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Leçon d'orthographe intelligente

sur nonfiction.fr

nonfiction.fr : Pourquoi, selon vous, assiste-t-on parfois à tant de réactions "passionnées" lorsque l'on parle de l'orthographe ?

Pierre Encrevé : Parce que les Français ignorent généralement tout de l'histoire de l'orthographe du français, langue dont ils semblent souvent penser qu'elle est la propriété privée de la France alors qu'on parlait français à Québec, Bruxelles ou Genève quand la langue commune était toujours la langue d'oc à Toulouse, l'alsacien à Strasbourg, le breton à Quimper et le basque à Bayonne. L'orthographe du français n'a pas cessé de varier depuis qu'on écrit cette langue, et c'est l'Académie qui a joué le rôle principal dans cette métamorphose continue des formes des mots, avec les nombreuses variantes co-existantes que cela entraîne dans les usages. Mais les français ont toujours tendance à croire que chaque mot possède, de toute éternité, dans le ciel des idées une forme graphique unique et perpétuelle à laquelle, par on ne sait quelle magie, les dictionnaristes et eux seuls auraient accès. L'École des "noirs hussards" chers à Péguy a beaucoup fait pour enraciner et répandre cette croyance naïve, fondée sur une ignorance soigneusement entretenue parce qu'indispensable à légitimer la sélection par l'orthographe. L'orthographe est une production culturelle multiple, complexe, et continue des écrivains, éditeurs, imprimeurs, lexicologues et lexicographes ainsi que des usagers ordinaires dont les prétendues "fautes" finissent souvent par s'imposer lorsqu'elles rectifient l'arbitraire de la convention.

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Commentaires

  • Amusant aussi de savoir qu'une réforme de l'orthographe a actuellement cours en France et que personne ne semble être au courant. Seul le Larousse, je crois (mais je n'ai pas les moyens de vérifier : à la maison, je n'ai que le très anarcho-conservateur Robert) en avance timidement les rénovations, prudentes et de surface, simplement correctrices des incohérences de notre langue (cas de doublement de consonnes, d'accents circonflexes et de trémas: par exemple, on écrit à présent "il parait" et non "il paraît"). Cela s'appelle l'orthographe rectifiée. Le sujet de l'orthographe est tellement lié à l'imaginaire politique centralisateur, en France (on le sait depuis Barthes), qu'on a cru bon d'éviter toute publicité sur cette question. Je crois que c'est plus sage effectivement. La formation des maîtres (zut, j'ai mis un circonflexe) en tient compte petit à petit. Les dinosaures que nous sommes (pardon pour ceux qui ne se sentent pas concernés) ne seront pas trop bousculés. Mais la réforme est si timide que les effets élitistes de la maîtrise de la langue ne seront pas gommés (alors que l'on n'a encore jamais vu un tel accès à la langue, à l'écrit et à la lecture dans nos démocraties occidentales). Nous allons nous retrouver avec une génération, au moins, le cul entre deux chaises, de toute façon écrasée par les difficultés du français et en double situation d'ignorance. Puis viendra la réforme phonétique...

  • Contrairement au Robert (je n'ai pas la dernière édition, mais celle de 2006...)ou à http://atilf.atilf.fr/, le Littré 2007 précise bien les deux orthographes possibles, sans prendre position ("maître ou maitre", paraître ou paraitre"...). Que chacun fasse comme bon lui semble... non ?
    Après, je ne suis pas certaine que les correcteurs professionnels (en particulier dans l'édition) acceptent ces nouvelles variantes - il faudrait leur poser la question...

  • Et pour info, le site officiel.
    http://www.orthographe-recommandee.info/index.htm

  • Je travaille avec deux SR (secrétaires de rédaction), et je peux te dire que non! De toute façon, ils n'en ont même pas entendu parlé et n'en voudront jamais rien savoir. Il faut dire qu'outre la syntaxe et l'orthographe, on s'emmerde déjà assez avec le code typographique de l'imprimerie nationale et avec les anglicismes vicieux... Le simple fait d'utiliser le Ramat en code typographique, qui est français-canadien, attire sur toi la suspicion, sinon le mépris.
    Pour l'orthographe, le blocus est naturel d'ailleurs, puisque dans l'édition, l'orthographe est un peu comme une "science normale", au sens de Kuhn. Il faut une rupture épistémologique pour changer de norme : une révolution "silencieuse" est fort improbable en l'espèce.

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