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Les enfants disparaissent - Gabriel Báñez

la dernière goutte,gabriel báñez,roman,argentine,littérature« Il ne rêva pas. Il ne rêvait jamais. À peine savait-il ce qu’était un rêve. Les enfants lui racontaient leurs rêves, mais leurs récits lui paraissaient toujours incohérents et imaginaires. De sa propre enfance aussi, il ne lui restait que peu de souvenirs. Rien d’autre qu’une époque scandée par les changements successifs de fauteuil et par les périodes d’adaptation auxquelles il devait se soumettre à mesure que son thorax grandissait. Pour lui, la croissance avait été une série constante de transformations.

Cependant, il avait fini par se sentir vieux. Cette conscience du temps le dérangeait, l’empêchait de s’en tenir aux pures sensations, le contraignait à admettre les années, les jours. L’âge lui avait toujours semblé une idée abstraite. Les adultes se remémoraient les meilleurs moments de leur vie, et c’est ainsi qu’ils se rassuraient quand il était trop tard. Pour les adultes, il était toujours trop tard, pour tout. L’enfance, au contraire, était un printemps toujours neuf qui repoussait la vieillesse dans un au-delà. Le vertige des pentes et l’éternel assemblage des mécanismes, eux aussi, nécessitaient de faire abstraction des années. Les adultes, se disait-il, n’avaient pas ce genre de préoccupations. Les adultes pensaient.

Il ne faisait part de ses obsessions qu’avec réticence. Entrer dans le giron des innombrables associations pour handicapés, c’eût été renoncer à sa condition. Il avait ces cercles en horreur. Ils étaient aussi traîtres que l’écoulement de son sablier ou que les mécanismes de mesure qui faisaient croire à la plupart des gens que le temps était uniforme. Pour Macias, le temps n’était rien d’autre qu’une définition, un ordre arbitraire, sans effet ni cause. »

Les enfants disparaissent, de Gabriel Báñez - Traduit de l'espagnol (Argentine) par Frédéric Gross-Quelen, La Dernière goutte, 2010


http://www.ladernieregoutte.fr/livres/les-enfants-disparaissent/


Anne-Françoise Kavauvea présentait ici les éditions de La dernière goutte.


Gabriel Báñez est décédé en juillet 2009, on peut consulter son blog ici :

http://cortey.blogspot.com/

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