Candelaria ne viendra pas de Mercedes Deambrosis, vu par Marko Velk, éditions du Chemin de fer, 2008
Un mari qui l’humilie avec une cruauté désormais inscrite dans la banalité du quotidien, des enfants égoïstes qui la méprisent ouvertement, une vieille mère capricieuse : voilà à quoi se résume l’existence d’une mère de famille madrilène au tempérament peu affirmé – en témoignent quelques scènes pathétiques lors desquelles on la voit trembler face à son époux grotesque et autoritaire ou s’attendrir devant son petit dernier tout aussi tyrannique que son père. Mais il suffit parfois d’un événement en surface anodin pour que tout soit bouleversé – ou presque. Ce jour-là, « jour sacré », la femme de ménage (« la fille », ainsi que tous la surnomment) appelle pour dire qu’elle ne viendra pas. Confrontée à cette nouvelle donne qui vient rompre le train-train, la protagoniste voit son point de vue se modifier de façon d’abord imperceptible et, sans le décider vraiment, se met à penser à elle.
Elle s’accordera une journée. Une journée… ou peut-être davantage. Le dénouement en suspens va de pair avec la subtilité du texte, qui refuse de tout dévoiler. Les différentes phases par lesquelles passe cette femme en mutation sont mises en valeur à travers les portraits vaporeux de Marko Velk, qui s’intercalent au texte : un visage sombre et tourmenté, aux traits indistincts, fluctuants d'une image à l'autre, montrant une femme en quête d’une autre vie qu’elle-même semble être bien en peine de définir. Ce récit aux apparences trompeuses va au-delà du drame petit bourgeois tragi-comique du départ, avant de basculer (et le lecteur avec) dans un univers incertain, où les règles volent en éclats… à l’image de la liberté à laquelle notre héroïne aspire.
(B. Longre)
Commentaires
Intéressant! J'aime bien les maisons d'éditions qui osent mélanger l'écrit et le pictural. Merci pour cette découverte. (Et puis "les éditions du chemin de fer", il fallait oser, quand même ;-)
Il y a une autre maison d'édition qui mélange textes et photos, et qui est sympa. C'est "le bec en l'air"
http://www.becair.com/accueil.php
Merci Cathy, en effet, tu m'en avais parlé...
Quant au Chemin de fer, ce sont de vrais beaux livres (fond & forme) en format presque poche.
Oui, j'aime bien le principe de ce que proposent les éditions du Chemin de Fer. Jusque-là, je n'avais pas été convaincu par leurs choix éditoriaux et artistiques (mais je n'ai pas tout vu non plus) et cette "Candelaria..." pourrait bien faire évoluer mon avis. D'autant que les éditeurs sont gentils (rencontrés au salon de Lyon l'an dernier).
ah, si les éditeurs sont gentils, c'est encore mieux :-)
En revanche, j'ai accroché sur un bon nombre de leurs parutions - et ç'a le mérite de sortir du lot.
Autant l'idée du Chemin de fer est intéressante, autant, c'est vrai, on a parfois eu l'impression que les auteurs, tous bien en place, leur ont confié de "petits" textes, je pense à Pierre Autin-Grenier par exemple. C'est dommage parce que les livres sont jolis. Un peu chers peut-être.
Je n'ai pas lu celui de PAG, en revanche, les textes que j'ai pu découvrir (Annie Saumont, Arnaud Catherine, Marie le Drian, etc.) ne m'ont jamais donné l'impression d'être "petits" ou médiocres. Après, on a le droit de ne pas les aimer ou de les trouver sans intérêt.
Quant au prix (environ 15 euros) il s'explique certainement par la présence de nombreuses illustrations, le choix du papier etc. Le genre de livre à offrir, aussi.
Vous avez raison, on ne peut pas tout aimer. Moi j'ai bien aimé celui de Nathalie Quintane, Une oreille de chien, un peu moins les autres (et je n'ai pas tout lu, bien sûr). Pour Annie Saumont, le texte était déjà paru en recueil auparavant. Quant au prix, c'est vrai aussi, ce sont de beaux livres, à considérer comme tels, livres à offrir, pour un anniversaire, noël etc. Mais en cette période de crise du pouvoir d'achat, on peut malgré tout les trouver chers : 15 euros pour une nouvelle, à rapprocher de l'euro unique de Matin brun, par exemple, au Cheyne ou même du prix moyen d'un recueil de nouvelles aujourd'hui.
Je partage l'avis de Richard, Blandine, même si ce sont de beaux livres (ils le sont) il faut pouvoir mettre 15 euros dans une nouvelle illustrée... moi j'irais voir au Chêne, aussi.
Je comprends, mais ce n'est pas "qu'une" nouvelle, justement... ce sont de beaux livres - petits, certes, mais je suppose que le coût de fabrication n'est pas donné - tout dépend du tirage (qui là n'est pas énorme, je crois), des moyens de l'éditeur.
Prenez les albums jeunesse... oui, ce ne sont que des textes brefs, qui pourraient s'apparenter à des nouvelles - et même en petit format, ils coûteront facilement entre 12 et 15 euros selon les éditeurs.
Sinon, prenez un roman des Allusifs, au hasard, en format poche, rien que du texte - il y en a pour 14 ou 15 euros : on peut dans ce cas le comparer à un folio ou un 10-18... mais le tirage n'est pas le même, le fonctionnement éditorial non plus, la diffusion idem.
Bref, je n'indique jamais les prix des bouquins dont je parle - par principe. Et puis, en littérature, le quantitatif (nombre de signes espace compris :-) doit-il l'emporter sur le qualitatif ? Il y a des textes courts qui valent nombre de romans...
Je crois que le prix du livre aujourd'hui est devenu si élevé qu'ils ne sont plus à la portée de toutes les bourses, surtout quand on lit beaucoup. Avant, je ne regardais pas trop, c'était abordable. Maintenant, je fais très attention, lis encore plus qu'avant en bibliothèque et préfère me priver pour acheter des oeuvres complètes dans la Pléiade par exemple que de disperser mes sous dans des petits livres (même si ce sont des beaux livres) qui coûtent la peau des fesses. Je ne sais pas si je suis représentative du marché.
Je ne crois pas que les livres aient augmenté plus que le reste, non ? (un exemple au hasard : le pain... ??) Ensuite, chacun fait ses choix, et là encore, c'est comme pour tout, selon son budget.
Cet échange sur le prix du livre est intéressant car il pose le problème du positionnement des éditeurs, particulièrement les petits. Vaut-il mieux être le moins cher possible et viser le plus grand nombre, ou cibler le haut de gamme "bo-bo" pour faire court (et caricatural)? La voie la plus "généreuse", la plus idéaliste, d'une culture pour tous, est en fait impossible, car comment rivaliser avec librio, les mille et une nuits, les folio à 2 euros et toutes les collections économiques des grands éditeurs quand on ne l'est pas ? Du coup, il est beaucoup plus facile, moins risqué surtout, de s'adresser à la minorité possédante, d'autant que les tirages moyens de la petite édition se contentent largement d'une cible de quelques dizaines de milliers d'acheteurs potentiels. L'idéal y perd un peu, mais n'est pas Jean Vilar qui veut (et l'époque elle-même ne le veut plus). Et tout ceci n'a rien à voir avec la qualité littéraire, nous sommes bien d'accord, une bonne nouvelle vaut mieux que dix mauvais romans etc.
La baguette, l'essence, tout augmente, le livre suit, et le citoyen lambda ne suit plus...
La littérature, la culture en général doit prendre garde de tomber dans la logique de Pangbourne, pour faire référence à cette excellente et terrifiante nouvelle de J.G. ballard, "le massacre de Pangbourne", qui n'est d'ailleurs plus du tout d'anticipation. Constatant l'impossibilité du welfare pour tous, Ballard imagine un village idéal qu'un mur et des barbelés garde de la masse de l'humanité désavantagée. Soyons heureux entre nous puisque nous ne pouvons l'être tous. Traduit en termes culturels, cela donne : oui, la vie est dure, abandonnons donc l'idée de nous adresser à tous et cultivons nos beaux jardins littéraires entre initiés. le mur, les barbelés, c'est l'argent, l'accessibilité des lieux culturels (loin des banlieues par exemple), le "savoir élaboré", le raffinement du beau papier, du bel objet. Mais le titre de Ballard doit nous inciter à la méfiance : ces constructions sociales se terminent mal, en général. Pardon de dériver ainsi loin du Chemin de fer qui n'y peut mais, bien sûr.
Oh... "qui n'y peut mais" : merci pour cette expression que j'ai toujours plaisir à retrouver.
En fait, la dérive n'est pas si patente : en choisissant de proposer des textes illustrés, le Chemin de Fer se loge d'emblée dans une niche. C'est un choix, qui est celui d'un certain élitisme (les illustrateurs sélectionnés, peintres ou graphistes, ne relèvent pas du goût de M. ou Mme Toutlemonde, si je me souviens bien) et interdit l'approche de masse.
Après, il leur suffira d'un succès imprévu (puisqu'on a cité Matin Brun) pour que leur choix évolue peut-être.