (démon grimaçant, dragon difforme, gargouille aux griffes acérées, gremlins en noir et blanc…), à la manière d’un ornement maléfique qui le suit partout où il va : ces diablotins sont l’incarnation de la noirceur que l’on porte en soi, et on peut accepter leur tyrannie, s’en accommoder, ou l’accueillir à bras ouverts, on peut aussi tenter de dissimuler son démon ou l’affronter violemment, en vain ; l’on choisira alors d’apprivoiser la bête et de minimiser son emprise par le biais d’un dialogue lucide…
En dépit de son titre surprenant, cet ouvrage n’a rien de scatologique (hormis la malfaisance infantile et primaire de nos propres démons), et c’est d’abord un objet artistique remarquable où les textes, brefs et limpides, accompagnent les illustrations sous forme de légende. L’allégorie évoque quelque ancienne vision infernale, tel un bestiaire moyenâgeux remis au goût du jour – et sous-entend l’idée que l’humain est bel et bien une créature hybride, capable du meilleur comme du pire, mais seule responsable de ses choix.
© B. Longre