Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

éditions des femmes

  • Le langage de la déesse

    3526a6f07d12ffc63e78de4142ffae96.jpg

    Le langage de la déesse, Marija Gimbutas
    (traduit de l'anglais par Valérie Morlot-Duhoux et Camille Chaplain
    Préface de Jean Guilaine, Editions des femmes, 2005)

     

    "La relation est directe entre le statut de la femme dans un pays et la manière dont les chercheurs y conçoivent leurs travaux sur ces questions. (...) Pourquoi l’œuvre si importante, quelles que soient les critiques qu’on peut lui faire, de Marija Gimbutas, la spécialiste universellement connue et citée de la Déesse-Mère (...), n’est-elle pas traduite en français ?" David Haziot (nov. 2004)

     

    Le monde perdu de la déesse

    La parution de cet ouvrage érudit, jusqu’alors ignoré du public français, est un événement éditorial qui mérite d’être souligné. Les travaux de Marija Gimbutas (1924-1991), éminente archéologue américaine d’origine lituanienne, ont certes soulevé nombre de controverses parmi les chercheurs, tout en encourageant certains mouvements sectaires (pseudo païens) ou des courants extrémistes du féminisme nord atlantique à propager des visions le plus souvent fantasmatiques de la déesse-mère.
    La préface éclairante de Jean Guilaine étouffe toute tentation polémique en admettant que certaines thèses avancées par l’archéologue doivent être nuancées, mais il rend aussi hommage au travail colossal de classification puis de formulation d’hypothèses, ainsi qu’au décloisonnement disciplinaire qui préside à l’ensemble. Marija Gimbutas a en effet jeté des ponts entre différents champs d’investigation, en mêlant à sa quête archéologie, symbolisme, ethnologie et mythologie. Une quête méthodique et organisée, qui n’a rien d’une rêverie, et qui passe par la recension d’environ deux mille œuvres ou objets préhistoriques, du paléolithique au néolithique (entre 7000 et 3500 avant notre ère), et par une approche comparative très instructive, faisant apparaître, au fil des chapitres, nombre d’analogies et de points de convergence entre des formes et des motifs picturaux, figuratifs ou géométriques, pourtant glanés sur des objets (usuels ou cultuels) retrouvés en divers lieux (Anatolie, Espagne, Hongrie, Pologne, France, Grande-Bretagne ou Moyen-Orient…).

    A travers l’étude de ces ornements (animaux anthropomorphes, lignes, enroulements, zigzags, chevrons…) Marija Gimbutas avance l’idée qu’ils ne furent pas placés là comme de simples décorations et qu’ils répondaient à des fonctions précises ; ils sont les signifiants d’un langage à décrypter (« un alphabet métaphysique ») dont il faut retrouver les signifiés pour entendre ce qu’ils ont à nous dire d’un culte en osmose avec la nature, commun à de nombreux peuples, géographiquement étendu : celui de la déesse-mère et de ses avatars, mère nourricière, autofertile, source de vie, de mort et de régénération, capable d’autogestation. Un culte qui supposerait une autre forme d’organisation (matrilinéaire, voire gynécocratique) de sociétés « égalitaires » - plus tard (à partir du IVe siècle avant notre ère) écrasées par les invasions de tribus indo-européennes puis par les cultes tyranniques et les panthéons patriarcaux qui se sont succédé, de la mythologie grecque au christianisme, et qui ont tenté d’effacer toute trace des croyances anciennes.

    Belle utopie passéiste et imaginaire ? Ou bien nostalgie pour un monde perdu, ancré dans une authentique réalité historique, et qu’il nous reste à retrouver ? L’existence d’une société ancienne matriarcale est contestée, souvent très âprement, il faut le dire, et quand bien même le culte d’une déesse-mère serait attesté, cela ne signifierait pas pour autant que les femmes auraient dominé cette société, même si elles en étaient la force initiale, car créatrices de vie.
    Il reste qu’en lisant cet ouvrage encyclopédique, de belle facture (qui ne devrait pas rebuter les néophytes), on a envie d’adhérer à la thèse pluridisciplinaire de l’archéologue, qui transcende les frontières et les époques. Ses conclusions sont souvent très convaincantes, car précédées de classifications rigoureuses, de descriptions précisionnistes et d’interprétations qui font sens : une démarche assurément scientifique et rationnelle qu’il semble difficile de rejeter en bloc.

    Blandine Longre
    (février 2006)

    http://www.desfemmes.fr

    Lien permanent Catégories : Critiques, Essais & non-fiction 2 commentaires 2 commentaires
  • Marie-Salope de Gisèle Bienne

    113f35177987acd7fe488acd04a264c8.jpg

    Marie-Salope ou La Jeune Fille et la Vie, de Gisèle Bienne
    Ed. Climats, Collection Arc-en-Ciel, 2004

    Le Péril jeune…

    Cet âpre roman, d’abord paru en 1976 aux Editions Des Femmes, met en scène et en mouvement perpétuel une toute jeune fille impétueuse, curieuse et révoltée, dont les envies d’évasion vont naturellement à l’encontre de ce qui est attendu d’elle. Incomprise, insoumise, elle souffre de la médiocrité ambiante, de l’existence éteinte de ses parents agriculteurs et de frères et sœurs (« les autres », comme elle les appelle) déjà dans le moule, passés dans le monde adulte et appelés à vivre raisonnablement ; elle n’accepte pas non plus la violence d’un père volage et le manque d’affection maternel – en dépit de ses tentatives pour qu’enfin sa mère la reconnaisse et l’accepte comme son enfant, telle qu’elle est. Les humiliations et les petites persécutions, pas forcément délibérées, s’intègrent naturellement au quotidien, s’accumulent et forment un nœud de souffrance, tout au long de l’été ici conté, élargissant le gouffre qui déjà sépare Marie de son milieu familial.

    « On l’appelle Marie-Salope pour rire, naturellement, mais aussi parce qu’elle se salit facilement, parce que leur propreté ne la fascine pas. » Devant cette fille qui ne « veut jamais faire comme tout le monde » et qu’ils ne comprennent pas, ils ont recours, au gré de leurs humeurs, aux moqueries, aux stratégies culpabilisantes, à la mesquinerie inscrite en eux, aux interdictions absurdes et normalisantes, et enfin à la violence : celle des mots, puis celle des mains qui régulièrement s’abattent sur Marie – le dégoût qu’elle semble inspirer à son père la poussant à le provoquer – comme après le grand « complot » qu’ils ont fomenté un soir (lui couper ses beaux cheveux de force parce que « ça ne fait pas propre »), un événement vécu (par Marie et le lecteur) à la manière d’un viol identitaire, une dépossession qui engendre une amertume légitime – amplifiée par le silence complice de sa mère.

     Lire la suite de l'article

    Lien permanent Catégories : Critiques, Littérature francophone 0 commentaire 0 commentaire