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Limpide

aressy3.jpgProfil perdu, de Line Aressy - Editions MLD, collection Brèche

 

De la limpidité

En quelques textes économes, Line Aressy bâtit un univers narratif singulier, à la fois ténu et très émouvant, loin des modes et d’un certain brouhaha (littéraire, vraiment ?) ambiant — une prose limpide mais exigeante, où les blancs, calculés, prennent parfois autant d’importance que les mots, à l’image de certains silences finement captés ; comme pour cette femme croisée dans Le Présent : « elle parlait le moins possible. Si elle s’aventurait dans les rues, elle hochait simplement la tête pour dire bonjour. Il semblait qu’elle connaissait intimement le silence, qu’elle le buvait comme de l’eau. » Un silence fluide et fluctuant, qui peut traduire une profonde souffrance et contre lequel on se « cogne le front », puis s’apparenter à une harmonie retrouvée, lors d’une épiphanie qui marque un retour à la vie, quand tout semble à nouveau faire sens (Le Cerisier). Le silence, encore, dans Profil perdu, où la narratrice, confrontée au mutisme obstiné d’une vieille dame qui s’éteint peu à peu (comme déjà perdue, « absorbée entre le passé et le présent »), dit « se taire de toutes ses forces ».
Pourtant, se dégage souvent un sentiment de plénitude, comme s’il suffisait d’accéder à un état d’esprit qui permettrait de « goûter à grands traits le don du monde » (Sursaut), malgré les blessures ou la marginalité de quelques personnages, telle cette « Anna la folle », dont l’aspect repoussant n’est rien au regard de la totale liberté qu’elle renvoie au monde, à ceux qui la méprisent et qu’elle effraye (Cantique d’Anna).

Tout est question de vision, du regard que l’on choisit de porter sur les autres et sur leurs différences, voire leurs imperfections, une idée parfaitement exprimée dans La Fêlure, l’un des textes les plus réussis de ce court recueil, où la jeune narratrice accompagne sa mère chez un sculpteur ami ; à l’occasion d’une de ces visites, la fillette découvre un cimetière particulier, un fossé où le maître se débarrasse de ses œuvres ratées. Prise de vertige, elle demande à garder la sculpture au visage fissuré qu’elle était venue jeter : « je voulais seulement la voir à la lumière du jour, apprécier l’imperfection de sa forme, lui donner un peu de mon regard. » Donner un peu de son regard au monde environnant, à des choses proches et des êtres ordinaires, imparfaits, faillibles et fragiles, parfois silencieux et qu'il faut deviner à défaut de pouvoir décrypter, des êtres dont la beauté peut échapper de prime abord : tel est peut-être l’un des secrets que dévoile ce recueil lumineux.

(B. Longre, juillet 2008)

http://editions-mld.com

http://line.aressy.club.fr/index.html

Prochaine parution en automne 2008, aux éditions MLD : Chat blanc, récit suspendu.

Lien permanent Catégories : Critiques, Littérature francophone 2 commentaires 2 commentaires

Commentaires

  • Merci à vous, Blandine, de ce très bel article. Mérédith m'a immédiatement contactée, après que je l'avais fait pour elle d'ailleurs - bref nos messages se sont croisés - et elle me disait combien ses soucis de recherche de distributeur-diffuseur se sont trouvés pour un temps bien occultés par la lumière de vos propos sur le livre de Line Aressy.Line Aressy doit d'ailleurs venir à la librairie à l'automne prochain pour parler de son prochain roman que Mérédith publie. Bonne journée et haut les coeurs.

  • En effet,cet article est très beau, il sait (comme j'aurais aimé le faire aussi bien !) restituer le sens du texte et la limpidité de l'écriture de Line Aressy.J'en ai apprécié la simplicité et la beauté,j'aimerais que d'autres puissent également les découvrir.J'aimerais aussi que l'éditrice(éditions MLD) trouve les moyens de diffuser ses parutions pour pouvoir se consacrer sereinement à son travail ,des plus méritoires et oh combien difficile des nos jours!

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