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  • Epopée au féminin.

    foretelling2.jpgThe Foretelling / la Prédiction d’Alice Hoffman
    Traduit de l’anglais par Catherine Gibert
    Egmont / Gallimard Jeunesse, Scripto

    Dans une langue à la fois âpre et littérale, pourtant nimbée de poésie et ponctuée de passages qui résonnent comme d’anciennes litanies, La prédiction met en scène un peuple nomade de femmes guerrières du Prénéolithique, qui n’est pas sans rappeler, par leur farouche indépendance et leur méfiance haineuse envers le genre masculin, celui qu’a recréé David Haziot dans Elles – roman épique évoquant la chute du matriarcat et le long apprentissage du vivre-ensemble (Autrement Littératures).

    L’héroïne est ici une jeune fille, Rain ( « Pluie », tout simplement, dans la traduction française), rejetée par sa mère, la reine, depuis l’enfance. Mais d’autres membres de la tribu ont pris soin d’elle, des femmes maternelles ou versées dans le maniement des armes ; surtout, la jeune fille a pu apprendre à monter à cheval, l’unique moyen de combattre et de vaincre les tribus masculines et barbares dont les incursions sont récurrentes sur le territoire des femmes.
    Mais Rain, devenue habile cavalière, se sent différente de ses compagnes et sa quête identitaire traverse ce magnifique récit à la première personne ; son esprit s'absorbe dans d'insolubles questions qu'elle résoudra peu à peu : sa mère, si froide et distante, la destine-t-elle à devenir reine à son tour ? Veut-elle vraiment de cette fonction ? Comment ne pas faiblir à la bataille, quand l’odeur du sang lui répugne ? La pitié qu’elle éprouve parfois, un sentiment pourtant banni par son peuple, est-elle une tare ? Et que penser de cette prophétie que lui révèle la prêtresse et de ce cheval noir dont elle rêve chaque nuit ?

    foretelling3.jpgÀ la recherche de sa vraie nature, confrontée à des choix douloureux, elle découvrira qu’il est possible de vivre autrement, que d’autres désirs l’attendent, qu’il n’est pas toujours nécessaire d’avoir recours aux armes pour se défendre ou conquérir sa liberté, et que l’on peut parfois faire confiance à certains hommes – en qui ses sœurs amazones ne voient que des étalons dont la semence leur permettra d’engendrer d’autres filles… mais surtout pas de garçons, sacrifiés à la naissance ou confiés à d’autres tribus.

    Récit abrupt et sauvage, à l’image de l’univers hostile mais hautement vraisemblable réinventé par Alice Hoffman, La Prédiction est une aventure palpitante, une fable dont la morale est transposable à toute époque, mais aussi un roman d’apprentissage qui emprunte d’inattendus chemins de traverse et dont on sort bouleversé. Impossible de s’extraire du récit de Rain, qui happe le lecteur dès les premières lignes. Il est des romans publiés dans des collections «jeunesse » ou « ado » qui transcendent habilement les étiquettes et La prédiction en fait indubitablement partie.

    (B. Longre)

    http://www.egmont.co.uk/

    http://www.alicehoffman.com/index.html

    http://www.gallimard-jeunesse.fr/

    Lien permanent Catégories : Critiques, Littérature étrangère 0 commentaire 0 commentaire