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photographie

  • Le temps suspendu

    8h32.jpg8h32, de Stéphane Servant et Alice Sidoli
    Editions Où sont les enfants ? collection Chahu-Bohu.

    Le passage du temps est une notion assurément relative et les minutes qui s’écoulent ont une durée variable selon l’état d’esprit dans lequel on se trouve – un sentiment habilement rendu dans ce bel album, qui égrène de menus incidents se déroulant l’espace de 60 secondes x2, du point de vue d’un petit garçon. Depuis sa fenêtre, celui-ci cherche à chasser son ennui en observant ce qui se passe en bas, dans la rue – un monde en mouvement qu’il contemple, immobile : un éternuement, un avion qui passe, un taxi qui arrive, une fillette sur sa balançoire… « Pourquoi le monde était obligé de tourner si lentement » ? s’interroge-t-il soixante secondes plus tard… il décide alors de faire « tourner le monde » à sa façon, les yeux fermés, et de faire défiler dans sa tête la suite des incidents auxquels il vient d’assister…

    L’ennui du jeune narrateur prend corps à travers les moments figés par la photographe – tandis que même sans lui, le monde continue sa course, la vie ne s’arrête pas, ce qu’il découvre ensuite (quelques secondes plus tard, en réalité…).

    Avec sérénité et espièglerie (amplifiée par une mise en page originale qui ose découper les images, y superposer des chiffres – censés nous rappeler que les aiguilles tournent… – y ajouter des lignes droites – lignes de fuite ou fuite du temps ?), les photographies captent le rythme de ces instants fluctuants, leur lenteur, leur simultanéité, leur accélération (des scènes dans le flou où l’objectif semble balayer le décor en un seul mouvement)… Un livre pour réfléchir aux liens étroits qui se nouent entre espace et temps, entre temps vécu, rêvé, subi ou maîtrisé, par le biais d’une histoire du quotidien, pourtant poétique, qui témoigne d’une belle créativité narrative et graphique.

    (B. Longre)

    http://ousontlesenfants.hautetfort.com

    http://mondalice.canalblog.com/

    http://stephaneservant.20six.fr/

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  • D'un langage à l'autre

    writers3.jpgWriters, de Nancy Crampton - préface de Mark Strand - The Quantuck Lane Press

    Des années durant, Nancy Crampton a photographié des écrivains (anglophones pour la plupart) et cet ouvrage retrace quasi chronologiquement les étapes de ce parcours, mû par une détermination sans failles ; l’artiste, aujourd’hui photographe officielle du Unterberg Poetry Center de New York, a capté en noir et blanc la surface de visages plus ou moins connus (selon le degré de médiatisation de chaque auteur et sa volonté de s’effacer ou non derrière ses écrits...) Plus d’une centaine de clichés grand format recouvrent les pages de droite tandis qu'en regard, figurent quelques écrits soigneusement sélectionnés par la photographe (extraits d’essais, de conférences, d'entretiens ou de réflexions personnelles de l’auteur photographié), qui permettent de confronter (souvent indirectement) le textuel au visuel, de donner une « image » - justement – textuelle de chacun, laissant sur la page une trace linguistique leur appartenant en propre, contrairement à leur portrait.

    Panorama éclectique, certes, mais que sous-tendent les fils conducteurs entrelacés de l’écriture et de la lecture (d’images ou de mots). Impossible de s’étendre ici sur chaque portrait, de les décrire tous, mais derrière les façades de ces visages et de ces regards, pour la plupart fixant sans détours l’objectif, on lit nécessairement autre chose, une substance qui émane en partie de ce que l’on sait (ou devine parfois implicitement) de la profondeur de leur travail. Le sourire presque gêné de Nelson Algren (qui raconte que devenir écrivain fut pour lui presque accidentel), celui plus chaleureux de Paul Theroux (dont il faut retenir l’humilité des propos : «Je suis l’ombre. Ma fiction est la substance.») ; la grâce naturelle et très posée d’Alice Walker, le regard profond, questionneur, de Doris Lessing, celui plus pensif et détaché de Jumpha Lahiri ; ailleurs, on découvre un John Cheever plongé dans ses pensées, comme en train d’échafauder sa prochaine histoire, la tranquille assurance de James Baldwin (pour qui la littérature, acte politique, peut changer le monde). Ian McEwan, Chinua Achebe, Robert Lowell, Gunter Grass, Truman Capote (figé pour l'éternité trois mois avant sa mort), Maya Angelou, Margaret Atwood, Philip Roth… romanciers, poètes, dramaturges se succèdent et chacun de revenir sur ses débuts, la genèse de son travail, son expérience de l’acte d’écriture, le processus de création (qui souvent précède l’écriture, comme l’explique très simplement Edward Albee), quelques anecdotes ou encore sa vision du monde, ses influences littéraires, le regard porté sur la fiction en général.

    Les portraits révèlent de nouvelles facette d'artistes appartenant à plusieurs générations (Nancy Crampton photographie depuis le début des années 1970), à différentes cultures, mais pourtant tous liés par leur langage commun, le littéraire, un et multiple, comme en témoignent explicitement les deux photographies choisies pour ouvrir l'ouvrage (le profil d'Isaac Bashevis Singer dans l'acte d'écrire) et le clore (douze clichés rectangulaires d'un Studs Terkel dans le feu de l'action, en train de raconter une histoire que l'on ne peut qu'imaginer). Il émane de cette rétrospective plurielle un classicisme certain, une formalité (celle du cadre, de la prise de vue et du noir et blanc) qui rejoint un désir évident de canonisation et d'historicité, sans pour autant que l'artiste ne cède à la tentation de la sophistication ou de l'artifice - peu ou pas de "mise en scène" ici ou de préméditation (ou alors volontairement déguisée) de la part de Nancy Crampton : les portraits, en grande majorité, ont été réalisés dans l'environnement immédiat des écrivains et très rarement en studio ; le parti pris du in situ confère à l'ensemble une spontanéité paradoxale, de même qu'une sérénité générale qui inspire ces mots au poète Mark Strand : "Nous regardons peut-être un visage photographié mais ce que nous ressentons, c'est la présence attentive de Crampton."

    B. Longre

    The Quantuck Lane Press (maison d'édition - spécialisée dans les beaux livres, la photographie, les arts visuels et les arts su spectacle - créée en 2000 par James L. Mairs, longtemps directeur littéraire chez Norton.)

    http://www.quantucklanepress.com/

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  • Matrice rectangulaire

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    CADRE ET REGARD - Généalogie d’un dispositif, de Louise CHARBONNIER, Préface de Jean-Claude SOULAGES, Collection Histoires et idées des Arts, L'Harmattan, 2007

    Loin d'être spécialiste, je me contente de reproduire la 4e de couv de l'ouvrage, qui vient de paraître : Rarement questionné, le dispositif iconique du cadre rectangulaire informe la plupart de nos images. La présupposition de la forme quadrangulaire est en jeu dans cet appareil d'énonciation visuelle qui semble avoir son origine dans l'instauration, à la Renaissance, du tableau moderne ou quadro. Verticalité, planéité, frontalité : le cadre rectangulaire implique des présuppositions qui conditionnent notre réception de l'image et notre vision du monde. Il assigne une place au spectateur qu'il tient à distance. Cette « couture » sémiotique esthétisante traditionnellement redoublée par le cadre-objet délimite un templum exclusif, faisant de la représentation un objet de contemplation. Un retour aux origines de cette matrice rectangulaire s'impose alors comme un prélude utile à toute étude d'image médiatique, fixe ou en mouvement, délimitée par un rectangle.

    S'inscrivant dans un parcours transdisciplinaire, Louise Charbonnier est doctorante allocataire monitrice en Sciences de l'Information et de la Communication à l'Université Lumière Lyon 2 (ELICO, EA 4147). Ses recherches se concentrent sur le dispositif iconique de la photographie de presse où le rapport entre réel et fiction est à l'oeuvre.

    On peut lire certaines de ses chroniques sur www.sitartmag.com

    Sur Refreshing the screen, Livraison 5 (rhinocéros comme revue d’art contemporain, Rhinocéros, 2005), Les Rencontres d'Arles 2005, La Revue DITS - automne-hiver 2006. N°7 « Dépeindre », le photographe Andres Serrano, La Cage de Martin Vaughn-James (Les Impressions Nouvelles), ou encore sur La France d'en bas : Le graffiti dans le Sud (Hors collection - Editions Alternatives) - Pour les autres articles, il suffit de taper son nom dans le moteur de recherche interne.

    Lien permanent Catégories : Essais & non-fiction 0 commentaire 0 commentaire