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L'homme couvert de dieux

Marguerite Yourcenar, Fata Morgana, littérature, allégorieL’homme était assis au bord du fleuve.
C’était aux premiers jours des siècles. L’homme était nu, velu, fauve, avec d’énormes os saillants sous la peau brune que tigraient des plaques de boue. Avec ses jarrets faits pour la course, ses yeux faits pour l’affût, ses mains exercées pour la prise, ses mâchoires façonnées pour mordre et moudre la proie, l’homme était semblable aux bêtes. Il avait d’elles les instincts simples, la défiance, les brusques terreurs irraisonnées qui hantent les solitudes. Il était fort. Il ignorait sa force. Il avait peur des nourritures inconnues, des choses nouvelles, des fauves plus robustes que lui, des insectes qui harcèlent le chasseur endormi, des vers qui mangent le chasseur mort. Des pensées, peu nombreuses, se construisaient lentement, par fragments, sous son front très bas.

Marguerite Yourcenar, L’homme couvert de dieux (Fata Morgana, 2011, dessins de Philippe Hélénon, postface d’Achmy Halle – première parution dans L'Humanité du 13 juin 1926.)

http://www.fatamorgana.fr/livres/l-homme-couvert-de-dieux


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